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Libé-la-Saumure (Isabelle Alonso)

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Libé, synonyme de journalisme rigoureux, limite intègre, si, si.

La preuve ?

Leur quatrième de couve du lundi 16 septembre.

Encore une interview d’une jeune femme plus maligne que les autres puisqu’elle a découvert le job de rêve qui permet de s’enrichir en s’amusant et c’est pas du pipeau, enfin si, justement.

Les filles vous êtes trop nulles trop connes.

Au lieu de bosser pour une poignée d’euros, d’endurer le RER, l’humour foireux des vos collègues, les pressions de vos supérieurs, au lieu d’économiser pour vous payer le ClubMed, feriez mieux de lire Libé afin d’en savoir plus (et que du vrai) sur la riante activité que toute fille un peu lucide et dégourdie se devrait de repérer : la prostitution !

Trop cool, vraiment !

Des vacances toute l’année, la rigolade tous les jours et le méga fun toutes les nuits ! Youpi !

Pleine page, donc, dédiée à « Marla », qui n’est pas prostituée, malheureux, quel vilain mot, elle est « escort ».  

La présentation de l’article use et abuse de phrases en italiques et entre guillemets, pour qu’on comprenne bien que tout ça, c’est elle qui le dit, c’est Marla en personne.

En effet, qui est mieux placée pour en parler que celle qui le fait, hein, puisqu’elle vous le dit, c’est que c’est vrai.

La rédactrice, dont on ne sait si elle est journaliste ou attachée de presse du très puissant et richissime lobby des maquereaux-pornographes ou si l’un n’empêche pas l’autre, emploie des termes extrêmement positifs pour décrire le milieu.

C’est du marketing pro pain-de-fesse.

Dans les lignes qui suivent, pour qu’on s’y retrouve dans cette vibrante et réaliste description de la prostitution vous trouverez en italiques les citations attribuées à Marla et entre guillemets la prose de la journaliste.

Comparés à la description du joyeux monde de la prostitution livrée par le journal, Bambi est une enquête objective sur la vie des cervidés et Blanche-Neige un reportage sans concessions sur les dangers de la consommation des pommes.

Jugez plutôt : une enfance impeccable, chérie et choyée entre des parents aimants et jamais divorcés (sic), des études brillantes, puis, à la faveur d’un devoir à faire sur la prostitution étudiante, la révélation !

Elle aura une super note et même une mention bien (rien ne vaut l’expérience de terrain) en racontant son expérience d’hôtesse dans un « bar chaud » qu’elle vit comme une « chouette colo d’été » avec un « mono génial qui ne vous force jamais ».

Aujourd’hui elle est escort « de luxe » et n’a qu’un regret : ne pas avoir de mac, oups, pardon, de « manager » qui gèrerait son planning façon assistant, qui pourrait « filtrer les appels des clients hasardeux ».

Question naïve : c’est quoi un client « hasardeux » ?

Un violent ? Un qui paie pas ? Un maniaque ?

Et la parade consisterait à « filtrer les appels » ?

Comme c’est intéressant, fouillé, approfondi !

Et n’allez pas penser qu’elle vend son corps !

Pâââs du tout.

Elle le loue « au même titre qu’un ingénieur utilise sa tête bien faite ».

Elle vient par ailleurs de découvrir un « nouveau monde gourmand », celui du X, bien sûr !

Un pur délice !

Tourner un porno, c’est vraiment un terrain de jeu, la différence c’est qu’on est tout nus.

Ok ! Bien sûr !

La pipe jusqu’aux amygdales ? Une  marelle naturiste !

Le gang bang ? Une pétanque désapée !

La double péné avec coup de pied à la lune ? Une belote à oilpé !

D’ailleurs, les gourdiflotes qui ne sont pas prostituées et qui trouvent les mecs décevants dans la vraie vie devraient découvrir cette mine à braves mecs que décrit la propagande maquerelle.

Ce ne sont que des gentils garçons en mal de cette affection que les méchantes femmes de leur vie refusent de leur donner.

Le coup de bite en sus, c’est juste par politesse, pour faire plaisir, n’allez pas croire!

 L’article est intitulé « Un putain de bonheur ».

Et une putain de mauvaise foi, aussi.

Le quotidien qui fut gauchiste reste fidèle à une des traditions de la gauche française, d’un machisme sauvage depuis Proudhon.

Pour eux, la « collectivisation des moyens de production » a toujours inclus les femmes.

Le quotidien ex-mao publie régulièrement des articles de pure publicité : soit des (supposées) prostituées en exercice témoignent des charmes de cette profession facile, rentable et amusante, soit des clients sociologues, chanteurs, comédiens se la jouent subversifs en volant au secours d’une très vieille et très solide institution patriarcale.

Sans oublier l’intervention de mercenaires de la cause, Badinter, Iacub ou Millet qui apportent aux proxénètes une caution morale qui doit bien faire rigoler les Julots mondialisés comptant leurs bénéfices.

On m’a dit une fois, dans un studio de RMC, (chez Brigitte Lahaie) où j’exprimais mon soutien à l’abolitionnisme, qu’un monde sans prostitution repose sur une vision du monde digne des « Bisounours ».  

Mais qui vit chez les Bisounours ?

Ceux qui prétendent que la  prostitution est un jardin de roses ? 

Ceux qui assurent que face à des clients comme le chanteur Antoine, Philippe Caubère ou DSK on peut baiser sans avoir envie de vomir juste parce qu’ils ont payé pour ?

Ceux qui assurent que soutenir la prostitution est une marque de respect envers les personnes prostituées ?

C’est même plus Bisounours, c’est Oui-Oui à Disneyland.

Le trafic d’armes, le trafic de drogue et le proxénétisme sont les trois business les plus lucratifs de la planète.

Les proxénètes ont largement les moyens de financer des campagnes de presse et d’acheter des gogos pour plaider leur sombre cause.

Ça mériterait une enquête sérieuse de la part de Libé ?

Un minimum d’analyse ? De rigueur ?

Non.

Libé a choisi son camp.

Celui de la tradition, de l’esprit français, de la gaudriole gauloise, du trottoir guilleret et de Dodo-la-Saumure.

Avec pour illustrer le propos, façon paysanne soviétique souriant à l’objectif derrière une gerbe du blé de la récolte record de 1933, le regard clair d’une gamine de vingt trois ans qui, un jour, immanquablement, finira par dire la vérité.

http://www.isabelle-alonso.com/libe-la-saumure/

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