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DES HOMMES DES VRAIS

Gary L. Francione (1954)

Gary L. Francione (1954)

http://en.wikipedia.org/wiki/Gary_Francione

http://www.friendsofanimals.org/programs/animal-rights/interview-with-gary-francione-french.html

Extraits d'une interview du Professeur Gary L. Francione, professeur de Droit à l'Université de Rutgers, Faculté de Droit, sur l'état actuel du Mouvement Américain pour les Droits des Animaux (U.S. Animal Rights Movement)

Interview menée par Lee Hall, Amis des Animaux (Friends of Animals / FoA) | pour ActionLine (Eté 2002)

FoA: Que pensez-vous de l'état actuel du Mouvement pour les droits des animaux aux Etats-Unis?

Gary Francione: Il n'y a pas de mouvement pour les droits des animaux aux Etats-Unis. Il y a seulement un mouvement pour le bien-être des animaux qui essaie de mettre en avant une exploitation "humaine" des animaux. Pour pouvoir évoquer les droits des animaux, il est d'abord essentiel de comprendre les arguments de bâse, à la fois légaux et philosophiques, qui sous-tendent l'abolition. Logiquement, il n'est pas possible de réformer un système qui exploite les animaux: c'est l'exploitation que nous devons abolir. La position abolutioniste défend l'idée qu'il est moralement injustifiable d'institutionaliser la "propriété" d'un animal, tout comme il était injustifiable de le faire pour l'homme via l'esclavage.

Ceux qui militent pour une réforme du bien-être persistent à dire qu'il est acceptable d'utiliser les animaux si cela est fait "avec humanité". D'autres défendent les réformes du bien-être parce qu' ils croient que ces réformes vont éventuellement conduire à l'abolition. Je conteste ces deux approches pour deux raisons.

D'abord, théoriquement, une réforme ne satisferait pas à l'éthique. Bien sûr, il est toujours préférable de diminuer la souffrance plutôt que de l'accroítre, mais la question véritable est de savoir si l'homme a le droit de faire souffrir un animal parce qu'il est sa propriété. Ainsi, les réformateurs du 19ème siècle prétendaient qu'il était préférable pour un propriétaire d'esclaves de les battre quatre fois par semaine plutôt que cinq. Les abolitionistes, quant à eux, défendaient le fait qu'aucun être humain ne devait être la propriété d'un autre, car alors, l'être humain n'aurait eu aucune valeur sauf celle accordée par le maítre à l'esclave. La position abolitioniste s'érigeait contre le fait de battre les esclaves, parce que l'état d'esclave était en lui-même injustifiable et qu'il importait peu de savoir si l'esclave était traité "humainement". Un peu comme si accompagner les hommes sur le chemin vers les chambres à gaz (comme les Nazis le firent pendant l'Holocauste) avec un quatuor à cordes avait pu rendre le chemin plus humain ...

Si les animaux ont une signification morale, alors il faut abolir le droit de posséder des animaux. Nous devons arrêter d'élever ou de posséder des animaux domestiques ou d'utiliser des animaux sauvages pour atteindre nos objectifs. Mon opinion est que nous devons abolir l'esclavage animal et ne pas essayer de réformer un état de fait immoral.

La deuxième raison pour laquelle je rejette le militantisme du bien-être est que, en pratique, ça ne fonctionne pas. Nous avons des lois régissant le bien-être des animaux dans les pays occidentaux depuis plus de cent ans maintenant et elles n'ont pu réduire de manière significative leur souffrance ; pas plus qu'elles n'ont induit l'abolition progressive de pratiques cruelles.

Peter Singer disait récemment que l'accord donné par McDonald pour offrir un peu plus d'espace intérieur aux cages des batteries de poulets était l'avancée la plus significative pour les animaux de ferme depuis son livre La Libération Animale. Ainsi, 25 années de réformes pour le bien-être conduisent à un peu plus d'espace dans des cages... Peut-être que Peter trouve cela excitant; pas moi. Ceci est une preuve de ce que je disais déjà il y a 10 ans: les réformes pour le bien-être sont inutiles.

FoA: Pourquoi ne pas mettre vos idées en pratique sur le terrain?

