Abattage rituel : les Rencontres Animal et Société ont fait régresser la question
Nouveau règlement européen abattage (en vigueur le premier janvier 2013) :
On observe une généralisation des abattages sans étourdissement en dehors de l’abattage rituel, en infraction à la réglementation.
L’OABA a pris une part active aux travaux des Rencontres Animal et Société, en participant aux réunions du groupe intitulé “Animal, économie et territoires” consacré aux animaux de ferme.
S’il convient de reconnaître que ces débats ont été sereins malgré les grandes divergences d’idées (et surtout d’intérêts…) entre les participants, il faut malheureusement constater que les principales attentes des associations de protection animale restent déçues.
On peut même considérer qu’il y a un recul par rapport à certaines réflexions qui avaient été entamées précédemment ou certaines promesses qui avaient été faites dans des ministères. La question de l’abattage rituel en est un bel exemple.
La directive européenne de 1993 et le décret de 1997 permettent de déroger à l’obligation d’étourdissement préalable des animaux lors de l’abattage rituel.
L’OABA avait souhaité démontrer aux communautés religieuses que le recours à l’électronarcose est une méthode compatible avec les exigences du rite.
En 2005, l’OABA avait proposé une étude scientifique pour prouver la réversibilité de l’étourdissement par électronarcose des moutons, afin de convaincre les chefs religieux qui considéraient que l’étourdissement entraînait la mort de l’animal.
Le ministre de l’Agriculture Dominique Bussereau écrivait le 13 septembre 2005 :
“La question principale est la réversibilité de l’étourdissement par électronarcose.
Une étude scientifique prévue pour 2006 et financée par l’OABA avec l’école vétérinaire d’Alfort portera sur l’effet de l’électronarcose sur l’état de conscience de l’animal.
Elle permettra d’apporter des arguments en faveur de cette technique et de faire prendre conscience à la communauté musulmane que l’électronarcose ne tue pas l’animal et n’est donc pas contraire aux prescriptions religieuses”.
Il écrivait le 3 février 2006 :
“Pour prouver la compatibilité de l’étourdissement avec les préceptes de la religion musulmane, l’OABA prépare une démonstration visant à prouver que l’électronarcose est une méthode d’étourdissement des ovins pouvant être utilisée lors de l’abattage rituel.
Cette étude sera menée avec des représentants du culte musulman et la collaboration d’enseignants des écoles vétérinaires, de professionnels des abattoirs, de représentants du ministère de l’Agriculture et du ministère de l’Intérieur”.
Mais cette étude ne sera pas menée par suite de pressions…
Le 12 octobre 2006, Dominique Bussereau faisait savoir à l’Académie vétérinaire de France qu’il souhaiterait “disposer d’une expertise scientifique et technique sur le degré de réversibilité de l’étourdissement des animaux d’abattoirs”.
L’Académie rendait son rapport en décembre 2006 et précisait “L’étourdissement est réversible s’il est correctement appliqué, l’animal soumis à cette forme d’étourdissement reste vivant mais dans un état d’inconscience et d’insensibilité à la douleur”.
Le 22 décembre 2006, le Ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy écrivait :
“Je souhaite que les animaux souffrent le moins possible lors de leur abattage.
Je souhaite que, dans toute la mesure du possible, l’étourdissement préalable soit généralisé.
Je veux, maintenant, que les abattoirs halal s’engagent concrètement et rapidement, dans la voie d’une généralisation de l’étourdissement préalable”.
En janvier 2007, Nicolas Sarkozy, demandait aux services des ministères de l’Intérieur et de l’Agriculture de préparer le texte d’une charte de bonnes pratiques pour l’abattage halal.
Il était précisé :
“L’étourdissement électrique est compatible avec l’exercice du sacrifice rituel puisque ce procédé est réversible : il ne provoque pas la mort de l’animal mais le rend seulement momentanément inconscient et insensible à la frayeur et à la douleur provoquées par la jugulation, comme le précise l’Académie Vétérinaire Française, dans son avis de décembre 2006”.
Lors des Rencontres Animal et Société, l’OABA appuyée par d’autres associations de protection animale, obtenait la rédaction d’une proposition “Réaliser une étude relative à l’instauration d’un étourdissement post-jugulation (après la saignée) qui soit compatible avec les objectifs et les contraintes des différents acteurs”.
Le rapporteur du ministère de l’Agriculture écrivait :
“Cette proposition est envisagée positivement par l'ensemble des membres du groupe”.
Quelques jours plus tard, le ministère obéissant à des pressions, retirait cette proposition.
