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Inde : la prostitution et la pornographie en cause dans la violence contre les femmes

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De Ruchira Gupta

(Traduit par Martin Dufresne, samedi 5 janvier 2013, 19:23)

Une notion aussi cruelle que grotesque a fait surface depuis le viol de l'étudiante de 23 ans à Delhi le 20 décembre 2012 - celle que la prostitution devrait être légalisée parce que 'les hommes seront toujours des hommes' et que s'il existe des prostituées, les filles de 'bonnes' familles ne seront pas violées.

Outre la suggestion très élitiste que des femmes pauvres devraient être sexuellement disponibles pour protéger les femmes des classes moyennes, cette notion constitue une insulte envers la plupart des hommes, qui ne souffrent pas d’un désir sexuel débridé.

La plupart des hommes ne violeront pas de femmes, s’ils ne peuvent y avoir accès autrement.

La plupart des hommes, comme la plupart des femmes, savent qu’il existe un temps et un lieu opportuns pour les rapports sexuels et bâtissent des relations en fonction de cela.

Ils ne voient pas le viol comme du sexe, mais comme de la violence.

Cependant, la masculinité de la minorité d'hommes qui violent des femmes n'est pas remise en question par leurs semblables.

Les hommes se taisent, même lorsqu’ils n’endossent pas les actes de violence et de domination sexuelle commis par d'autres hommes.

Ils s'en tiennent au code d'honneur tacite qui règne entre hommes en dénonçant et en signalant les comportements de violence et de harcèlement sexuel.

Cette politique masculine a pour effet de donner libre cours au culte de la masculinité qui crée des crimes de suprématie.

Damini (un pseudonyme) n'a pas seulement été violée mais monstrueusement pénétrée avec plusieurs objets, la mutilant et provoquant en fin de compte son décès, ce qui démontre que les actions des violeurs étaient fondées sur une volonté de domination et de transgression.

Toute légitimation de la prostitution et de la traite n’aura pour effet que de valider le mythe de la suprématie masculine, multipliant de tels crimes.

Il ne manque pas de femmes en prostitution.

Le Central Bureau of Investigation (CBI) reconnaît l’existence de trois millions de femmes prostituées dans notre pays.

Pourtant les données recueillies par notre Bureau national des statistiques de crimes montrent que les cas de viol ont augmenté de 873 pour cent de 1953 à 2011.

Il est donc évident que la cause profonde du viol n'est pas un manque d'accès à des rapports sexuels mais une haine pour les femmes et un désir de faire violence à leurs parties génitales.

En fait, ces données indiquent peut-être que l'existence de la prostitution normalise une culture du viol.

Les cultures de viol sont nourries par les normes, les attitudes et les pratiques qui banalisent, tolèrent ou même endossent la violence infligée aux femmes.

Ces cultures sont d’autant plus normalisées lorsque les auteurs d’agressions bénéficient d’une impunité, soit en raison d'un manque de mécanismes juridiques efficaces soit à cause d’une apathie à intenter des poursuites pour les crimes commis contre des femmes.

Le rôle de la pornographie

Ces normes misogynes sont même promues par l'industrie du sexe qui en tire des profits énormes.

L'Inde est devenue le troisième principal consommateur de pornographie dans le monde.

Des films et des CD pornos sont vendus à tous les coins de rue, ainsi bien sûr que sous formes d’applications de téléphonie et d'Internet.

Pour beaucoup d’enfants de 12 ans, leur première vision de la sexualité est un personnage de femme qui apparaît sur écran LCD, pénétrée par tous ses orifices, le visage inondé de larmes, mais en réclamant encore plus.

Ce message socialise beaucoup de garçons à croire que la sexualité est nécessairement affaire de violence et de domination et que, lorsqu’une femme dit non, elle veut dire oui.

Je serais curieuse de savoir si les enquêteurs ont pensé à demander aux violeurs de Damini si ceux-ci ont déjà visionné de la pornographie et en quelle quantité.

La réponse à cette question appellera sans doute des mesures correctrices, en plus d’une punition des coupables individuels.

Elle exigera peut-être un examen attentif d’une industrie du sexe multimilliardaire qui crée certaines notions de masculinité de plus en plus dominantes, plutôt que de servir à contrer la violence et le viol dans notre culture.
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Ruchira Gupta est fondatrice de l'organisation Apne Aap Women Worldwide (http://www.apneaap.org/ ), qui travaille à soutenir des femmes en prostitution.

Liz Ford a consacré une entrevue à son travail abolitionniste le 4 décembre dernier dans The Guardian : "Sex work activist takes aim at 'pimps and johns' of the prostitution trade" - http://www.guardian.co.uk/global-development/2012/dec/04/sex-work-pimps-johns-prostitution

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