Luce Lapin commente "Un éternel Tréblinka" de Charles Patterson
« Les Puces » de Luce Lapin n°813
Charlie Hebdo du 16 janvier 2008 (p.14)
***
La condition animale : « Un éternel Treblinka » ?
Qui d’autre qu’Élisabeth de Fontenay pouvait analyser avec autant d’intelligence, de justesse et de sensibilité ce livre de Charles Patterson sur l’abattage des animaux de boucherie (éd. Calmann-Lévy) dont le titre peut, et veut, certainement volontairement, choquer, sans pour autant pouvoir accuser l’auteur d’antisémitisme ?
Dans sa critique livrée au journal Le Monde le 11 janvier dernier (à consulter dans son entier sur le site http://www.lemonde.fr), la philosophe explique « qu’il ne s’agit pas là d’une outrance irresponsable », et que Patterson, « chapitre après chapitre », nous force à une prise de conscience de « cette violence banale, légale […], que sa technicité industrielle et son obnubilation par le profit rendent doublement inhumaine : vis-à-vis des bêtes qu’on transporte, qu’on parque, puis qu’on abat », et, précision capitale, « vis-à-vis des hommes qu’on exerce à l’insensibilité ». Quant au rapprochement entre les camps nazis et les abattoirs, Mme de Fontenay en explique ainsi la probable justification : « C’est dans les Union Stock Yards, gigantesque réseau de parcs à bestiaux et d’abattoirs, installés au sud de Chicago, qu’Henry Ford en 1922 eut la révélation de la chaîne de production dont il fit le modèle d’organisation du travail […]. Or c’est le même homme qui fut à l’époque l’instigateur de textes antijuifs virulents et le propagateur du pamphlet antisémite Les Protocoles des sages de Sion. Au commencement du pire, il y aurait donc eu comme une connexion entre l’antisémitisme génocidaire et la division du travail d’abattage. De Chicago à Treblinka, la conséquence serait implacable. »
Chaque jour, rien qu’en France, 3 millions d’animaux (mammifères, oiseaux), soit plus de 1 milliard par an, sont tués dans les abattoirs, et plusieurs tonnes de poissons meurent asphyxiés dans les filets.
• Élisabeth de Fontenay est signataire de la pétition du CRAC (Comité radicalement anticorrida) pour l’abolition de la corrida, et a écrit dernièrement dans Le Libé des philosophes (Libération du 8 novembre 2007) sur l’Apologie de la corrida : retour sur une maltraitance festive. Elle est l’auteure du Silence des bêtes, la philosophie à l’épreuve de l’animalité (Fayard, 1998).
Animauzine, vite !
Inscrivez-vous ! Depuis 2003, la cause animale a un site : http://www.animauzine.net, créé par des militants actifs, dont Sébastien Arsac, président de Stop Gavage et de L214— eh oui, on les retrouve tous partout, et c’est une (très) bonne chose. On peut y échanger des infos et lire des textes — dont quelques « Puces » par-ci par-là, vous n’en serez pas étonnés. Il existe sur le Net énormément de cyberespaces (sites, forums, listes de discussion, blogs...), et Animauzine en est une porte d’accès. J’espère vivement qu’il deviendra une référence en matière de protection animale. Ses fondateurs le méritent largement. Un grand bravo, notamment à toi, Sébastien.
Luce Lapin