Gary Francione: Avant d'entreprendre quoique ce soit de concret, il doit exister une théorie qui sous-tend cette action. Ainsi, un mouvement social se doit d'avoir une bâse théorique avant d'agir. Malheureusement, la position du bien-être de Peter Singer domine actuellement le mouvement. Cette position affirme que les militants devraient défendre toutes les mesures qui visent à réduire la souffrance. En pratique, cette théorie a eu des résultats désastreux. Presque chaque changement proposé, comme, par exemple, donner un peu plus d'espace dans les cages à poulets ou manger du veau élevé hors caisse est considéré comme réducteur de souffrance. La théorie de Singer permet ainsi à de grandes organisations pour le bien-être animal, rassemblant parfois plusieurs millions de dollars, de mener des campagnes de peu d'envergure en croyant que nous allons tous sauter dans le train simplement parce que la souffrance va être réduite! Si on suit la théorie de Singer, cela permettrait à ceux qui exploitent les animaux de faire des choses terribles sous couvert de réduire les souffrances et cela laisse la porte ouverte aux activistes. Or, c'est précisément ce que les exploiteurs font ( l'exemple de McDonald avec ses soi-disant améliorations le prouve). Et le "mouvement" y adhére simplement parce que Singer a déclaré que ces améliorations insignifiantes réduisaient la souffrance.

Je pense que nous avons besoin d'une théorie de remplacement. Et je ne suis pas irréaliste. Je reconnais que, même si nous adoptions une théorie abolitioniste, l'abolition n'interviendrait pas immédiatement. Le changement serait nécessairement progressif. Mais je considère que notre but implicite doit être l'abolition et que celle-ci entraínera des changements progressifs.

D'un autre côté, je pense, car cela n'est pas réaliste, qu'il ne faut pas s'attendre au fait que les industries qui utilisent les animaux à des fins lucratives pourront s'auto-contrôler. Comme je l'ai souvent remarqué, les lois sur "l'abattage humain" sont difficiles à imposer et les réalités économiques de l'industrie de la viande militent contre de tels standards d'auto-régulation. En sus, de telles lois accroíssent la souffrance générale, car elles permettent au public d'avoir meilleure conscience de manger de la viande ou d'accepter tout autre utilisation légale des animaux. C'est le vice caché du militantisme pour le bien-être des animaux.

Il y aura toujours des partisans du bien-être qui feront la promotion des attaches plus longues pour les esclaves et qui appelleront cela du changement progressif. Dans un livre récent, je démontre que la forme la plus importante de changement progressif est l'éducation du public face à cette nécessité de l'abolition. Nous n'en sommes pas là, car le mouvement américain a toujours été considéré comme assez radical. Nous ne voulons pas aller à contre-courant. Le problème est que le "courant" est pollué et donc que nous devons nous en éloigner.

A ceux qui proclament que l'abolitioniste n'a pas de stratégie à mettre en pratique actuellement, j'ai longtemps soutenu le contraire. Imaginez ce qui se passerait si le mouvement international pour les animaux lançait une campagne soutenue et centralisée en faveur d'un régime purement végétarien. Pensez à ce qui pourrait être fait si une partie importante de nos ressources pouvait être utilisée de telle sorte que les gens deviennent conscients du besoin de ne plus manger de produits animaux du tout. Au bout de 5 ans nous n'aurions certainement pas atteint un végétarisme mondial mais nous aurions probablement réduit considérablement la consommation de produits animaux , plus que si nous avions agi via des campagnes de « manger du veau rose (rouge?)».

Et à quoi aurions-nous renoncé si nous avions poursuivi ce chemin? Peter Singer pense que deux pouces [inches] d'espace en plus par cage est la meilleure amélioration pour l'élevage des animaux depuis les 25 dernières années; un autre argument serait de dire que 100 nouveaux végétariens dans 5 ans réduiraient plus la souffrance que cela.

Alors, quand commencerons-nous? Je comprends bien sûr que beaucoup de personnes qui occupent des postes dirigeants ne soient pas végétariens. De ce fait, ils trouvent difficile d'adhérer à un mouvement dont l'axiome principal est le végétarisme. Pourtant, le végétarisme est la seule issue à ce mouvement. Le végétarisme, c'est le principe de l'abolitionisme dans notre vie. Celui qui prétend être un défenseur des droits des animaux et n'est pas végétarien ne peut être pris au sérieux.

FoA: Est-ce que cela n'exclut pas un bon nombre de gens "bien-pensants"?