Il n’est même plus question de mener une étude, de réfléchir à une amélioration des conditions d’abattage rituel …
Au bilan, après des promesses de plusieurs ministres, après des engagements de certains chefs religieux, après des avis de scientifiques qui permettaient d’espérer une évolution des méthodes d’abattages rituels, les Rencontres Animal et Société ont fait régresser cette question et ont mis en lumière une révoltante hypocrisie.
A présent, une Commission nationale de suivi des Rencontres Animal et Société a été mise en place sous la présidence de Thierry TUOT, Conseiller d’Etat.
L’OABA a refusé de participer à la première séance plénière, marquant ainsi sa déception des mesures annoncées par le ministre de l’Agriculture, malgré la bonne volonté affichée par le Conseiller d’Etat et l’implication du Bureau de la protection animale et en particulier du nouveau chef de Bureau, Marie-Aude MONTELY.
Cette charte ne sera jamais signée.
La révision de la directive 93/118 sur la protection des animaux lors de leur abattage doit aboutir prochainement à l’adoption d’un Règlement qui s’imposera dans les 27 états membres. Les enjeux sont importants.
Le texte initial présenté en septembre 2008 par la Commission européenne était le résultat d’un volumineux travail d’études et de consultations débuté en 2006.
Cinq associations européennes de protection animale avaient été consultées parmi lesquelles l’OABA, seule association française.
Après cette phase de consultations est venue celle des pressions par les lobbies pour transformer ce texte, comme le montre le dépôt de 264 amendements par les députés européens.
Ces amendements ont été examinés par la commission de l’agriculture du Parlement européen le 16 mars dernier.
L’OABA considère que l’adoption de certains amendements et le rejet d’autres marquent un recul, en particulier concernant l’abattage rituel.
Mais audelà des problèmes que cela pose en termes de protection des animaux, on constate une réelle atteinte à l’information des consommateurs.
L’abattage rituel constitue une dérogation aux règles générales de l’étourdissement préalable des animaux avant leur saignée, les animaux sont alors égorgés en pleine conscience.
Le projet de texte du Règlement mentionnait cette dérogation à l’étourdissement réservée à l’abattage rituel, mais prévoyait que “Toutefois, les Etats membres peuvent décider de ne pas appliquer cette dérogation”.
L’amendement 92, prévoyant la suppression de cette possibilité dans le cadre de la subsidiarité, a été adopté.
La dérogation à l’étourdissement est donc imposée dans tous les pays européens pour l’abattage rituel.
Par contre l’amendement 86 concernant le recours à l’étourdissement juste après la jugulation n’a pas été adopté.
Cette possibilité souhaitée par les associations de protection animale était un moyen d’éviter la souffrance des bovins égorgés en pleine conscience et dont l’agonie peut durer jusqu’à plus de 5 minutes.
Ainsi, pour respecter les cadences dans les abattoirs, des bovins sont suspendus au cours de leur saignée, encore conscients.
L’étourdissement post-jugulation paraissait un compromis acceptable, mais il vient d’être rejeté par la commission de l’agriculture du Parlement européen.
L’amendement 5 qui prévoyait l’information du consommateur par un étiquetage spécifique des produits issus des abattages rituels a été rejeté.
Les députés européens cautionnent donc une réelle tromperie du consommateur qui ne pourra pas identifier la viande provenant d’animaux abattus sans étourdissement.
Dans le cadre des abattages rituels israélites, les parties de l’arrière-main des animaux ne sont pas consommées, et sont dirigées vers les circuits classiques.
De plus, on observe une généralisation des abattages sans étourdissement en dehors de l’abattage rituel, en infraction à la réglementation.
Le ministère de l’Agriculture reconnaît qu’environ 50 % des moutons et 13 % des bovins sont abattus “en rituel” alors que 6 % de la population nationale serait de tradition musulmane et le judaïsme concernerait 1 % selon le rapport de la commission de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics.
Dans le rapport “Enquête sur le champ du halal” le COPERCI concluait ainsi :
“Il est indéniable que la proportion atteinte par les mises à mort sans étourdissement traduit un détournement de l’esprit des textes sur la protection animale”.
Si l’on peut raisonnablement admettre le fait que les fidèles musulmans et juifs souhaitent consommer de la viande d’animaux abattus selon leurs préceptes religieux halal ou casher, cela ne doit pas être imposé aux autres consommateurs, non informés.
http://cousin.pascal1.free.fr/abattage_rituel.html#bulletin60