L'Equateur renonce à sanctuariser le parc Yasuni pour en exploiter le pétrole (Le Monde)
"Que le gouvernement, qui se dit démocratique, organise une consultation populaire sur l'exploitation du pétrole, pour que le peuple décide seul du futur de Yasuni, une réserve naturelle unique dans le monde."
Le mouvement d'Indiens Ecuarunari – qui regroupe douze communautés indigènes – a vivement réagi à la décision du président équatorien Rafael Correa (gauche), annoncée jeudi 15 août, d'autoriser l'extraction de l'or noir dans le parc national Yasuni, dans l'est du pays.
Si le Congrès donne son feu vert, "la mobilisation commencera et ça ne sera qu'un échauffement", prévient le président d'Ecuarunari, Carlos Pérez.
Jeudi, des dizaines de militants écologistes ont manifesté devant le palais du gouvernement, exigeant eux aussi une consultation populaire.
L'exploitation du pétrole du Yasuni sonnera le glas d'une initiative écologique emblématique, saluée comme un exemple de coopération internationale en faveur du développement durable.
4 000 ESPÈCES VÉGÉTALES ET PLUS DE 1 000 ESPÈCES ANIMALES
En 2007, devant les Nations unies, M. Correa avait fait sensation en lançant le projet Yasuni-ITT – initiales de trois champs pétroliers (Ishpingo, Tambococha et Tiputini) –, dans lequel il s'engageait à interdire les forages moyennant une compensation financière internationale.
Renoncer à exploiter ce gisement de 850 millions de barils – 20 % des réserves du pays – éviterait, plaidait-il, l'émission de 400 millions de tonnes de CO2.
Et préserverait ce territoire amazonien d'environ 10 000 km2.
Déclaré, en 1989, "réserve de biosphère" par l'Unesco, le parc Yasuni, où vivent des communautés indigènes isolées, est couvert d'une forêt tropicale dont la biodiversité est une des plus riches au monde, avec 4 000 espèces végétales et plus d'un millier d'espèces animales.
En contrepartie, l'Equateur demandait à la communauté internationale de lui allouer, sur treize ans, la moitié des recettes pétrolières attendues, soit 3,6 milliards de dollars (2,7 milliards d'euros).
Cet argent devait être réinvesti dans les énergies renouvelables, le soutien aux populations locales et la protection des parcs naturels.
LE FONDS N'AURAIT REÇU QUE 0,37 % DE L'AIDE ESCOMPTÉE
En 2010, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) signait avec Quito un accord créant un fonds d'affectation spécial pour le projet Yasuni-ITT.
"Un bon exemple de l'efficacité des idées innovantes, combinées à des partenariats solides, pour faire avancer le développement durable", saluait Helen Clark, administratrice du PNUD.
Mais, selon le président équatorien, le fonds n'aurait reçu que 13,3 millions de dollars – 0,37 % de l'aide escomptée –, versés par des entreprises privées et plusieurs pays (Belgique, Chili, Espagne, France, Italie ou Indonésie).
S'y ajouteraient 116 millions de promesses, loin du compte donc.
"Le monde nous a laissés tomber", a déclaré à la télévision M. Correa, dénonçant "la grande hypocrisie" des nations les plus émettrices de gaz à effet de serre.
"Ce n'est pas la charité que nous demandions à la communauté internationale, mais une coresponsabilité face au changement climatique."
En Equateur, certains mettent en doute la sincérité de l'engagement écologique du chef de l'Etat, réélu dès le premier tour en février 2013.
"En 2006, Rafael Correa est arrivé au pouvoir avec un programme progressiste, largement inspiré des propositions du mouvement social, des Indiens et des écologistes.
Mais il a fait marche arrière sur un certain nombre de points essentiels, jugeait, au lendemain de l'élection, Luis Saavedra, de l'organisation non gouvernementale de défense des droits de l'homme Inredh.
Le projet Yasuni est de la propagande à l'intention de la communauté internationale."
UNE DES PRINCIPALES RESSOURCES DU PAYS
Le pétrole est l'une des principales ressources du pays, qui en produit 500 000 barils par jour.
Les forages du Yasuni ne concerneront qu'un millième de la superficie du parc national, fait valoir M. Correa.
Sa ministre de l'environnement, Lorena Tapia, promet que "le gouvernement exercera un contrôle environnemental" et que le Yasuni "restera plus intact que jamais".
En dépit de ces assurances, Humberto Cholango, président de la Conaie, une des plus importantes organisations indiennes du pays, a lancé, vendredi, un appel à "tous les Equatoriens, qui doivent défendre Yasuni et les peuples indiens isolés".