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http://plaintecontre.wordpress.com/2013/09/19/ni-jeune-ni-jolie/
En mai, au festival de Cannes, François Ozon a présenté un film où une jeune fille de dix-sept ans, d’un milieu favorisé, sans aucun besoin d’argent, décide de se prostituer.
Le rôle est interprété par une mannequin correspondant parfaitement aux critères de beauté de son époque et on ne peut plus lisse.
Avec ce film, la mannequin devenue actrice a obtenu de nombreux articles, des couvertures de magazines, et les éloges d’un certain nombre de critiques (Télérama, Le NouvelObs, L’Express, Les Inrocks…).
Plusieurs de mes ami(e)s cinéphiles qui ont regretté de s’être déplacés pour ce qu’ils ont qualifié de « film médiocre » ou « vraiment mauvais », ont surtout souligné l’aspect totalement invraisemblable, voire ridicule, du scenario.
L’héroïne ne rencontre pas de vraie difficulté dans l’exercice de sa « distraction » et on est bien loin de ce que vivent les personnes qui traversent cette expérience dans le réel. Loin de dissuader les jeunes de ce que Ozon en interview qualifie parfois de « fantasme » ou, parfois, quand même, de « comportement à risque », cette histoire n’aurait donc évidemment aucune prétention à éduquer quiconque ou délivrer un message.
Sans doute est-ce un motif trop vulgaire pour le cinéaste…
Le film a déjà fait plus de 400 000 entrées en France avec dans les salles des spectateurs de tous les âges.
Trois mois avant, la marque Louis Vuitton avait eu la merveilleuse idée de transformer ses mannequins en prostituées de rue, déclinant cette mise en scène à la fois pour son défilé de mode et pour une vidéo promotionnelle.
Là encore les filles étaient magnifiques et magnifiées dans une perspective totalement irréaliste. Ni viol, ni coups, ni saleté, bien évidemment.
Faut-il donc rappeler que les prostituées ont entre 60 et 120 fois plus de risques d’être battues ou assassinées que les autres personnes et qu’elles connaissaient un taux de mortalité 40 fois supérieur à la moyenne nationale ?
« Dans une étude australienne (où l’exercice de la prostitution est légalisé), 81% des personnes interrogées ont déclaré avoir subi des sévices sexuels pendant l’exercice de leur activité.
A Glasgow, 94% des personnes prostituées de rue interrogées ont subi une agression sexuelle, 75% ont été violées par un client. »
80% des personnes en situation prostitutionnelle connaissent d’importants troubles psychotraumatiques : maltraitance, agression sexuelle pendant l’enfance, la corrélation entre la prostitution et les violences sexuelles subies pendant l’enfance est flagrante dans toutes les études :
« En 2008 une étude australienne montre que 75% des personnes prostituées ont subi des violences sexuelles avant 16 ans, en mars 2010 le CFCV montre dans une étude faite sur les 187 appels de personnes prostituées reçus à la permanence viols femmes-informations de 1998 à fin 2007 que 100% ont été agressées sexuellement avant d’avoir été exposées à la prostitution.
402 agresseurs ont été dénombrés soi une moyenne de 2,15 agresseurs par victime. »
Certes, le cinéma et le markéting du luxe sont à des milliers de kilomètres de ces abominations obscènes qui ne les concernent pas…
Mais là où Monsieur Ozon fait de la « fiction » et où l’industrie de la mode peut délirer avec des symboles qui ne font peut-être plus fantasmer que leurs acheteurs cyniques, aujourd’hui, en plein débat sur son abolition, les « journalistes » surenchérissent dans la mystification de la prostitution.
Mais celles et ceux qui connaissent la prostitution de l’intérieur ne supportent plus ces inepties, car à l’inverse de ces cas où la « création », « l’art » – disons plutôt le divertissement – pouvaient encore servir d’alibi, le journalisme a pour mission de donner de l’information.
Or, que ce soit par exemple dans les récents articles de Libé (très justement dénoncés par plusieurs blogues) ou sur Arte (qui n’est pourtant pas la chaîne télévisée la moins respectable) ces media imposent une vision tronquée, celle d’une prostitution « libre », d’un métier formidable que l’on choisit même quand on est issue d’une excellente famille et que l’on est entrée à Sciences Po : devenir "travailleuse du sexe".
