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Covid-19 : on ne traite pas une maladie sans en traiter d'abord les causes (4) / Comme si vous y étiez : la réalité des « marchés vivants » (« wet markets ») d'Asie

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                                                   Photo : Jo-Anne McArthur / We Animals

 

Le sang gicle à chaque coup de couperet. Les sacs en plastique bruissent car ils sont pleins de chair animale. Les machines cliquettent tandis que les clients attendent leurs achats : les corps démembrés des animaux fraîchement abattus.

C'est une journée ordinaire dans l'un des nombreux marchés vivants d'Asie.

Bien que le nom de « marchés vivants » soit devenu familier des lecteurs de la presse internationale concernant le COVID-19, manquent dans les informations délivrées les images brutes et troublantes de ce qui se passe sur ces marchés.

La photojournaliste Jo-Anne McArthur et la cinéaste Kelly Guerin de We Animals Media ont visité et documenté des marchés vivants à Taiwan, en Chine, au Laos, au Vietnam et en Thaïlande au cours des 12 dernières années. Les photos de Guerin et McArthur montrent d’une façon pratiquement inédite les conditions d’insalubrité dans lesquelles vivent les travailleurs dont les mains, les vêtements et les postes de travail sont imbibés de sang, la mutilation des animaux vivants et le pur chaos qui règne dans ces marchés.

« Le brouhaha des clients qui crient et marchandent est constant, tout comme le rugissement des scooters qui serpentent au milieu des rangées étroites des stands des fournisseurs », rapporte Guerin. « Les couperets découpent en rythme des morceaux de chair incroyablement gros, à proximité d’autres morceaux de viande et de jus. Parfois, les cris d'un animal pris au fond d’une caisse et qui tente une ultime évasion désespérée couvrent le vacarme omniprésent, avant d'être massacré et démembré devant un client. »

Le manque de couverture médiatique des marchés vivants est regrettable, mais pas surprenant. Parler des hôpitaux bondés, des rayons vides des supermarchés et de l'augmentation du nombre de décès permet de faire la une des journaux bien plus que de dévoiler les vérités inconfortables qui résident dans notre système alimentaire mondial. L'absence de reportages sur le bien-être animal dans les actualités est si dramatique que nous en savons presque aussi peu sur les marchés vivants asiatiques que sur les élevages industriels en Amérique.

« Nous montrons le gouffre qui existe entre l'animal vivant et les parties de son corps emballées, méconnaissables. Nous montrons la réalité de ces marchés vivants, véritables creusets de contamination croisée et de transmission des maladies », écrit Guérin. « Ces marchés sont la preuve de ce qui n’a cessé d’être vrai : qu’il s’agisse des porcs ou des pangolins, nous ne sommes jamais aussi éloignés des animaux que nous aimerions le prétendre. »

Rendre compte sur le terrain de l'exploitation animale est extrêmement éprouvant, mais nécessaire si nous voulons comprendre comment empêcher la prochaine épidémie d’advenir.

Le récit du COVID-19 en images

Selon une étude du Pew Research Center de 2019, plus de la moitié des adultes aux USA glanent la majorité de leurs informations sur les réseaux sociaux. Sentient Media a analysé la présence sur ces derniers de trois grands organes de presse afin de mieux comprendre la manière dont ceux-ci décrivent les marchés vivants d'Asie à leurs abonnés. Voici ce que nous avons trouvé :

Le New York Times compte plus de 70 millions de followers sur Facebook, Instagram et Twitter. Si le NYT a parlé des marchés vivants sur son site Web, ses plates-formes sociales manquent en revanche cruellement de photos de marchés vivants asiatiques, et plus précisément des animaux achetés et vendus sur ces marchés. En 2006, le NYT a même suggéré à ses lecteurs de les visiter à des fins touristiques.

Le Washington Post compte 23 millions de followers sur les trois mêmes plates-formes. Non seulement le WP, sur ses réseaux sociaux, néglige de publier des photos de marchés vivants, mais la couverture globale de son site Web sur le sujet est mince. Un article mentionne la chute du prix du poulet en Inde, car de nombreux consommateurs n'achètent plus de viande sur les marchés vivants, mais on ne voit aucune image desdits marchés. Un autre article sur le rôle du système alimentaire chinois dans la prévention des pandémies semblait prometteur, mais au lieu de publier les photos atroces de ces marchés, on y voit trois hommes tout sourire tenant dans leurs bras des chèvres vivantes. Une telle photo est loin de rendre compte du niveau abyssal de peur, de confusion et de souffrance que les animaux endurent.

HuffPost compte plus de 11 millions d'abonnés sur Twitter et plus de 23 millions sur les trois principales plates-formes. Sans surprise, on constate le manque dramatique de reportages multimédias sur les marchés vivants. Si vous recherchez les mots « wet markets » sur le site Web du HuffPost, l’absence de résultats est tout aussi préoccupante. Si un article les mentionne, illustré d’une photo des fruits de mer qui y sont vendus (ce qui est louable), cette photo ne rend pas compte de leur horreur intrinsèque.

Ces trois médias ont le pouvoir de toucher ensemble plus de 116 millions de personnes – soit environ les deux tiers de la population américaine - sur trois réseaux sociaux. Pourquoi ne l’utilisent-ils pas pour donner à voir la réalité des marchés d’animaux vivants à la source de COVID-19 ?

Les médias grand public peuvent atteindre chaque jour des millions, voire des milliards de personnes dans le monde grâce aux articles imprimés, aux articles en ligne, aux blogs et aux réseaux sociaux. Les gens leur font confiance pour rendre compte de la réalité et les informer au mieux de leur intérêt. Or ce n'est visiblement pas toujours le cas. Sentient Media croit en la divulgation des faits et en la responsabilisation - des valeurs que nous espérons partager avec les principaux médias.

Comme nous le constatons avec le traitement médiatique qui est fait du COVID-19, les médias grand public négligent de montrer les raisons pour lesquelles cette épidémie est advenue. Il est temps de lever le voile sur la réalité des marchés humides asiatiques et de signaler la vérité inconfortable qui se trouve au cœur du problème : notre consommation de chair animale.

Voir le reportage photo ici.


Couvrir COVID-19

Covid-19 est la pire pandémie mondiale que nous ayons connue depuis plus d'un siècle. Il est plus important que jamais de s'assurer que les faits sont intégralement rapportés, et non seulement ce qui nous arrange.

En ces temps incertains, aidez-nous à faire connaître la réalité des marchés vivants. Assurez-vous que le monde prenne conscience du fait que notre espèce ne peut pas survivre si nous continuons d’exploiter comme nous le faisons la planète et les animaux non humains.

https://sentientmedia.org/

https://sentientmedia.org/covid-19/

 

[Traduit de l'anglais par Méryl Pinque.]

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