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"Proxénètes, pas sûr, clients, certainement !", par Claudine Legardinier pour le Mouvement du Nid,

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CLAUDINE LEGARDINIER POUR LE MOUVEMENT DU NID, PARTIE CIVILE AU "PROCÈS DU CARLTON"

En traquant le proxénétisme, le procès du Carlton aura eu un mérite : éclairer la démarche des «clients».

Après quelques jours d’audience, on aura compris que ces derniers sont bel et bien mus par un besoin ; pas un «besoin sexuel» mais le besoin d’exercer le pouvoir et de jouir de leurs privilèges ; le besoin d’asseoir une connivence masculine en exploitant sexuellement des femmes ; le besoin de se défouler - loin du poids des responsabilités et de celui des épouses - en exprimant à l’égard des jeunes femmes qu’ils payent (ou pas… car ces messieurs semblent goûter «la petite pipe à l’œil») un mépris incommensurable.

Les termes employés pour les désigner parlent d’eux-mêmes : «dossier», «cheptel», «roues de secours» et bien entendu «connasses».

Mépris donc, et bien pire : brûlures de cigarettes, maltraitances, insultes et même «boucherie» comme l’ont dénoncé les jeunes femmes appelées à la barre des témoins, la voix brisée.

Certains comportements devraient d’ailleurs être nommés pour ce qu’ils sont. La jeune fille de 19 ans, allongée dans les toilettes, ivre morte, dont «Jade» dit à la barre : «Je ne sais pas combien lui sont passés dessus», est victime de viols collectifs.

Et que dire de messieurs posant à René Kojfer, généreux pourvoyeur, des questions du type : «J’ai un ami qui voudrait une fille de 17 ans pour la tirer, tu peux trouver ?» On voit ce qu’il en est de la prostitution «de luxe», habituellement couverte de l’indulgence générale en raison des limousines et des gros billets.

De luxe ou de caniveau, quelle différence ?

Avant même de savoir si les prévenus seront ou non condamnés pour proxénétisme aggravé, le procès aura montré crûment que la question des «clients» et leur responsabilité majeure dans le fonctionnement d’un système de démolition des femmes ne peuvent plus être éludées.

En attendant, ces femmes, vulnérables et en situation précaire (le frigo vide de «Jade» et ses enfants à élever n’ont pas de quoi faire fantasmer) continuent de subir les traitements que ce procès aura eu le mérite de divulguer.

Et le beau projet d’égalité entre les femmes et les hommes, omniprésent dans nos textes, continue de servir de décoration.

Tant que les milieux d’affaires et de pouvoir, entre autres, auront des femmes cette image et cette conception, il est peu probable que ces dernières aient une chance de briser le plafond de verre.

Tant de motifs d’accablement exigent donc des issues. Il se trouve qu’une proposition de loi, votée à l’Assemblée nationale il y a plus d’un an, dort dans les tiroirs du Sénat, où le dossier, manifestement, en dérange plus d’un.

Il serait piquant que les messieurs du Carlton en soient aujourd’hui, à leur corps défendant, les meilleurs avocats…"

Claudine LEGARDINIER pour le Mouvement du Nid, partie civile au "procès du Carlton"

http://www.liberation.fr/societe/2015/02/08/proxenetes-pas-sur-clients-certainement_1198228

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