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Le Monde des Livres : "Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Elisabeth de Fontenay : l'animal, une personne juridique"

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Poulets, canards, porcs, lapins, dindes, moutons... L'homme consomme plus de 53 milliards d'êtres vivants chaque année. Il ne se contente pas de manger ses "amies les bêtes" ou d'en faire des animaux de compagnie : il s'en sert aussi comme outils de travail, moyens de transport ou de divertissement (zoos, cirques, corridas...), cobayes pour la recherche scientifique, voire auxiliaires militaires pour combattre l'ennemi ou assainir des champs de mines. La question se pose depuis l'Antiquité, mais avec une acuité croissante : avons-nous des devoirs envers les animaux ? Et ont-ils des droits ?

Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, ancien professeur d'éthique à l'université de Montréal, nous offre un ouvrage quasiment exhaustif sur la question. Dans une première partie, il passe en revue l'histoire, les thèses philosophiques, l'évolution du droit, les courants actuels, jusqu'au terrorisme animalier. Dans une seconde, il expose la situation concrète des animaux, par catégories, avec quelques détails - sur le gavage des oies, par exemple - à faire dresser les cheveux sur la tête.

Entre l'homme et l'animal, affirme-t-il, la science ne reconnaît pas de différence de nature, mais seulement de degré. "L'homme est le seul animal à refuser de l'être."

Ce livre d'une grande clarté se présente comme "une introduction encyclopédique". Introduction "critique" cependant, l'auteur n'ayant ni la prétention ni la naïveté d'être objectif sur un tel sujet. L'ouvrage est d'ailleurs préfacé par Peter Singer, professeur de bioéthique à l'université de Princeton (Etats-Unis), l'un des théoriciens radicaux de la "libération animale".

Pour sa part, Elisabeth de Fontenay avait publié en 1998 un ouvrage de référence, Le Silence des bêtes (Fayard). Cette philosophe respectée et nuancée s'inscrivait dans la perspective darwinienne de l'évolution et prenait ses distances avec la tradition spiritualiste (qui dévalue l'animal et met l'homme au centre de tout), mais refusait de confondre tous les êtres vivants. Dix ans après, dans un nouvel ouvrage, elle aborde des questions plus directement politiques.

Elisabeth de Fontenay a rassemblé, modifié ou complété différents textes, issus de conférences ou de contributions à des revues. Ce qui ne fait pas nécessairement un livre cohérent. Le premier chapitre - inédit - est consacré à un ouvrage posthume de Derrida. La complexité de sa formulation (avec des mots comme "discontinuisme", "catachrétique" ou "carnophallogocentrisme") risque de faire fuir le commun des lecteurs. La suite, heureusement, est beaucoup plus accessible, avec des passages passionnants.

Oui, les animaux méritent d'être traités autrement qu'ils ne le sont, affirme Elisabeth de Fontenay, qui dénonce une grande indifférence : "Nous ne sommes pas sanguinaires et sadiques, nous sommes indifférents, passifs, blasés, détachés, insouciants, blindés, vaguement complices, pleins de bonne conscience humaniste et rendus tels par la collusion implacable de la culture monothéiste, de la technoscience et des impératifs économiques."

Il faut que la question animale redevienne une question sociale, comme elle l'était pour Michelet, pour Hugo et d'autres hommes de progrès. C'est un combat politique, car ce que nous faisons aux animaux, c'est à nous-mêmes en fin de compte que nous le faisons.

Un droit des animaux est d'autant plus nécessaire que le vide juridique ouvre la porte à des propositions absurdes. Certains n'en sont-ils pas à mettre sur le même plan des enfants attardés et des chimpanzés ou des dauphins "intelligents" ?

En France, le code civil établit une barrière infranchissable entre les personnes et les animaux (assimilés à des biens meubles ou immeubles), alors que le code pénal va jusqu'à incriminer les sévices sexuels exercés sur un animal. Celui-ci apparaît finalement "comme le seul être au monde à ne pouvoir être traité ni comme un sujet ni comme un objet".

Pour que les débats cessent d'être aberrants, affirme Elisabeth de Fontenay, il faudrait considérer l'animal comme la personne morale : une personne juridique, qui n'est pas pour autant un sujet de droit. Il ne s'agit donc pas d'ajouter un chapitre animalier aux droits de l'homme, mais d'établir "une codification éthique internationale en faveur des vertébrés ou, plus étroitement, des mammifères". Faisons des grands singes "les premières des bêtes plutôt que les derniers des hommes". En d'autres termes, respectons les animaux sans offenser le genre humain.

***

ETHIQUE ANIMALE de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer. PUF, 304 p., 26 €.

SANS OFFENSER LE GENRE HUMAIN d'Elisabeth de Fontenay. Albin Michel, 216 p., 18 €.

Robert Solé

http://www.lemonde.fr/archives/article/2008/04/03/jean-baptiste-jeangene-vilmer-et-elisabeth-de-fontenay-l-animal-une-personne-juridique_1030419_0.html

Commentaires

  • Bonjour et merci de l'intérêt que vous témoignez pour les droits des animaux.
    L'auteur de l'article ci-dessous est cependant le journaliste Robert Solé, comme il est indiqué, non moi.

    Bien cordialement.

  • Bonsoir,

    Mais quel travail ? :)
    Je ne réalise aucun "travail" sur ce blog : je ne fais que rassembler des informations relatives à la libération animale.
    Forums ou blogs que je pourrais vous recommander : tout dépend ce que vous cherchez exactement.
    Etes-vous vegan ? Avez-vous l'intention de le devenir ?
    Autant de questions qui me permettront, si vous y répondez, de mieux vous orienter.

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