Gary Francione: Beaucoup de défenseurs disent qu'il est "élitiste" de considérer qu'il y a des causes morales comme le végétarisme. Mais c'est comme de dire qu'il est élitiste que le féminisme rejette le viol. Il est donc tout simplement inepte de maintenir qu'il est possible de défendre le droit des animaux et de continuer à consommer des produits animaux. Beaucoup de défenseurs pensent que le végétarisme est purement facultatif et que c'est une sorte de police du végétarisme qui insiste sur son adoption. Ce n'est pas très différent de dire, dans le cas de la défense des droits de l'enfant, que ceux qui condamnent la pédophilie sont une police pédophile. Si un défenseur des droits de l'enfant n'est pas membre de cette police pédophile, il n'est pas un défenseur des droits de l'enfant.

FoA: Y a-t-il d'autres obstacles qui empêchent de sortir le mouvement du marasme?

Gary Francione: La position de la défense des droits des animaux est de dire que l'exploitation institutionnelle doit être abolie et pas seulement réglementée. Mais les différents groupements et institutions qui s'impliquent dans la défense des animaux sont conscients du fait que les perspectives abolitionistes peuvent offenser certains donateurs. C'est pourquoi la position de beaucoup de groupes est déterminée par les dollars des donateurs.

FoA: Et donc, s'ils n'agissent pas pour abolir la propriété d'animaux, nous nous trouvons dans une funeste position?

Gary Francione: Très exactement. Et le bien-être des animaux - à la fois dans son contexte moral et dans son principe légal - demande en partie que nous contrebalancions les intérêts humains et non-humains pour déterminer si l'utilisation ou le traitement d'un animal en particulier est "nécessaire". Si l'intérêt humain est supérieur à l'autre, l'utilisation du traitement est considérée comme nécessaire et moralement ou légalement justifiable. Dans le cas inverse, l'utilisation est considérée comme inappropriée et donc moralement et légalement injustifiable.

Jusqu'à ce qu'une révolution de l'esprit humain se mette en place, il y aura toujours exploitation de ce qui n'est pas considéré comme humain et cela ne se passera pas sans que des visionnaires essaient de changer le paradigme qui légitimise la violence patriarcale. Actuellement, le rôle du juriste, défenseur des droits des animaux, n'est pas d'être une force première de changement du système. Comme juristes, nous faisons partie du système qui existe pour défendre les intérêts du droit à la propriété. William Kunstler, bien qu'il soit le plus éminent juriste en droit civil du 20ème siècle, m'a même dit un jour que je ne devrais jamais penser que le juriste est la "star" d'un spectacle. Notre travail de juriste est de maintenir les activistes sociaux à l'abri du danger. A mon point-de-vue, un juriste utile à la défense des droits des animaux devrait être un jour un juriste en criminologie, aidant les activistes qui sont accusés de désobéissance civile; un juriste en droit administratif un autre jour, aidant les activistes à obtenir une autorisation pour manifester; et un juriste en droit constitutionnel un autre jour encore, pour aider les étudiants qui sont contre la vivisection dans leurs cours, ou pour aider les prisonniers qui désirent une nourriture végétarienne. Ainsi le juriste peut servir et défendre le militant. C'est le militant qui aide à changer le paradigme. Sans des clients engagés qui reflètent un consensus social croissant, le juriste ne sert á rien.

Mais bien que je maintienne l'idée d'une indispensable révolution, laissez-moi préciser ce que je veux dire. Je suis parfaitement et sans équivoque contre toute forme de violence à l'égard d'humains ou tout autre forme de vie. Je suis fermement engagé dans le principe de non-violence. La révolution que je souhaite est celle du coeur: j'essaie d'amener les êtres (et particulièrement les hommes) à réfléchir et à rejeter la violence. J'essaie de faire disparaítre cette idée que certains êtres, qu'ils soient blancs, ou riches, ou humains en général, ont plus de valeur que d'autres formes de vie.

Si nous sommes sérieux dans notre action en faveur des droits des animaux, nous devons cesser de les utiliser pour nos propres besoins. Et cela est surtout valable pour les animaux domestiques.

FoA: Nous nous sommes entretenus... [précédemment] sur vos opinions concernant la loi connue sous le nom de CHIMP Act. Tragiquement vos mises en garde ne furent pas suivies. Comme vous l'aviez prédit une loi qui favorisait le statut de propriété de grands singes etait votée. Qu'est-ce que cela implique?

