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Sarkozy et les chasses présidentielles : retour d'une honteuse "tradition"

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Photo : le domaine du château de Chambord (Panoramas/Flickr)

Par Augustin Scalbert

Si les grands patrons et les politiques ne venaient pas tuer les sangliers de Chambord, ce serait aux gardes du domaine de le faire…

Autant inviter le gratin à jouer du fusil.

C'est, en résumé, l'argument de Pierre Charon pour justifier la reprise des chasses présidentielles.

La tradition désuète des chasses présidentielles avait disparu sous Jacques Chirac.

L'Élysée l'a remise au goût du jour au domaine national de Chambord.

Sur France Inter lundi, l'éditorialiste Thomas Legrand s'indignait de la reprise d'une institution « coûteuse, obscure et anachronique ».

Politiques, patrons et autres gens d'influence s'y côtoient.

Lesquels ?

Impossible de savoir.

« Quand on invite des gens à un anniversaire, on ne donne pas les noms des invités », a expliqué Pierre Charon, mardi matin sur France Inter. (Ecouter le son)

 

A Rue89, l'ami du Président et responsable des chasses affirme que le choix des invités se fait en toute transparence :

« Il n'y a pas d'opacité. Je demande aux deux présidents des groupes chasse au Parlement de trouver des députés et sénateurs intéressés. »

Et la présence de magistrats parmi les invités ?

« Mais [Yves] Bot est un grand chasseur », nous répond-il. Or, avocat général à la Cour de justice des communautés européennes, Yves Bot peut être amené à prendre position dans des affaires impliquant la France.

Comme le directeur général de la police nationale Frédéric Péchenard, les milliardaires Albert Frère et Martin Bouygues, le sénateur ex-socialiste Michel Charasse ou le membre du Conseil constitutionnel Pierre Joxe (cités par Le Monde et par L'Express), Yves Bot n'est là, à écouter Pierre Charon, que par amour de la chasse.

Budget annuel des chasses présidentielles : 12 000 euros. Vraiment ?

Selon le président du domaine (depuis le mois de décembre), ces prestigieux invités rendent en plus un service de régulation cynégétique :

« Il s'agit simplement de tuer des sangliers et quelques cerfs. Si j'ai un quota de 500 sangliers à Chambord et qu'il y en a 600 sur le domaine, qui est clos de murs, il faut faire des battues de régulation. Si on ne le fait pas sous forme d'invitation, ce sont les gardes qui le feront. »

Autant joindre l'utile à l'agréable, donc.

Surtout que « ça ne coûte rien du tout » :

« L'établissement public à caractère industriel et commercial de Chambord s'autofinance à 78%. Le reste, c'est des subventions. Il y a quatorze chasses par an, dont quatre battues présidentielles. Ce ne sont pas des chasses extraordinaires, c'est très différent des très belles chasses que j'ai pu voir. »

Selon Pierre Charon, ce coût de « rien du tout » se limite au prix des collations pour les 30 invités à chacune des battues, qui durent une journée.

Soit « 100 euros » de traiteur par tête, qu'il négocie. 12 000 euros (4 x 30 x 100 euros), voilà donc le budget annuel des chasses présidentielles ?

« Oui, c'est exactement ça. Vérifiez le prix du traiteur auprès de Jean d'Haussonville. »

Ce diplomate, très utile selon Charon pour inviter de riches princes étrangers (« éventuels mécènes pour Chambord »), est le directeur général du domaine.

Le budget cadre mal avec l'organisation de cérémonies de « tableau de chasse » avec tout l'apparât que décrit L'Express (gardes républicains tenant flambeaux, illumination du château…)

Lundi soir, un ministre suédois invité pour une chasse individuelle

En découvrant que le ministre des Finances suédois Anders Borg était allé chasser à Chambord, lundi soir et ce mardi matin (ce que ne mentionnait pas son emploi du temps), le correspondant du quotidien suédois Aftonbladet lui a demandé ce qu'il allait payer.

Le ministre a donc demandé à ses hôtes de Chambord ce qu'il devait… 200 euros, lui a-t-on répondu à son insistance.

Jean d'Haussonville, qui confirme que le Suédois « a tenu à payer son écôt » (d'un montant de 120 euros selon lui), me précise que le ministre était venu pour un « tir de sélection ».

Une invitation différente des battues présidentielles, donc.

Accompagné d'un garde-chasse, un invité tire un cervidé en fin d'après-midi, dort sur place, et en tire un autre à l'aube :

« C'est un cadeau de la République française à un ministre européen. Nous estimons que ça peut être utile pour la France. »

« Au fil de l'année », 80 personnes viendraient ainsi individuellement à Chambord pour des tirs de sélection.

Sur invitation du président de la République, mais pas uniquement.

Auprès de l'Express, Pierre Charon assume le côté « réseau » des battues présidentielles :

« Je rapporte à Nicolas Sarkozy ce que je picore à Chambord. »

Toujours sur France Inter ce mardi, Pierre Charon a trouvé la parade pour banaliser ces festivités :

« Est-ce que vous dites à [Jean-Jacques] Aillagon [président du domaine de Versailles, ndlr] qu'il organise des parties fines à Versailles dans les bosquets ? Non. Et pourtant le parc s'y prête. »

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