L'union sacrée de la droite traditionaliste, de l'islam réactionnaire et des transfuges Soral, Belghoul et Dieudonné : d'une imparable logique
Le sexisme, l'homophobie, le conservatisme, le mépris de l'individu et du droit, et tant d'autres anti-valeurs, cimentent ce petit monde, qui se retrouve aujourd'hui uni contre l'ennemi commun : l'ABCD de l'égalité.
Quelle ironie de voir que l'islam, défendu par la gauche tendance boboïsante, a toujours été du côté de la droite la plus conservatrice.
Et que les ex-gauchistes Soral, Dieudonné et Belghoul se retrouvent aujourd'hui piliers de l'extrême-droite.
Mais quelle naïveté, aussi, de la part de ceux et celles qui en font la découverte.
Car quoi de plus logique qu'une telle union sacrée ?
M. P.
« Théorie du genre » : l'appel au boycott qui alarme l'école
LE MONDE | 29.01.2014 à 11h38 • Mis à jour le 30.01.2014 à 14h52 | Par Mattea Battaglia et Stéphanie Le Bars
Une centaine d'écoles perturbées par un absentéisme inhabituel des élèves, des syndicats d'enseignants alarmés, un ministre de l'éducation contraint de prendre la parole pour rassurer les parents : bien que limité, l'impact de la « journée de retrait de l'école », organisée vendredi 24 et lundi 27 janvier pour protester contre l'enseignement supposé de la « théorie du genre » dans les classes, a surpris tout le monde.
Pour cette directrice d'école primaire située à Evreux, en pleine zone d'éducation prioritaire, l'inquiétude des familles a commencé à poindre jeudi 23 janvier. « Les parents avaient reçu le même texto, parfois plusieurs fois de suite, sans qu'ils sachent précisément d'où il venait, même s'il avait l'air de cibler la communauté musulmane », raconte-t-elle.
Le message reçu pourrait prêter à sourire s'il n'avait été pris au sérieux par quelques parents : « Le choix est simple, soit on accepte la « théorie du genre » (ils vont enseigner à nos enfants qu'ils ne naissent pas fille ou garçon mais qu'ils choisissent de le devenir !!! Sans parler de l'éducation sexuelle prévue en maternelle à la rentrée 2014 avec démonstration et apprentissage de la masturbation dès la crèche ou la halte-garderie…), soit on défend l'avenir de nos enfants. »
Lire notre décryptage : Cinq intox sur la « théorie du genre »
« DÉSAMORCER LA POLÉMIQUE »
Dans cette école d'Evreux très attachée au dialogue avec les familles, où l'équipe s'est portée volontaire pour expérimenter les « ABCD de l'égalité », il n'a pas fallu grand-chose pour « désamorcer la polémique », note la directrice. « Les parents inquiets sont venus me questionner. Je leur ai expliqué que le nouveau dispositif n'avait rien à voir avec la prétendue théorie du genre, qu'on travaillait sur l'égalité entre les sexes pour lutter contre les stéréotypes, contre une orientation scolaire et professionnelle depuis trop longtemps défavorable aux filles… Et ils sont repartis en disant qu'ils nous soutenaient ! » Le lendemain, 4 enfants – sur 185 – manquaient à l'appel.
Sur l'ensemble du territoire, l'appel au boycott lancé par Farida Belghoul, figure de la seconde « marche des beurs » (1984) aujourd'hui proche de la formation d'extrême droite Egalité et réconciliation d'Alain Soral (lui-même lié à Dieudonné), a eu un « impact localisé », martèle-t-on au ministère de l'éducation.
Une centaine d'écoles, sur 48 000, ont été perturbées. Mais près de la moitié des académies ont été concernées, avec parfois une seule école touchée, parfois une vingtaine. Dans deux écoles de Strasbourg, près d'un tiers des élèves manquaient à l'appel. D'autres se sont fait porter pâle dans des écoles du Rhône, de l'Isère, des Pyrénées-Atlantiques, de la Seine-Saint-Denis, de la Seine-et-Marne, du Val d'Oise, du Loiret…
Lire le décryptage : Comment les détracteurs de la théorie du "genre" se mobilisent
« CLIMAT NAUSÉABOND »
Alors que de nouvelles « journées de retrait » sont programmées chaque mois, le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon, a voulu « rassurer tous les parents » : « Ce que nous faisons, ce n'est pas la théorie du genre – je la refuse », a-t-il assuré à l'Assemblée.
Les syndicats ont tous – ou presque – manifesté leur indignation face à l'écho de cette « opération » relayée sur les réseaux sociaux. « A chaque fois, c'est le même type d'écoles, le même profil de familles qui sont visées : celles des zones sensibles, s'indigne Christian Chevalier, du SE-UNSA. Des familles déjà en difficulté, dont les enfants ont le plus à pâtir d'absences », ajoute-t-il, dénonçant « des actions de guérilla contre l'école de la République réunissant l'extrême droite, les intégristes religieux, les nationalistes et les anti-républicains ».
Analyse peu différente au SNUipp-FSU. « On assiste à une instrumentalisation des élèves sur des territoires ciblés, une campagne de calomnie à fort retentissement sur Internet qui salit l'institution et les enseignants », déplore Sébastien Sihr, qui se dit choqué par ce « climat nauséabond ». Car au-delà de la dénonciation d'une supposée « théorie du genre », c'est une défiance à l'égard de l'école qui s'exprime ici sur un mode très virulent.
DES CRAINTES RÉELLES
« Le ministre doit expliquer de vive voix ce qu'est son projet, qu'on ne soit plus tributaire de ce qui tourne sur Internet », estime Ahmet Ogras, président du Comité de coordination des musulmans turcs de France et vice-président du Conseil français du culte musulman, « harcelé » par des parents inquiets. De son côté, le responsable du Rassemblement des musulmans de France, Anouar Kbibech, évoque une « inquiétude mais pas d'affolement ».
Sur les réseaux communautaires, le sujet fait débat. Mais sur le fond, les craintes sont réelles. « Sous couvert de lutter contre l'homophobie et pour l'égalité des sexes, se diffuse une propagande pour l'idéologie du genre et pour l'homosexualité », assure Abdallah Dliouah, imam dans le sud de la France, interpellé sur le sujet par des fidèles. « Ce sujet suscite une énorme émotion, car il touche à la question cruciale de la transmission des valeurs », confirme Nabil Ennasri, du Collectif des musulmans de France, qui dénonce toutefois une tentative d'entrisme de l'extrême droite dans les milieux musulmans.
Côté enseignants, les rumeurs propagées ces derniers jours en auront sans doute déstabilisé quelques-uns. Mais pour beaucoup d'entre eux, il y a urgence à rappeler le rôle de l'école dans la lutte contre les inégalités et les discriminations liées… au genre.