Gary Francione: Cette loi était soutenue par le PeTA, la Société Nationale d'Anti-Vivisection, la Société Américaine d'Anti-Vivisection et des membres influents du Conseil de direction de la Société d'Anti-Vivisection de Nouvelle Angleterre. Un tel soutien était un signal clair pour les scientifiques qu'ils pouvaient poursuivre leurs recherches psychologiques et biologiques, et qu'ils ne seraient pas inquiétés, voire qu'ils seraient aidés, par des groupes qui auparavant les avaient attaqués. Nous voyons donc à présent que les pratiquants de la vivisection ont à leur côté le PeTA, les groupes anti-vivisection et Jane Goodall. Qu'est-ce que cela signifie pour le futur? Il est devenu évident que l'utilisation d'animaux pour des expérimentations peut continuer sans critique majeure des mouvements pour les animaux; en fait, le mouvement réduit son opposition à la vivisection.

FoA: Nous devrions alors réveiller ce mouvement! Vous avez mentionné Peter Singer et le PeTA comme ne soutenant pas l'idée d'abolir le droit de propriété. Mais tous deux semblent publiquement représentatifs de ce que le mouvement pour les droits des animaux peut faire. Peuvent-ils être considérés comme responsables de la position inefficace de ce mouvement de défense?

Gary Francione: Ironiquement, Singer et le PeTA ont littéralement privé de sa substance le mouvement pour les droits des animaux aux Etats-Unis. Le président de PeTA ,Ingrid Newkirk, nous a informé que Peter Singer est un intellectuel qui considère toutes les facettes d'une solution possible. Newkirk défendait ainsi un essai appelé "Heavy Petting" dans lequel Singer n'avait rien contre l'idée d'avoir des relations sexuelles avec un veau ou de jeunes vaches. Textuellement: "Ils ont des pénis et des vagins comme nous et le fait qu'un vagin de veau puisse être satisfaisant pour un homme montre combien leurs organes sont similaires". Je peux éventuellement comprendre ce raisonnement pour les veaux mais j'abandonne pour les jeunes vaches.

Ensuite, nous avons l'exemple du PeTA montrant des exemplaires de Playboy au Capitol Hill afin d'attirer l'attention des législateurs. Le PeTA essaie de rendre trivial l'activisme, tout comme Peter Singer le fait pour la théorie des droits des animaux. A eux deux, ces gens contribuent à transformer une idée sérieuse en « peep show ».

Je pense que quelques-uns de ces leaders devraient prendre un temps de réflexion pour apprendre comment respecter la personne humaine avant de continuer leurs campagnes. Au lieu de finasser sur des nuances intellectuelles, le PeTA devrait être attentif au fait évident que lier la philosophie de Playboy avec les droits des animaux distille un message assez perturbant. Si les droits des animaux peuvent ouvrir un espace à la pornographie quelle sorte de mouvement social avons-nous là? Certains critiques ont dit que le mouvement pour les droits des animaux était affecté par les attitudes de personnes misanthropes. Il est temps de prendre cette critique au sérieux. Fondamentalement, il n'y a pas de différence entre traiter un humain ou un animal avec respect. Nos campagnes doivent se penser en termes holistiques.

Je voudrais inviter les défenseurs des animaux à réfléchir sur un principe fondamental: un changement radical -allant au plus profond des choses- ne peut pas être imposé par de grands conglomérats ou par ceux qui les courtisent. Il faut faire attention aussi au mot "expert". Quand nous nous référons plus particulièrement à une personne ou à un groupe plutôt qu'à une idée, comme point central du mouvement, nous accordons un grand pouvoir à cette personne, qui peut alors faire un tort considérable au mouvement. Le meilleur exemple est Singer lui-même. Des défenseurs ont favorisé -et même encouragé et facilité- sa mise-en-avant comme porte-parole incontournable des droits des animaux. Tous ceux qui ont lu avec soin son livre sur la libération animale savent que Peter Singer ne défend ni les droits humains ni ceux des animaux. Il maintient de manière constante qu'il est moralement acceptable de manger des animaux et de les utiliser de différentes manières (aussi longtemps que nous ne les faisons pas souffrir). Il considère aussi comme acceptable le fait de tuer des enfants gravement handicapés et d'utiliser des humains comme sujets non-consentants pour des expériences de recherche biomédicale, et ceci dans certaines circonstances. Récemment, il a même absous des actes sexuels entre des hommes et des animaux. Le mouvement en vient peu-à-peu à déifier Singer. Se poser en désaccord avec lui revient pour certains à un acte déloyal envers la cause de défense des droits des animaux! Le résultat est que le mouvement est maintenant encombré par un représentant qui défend McDonald, qui pense que certaines formes de vie considérées comme ayant moins de valeur peuvent être sacrifiées pour nous et qui déclare que "des relations sexuelles mutuellement satisfaisantes" peuvent être développées entre des hommes et des animaux.

