Braconnage : dans les Ardennes, la fin des intouchables (L'Union)
Des trophées de sangliers, de biches, de chevreuils, de cerfs, un héron et un chat sauvage naturalisés, des sacs de cartouches en tout genre, des carabines avec silencieux équipées de lunettes infrarouge, un casque de vision nocturne militaire, des phares portatifs…
La spectaculaire perquisition effectuée le 29 janvier dernier dans les Ardennes par la gendarmerie et les gardes nationaux de la chasse est à la mesure du réseau de braconniers démantelé.
Ici, pas de Raboliot folkloriques mais des « bracos » quasi professionnels, des industriels des trophées et de la viande de gibier.
Les enquêteurs découvrent dans les mobile-homes et les maisonnettes en lisière de la forêt, outre un arsenal de 32 armes, un véritable atelier de boucherie et des congélateurs pleins à ras bord.
Dans une remise, un jeune cerf pend à un crochet. Plus loin, de la viande fraîche faisande dans une brouette. 325 kg saisis.
Le kilo de chevreuil se négocie autour de 60 € le kilo. Un trophée de cerf se vend à l'étranger entre 1.500 et 5.000 €.
Sur les neuf hommes arrêtés, quatre ont été mis en examen. L'un d'eux est connu comme le loup blanc dans les secteurs de Neufmanil et Gespunsart. Longtemps, il s'est cru intouchable mais les temps changent.
Selon Jean-François Malicet, chef des gardes-chasses nationaux des Ardennes, le capital de sympathie pour ce genre de braconniers sans foi ni loi a disparu.
L'instruction vient de se terminer. A l'heure du procès devant le tribunal correctionnel de Charleville-Mézières, ils risqueront jusqu'à 4 ans de prison et 60.000 € d'amende.
L'affaire est exemplaire mais elle est rare. « C'est la deuxième en dix ans », admet Francis Nachbar, l'ancien procureur des Ardennes.
Face à des bandes de braconniers puissamment armés, équipés de 4x4, la lutte est déséquilibrée. Il a fallu un bon renseignement et surtout une véritable volonté de l'exploiter.
Les gardes de l'Office national de la chasse ont beau avoir un pistolet à la ceinture, ils sont trop peu nombreux pour être réellement efficaces.
Et les consignes sont claires : ne prendre aucun risque face à des individus prêts à tout pour échapper à la justice.
Dans l'affaire récente des Ardennes, le fait que le magistrat soit lui-même chasseur n'est pas étranger à la réussite de l'enquête.
La brigade des recherches de la gendarmerie a obtenu les moyens de travailler (écoutes téléphoniques, filatures…) jusqu'à faire tomber le réseau franco-belge.