Ils mettent en lumière le « S.T.R.AS.S », qui porte si bien son nom, une minorité bruyante et agressive qui recouvre la réalité de vernis et de paillettes et dont les moyens d’action sont des plus malhonnêtes, parfois même terrifiants.
Alors non, ces « journalistes » n’ont apparemment pas voulu rencontrer des survivantes de la prostitution, celles qui témoignent par ailleurs, celles qui ont été abîmées par la violence de ce quotidien qu’elles ont vécu, non ils ont choisi de rester dans un imaginaire qui les arrange, afin de pérenniser cette tradition de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants.
Ces « journalistes » emploieront encore cette euphémisme mensonger de « travailleuses du sexe » pour désigner les personnes prostituées.
Mais écoutons tour à tour Trisha Baptie, Rebecca Mott et Rosen Hicher :
"J’ai été prostituée plus de 15 ans et je n’ai jamais rencontré une seule « travailleuse du sexe ».
Pour moi, cette expression sort de la bouche des gens qui endossent et exploitent la chosification des femmes (…)
Pas une prostituée ne veut voir sa fille entrer dans cette industrie mangeuse d’âme.
Je suis contre ce prétendu « travail du sexe », parce qu’il affecte non seulement les femmes qui y sont mais toutes les femmes et notre rapport au monde.
Au Canada comme partout sur la Terre, des femmes – presque toutes appauvries et objets de racisme – sont amenées à cette industrie par la coercition, la violence et la tromperie.
C’est parce que je veux la liberté pour TOUTES les femmes que je suis contre l’industrie qui nous vend comme jouets de masturbation.
C’est une violence en soi, un viol, où l’argent ne fait qu’apaiser la conscience des hommes. (…)
Quant au soi-disant « libre choix » de se faire baiser plusieurs fois par jour par des hommes anonymes, mon expérience est toute autre.
Partout où il y a prostitution, il y a trafic sexuel, crime organisé, drogues et autres activités criminelles, et aucun pays n’arrive à les désenchevêtrer.
Alors, pourquoi laisser une minuscule minorité de gens nous imposer leur individualisme, quand nous savons que toute la société en souffrira, et que ce seront surtout les femmes pauvres et les femmes de couleur dont les droits humains seront bafoués pour maintenir l’offre de sexe aux hommes sur demande ?"
—
"Nous devons employer un langage qui désigne fortement et clairement cette destruction de notre être.
Pour moi, les mots « femme prostituée » expriment ce que j’étais et comment cela n’a jamais été de ma faute, mais toujours un projet délibéré de couler ma vie dans un moule infernal en me faisant croire que c’était mon choix.
Dire que l’on m’a prostituée, c’est attribuer carrément le blâme aux profiteurs du commerce du sexe, à chacun des prostitueurs qui ont fait le choix de me consommer, et surtout, c’est blâmer TOUS CEUX QUI SONT AU POUVOIR ET QUI NE FONT RIEN POUR METTRE FIN A LA PROSTITUTION ; en ne faisant rien, ils endossent la destruction de la classe prostituée.
Être désignée femme ou fille prostituée, objet d’une prostitution, c’est voir et savoir à quel point l’on est dénuée de contrôle, sans voix et sans droits humains fondamentaux.
Un des prétextes classiques pour ne pas employer ces mots, c’est de leur préférer plutôt l’expression « travailleuse du sexe », qui est apparemment politiquement correcte.
Mais comme le savent la plupart des femmes ayant quitté la prostitution, « travailleuse du sexe» est l’expression que cherchent à imposer les lobbyistes du commerce du sexe ; elle est utilisée pour prétendre que la prostitution est une partie normale de la vie et pour cacher toute la violence et l’avilissement infligés aux personnes qui sont prostituées.
« Travailleur du sexe » est une expression totalement choquante, et je ne l’emploierai jamais, sauf pour expliquer pourquoi ELLE NE DEVRAIT JAMAIS ETRE EMPLOYEE."
—
"Comment peut-on parler de choix … le choix d’une victime, le choix d’être chaque jour violée, je l’ai fait et pourtant, je le dis et redis, ce n’était pas un choix de carrière mais un choix de survie.
Toutes les femmes que j’ai rencontrées dans se système n’étaient pas volontaire mais s’étaient tout simplement égarées de la réalité.
La peur au ventre, elles allaient vendre leur corps, pour quelques deniers. (…)
Elles ont toutes souhaitées un jour une vie meilleure.
