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Charles Danten : nazi toi-même (ou le triomphe de la mauvaise foi)

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Merci à Marjolaine Jolicoeur pour ce beau texte magistral, où rien ne manque - pas même Romain Gary.

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Charles Danten : un nazi ? (Marjolaine Jolicoeur)

Disciples d’Hitler et milieux néonazis peuvent être contents : il se trouve encore des humains utilisant la propagande nazie pour salir la réputation de militants sincères et dévoués.

Charles Danten, dans une démarche assez méprisante, fait un amalgame douteux entre le nazisme, la supposée « zoophilie des nazis », la compassion humaine envers les animaux et les végétariens vus comme des "nazis hypocrites".


Pour dénigrer l’éthique du végétarisme et le mouvement pour la libération animale, il faut être de bien mauvaise foi ou complètement ignorant pour invoquer la monstruosité nazie ou Hitler, l’incarnation du mal absolu pour plusieurs.

Cette tactique polémique, la reductio ad hitlerum, vise à disqualifier quelqu’un ou un groupe de personnes en les comparant à Hitler : Hitler était végétarien (ce qui est faux) et aimait les animaux, alors tous les végétariens et ceux qui aiment les animaux sont des nazis.

Quand on est à court d’arguments, Hitler n’est jamais bien loin.

On peut se questionner sur les motivations derrière ce parallèle entre Hitler et la vie pacifique de millions de végétariens et de militants pour les animaux.

Danten pense-t-il vraiment qu’il fait avancer le mouvement pour la libération animale, que ses délires injurieux vont mettre fin à l’exploitation et aux massacres d’animaux ?

Les fondements de la pensée nazie prennent racine dans des thèmes racistes et haineux.

Aucune espèce de compassion chez les nazis, aucune empathie pour la souffrance de l’autre, qu’il soit humain ou animal.

La conviction nazie reposait essentiellement sur une chose : le plus fort a le droit de soumettre le plus faible, de toutes les manières possibles, dans la violence s’il le faut, dans la cruauté aussi.

« Qui ne possède pas la force perd le droit de vivre », disait Hitler.

HIMMLER

C’est en passant par l’élevage industriel des poulets que Himmler, le chef des SS et des camps d’extermination nazis, accrut son obsession pour garder, sur le plan racial, la "pureté" des Allemands.

Selon Fritz Redlich cité dans l’ouvrage Eternel Treblinka de Charles Patterson :

« Son intérêt pour la reproduction et l’abattage des poulets se transforma en intérêt pour la procréation et le meurtre des êtres humains ».

Et le meurtre des êtres humains, comme celui des poulets, n’est absolument pas compatible avec le soi-disant bouddhisme de Himmler.

Tout dans la morale bouddhiste - et chrétienne - s’articule autour de la non-violence, du pacifisme et de la bienveillance à l’égard des êtres vivants.

Himmler n’était pas plus bouddhiste que George W. Bush est un disciple de Jésus.

Comme d’autres nazis, Himmler a perverti certains concepts bouddhistes mais aussi hindouistes.

Selon plusieurs témoignages, Himmler avait toujours sur lui une copie de la Bhagavad-Gita.

Dans ce texte millénaire de l’Inde ancienne, Krishna dialogue avec son disciple Arjuna sur un champ de bataille, lui ordonnant de passer à l’action et d’accomplir son devoir avec détachement.

Himmler interpréta à sa façon la Gita, s’en servant pour justifier la supériorité de la race allemande et aryenne sur les "sous-hommes dégénérés", qu’ils soient Juifs, Noirs, homosexuels, handicapés ou malades mentaux.

La Gita était aussi le livre préféré de Gandhi.

Au contraire d’Himmler, Gandhi puisa dans la Gita ses visions de non-violence et de paix autant envers les humains que les animaux.

Pour ce digne représentant du végétarisme éthique et de l’ahimsa, cette histoire sacrée de l’hindouisme doit être prise dans un sens mythologique où l’âme se débat dans l’illusion du monde matériel, à la recherche de sa délivrance.

Dans la Gita, « l’humble sage, éclairé du pur savoir, voit d’un oeil égal, le brahmane noble et érudit, la vache, l’éléphant ou encore le chien et le mangeur de chien. »

Le yogi doit être « sans haine pour aucun être », il se libère et libère les autres grâce à l’amour.

On est loin de l’idéologie nazie.

HITLER

Hitler n’était pas, de près ou de loin, un adepte du végétarisme.

Tout comme Himmler, il ne mettait pas en pratique ce qu’il disait et croyait à ses propres mensonges.

Pendant toute sa vie, Hitler a mangé de la saucisse et du jambon.

Même en étant publiquement contre la chasse, en privé il consommait du gibier.

