Le Nouvel Observateur : "Frères humains, devenez végétariens !"
Les bovins ruminent 30% de nos céréales.
Frères humains, devenez végétariens !
Il suffirait de renoncer à la viande pour soulager la pénurie de grains tout en préservant l'environnement et notre santé
"L'élite intellectuelle dans les pays développés trouve parfaitement normal de s'inquiéter de la surpopulation dans le monde, mais elle oublie toujours un fait. La vraie surpopulation, c'est celle du bétail."
L'auteur de ces phrases n'est pas un vachophobe excentrique ou un végétarien fanatique mais l'économiste américain Jeremy Rifkin, auteur, entre deux essais sur le travail ou les nouvelles technologies, du passionnant Beyond Beef, un essai sur l'impact dévastateur de l'industrie de l'élevage.
Surpopulation ? Avec 1,4 milliard de vaches, notre planète croule en effet littéralement sous le bétail : le poids cumulé de tous ces ruminants est supérieur à celui de toute la population humaine avec ses 6 milliards d'habitants !
Et c'est de pire en pire. La production de viande a été multipliée par cinq depuis les années 1950, pour passer à 265 millions de tonnes. Et devrait encore doubler sur les vingt années à venir.
De quoi affoler les experts en alimentation, qui se demandent bien comment la terre pourra nourrir les 3 milliards d'humains supplémentaires de ces prochaines décennies.
La concurrence entre les animaux d'élevage et les hommes s'annonce très rude. Car 80% de l'alimentation animale proviennent de cultures qui conviendraient également à la consommation humaine : maïs, soja.
A l'ère de l'élevage industriel, nos bêtes accaparent à elles toutes seules 60% de la production mondiale de céréales, soit 670 millions de tonnes ! Un volume qui suffirait amplement à nourrir les 850 millions d'êtres humains souffrant de malnutrition.
En fait, d'un point de vue malthusien, la viande n'est pas « rentable ». On estime qu'un végétarien consomme en moyenne 180 kilos de grains par an alors qu'un consommateur de viande en gaspille 930 kilos par an.
Pour comparer le rendement de diverses spécialités agricoles, les agronomes calculent un taux de conversion alimentaire qui correspond au rapport entre le nombre de protéines consommées et produites.
Pour obtenir 1 calorie de poulet, il faut ainsi environ 4 calories de nourriture végétale. Idem pour le porc ou les oeufs. Pour le lait, on grimpe à 8. Et pour le boeuf, à 17, voire bien plus !
En comparaison, la pomme de terre est bien moins gourmande, son taux de conversion n'étant que de 0,46.
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Et encore, on ne compte pas les besoins en eau : pour produire 100 grammes de boeuf, il faut 25 000 litres d'eau.
Glouton, notre cheptel est aussi expansionniste. Au total, l'élevage et la production des aliments pour le bétail squattent 78% des terres agricoles mondiales, soit 30% de toute la surface du globe, trois fois plus qu'en 1960.
« Sur un hectare de terrain, un agriculteur peut nourrir une trentaine de personnes s'il le consacre à la culture de légumes ou de fruits. S'il produit des oeufs ou de la viande, le ratio passe à cinq personnes. Et à beaucoup, beaucoup, moins, s'il ne s'agit que de viande rouge », dit ainsi Bruno Parmentier, auteur de Nourrir l'humanité et directeur de l'Ecole supérieure d'Agriculture d'Angers.
Des périls verts à quatre pattes
Le plus insensé ? C'est que toute cette bidoche est en priorité destinée à 0,1% de la population de la planète, l'infime petite minorité des riches de ce monde.
Notre consommation de viande est passée de 30 kilos par personne et par an en 1919 à plus de 100 kilos aujourd'hui. C'est trois fois plus que la quantité préconisée par les organismes de santé.
Non seulement notre régime carnivore affame la planète, mais il nous tue aussi par la recrudescence des maladies de « biens nourris » : accidents cardiovasculaires, diabète, obésité...
Et pour ne rien arranger, il contribue au réchauffement climatique. Selon un rapport publié en 2006 par la FAO, l'élevage est responsable de 18% des émissions des gaz à effet de serre. Soit plus que le secteur des transports !
Avec leurs flatulences chargées de méthane, leurs tonnes de fumier gorgé de gaz hilarant, le fameux NO2 également des plus nocifs, sans compter les émissions d'ammoniac synonymes de pluies acides et leurs déjections qui polluent les nappes phréatiques, nos charmants bovins sont des périls verts à quatre pattes.
L'extension de leurs pâturages fait des ravages. En Amérique centrale, 20% des zones sylvestres ont déjà été ratiboisées. Et c'est encore pire au Brésil, où 38% de l'Amazonie ont été sacrifiés pour les bovins.
Une déforestation qui s'accélère avec les immenses plantations de soja destinées à nourrir nos vaches, toujours elles.
Mon royaume pour une entrecôte.
Doan Bui pour Le Nouvel Observateur
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http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2270/articles/a374222-.html