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Pierre Rabhi : "La planète n’est pas qu’un vulgaire gisement de ressources" (Le Monde)

Pierre Rabhi, figure de l'écologie et de l'altermondialisme pose, le 11 février 2010, au restaurant le Train bleu à la gare de Lyon à Paris, lors d'une interview pour la présentation du documentaire de Coline Serreau "Solutions locales pour un désordre global" qui sortira sur les écrans français le 07 avril 2010. AFP PHOTO FRANCOIS GUILLOT
 
Il est incontestable que ce que nous appelons la modernité a permis à une humanité restreinte, qui en est l’auteur et le bénéficiaire, des acquis que l’on peut mettre dans la colonne progrès. Il est aussi incontestable que c’est à ce paradigme, fondé sur la technologie et la puissance de la matière minérale combustible, que nous devons le pire. La bombe atomique devient en l’occurrence le symbole de l’horreur dont cette même humanité est capable.

En examinant les faits, nous sommes obligés de constater que l’espèce humaine possède de grandes aptitudes, mais l’intelligence pour leur donner sens et cohérence positive manque cruellement. Il est probable que la vision prométhéenne, et donc un être humain imbus de lui-même, ait ravalé notre magnifique planète oasis dans l’infini du désert astral et sidéral, à un vulgaire gisement de ressources à épuiser jusqu’au dernier poisson, au dernier arbre, sous l’injonction du lucre, de l’insatiabilité humaine programmés pour entretenir la chimère de la croissance sans cesse invoquée comme la solution, alors qu’elle est le problème.

Coupables de toutes les iniquités planétaires, et jusqu’à l’inanition infligée à des milliards d’enfants et d’êtres humains dans un holocauste permanent, comment ne pas ressentir dans son âme, et presque dans sa chair, les blessures et les exactions commises contre cette sphère vivante à laquelle nous devons et devrons, ainsi que les générations futures, notre vie et notre survie, et que nous sommes en train de génocider par notre boulimie ? Après nous le déluge, n’est-ce pas ?

Belle conscience

Entraînés par une pseudo-économie comme par un fleuve en crue, nous ne savons où nous allons tout en y allant résolument. Le sacrifice de cette belle conscience habitant le corps du jeune Rémi Fraisse ne peut être vain et ne doit pas être vain. Il nous rappelle que nous avons absolument besoin d’une nature respectée et protégée de cette prédation et de ce véritable pillage, comme l’a exprimé un ouvrage magistral salué par tous les grands esprits de l’époque (Einstein, DeVoto, Huxley, etc.), à savoir La Planète au pillage, du paléontologue américain Henry Fairfield Osborn. Réduire le sacrifice de Rémi à une bavure au sein d’une problématique, même nationale, serait le profaner.

Nombreuses sont les consciences qui, partout sur la planète, essaient de faire comprendre, de nous faire comprendre, que notre planète est trop belle, trop rare, pour être livrée comme une prostituée aux appétits jamais assouvis des financiopathes et autres prédateurs sans âme, à la gabegie d’un système à la rigidité cadavérique, promettant un bonheur qu’il est incapable d’assurer autrement que par la consommation exponentielle d’anxiolytiques.

Arrêtons de détruire la vie et nos vies, la félicité sur terre est possible, alors préservons-la, prenons-en soin. Ravaler ces propos à la mièvrerie serait une erreur, car nous avons besoin d’une nature respectée, mais la nature n’a pas besoin de nous. Elle se remettra de toutes nos exactions et poursuivra, comme elle l’a commencé, bien avant notre avènement, son chemin vers sa propre finitude. On pourrait conclure en disant « à bon entendeur salut », et un grand merci à Rémi pour nous avoir alertés.

Fondé en 2007, le Mouvement colibris promeut un nouveau projet de société par une écologie positive notamment grâce à la réalisation de projets avec des citoyens, des collectivités locales, des élus, des entreprises et des associations. Colibris encourage la création de projets tels qu’une AMAP à Draguignan, un potager à La Ciotat, un café citoyen et une « grainothèque » à Aubagne, un groupement d’achat et un habitat groupé en Seine-et-Marne, une monnaie locale à Strasbourg.

Pierre Rabhi (Philosophe, agriculteur et biologiste)

http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2014/11/04/la-planete-n-est-pas-qu-un-vulgaire-gisement-de-ressources_4517831_3232.html

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