Hitler se servait du végétarisme pour se gagner un capital de sympathie auprès du peuple allemand, les groupes écologistes étant très puissants et l'alimentation sans viande à la mode.

A Berlin, en l900, on retrouvait plus de vingt restaurants végétariens.

Quelques colonies végétariennes aussi, comme celle nommée Eden qui vendait divers produits alimentaires végés, dont un succédané de beurre, une sorte de margarine.

Agriculture biologique, consommation de fèves de soja, de pains de blé entier, jeûnes, cures au soleil ,thérapies holistiques, homéopathie, massages et végétarisme s’intégraient dans le mouvement Lebensreform ou "réforme de vie", une expression apparue dès 1896.

Une figure dominante de ce mouvement était l’Allemand Arnold Ehret (1866-1922).

Ses livres sont toujours en réédition et extrêmement populaires, encore de nos jours, dans les milieux naturistes ou hygiénistes.

Pour Ehret, les viandes demeurent toujours en état de décomposition et « elles se putréfient dans le colon et conduisent au cancer » ; la seule alimentation valable se compose de fruits et de légumes crus, elle est végétalienne, sans viande, lait ou oeuf.

Hitler considérait le mouvement crudivore comme « une révolution », affirmant même « que l’une des causes du cancer réside dans la nocivité des aliments cuits. »

Malgré ses beaux discours et sa peur de mourir du cancer comme sa mère, Hitler n’a jamais cessé de se gaver de gâteaux, de sucreries, de café, de viandes diverses, de lait, d’oeufs et d’aliments cuits.

("Hitler, un végétarien ?", Journal Ahimsa, 2007 : Http://www.ass-ahimsa.net/vege5.html )

Hitler, un végétarien aimant les animaux ?

Ce canular inventé de toutes pièces par son fidèle ministre de la propagande Joseph Goebbels se perpétue encore de nos jours.

Hitler ne supportait que les chiens-loups - les bergers allemands - et plusieurs témoins rapportent qu’il battait à coups de fouet les chiens récalcitrants.

A l’image de ses idées sur les humains, Hitler ne reconnaissait pas une égalité entre les animaux.

Il refusait de se laisser photographier en compagnie des bichons d’Eva Braun, tout juste bons pour une femme.

Les films de propagande nazie n’encensaient que les animaux pur-sang tout en se moquant de l’affection que les femmes seules ont pour leurs animaux.

Le film Was du ererbt (« Ce dont vous avez hérité ») accusait les femmes propriétaires de chiens de dévoyer leur affection et leur instinct maternel.

« Un amour exagéré pour un animal est dégénéré. Il n’élève pas l’animal mais dégrade l’être humain. »

On croirait lire du Danten...

Manifestement Hitler n’aimait guère les animaux puisqu’il traitait ses ennemis de « cochons », de « sales chiens », le peuple allemand de « stupide troupeau de moutons » et les Juifs de « vermine et de rats ».

Cette pratique d’insulter des humains par des noms d’animaux n’appartient pas qu’aux nazis.

Elle a souvent été un prélude à la persécution ou l’exploitation de peuples jugés comme inférieurs.

Le monde animal a toujours été une abondante source de métaphores pour la désensibilisation devant la souffrance d’autrui :

« Auschwitz commence quand quelqu’un regarde un abattoir et pense : ce ne sont que des animaux. » (Theodor Adorno)

DERRIÈRE LES APPARENCES

Hitler n’a jamais eu aucune implication personnelle en faveur de l’animal, d’un point de vue individuel ou juridique.

Elisabeth Hardouin-Fugier a enquêté aux sources des documents législatifs du IIIe Reich concernant la protection animale et sur ces soi-disantes lois décrites par certains comme « les plus progressistes jamais écrites et qui feraient rêver n’importe quel défenseur des animaux ».

L’historienne dément ces affirmations mensongères, s’interroge « sur les motifs qui incitent à diaboliser la démarche protectrice de l’animal, par contamination avec un personnage hors norme, Hitler » et s’insurge à juste titre contre ces manoeuvres pour dénigrer le milieu de la défense animale.


Les premières mesures pour la protection animale ne viennent pas de l’Allemagne nazie mais du Royaume-Uni où de telles réglementations datent de l822.

Le Martin’s Act punissait d'amende ou d’emprisonnement quiconque battait, abusait ou maltraitait chevaux, juments, ânes ou animaux dits domestiques.

D’autres législations européennes suivirent.

Afin « de réduire la souffrance animale et faire la promotion de valeurs humanitaires à l’égard des êtres animés », c’est à Londres, en l824, que la Society for the Prevention of Cruelty of Animals (SPCA) fut fondée.

La SPCA prenait aussi position contre la pratique de certains scientifiques effectuant des expérimentations sur les animaux.