FoA: Vous avez parlé de "schizophrénie morale" dans l'attitude de l'homme envers les animaux. Que voulez-vous dire par cela?

Gary Francione: La plupart d'entre nous vivent avec des chiens, des chats ou d'autres animaux et les estiment comme des membres de la famille. Par contre, nous enfonçons sans complexe nos fourchettes dans la chair d'autres animaux qui ne sont pas différents de ceux que nous considérons comme étant de notre famille. C'est un comportement bizarre quand on y réfléchit. Si on élargit cela au niveau social, presque tout le monde est d'accord sur l'idée qu'il est immoral d'imposer des souffrances inutiles aux animaux - et ceci implique dans tous les sens du terme qu'il est incorrect de faire souffrir pour s'amuser, avoir du plaisir ou par convenance personnelle. Après tout, une règle qui dirait que nous ne pouvons infliger des souffrances aux animaux, sauf si nous y prenons plaisir, serait absurde. Or, à ce jour, 99.9 % de notre utilisation des animaux ne peuvent être justifiés par autre chose que le plaisir. Nous sommes en 2002. Personne ne peut affirmer que nous avons besoin de manger de la viande pour nous maintenir en bonne santé. De plus, un nombre de plus en plus grand de professionnels de la santé soutiennent qu'il est néfaste pour la santé de manger de la viande et des produits dérivés animaux.

L'agriculture animale est un désastre écologique. Il faut entre 6 et 12 livres de protéines végétales pour produire une livre de protéines animales et produire une livre de chair plutôt qu'une livre de blé demande cent fois plus d'eau.. La meilleure justification que nous avons trouvé pour manger de la viande est que cela a bon goût. Celle pour justifier les rodéos, les cirques, les zoos, la chasse,etc. est que cela nous distrait. En bref, la culture occidentale déclare prendre au sérieux les intérêts des animaux (et nous disons tous être contre la souffrance inutile) mais nous imposons souffrance et mort à des animaux dans des situations qui n'ont aucune nécessité. C'est ce que je définissais comme de la "schizophrénie morale".

FoA: Votre point-de-vue a-t-il évolué ces dernières années sur l'activisme et les théories y relatives?

Gary Francione: Oui, je crois avoir modifié certaines approches. J'ai commencé par soutenir les défenseurs du bien-être. C'était au tout début de mon engagement et je croyais que cela serait porteur d'améliorations pour les conditions de vie animale. Je pensais que mettre l'accent sur leurs conditions de vie amènerait la suppression de leur utilisation dans l'industrie. Il m'apparaissait évident alors que favoriser le bien-être des animaux ne pouvait qu'agir dans ce sens. Ainsi, par exemple, si nous protestions contre l'établissement d'un camp de concentration, serait-il logique de militer pour des améliorations de conditions de vie dans ce camp? Non, puisque, implicitement, le seul fait de le créer impliquerait au départ que le camp soit satisfaisant tel quel. La seule chose appropriée alors serait de ne pas construire le camp ou de s'en débarrasser, car c'est l'idée de l'existence de ce camp qui est fondamentale. Nous sommes donc ici face, non pas à la manière de gérer les choses, mais face à leur existence.

FoA: Beaucoup de défenseurs du bien-être disent que vos opinions sont source de "division". Comment leur répondez-vous?

