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Michel Onfray à propos de l'antispécisme ("Siné Hebdo" n° 56, août 2009)

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(Michel Onfray, dans ce beau texte, oublie de citer Gary Francione, philosophe et théoricien du véganisme abolitionniste, dont un des principes intangibles est précisément la non-violence). MP

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Aujourd’hui, contre le féroce anthropocentrisme régnant, des gens se lèvent enfin, oh très peu, comme certains s’étaient élevés contre l’esclavage à une certaine époque. On aurait dit : qu’est-ce qu’ils ont ceux-là ? Ils s’appellent antispécistes.

Michel Onfray nous a tout expliqué la semaine dernière. Il les approuve mais s’insurge contre les plus extrémistes qui finiront par se faire leur George Besse, leur Aldo Moro et contre un de leurs leaders qui fait de l’abattoir d’animaux le strict équivalent de la solution finale. Ce qui fait la différence c’est la haine.

Mais la relation avec les animaux est une grande question de notre temps, dis-je pompeusement.

Jackie Berroyer

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Les antispécistes mènent un combat qui les honore : ils luttent contre cette idée chrétienne qui consiste à dire que l’homme a été créé par Dieu comme preuve du couronnement de Son génie, que, de ce fait, il domine la nature et qu’il a donc le droit d’user des animaux comme il l’entend pour son loisir, son travail, sa nourriture et son bon plaisir.

Que des militants de cette cause existent est une bonne chose.

Que le philosophe Peter Singer mène ce combat dans La Libération animale (Grasset) avec des arguments qui ébranlent toute conscience formatée au rationalisme occidental, dont moi, est également intellectuellement salutaire.

Depuis sept ans que j’enseigne une histoire alternative de la philosophie à l’université populaire de Caen en mettant en avant les penseurs atomistes, les épicuriens, les athées, les hédonistes, les sensualistes, les matérialistes, les anarchistes, j’ai découvert que la plupart de ces philosophes oubliés, négligés, écartés, défendaient cette thèse radicale : il n’y a pas une différence de nature entre les hommes et les animaux (ce qu’affirment les judéo-chrétiens) mais une différence de degrés (ce que disent les antispécistes). Ce qui change tout…

Le combat antispéciste est légitime quand il nous invite à réfléchir sur la souffrance animale, la légitimité de l’expérimentation scientifique avec les bêtes, le bien-fondé du végétarisme (auquel toute conscience qui s’exerce un tant soit peu à la réflexion ne peut que consentir intellectuellement…), les conditions indignes de l’élevage industriel, la tragédie que représente philosophiquement l’abattage programmé d’êtres vivants, la sauvagerie de toute spectacularisation de la mort comme dans le cas de la corrida ou des combats de coqs, la honte associée à toute entreprise carcérale de type zoo, et la nécessité de penser autrement notre rapport aux animaux.

Sur ce terrain, notre humanité patine, elle retarde, elle périclite.

Je ne peux voir un chargement de veaux, de porcs ou de moutons dans un camion qui se dirige vers l’abattoir sans une immense empathie, une véritable souffrance physiologiquement expérimentée, une honte d’être un homme dont la tribu s’arroge le droit de ces odieux charrois.

Mais je ne puis accepter que des militants antispécistes, dont parfois Peter Singer, assimilent ces convois aux trains de la mort qui conduisaient des déportés vers les chambres à gaz ou fassent de l’abattoir le strict équivalent de la solution finale…

J’ai le cœur retourné devant les images de taureaux sacrifiés dans des arènes, d’animaux torturés dans des laboratoires, de phoques massacrés sur la banquise, de compagnons domestiques suppliciés par des crétins qui ne les valent pas.

Mais je m’insurge que des commandos déterrent l’urne funéraire de la mère du patron de Novartis (le laboratoire qui expérimente sur des animaux), profanent sa tombe avec des inscriptions insultantes, incendient des domiciles, menacent de mort, promettent d’enlever les enfants des responsables de cette entreprise, fassent courir de fausses réputations de pédophilie sur ces gens-là, car… les bêtes ne manifestent pas cette inhumanité-là !

Et pour cause…

Ces personnes montrent qu’il existe tout de même une différence entre les hommes et les animaux : seuls les premiers jouissent de mal qu’ils font. J’invite ces « humains » à prendre des leçons auprès des animaux…

Michel Onfray

Siné Hebdo n° 56, août 2009

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