Dans la société anglaise, ceux qui défendaient les animaux militaient aussi pour l’émancipation des esclaves humains (comme Jeremy Bentham).

En France, une loi pour la protection des animaux date de l850.

La sollicitude nazie envers les animaux de laboratoire n’était que du bluff et les nazis n’ont jamais vraiment légiféré contre la vivisection.

Là encore ils mentaient, puisque les expériences sur les animaux continuèrent massivement autant dans les laboratoires que dans les camps d’extermination.

Leur supposée loi contre la vivisection ne différait en rien dans sa substance de celle édictée en l875 en Angleterre ; elle émettait certaines restrictions, mais n’éliminait pas l’expérimentation animale :

« Les expériences sur des prisonniers furent nombreuses et variées, mais elles avaient un point commun : toutes prolongeaient ou venaient compléter des expériences sur les animaux (...) et aux camps de Buchenwald et d’Auschwitz, les expériences sur les humains et les animaux furent menées simultanément, comme parties d’un seul programme. » (Dark Face of Science, John Vyvya, Micah Publications)

La vivisection sur des animaux et des humains s’appuyait sur des bases scientifiques.

Un grand nombre d’adhérents du parti nazi étaient médecins ou chercheurs scientifiques.

Ce sont des scientifiques allemands qui ont synthétisé pour la première fois, dans les années 30, le Demerol, un dérivé de la morphine et la méthadone.

(Goering et Goebbels étaient morphinomanes tout comme Hitler, malgré de grandes campagnes contre les drogues auprès du peuple allemand).

Les premières études établissant la relation entre tabac et cancer du poumon furent réalisées pendant la période de l’Allemagne nazie.

Hitler supervisa lui-même un ensemble de règles et de restrictions contre le tabac dans les lieux publics et les transports.

En l939, le "Bureau contre les dangers de l’alcool et du tabac" vit le jour et les nazis inventèrent le terme de « tabagisme passif ».

Antis-tabac et scientifiques, tous des nazis en puissance comme les végétariens et les défenseurs des animaux ?

ÉVOLUTION SPIRITUELLE

Les nazis se mentaient à eux-mêmes et aux autres aussi.

Si au contraire, Hitler et les nazis avaient démontré de la bonté envers les animaux, de la compassion autant envers le chien que le cochon mangé, le cours de l’histoire aurait-il été le même ?

Ressentir la douleur de l’autre, avoir de l’empathie envers les plus vulnérables, étendre l’égalité de considération à l’ensemble des êtres capables de sentience - de sensibilité - voilà de grandes qualités pouvant aider l’humain à devenir meilleur, individuellement mais aussi collectivement.

La compassion est un signe d’évolution pour beaucoup de traditions spirituelles, philosophiques ou pour de grands esprits comme Pythagore, Plutarque, Plotin, Bouddha, les esséniens, les jains, les gnostiques, les cathares, Gandhi, Marguerite Yourcenar, Albert Einstein, le transcendantaliste Bronson Alcott, Isaac Bashevis Singer, Paul McCartney et tant d’autres.

« Tant qu’il y aura des abattoirs, il y aura des champs de bataille », écrivait Leon Tolstoi, végétarien pendant les vingt-cinq dernières années de sa longue vie.

Et pour Gary L. Francione, juriste et philosophe américain, « c’est une erreur de concevoir les problèmes de l’exploitation humaine et animale comme mutuellement exclusifs. Au contraire, toutes les formes d’exploitation sont inextricablement liées. Tant et aussi longtemps que nous tolérons la violence sous une ou l’autre de ses formes, la violence existera sous toutes ses formes. »

Tant et aussi longtemps que les animaux seront considérés en tant que machines, objets, choses à tuer, à chasser ou à disséquer, il sera difficile sinon impossible de guérir cette violence qui détruit les humains et la planète.

Chaque année dans le monde, plus de 50 milliards d’animaux sont abattus pour leur chair, sans compter les milliards de poissons et d’animaux aquatiques.

Des millions de singes, chiens, chats, poissons ou lapins meurent dans les laboratoires pour tester pesticides, armements ou vaccins.

L’industrie de la viande est un désastre écologique, privant des populations humaines d’eau potable et de céréales.

Elle est une source de grande souffrance pour les animaux, des êtres conscients ayant le droit de vivre, comme nous, leur existence dans la paix.

Mais il est « difficile de reconnaître quelque droit que ce soit à un animal dont on souhaite faire son repas » (Henry Salt).

LES PROTECTEURS DES ANIMAUX ET LES VÉGÉTARIENS

Selon Danten, les défenseurs des animaux regroupent des frustrés aux prises avec de graves problèmes psychologiques.