Elles ont toutes rêvées vivre autre chose.
Je suis et je resterai pour la pénalisation du client.
Etre client, c’est se donner tous les droits et même d’acheter un corps donc celui de violer."
—-
Puisque l’âge moyen d’entrée dans la prostitution selon est de 14 ans, revenons à nos journalistes et à ce film, « Jeune et jolie », qu’ils aiment tant…
Pourquoi n’ont-ils pas parlé des mineures dans cette émission hier ?
90% des prostituées sont victimes de proxénétisme, 90 % d’entre elles viennent de pays étrangers, à peine pourra-t-on entendre les faits, dans ce débat à cinq contre une, bien courageuse alors qu’ils ne lui laissaient pas finir ses phrases…
On comprend mieux pourquoi ce film d’Ozon a tant de succès auprès des « journalistes ».
Pour les esclavagistes de la deuxième moitié du XXe siècle et du début du XXIe, la propagande est facile avec ces images de cinéma, quand la prostituée est souriante, pimpante et joyeuse comme l’était Julia Roberts dans « Pretty Woman », quand elle est bien blanche, « Jeune et Jolie »…
Oui, il existe des prostituées jeunes et jolies.
Mais si ces journalistes voulaient parler des jeunes qui se prostituent, peut-être auraient-ils dû vraiment se pencher sur les 10 000 mineur(e)s prostitué(e)s en France et les 40 000 étudiantes pour lesquelles la précarité est le premier facteur d’entrée dans la prostitution.
Contrairement à François Ozon, la réalisatrice Emmanuelle Bercot, avant de filmer « Mes chères études », a non seulement eu l’intelligence mais surtout le mérite de se documenter sur son sujet.
Il y a une semaine, exaspérée par tout ce tapage autour de la prétendue puissance des femmes qui se vendent, j’ai juste écrit « prostitution étudiante » dans la barre de recherche de mon ordinateur.
Voici ce que j’ai trouvé en première réponse : un témoignage sous forme d’appel au secours sur le forum de « aufeminin.com » dans la rubrique « première fois » (!)
(Les messages postés sont copiés tels quels, mais l’orthographe a parfois été rectifiée en raison des difficultés de lecture. Les adresses email ont été supprimées.)
"Bonjour à toutes et à tous, voilà mon problème est simple et tristement réputé.
Je vis à Paris, je suis en 1ère année de fac sauf que financièrement je ne m’en sors absolument pas.
J’ai une vie familiale compliquée, mon père a sombré petit à petit étant alcoolique il a perdu son emploi, il a fait 4 cures de désintoxication mais rien n’y a fait il n’a jamais réussi à guérir, ses années de droits au chômage arrivent à terme dans peu de temps il n’aura donc plus aucun revenu, il vit chez ma grand mère et il ne peut pas même pas me donner ne serait ce que 20E par mois, ma mère gagne 1500E par mois ce qui tout juste suffisant pour payer le loyer et la nourriture…
Actuellement je fais des études de consommations pour essayer de me faire de l’argent et je garde un petit garçon le week-end et le soir après les cours, mais je suis en restriction permanente malgré tout pour tout, je peux à peine m’acheter quelques vêtements et pour les sorties je n’y pense même pas…
Je n’ai même pas le droit à une bourse !!!
Les revenus de ma mère sont jugés trop " élevés" pour…
En bref j’ai vraiment besoin d’aide, j’ai honte rien que de penser a me prostituer mais je ne vois pas d’autres choix pour avoir une vie plus convenable.
Le poids est lourd à porter, je ne peux pas en parler à mes amis, et je ne sais pas à qui ( où ) m’adresser pour ça.
SVP AIDEZ MOI, je suis prête à franchir le pas, si vous savez qui est intéressé ou autres envoyez moi un message.
Merci d’avance pour vos réponses."
Quelques personnes recommandent à cette jeune femme d’autres possibilités que la prostitution, lui disent d’aller voir une assistante sociale, des associations.
Mais j’ai été sidérée de lire l’abondance de propositions, des hommes qui se précipitent sur la chair fraîche qui leur est livrée en pâture.
Vito 75
Héy’ baby girl ;- ) Je ss intéressé !! contacte moi !!
rimk7593
Je suis interesser contacte moi par email
Phil7515
Bonjour.
Je viens de lire votre annonce. Je suis un gentleman fin quarantaine. Si je peux vous aider, pourquoi ne pas faire connaissance?
