"Certains animaux n'oublient rien" (Le Figaro)
En se fondant sur des travaux récents, ce biologiste montre que les pigeons, les geais ou les écureuils ont une mémoire d'éléphant.
Le Figaro Magazine -Les animaux ont-ils une mémoire plus performante que celle des humains ?
Yves Christen - Cessons de prendre les animaux pour des êtres vivants auxquels il manque quelque chose.
Non seulement ils ont du talent, voire du génie, mais ils nous sont parfois supérieurs.
Ainsi, un oiseau comme le casse-noix de Clark parvient à retrouver plus de 30 000 graines cachées sur des kilomètres carrés.
La mémoire exceptionnelle de ces cacheurs compulsifs que sont les geais ou les écureuils dépasse sans aucun doute celle de nos congénères.
Car les bêtes ne se contentent pas d'être des collecteurs d'aliments. Elles ont une vie mentale très riche.
Comment les animaux utilisent-ils leur mémoire ?
Elle est employée pour classer les objets, pour organiser le monde.
Les pigeons ont, à cet égard, fait l'objet d'extraordinaires études par le Japonais Shigeru Watanabe.
Ce chercheur a entraîné des animaux de cette espèce à reconnaître les œuvres de Picasso, de Monet ou d'autres peintres.
Les oiseaux se sont alors avérés parfaitement capables de « désigner » (en picorant sur une image) l'auteur des œuvres qu'on leur présentait.
Ils parvenaient même à classer ensemble les peintres d'une même catégorie, par exemple les impressionnistes.
Renoir était situé avec Monet, Braque avec Picasso, etc.
Ces pigeons critiques d'art utilisent donc leur grande mémoire pour se représenter les objets d'une certaine façon et pour les classer.
Sont-ils capables de situer les événements dans le temps ?
Bien sûr.
On croyait l'homme seul pourvu de cette capacité désignée sous le nom de mémoire épisodique.
Mais les admirables expériences de la psychologue anglaise Nicola Clayton ont montré que les geais se souviennent du jour de l'enfouissement de leur nourriture en les soumettant à des expériences consistant à leur offrir des larves et des cacahouètes.
Ils préfèrent les premières mais uniquement quand elles sont fraîches.
Si on leur permet de les retrouver dans les quatre jours qui suivent leur mise en terre, ce sont elles qu'ils choisissent.
S'il leur faut attendre plus longtemps, ils préfèrent les graines.
Conclusion de Nicola Clayton : ils voyagent mentalement dans le temps ; ils se transportent dans le passé.
D'autres expériences révèlent qu'ils se projettent aussi dans le futur, prévoyant ce qui peut arriver.