Des violents qui s’ignorent, souffrant de narcissisme, d’égoïsme, des végétariens fanatiques faisant le salut hitlérien devant un bloc de tofu.

Danten divague et fait de la psychologie à cinq cents.

La nature humaine est mystérieuse et complexe, elle va bien au-delà des clichés et des étiquettes.

Ceux et celles qui militent pour les droits des animaux, pour leur protection et leur libération font partie d’une infinie diversité.

On ne peut les mettre dans le même sac, brasser le tout et faire de leurs motivations une généralisation ainsi réductrice.

Mais une chose est certaine cependant : prendre la défense des animaux est un exercice périlleux dans nos sociétés axées sur le matérialisme et la consommation à outrance, la domination et l’exploitation.

Facile de ridiculiser et de mépriser une cause impopulaire autant dans les médias qu’auprès d’un public soumis à la désinformation.

Facile de dénigrer des militants motivés par un réel désir de justice, de solidarité et d’amour pour d’autres êtres vivants, pour la planète, les arbres, les baleines, les papillons ou les rivières, puisque tout est lié.

Dans notre monde où la violence est partout banalisée, la compassion n’a pas bonne presse.

Si cette sympathie universelle ne nous rend pas "meilleur", cela revient-il à dire que c’est son contraire, la violence, qui nous fait évoluer en tant qu’humain ?

Philosophes, mystiques mais aussi psychiatres, sociologues, criminalistes, juristes et protecteurs des animaux affirment pourtant le contraire.

Il existe une corrélation entre la violence faite aux animaux et celle perpétrée contre d’autres humains.

Nombre de tueurs en série, sinon la majorité, ont commencé par abuser et violenter des animaux avant de le faire à des humains.

Le tristement célèbre Ted Bundy, qui viola et tua plus de 40 femmes, avait été témoin pendant son enfance de la violence de son père envers les animaux ; il avoua par la suite avoir lui-même torturé nombre d’animaux pendant son adolescence.

Que la violence soit dirigée vers les femmes, les enfants, les personnes âgées ou les animaux, elle est indissociable de cette loi du plus fort.

Plus de la moitié des femmes se retrouvant dans des refuges ont signalé que l’animal de la famille avait été aussi menacé ou blessé par l’auteur de la violence. (McIntosh:2001)

Selon le professeur Andrew Linzey, fondateur et directeur de l’Oxford Center for Animal Ethics, « la cruauté envers les animaux n’est pas seulement injuste pour les animaux : on constate maintenant, de façon de plus en plus évidente, que la cruauté envers les animaux est aussi préjudiciable aux êtres humains

ÉTHIQUE ANIMALE

Il est absolument important de dénoncer les usines à chiots, les animaleries sans scrupules, la surmédicalisation, les vaccins inutiles et potentiellement toxiques, la domination brutale, le dressage excessif et ce non-sens de l’animal acheté pour sa race ou sa beauté.

Mais pour cette vieille dame seule avec son chat, pour cet homme et son vieux chien marchant ensemble, pour cet enfant parlant à son chien dans des mots qu’eux seuls comprennent, pour ces humains compatissants qui travaillent dans des refuges d’animaux surpeuplés, pour ces autres qui adoptent des chiens vieux ou malades, soignent des chats blessés, ayons tout de même un peu de respect.

Comparer l’amour que ces humains portent aux animaux avec l’hypocrisie des nazis relève d’un cynisme outrageant.

(Soyons aussi logiques et responsables: même en étant contre une certaine forme de domestication, il est présentement impossible de mettre à la rue tous les chats et les chiens, de les retourner dans leur environnement naturel.)

La « misanthropie viscérale » des végétariens et des militants pour la défense des animaux, tant décriée par Danten, se trouve finalement peut-être de son côté à lui.

Dans l’éthique animale il y a place autant pour une vision de justice globale, que pour la compassion, le désir de soulager la misère et une forme d’altruisme envers les animaux.

Comme si pour devenir meilleur, nous devions passer moins par notre tête mais plus par notre coeur, comme nous le dit si bien Romain Gary :

« Dans les Andes boliviennes, j’ai vu un paysan famélique partager avec son chien quelques vivres que je lui avais données, puis hisser le grand animal squelettique sur son dos pour grimper sur la montagne. Il n’y avait là aucun rationalisme : juste ce que l’on connaît sous le nom d’"humain". Voir dans les animaux plus que de la viande et de la peau est un acquis culturel, tout comme la beauté, et un tel concept est indissociable des sentiments. Trop longtemps, on les a dénigrés pour n’y voir que du sentimentalisme tout en exaltant le matérialisme au point que le monde a vu holocauste sur holocauste. Essayons les sentiments et les émotions, pour changer... »

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