Gary Francione: Ne pas être d'accord n'est pas diviser. Je suis en désaccord avec les défenseurs du bien-être. Je considère le bien-être comme inefficace et anti-productif. Je pense que c'est une évidence empirique que le bien-être ne fonctionne pas. Malgré toutes les campagnes en faveur du bien-être de ce dernier siècle, nous utilisons les animaux de manière horrible, de manière encore plus intensive que jamais dans l'histoire. Mais il y a un point plus important: il n'y a pas de débat au sein du Mouvement américain pour les animaux. Si une campagne est lancée, nous sommes tous supposés la soutenir. Peter Singer et Ingrid Newkirk se plaignaient récemment que j'attaque leurs opinions en étant finalement du même côté. S'il y a une seule chose dont je suis certain, c'est que je ne suis pas du même côté. Nos vues sont différentes. Nous avons besoin de plus de débats sur nos désaccords au sein du mouvement, pas moins que cela. Et nous ne devrions pas avoir peur d'être étiquetés "source de division". C'est en fait une appellation uilisée par ceux qui n'ont rien à dire face aux critiques légitimes ou aux observations qui sont faites.

FoA: Certaines personnes pourraient dire que votre théorie sur les droits des animaux est une théorie du "tout ou rien" et que cela n'est pas juste de ne pas apporter d'améliorations au bien-être d'animaux qui sont vivants et qui souffrent. Cela dit, comme cela prendra beaucoup de temps avant que le droit des animaux soit reconnu et établi , y a-t-il un moyen efficace aujourd'hui pour aider les animaux qui souffrent?

Gary Francione: Devenez végétarien et consacrez au moins une heure de votre temps quotidien pour éduquer votre famille, vos amis, vos voisins ou toute personne qui voudra écouter vos arguments moraux et environnementaux en faveur du végétarisme. Je peux vous garantir qu'à la fin de l'année, vous aurez fait plus pour le changement en faveur de l'abolitionisme (et ses étapes de changement) que si vous aviez passé du temps à élargir les cages à poulets ou à militer pour des abattoirs plus "humains". Si vous souhaitez vous joindre à des campagnes législatives, rejoignez des campagnes abolitionistes et non des réformistes. Dans un de mes livres, je parle des critères qui permettent de distinguer les campagnes abolitionistes. Mais je ne peux que mettre en évidence le fait que l'action la plus importante est de devenir végétarien et de soutenir des programmes d'éducation en ce sens. Les campagnes en faveur du bien-être peuvent nous aider à nous sentir mieux, à nous déculpabiliser, mais elles ne font rien pour soulager la souffrance.

...Récemment, certains défenseurs de la cause animale m'ont demandé de définir quelques principes qui pourraient être utilisés comme un résumé de ce que je considère comme les bases morales des droits réels du mouvement pour les animaux.

La position de défense des droits des animaux soutient qu'il n'y a aucune forme de vie qui puisse être traitée comme la propriété d'une autre.

La reconnaissance de ce premier principe implique que nous devons abolir, et pas seulement réglementer, l'exploitation institutionalisée des animaux - parce que celle-ci implique que l'animal est la propriété de l'homme.

Tout comme nous rejetons le racisme, le sexisme, la sénilité, l'homophobie, nous rejetons la discrimination par l'espèce. Celle-ci n'est pas différente de celle contre la race, le sexe, l'âge ou l'orientation sexuelle qui entraíne une sorte d'exclusion de la communauté morale des humains.

Nous reconnaissons que nous n'arriverons pas à abolir en une nuit l'appropriation d'êtres vivants, mais nous ne soutiendrons que les campagnes ou les prises de position qui défendent explicitement l'évolution vers l'abolitionisme. Nous ne soutiendrons pas des positions qui appellent à une amélioration supposée de la réglementation de l'exploitation animale. Nous rejetons toute campagne qui favorise le sexisme, le racisme, l'homophobie ou toute autre forme de discrimination humaine.

Nous soutenons que le pas le plus important que chacun de nous puisse faire en faveur de l'abolition est de devenir végétarien et d'éduquer les autres en ce sens. Le végétalisme est le principe de l'abolition appliqué à sa vie personnelle et la consommation de tout produit viande, poisson, volaille ou produits dérivés, l'habillement ou l'utilisation de produits animaux, est incompatible avec la perspective abolitioniste.

Nous reconnaissons que le principe essentiel guidant le mouvement des droits des animaux est le principe de non-violence.

Traduit pour Amis des Animaux (Friends of Animals / FoA) par Les Amis de Guénady, Nice, France.