Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes veut faire de la prostitution un délit (Le Monde)
Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH) recommande, dans un avis rendu public mardi 5 novembre, que le recours à une prostituée devienne un délit et non une contravention, contrairement à ce que propose une proposition de loi qui sera examinée à l'Assemblée fin novembre.
Le HCEFH, organisme consultatif, a rendu un avis "favorable" à la proposition de loi déposée le 10 octobre par le groupe socialiste et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR).
La présidente du HCEFH, Danielle Bousquet, ancienne députée des Côtes-d'Armor auteure d'une résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution, "salue et juge incontournable la cohérence globale du texte qui vise à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel tout en renforçant le soutien aux victimes".
"INVERSION DE LA CHARGE PÉNALE"
L'organisme se félicite notamment "de la volonté du législateur" de "procéder à une véritable inversion de la charge pénale", en abrogeant le délit de racolage public qui pénalise actuellement les prostituées, et en sanctionnant les clients qui ont recours à leurs services.
Mais, alors que la proposition de loi prévoit une contravention de 5e classe pour les clients (1 500 euros d'amende, doublée en cas de récidive), le Haut Conseil "appelle à revoir la nature de l'infraction, en faisant du recours à la prostitution un délit". "Sans que ce délit soit nécessairement assorti d'une peine de prison", nuance-t-il. "L'enjeu se situe en effet davantage en terme de nature de l'infraction" qu'au niveau de la peine, ajoute l'avis.
L'instauration d'une contravention de 5e classe "pose la question de l'échelle des peines", insiste le HCEFH, car le recours à la prostitution serait alors "puni de la même manière qu'un trouble à l'ordre public, tel le fait de déposer avec sa voiture des ordures en dehors des emplacements prévus à cet effet". Il serait même "moins puni que la répétition d'appels téléphoniques malveillants" par exemple, insiste l'organisme.
De plus, les auteurs de contravention étant renvoyés devant le tribunal de police, alors que les auteurs de délit sont renvoyés devant le tribunal correctionnel, "la valeur pédagogique du rappel à la loi serait affaiblie", insiste le Haut Conseil.
"STAGE DE RESPONSABILISATION À L'ACHAT D'UN ACTE SEXUEL"
Parmi 18 recommandations, le Haut Conseil suggère aussi que le "stage de sensibilisation aux conditions d'exercice de la prostitution", proposé également pour sanctionner les clients de prostituées, se transforme en "stage de responsabilisation à l'achat d'un acte sexuel".
Le texte salue par ailleurs "l'abrogation du délit de racolage" et appelle "à ce que les mentions concernant des condamnations antérieures à la loi pour délit de racolage soient effectivement effacées des casiers judiciaires".
En matière d'accompagnement et d'aide aux prostituées souhaitant sortir de la prostitution, le HCEFH préconise d'exclure de "l'attribution de l'agrément permettant aux associations de prendre en charge des 'parcours de sortie de la prostitution'" les associations non abolitionnistes, c'est-à-dire celles qui agissent auprès des prostituées sans pour autant défendre l'abolition de la prostitution. Cela pourrait ainsi exclure Médecins du Monde, par exemple.
La proposition de loi prévoit qu'une autorisation provisoire de séjour de six mois "peut être" délivrée aux prostituées étrangères victimes de proxénétisme et engagées dans un parcours de sortie de la prostitution sans qu'elles soient obligées de dénoncer leurs réseaux. Mais le HCEFH recommande que l'attribution de cette autorisation soit "extraite du pouvoir discrétionnaire du préfet lorsque les conditions d'attribution sont réunies".
Il préconise aussi "le renouvellement" de cette autorisation de séjour "tout au long du parcours de sortie et d'insertion socio-professionnelle", et suggère d'octroyer le RSA aux prostituées étrangères ayant dénoncé leur réseau.