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Nouvel Obs (04/07) : la couleur du mensonge

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[Article approximatif et diffamatoire paru dans le Nouvel Obs de cette semaine (n°2216) sur les militants de la libération animale.

Il est en outre révoltant, de la part de Jean-Claude Guillebaud (cité), qui nous avait habitués à beaucoup mieux, d'établir un parallèle entre le nazisme et un mouvement d'émancipation.

Révoltant de songer même à faire ce parallèle tant il est insensé.

Révoltante, aussi, la manière dont la journaliste bâcle son travail et envoie au casse-pipe, avec une légèreté confondante, les personnes qu'elle cite parfois nommément dans son article, les mettant en relation plus ou moins directe avec l'ALF alors que toutes leurs actions sont légales.

Révoltant enfin le pouvoir d'une presse qui peut ainsi noyer d'un trait de plume mensonger tout un mouvement qui compte dans ses rangs des noms aussi symboliques que Théodore Monod, Marguerite Yourcenar ou Victor Hugo.]

*  *  *

Objet du délit :

Les enragés de la cause animale- "Bêtes et méchants"

Après l'Angleterre et les Etats-Unis, la France découvre les actions musclées de ces nouveaux fanatiques prêts à tout pour libérer les animaux du joug humain.

C'est son fils qui a constaté les dégâts. Michel Grama, lui, dormait encore. « Papa ! Ils t'ont crevé les pneus de ta bagnole ! » Les pneus, ça n'était pas le pire, non. Le plus choquant, c'était la peinture rouge sang, partout, sur la voiture, sur les murs de la maison. Avec ce mot tagué sur la façade en pierre : « Assassin ! » « Vous imaginez la réaction des voisins ? »

Bien sûr, il a porté plainte. Bien sûr, il s'est fait rembourser les dégâts. Mais la peur s'est installée. Assassin, lui, un modeste artisan fourreur ? Un confrère de Paris l'appelle pour le prévenir que son nom, son adresse et même son numéro de téléphone sont publiés sur un site internet. Il est la victime de fous furieux. Les enragés de la cause animale.

« Ne venez pas me parler d'écolos, s'insurge-t-il. Pour moi, ce sont des voyous! » Comme lui, d'autres confrères ont été pris pour cible : ils lui racontent les vitrines brisées, les enseignes détruites, le matériel volé... L'un d'eux a même reçu un colis piégé contenant des lames de rasoir.

La guerre, ces fanatiques l'ont déclarée à tous les « tortionnaires d'animaux » : les fourreurs, les « connards de chasseurs », les bouchers-charcutiers qui vendent des « morceaux de cadavres », les procorridas, les magasins de foie gras, les cirques, les laboratoires de vivisection...

Chaque fois, la même signature : ALF, pour Animal Liberation Front (Front de Libération des animaux), un groupuscule ultraviolent étroitement surveillé par les branches antiterroristes de Scotland Yard et du FBI (voir encadré).

Jusqu'ici épargnée, la France est à son tour touchée. Depuis un an, 54 « opérations » ont été revendiquées par l'ALF sur BiteBack, le webzine de l'organisation, dont 9 pour le seul mois de mars.

Profil de ces enragés ? Plutôt jeunes, actifs et insérés socialement. Chacune de leurs actions est minutieusement préparée : ils s'habillent de noir, enfilent des cagoules, se réunissent dans des lieux secrets, puis attaquent. Objectif ? Libérer les animaux dont l'homme a fait ses esclaves.

A 17 ans, Guillaume (1), longue tresse fine et rangers noires aux pieds, a déjà effectué plusieurs séjours en Grande-Bretagne dans des camps organisés par des groupuscules radicaux. Là-bas, il a reçu des cours d'autodéfense et a appris les meilleures techniques de « sabotage économique ». De retour en France, il crée dans sa fac de Nanterre un collectif, les Furieuses Carottes. Déterminé, il se dit prêt à aller en prison « si c'est le prix pour faire bouger les choses ».

Combien sont-ils comme lui ? Vingt, cent ou plus ? Difficile à dire. L'ALF fonctionne comme Al-Qaida, en cellules autonomes : pas de QG, pas de commandement centralisé. Dès lors, n'importe qui peut s'en revendiquer. Pour l'instant, en France, ça reste « gentil » : vitrines cassées, coups de téléphone pour intimider.

Parfois, ça va plus loin, comme en janvier dernier où un « commando de libération » a pénétré dans un élevage et a relâché 21 ragondins dans la nature. Si beaucoup nient leur affiliation avec l'organisation, tous prônent les actions de vandalisme, seule façon selon eux de faire bouger les choses : « Les mémères à toutous de la Fondation Brigitte-Bardot sont bien gentilles, mais que font-elles concrètement ? interroge Etienne.

En Grande-Bretagne, les militants d'ALF ont réussi à faire abolir la chasse à courre et à stopper les expérimentations d'un laboratoire de vivisection. » Bandeau noir sur une tignasse brune, cet éducateur de 34 ans a déjà plusieurs années d'activisme derrière lui.

En 2005, il a fondé avec un copain l'association Droits des Animaux, adepte de « hunt sabotage » : les jours de chasse à courre, ils mobilisent une trentaine de sympathisants et s'interposent entre les chasseurs et les animaux traqués. Leur plus grand succès : l'annulation du championnat du monde de déterrage de blaireaux en 2006.

« Il faut les prendre très au sérieux, explique Laurent Larcher (2), journaliste à Pèlerin Magazine. Ces groupes pourraient se retourner contre les humains, comme c'est le cas aux Etats-Unis ou en Angleterre. »

Antoine avoue à demi-mot être « passé de l'autre côté ». Un jour, presque par hasard, cet éducateur et kinésithérapeute visite un abattoir de viande chevaline. Un choc. « Il y avait trois mètres de merde et les cadavres de chevaux gisaient sous les vivants. »

Révolté, il décide d'enquêter pour « témoigner, faire bouger les élus et les services vétérinaires ». Pendant trois ans, il dresse des chiffres, établit des statistiques. Personne ne bouge.

Alors, un jour, il décide de faire justice lui-même : « enlèvements » de poulains maltraités. Et tabassages de quelques propriétaires peu scrupuleux des normes. « En dernier recours, jure-t-il. Pour les dissuader de recommencer. »

« Les animaux sont une cause sociale aussi importante que celle des Noirs ou des femmes », argumente Méryl Pinque, du Collectif antispéciste (3) de Paris. « C'est une idéologie dangereuse pour l'humanité de penser que les animaux ont les mêmes droits que les humains, dénonce Jean-Claude Guillebaud (4), écrivain et journaliste. Il s'agit là d'un antihumanisme qui ramène à la logique du nazisme.»

Eux se voient comme des libérateurs, des résistants de l'ombre. Ils prônent le véganisme, mode vie qui exclut toute utilisation de produits animaux. Vouent un véritable culte à Barry Horne, premier martyr de la cause, mort en 2001 d'une grève de la faim en prison. Et attendent le grand chamboulement. Ils s'y sont préparés.

« C'est une révolution éthique, dit Méryl. Nous voulons changer le monde. » Pour eux, ce n'est qu'une question de temps.

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Notes :

(1) Les prénoms ont été changés.

(2) La Facecachée de l'écologie, Cerf, 2004.

(3) Doctrine du philosophe utilitariste Peter Singer selon laquelle toutes les espèces vivant sur Terre sont égales et ont les mêmes droits (Animal Liberation, 1975).               

(4) Auteur du Principe d'humanité, Point, 2001.

Marie Vaton

http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2216/articles/a340857-B%C3%AAtes_et_m%C3%A9chants.html

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