Les premiers treehuggers étaient indiens : les Bishnoïs, histoire d’un sacrifice
Les premiers écologistes par conviction et philosophie vivaient dans le Rajasthan, au nord-ouest du sous-continent indien, dans la région de la ville bleue de Jodhpur. Les Vishnoïs, ou Bishnoïs selon les transcriptions du sanskrit, étaient les premiers treehuggers à embrasser les arbres au péril de leur vie.
A la fin du XVe siècle, un gourou philosophe du nom de Jamdeshwar (ou Jambha, ou Jambaji), voulut quitter sa caste de chasseurs pour édicter ses propres préceptes de vie. C’est ainsi qu’il convainquit les habitants de la région, quelques villages, de respecter 29 principes, dont l’obligation de protéger les animaux et les arbres. Beaucoup d’Indiens étaient déjà végétariens par nécessité économique, eux le devinrent par choix.
Les Bishnoïs refusent de s’agglomérer en gros village et encore moins en ville, afin de pouvoir conserver leur qualité de vie. Le nom de Bishnoïs découle du nombre des principes qu’ils respectent : vingt (bis) et neuf (noïs). Toute déviance par rapport à ces normes fut dès lors prévenue par un contrôle social non hiérarchique, et punie de bannissement à vie.
La non-violence fait en revanche partie des principes intangibles. En 1730, le maharadja de Jodhpur envoya ses soldats aménager une clairière. Voilà qui impliquait de couper le khmer, arbre typique du Rajasthan… et de passer sur le corps des Bishnoös ! En réalité, une discussion s’engagea tout d’abord avec les riverains, mais cela n’avait rien d’une consultation en vue d’un agenda 21.
Les femmes opposèrent un refus formel, mais les soldats sortirent les sabres de leurs fourreaux et les scies de leurs étuis. Une petite vieille décida alors de protéger un arbre en l’entourant de ses bras, un peu comme sur la photo en haut à droite de notre bien-aimé site ecopolit.eu, et toutes les personnes du village l’imitèrent en embrassant les arbres qui ne demandaient pas mieux que cet inattendu câlin.
1730, date mémorable et effroyable massacre de 363 victimes. Les tristes fifres du raja n’étaient pas de grands sentimentaux, et ils tranchèrent l’épineux dilemme dans le vif, en coupant pêle-mêle arbres, bras, jambes et têtes qui s’opposaient à leurs funestes desseins. Depuis, personne dans la région n’osa plus toucher à une tige des khezri majestueux, et les arbres, éparses, demeurent, tout comme les gazelles, les renards gris, les daims, les oiseaux, les lézards, les mangoustes et les cervipares.
Et il n’y a pas de passe-droit. En 1998, une star du cinéma indien (le sirupeux Bollywood) eut le caprice de vouloir abattre un animal pour son repas, déclanchant des émeutes et des grèves de la faim retentissantes. Depuis, et à leur corps défendant, les Bishnoïs jouissent d’une célébrité mondiale dont ils se passeraient bien. La venue des touristes leur est en fait assez indifférente, eux qui ne vivent que de millet, de moutarde et de sésame, décidant au moment de la mousson quelle culture sera la plus adaptée, selon des méthodes ancestrales et éprouvées.
Alors, même s’il est impossible de devenir un Bishnoï pratiquant à part entière - car il s’agit d’une caste à part où l’endogamie est absolue -, tous les amoureux de l’écologie politique peuvent sans danger adopter leur religion inoffensive et, armés de ces beaux préceptes un rien masochistes, partir à la conquête du monde.
http://ecopolit.eu/2007/08/15/les-premiers-treehuggers-etaient-indiens-les-bishnois-histoire-dun-sacrifice/
Link: Bishnois - Wegbereiter des Friedens
Link: Eco Dharma/Anglais - documentaire comprenant les images magnifiques et émouvantes
Link: Paving the Way for Peace : Living Philosophies of Bishnois and Jains