Au plaisir de vous rencontrer.
bonjourdeparis
moi je peux t’aider et meme te donner du plaisir !! contacte moi
gilldav2011
J’aimerais te rencontrer. Mon annonce est sérieuse. Je suis quelqu’un de propre et recherche une relation ephémère; N’hésite pas à me répondre.
Samirh6
je suis interesser par ton annonce, envoie moi une photo de toi par mail on se contacte
granadaheat
Si le besoin s’en fait sentir
Sérieux et avec délicatesse
Dispo demain
manub
Bonjour, je tombe par hasard sur votre message. Je suis un jh tres regulierement en deplacement à Paris, dans de beaux hotels et beaux lieu, peut etre voudriez vous m’accompagner de temps en temps, et nous pourrions discuter de ce que vous souhaitez comme relation et aide, merci de me laisser plus d’infos sur ce que vous desirerez, eventuellement un mail ou plutot un tel pour vous joindre, je serai sur Paris cette semaine et dispo.
Benoith5
Vas y fonce maintenant t’as pas d’autre solution si t’attends ce sera trop tard plus personne voudra de toi c sans doute le mieux à faire
Alexandrel15
bha moi je suis ok si tu veut
zinefifay
je suis très intéressé par ta proposition. Contactes-moi par mail.
mimichael
Bonjour,
Je suis intéressé pour te donner un petit coup de pouce en échange d’un moment intime.
Cordialement.
jamesboda
Bonsoir Mle, Toujours disponible ?
farwest31
Quand tu ve ma poule
slt jvien dlire ton message si tes envie sont tjr dactualite et bhe sache que je suis tres interesser contacte moi quand tu ve chui ouvert a tout
Vene361
Je t’attends si tu veux contactes moi
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Voudra-t-on encore nous faire croire longtemps que la prostitution n’est pas liée au désespoir et à l’exploitation de la détresse des femmes ?
Nous sommes loin, très loin de la top-model du cinéma et des fantasmes de tous ceux qui ne supporteraient pas une demi-journée de la vie d’une femme prostituée.
Mais il semblerait que certains aient des intérêts à faire croire que c’est une carrière comme une autre, et ils glorifient leurs nouvelles icônes qui ont réussi, des « escorts » comme Zahia aux actrices du X.
Pourtant, la pornographie, comme la prostitution, n’est ni « glamour » ni « fun ».
Hier j’ai reçu hier un courriel d’une femme qui, ayant vu mon livre Plainte contre X, me sollicitait à propos de la fille d’une de ses amies.
Voici ce qu’elle m’écrit :
"C’est une gamine qui aime faire des photos, très belle, elle est très naïve et s’est faite piéger par le X.
Très timide, rejetée elle voulait juste avoir des amis, être aimée et elle n’a rien trouvé d’autre pour dire "je suis là, j’existe regardez moi, et des manipulateurs libertins rigolos qui lui ont dit "profites"…
« Profite… », ça me rappelle le « vas-y fonce » du prostitueur sur le site aufeminin.com…
Qui profite de qui, ici ?
Entre 15 et 25 ans, j’ai moi aussi posé pour des photographes.
Certains me disaient aussi que j’étais « jeune et jolie ».
Pourtant, pendant toute cette période, je ne me sentais rien de cela.
Ni jeune ni jolie.
Quand Estelle dans mon livre Plainte contre X dit qu’elle a « grandi dans la pornographie », elle n’est malheureusement pas dans de la fiction.
Et tous ceux qui, en regardant son visage, son corps exposé sous tous les angles, filmé sur les écrans, n’ont pas vu sa détresse, n’ont décidément rien compris non plus.
Leur aveuglement peut devenir meurtrier.
Quelques liens :
http://www.franceinter.fr/depeche-il-ma-dit-tu-dois-me-payer-35-000-euros-jai-commence-a-pleurer-il-ma-frappee
http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_–Je-vivais-l-enfer-.-Debby-a-echappe-a-la-prostitution_39382-2229863_actu.Htm
https://www.youtube.com/watch?v=VM6U951GvS0
http://8mars.info/ulla?lang=fr
http://www.jolpress.com/article/le-rapport-choc-sur-la-prostitution-dans-le-monde-374420.html
http://stopauxviolences.blogspot.fr/2012/09/article-de-muriel-salmona-en-reponse.html