Economie, littérature, même invisibilité des femmes
Comment les femmes voient-elles le monde ? Peu nous chaut, semblent dire des magazines économiques et littéraires.
Sur « les 20 livres qui ont changé votre vie » seulement deux sont écrits par des femmes : le Journal d'Anne Franck et Harry Potter. Voilà la réponse à la question posée par l’émission « La grande librairie » de France 5 à ses téléspectateurs et téléspectatrices (voir le palmarès ici). Bien sûr c’est un vote du public. Mais si les femmes qui écrivent étaient plus visibles, plus facilement éditées et moins caricaturées, les fidèles de l’émission auraient découvert leur talent, les auraient aimées avant ce vote…
Cache-sexe contre l’oubli
N’oublions pas que George Sand a préféré prendre un nom d’homme pour éviter que son œuvre ne tombe dans les oubliettes de la littérature et que l’éditeur de Harry Potter a conseillé en un premier temps à son auteure, JK Rowling, de n’inscrire que les initiales de son prénom sur le livre et de rester discrète jusqu’au succès de ses romans. A ce moment-là les fans ont découvert qu’elle était une femme. Il a fallu cacher son sexe pour que les critiques la prennent au sérieux.
Même invisibilité dans le magazine « Lire ». La rédaction a organisé le prix des 20 meilleurs livres de l’année… et n’a choisi qu’un seul ouvrage écrit par une femme : « Réparer les vivants » de Maylis de Kerangal.
Héritières, compassionnelles ou décoratives
Côté presse économique, c’est le magazine Challenges qui atteint des sommets cette semaine avec une couverture consacrée à 15 patrons auxquels le magazine a demandé de faire des propositions contre le chômage. Sur les 15, une seule femme… et 14 hommes parmi lesquels certains ont quelques casseroles et autres retraites chapeau. Et cette désagréable impression de mépris se confirme au fil des pages où les femmes sont d’une discrétion à toute épreuve. On y voit ici ou là une héritière, une femme primée pour son action compassionnelle, une DRH en photo format timbre-poste et une PDG qui a l’air d’être là par accident.
Et à la fin du journal, nouveau club de vieux garçons : un sujet sur « les vrais pilotes de la croissance ». Comme le classement est fait sur les patrons des entreprises du CAC 40, aucune chance d’y voir une femme. Et le magazine se referme sur une page de publicité pour un parfum avec une belle femme habillée en sirène. Sirène oui, dirigeante non.
Sur son site cependant, Challenges met en vedette Martine Aubry et Anne Hidalgo respectivement maire de Lille et maire de Paris. Elles s'opposent à la loi Macron. Mais le magazine ne peut s'empêcher de faire remarquer qu'elles sont des femmes avant d'être des responsables politiques. Le titre : "Hidalgo et Aubry jouent les Dames de pique" et, en photo d'appel : "les pétroleuses du dimanche soir"... Autant de symboles qui les ramènent à leur sexe. Le point de vue des femmes sur le monde n’intéresse pas ceux qui dirigent les journaux, l’économie, l’édition...
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