"Le Premier ministre Edouard Philippe vient d’Areva et n’a pas la fibre écolo" (Reporterre)
Édouard Philippe a été directeur des Affaires publiques d’Areva de 2007 à 2010. Il a également voté contre les lois de transition énergétique et sur la biodiversité et s’est dit favorable à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le signal envoyé aux écolos est inquiétant.
C’est le premier signal négatif adressé par le nouveau président de la République aux écologistes. Lundi 15 mai, Emmanuel Macron a nommé à la fonction de Premier ministre Édouard Philippe, député (Les Républicains) de la 7e circonscription de Seine-Maritime, maire du Havre et président de la communauté de l’agglomération havraise. Mais ce diplômé de Sciences Po Paris et de l’ENA a également été directeur de la communication et directeur des affaires publiques d’Areva de 2007 à 2010. Un passé qui jure avec l’objectif du patron d’En marche ! d’abaisser à 50 % la part du nucléaire dans le mix énergétique français et qui ne rassure guère sur le projet d’enfouissement des déchets nucléaires Cigéo.
Contactée par Reporterre, la multinationale de l’énergie spécialisée dans le cycle de vie du combustible nucléaire n’a pas souhaité faire de « commentaire ». Une enquête publiée dans Charlie hebdo en avril 2009 indique qu’Édouard Philippe, « lobbyiste », était « chargé des relations avec les élus » et notamment des parlementaires chargés du Niger — entre autres Marc Vampa, alors député de l’Eure et président du groupe d’amitié France-Niger à l’Assemblée nationale. « Il a donc défendu les actions d’une entreprise qui, au Niger, a pollué irréversiblement les territoires des peuples autochtones et baigné dans les scandales financiers », affirme le réseau Sortir du nucléaire dans un communiqué diffusé lundi 15 mai.
Impossible pour autant d’affirmer que M. Philippe a trempé dans l’affaire Uramin — l’achat, en juin 2007, pour la somme astronomique de 1,8 milliard d’euros, d’une petite société canadienne et de ses gisements, qui n’ont finalement jamais donné d’uranium. Si sa présence était contemporaine du scandale, « jamais je n’ai vu surgir le nom d’Édouard Philippe dans ce dossier », assure à Reporterre Vincent Crouzet, auteur de l’enquête Un scandale atomique. UraMin/Areva, l’hallucinante saga d’un scandale d’Etat. Pour autant, « il était au contact du directoire et de [la présidente d’Areva] Anne Lauvergeon pendant trois ans. Il a nécessairement eu connaissance de certains détails de cette affaire et de ses conséquences », estime l’écrivain. Ce qui intéresse désormais ce dernier, ce sont « les efforts que va produire le gouvernement pour faire toute la lumière sur ce scandale. Deux instructions judiciaires sont en cours. Il est très important que le gouvernement suive cette affaire, au nom de la moralisation de la vie publique défendue par Emmanuel Macron et de la qualité d’ancien directeur des affaires publiques d’Édouard Philippe ».
Contre la loi de transition énergétique et la loi biodiversité, pour l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes
Ancien membre du cabinet d’Alain Juppé au ministère de l’Écologie puis député de la 7e circonscription de Seine-Maritime depuis mars 2012, il a été membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de juin 2012 à septembre 2013. Ce qui ne l’a pas empêché de voter contre la loi de transition énergétique et la loi sur la biodiversité. Quant au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, il s’y est montré favorable en octobre 2016 sur France info, disant espérer « qu’on pourra engager les travaux avant mai ou juin 2017 ».
M. Philippe a aussi participé à la réunion du groupe Bilderberg en 2016. Le groupe Bilderberg réunit chaque année pendant deux jours les principaux dirigeants économiques et politiques - ainsi que quelques journalistes - pour discuter des « affaires du monde ». Emmanuel Macron y avait participé en 2014.
En tant que maire, Édouard Philippe s’est battu pour l’implantation par Areva de deux usines de fabrication de pales et de nacelles d’éoliennes offshore sur le port du Havre. Mais ce projet, dévoilé en septembre 2011, n’a toujours pas abouti : en grande difficulté financière, le groupe a finalement cédé ses activités d’éoliennes en mer à Siemens et Gamesa, en septembre 2016, créant l’incertitude. « Officiellement, les projets d’usines ne sont pas du tout abandonnés puisque les permis de construire ont été déposés il y a très peu de temps, un mois peut-être. Pour autant, le dépôt de ces permis n’implique pas que les usines vont sortir de terre », juge Pierre Dieulafait, de l’association Écologie pour le Havre.
Ce dernier a eu l’occasion de côtoyer Édouard Philippe au cours de ses treize années de mandat de conseiller municipal (EELV). Il en tire un bilan mitigé. « Officiellement, il affiche une grande appétence pour l’écologie au Havre, juge-t-il. Ainsi, il a hérité du maire précédent, Antoine Rufenacht, l’impulsion et la gestion d’un agenda 21. » Il a aussi suivi de près l’installation du tramway jusqu’à son inauguration en décembre 2012 et a rénové le fort de Sainte-Adresse en y créant un jardin suspendu « avec des plantes de toute l’Afrique francophone ». Pour autant, s’il a conservé et même amélioré la forêt de Montgeon et le parc de Rouelles, « on a dû se bagarrer pour que les friches, les espaces résiduels, soient maintenus en l’état pour former des trames vertes et bleues et pas transformés en zones commerciales et d’activité », rapporte M. Dieulafait. Et, au plan énergétique, la transition n’était pas au rendez-vous : M. Philippe a défendu bec et ongles la centrale à charbon du site du Havre — de même, certes, que les élus locaux tous bords politiques confondus. Emmanuel Macron a lui inscrit dans son programme de candidat la fermeture de toutes les centrales à charbon françaises d’ici la fin de son quinquennat.
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