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L’histoire oubliée des mines d’uranium de la réserve Spokane

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L’écrivain américain Sherman Alexie, Indien Spokane et auteur, entre autres, du fabuleux Indian Killer évoquait récemment dans un article ses souvenirs d’enfance dans la réserve Spokane, où la population côtoyait les mines d’uranium.

Sa grand-mère est morte d’un cancer en 1980. Quelques années plus tard, sa mère et d’autres membres de la tribu ont marqué en rouge sur une carte toutes les maisons dans lesquelles quelqu’un souffrait de cancer. Les routes sur lesquelles l’uranium était transporté en camion étaient recouvertes de points rouges.

« Je me souviens avoir eu la certitude qu’à un moment de ma vie j’allais être malade », dit Alexie, l’auteur de succès qui vit a Seattle et qui a récemment gagné le prix National Book Award pour son livre. « J’ai peu de doute sur le fait que je vais avoir un cancer ».

Le site nucléaire de Washington Hanford fait régulièrement la une des journaux. Les compagnies et les autorités fédérales ne remplissent pas leurs obligations, à savoir aider financièrement les travailleurs de la mine qui sont tombés malades, et les habitants de la réserve ne savent même pas qu’un tel programme existe.

Dans la réserve Spokane, tout le monde a travaillé dans les mines d’uranium ou connaît quelqu’un qui y a travaillé. Et pourtant, aucun mémorial, aucune photo de ces ouvriers qui sont morts, pour la plupart, du cancer. L’attitude des gens envers la mine est ambiguë. Les habitants savent que leur terre a été empoisonnée, et qu’eux-mêmes le sont, mais ici, avec un taux de chômage s’élevant à 75%, travailler dans la mine semblait être la seule solution pour échapper à la pauvreté.

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Les inquiétudes sur le réchauffement climatique et la demande croissante en électricité conduisent certaines personnes aux Etats-Unis à considérer le nucléaire comme une solution qui mérite d’être prise en compte. Le prix de l’uranium explose, incitant les prospecteurs à retourner dans les collines. Une livre d’uranium était vendue pour 7.10$ en 2000. Aujourd’hui le prix s’élève à 90$.

« Les gens sont devenus fous d’uranium », dis Chuck Gulick, un inspecteur de mines de l’Est Washington. Au cours d’une récente réunion de l’Association de l’Extraction Minière du Northwest qui s’est déroulée a Spokane, il dit avoir été étonné par les discussions sur la reprise des explorations des mines d’uranium. « C’est comme si on revenait dans les années 70. C’est vraiment bizarre ».

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Le mot « uranium » peut évoquer les images du champignon atomique et des déchets toxiques. Mais dans la réserve il faisait partie de la vie de tous les jours.

Deb Abrahamson, la fondatrice d’un petit groupe d’activistes de la tribu qui demande le nettoyage de la mine, se rappelle son père, un travailleur du moulin, qui ramenait à la maison des billes dures de caoutchouc qui étaient utilisées pour écraser le minerai radioactif. Elles devenaient des jouets pour elle et ses frères et sœurs.

Enfant, Harold Campbell jouait dans la poussière sous les énormes chariots de minerai qui étaient garés près de sa maison. Il habitait à côté du moulin, dans une petite agglomération nommée « La Ville Uranium ».

Le corps de Chico Corral porte encore les cicatrices de son temps passé dans la mine. Il est tombé dans un trou et il s’est cassé le cou et quatre côtes. Il ramenait ses vêtements poussiéreux à la maison, ou sa femme les lavait. « Il y avait une machine à laver à la mine, dit-il, mais elle était toujours en panne ».

Les risques ? « Personne ne les connaissait. Nous ne faisions que travailler. »

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Est-il possible que le regain d’intérêt pour l’uranium déclenche une réouverture de ce site ? La compagnie estime qu’environ 3.5 millions kg s’y trouvent encore.

Plus d’un demi-siècle après la découverte de l’uranium par la tribu, les leaders montrent peu d’enthousiasme pour relancer l’exploitation. Mais la tribu n’a pas interdit l’excavation d’uranium, comme les Navajos l’ont fait en 2005.

Wynne, le conseiller de la tribu, dit avoir été contacté pour rouvrir la mine.

« Je ne vois pas ce projet avancer. Si je dois voter aujourd’hui ou demain, je voterai ’Non’. Je suis plutôt quelqu’un qui aime passer du temps à l’extérieur. Je suis vraiment proche de mes traditions, j’aime la nature et je ne crois pas que nous le ferons encore une fois ».

Sylvie Cardona

http://www.aves.asso.fr/article.php3?id_article=681

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