"Arbres en péril" (Politis)
Photo : LUDOVIC MARIN / AFP
Au nom de la sécurité routière, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve envisage d’abattre les platanes et peupliers plantés le long de nos routes.
Une attaque contre la nature et les paysages.
PETITION : https://www.change.org/p/segolene-royal-contre-l-abattage-des-arbres-en-bordure-des-routes-de-france-luttons-contre-cette-atteinte-au-patrimoine-naturel-de-ce-pays-renforcez-la-pr%C3%A9vention-la-r%C3%A9pression-et-faites-appliquer-la-loi-par-vos-fonctionnaires-ce-sera-plus-cherQuand les arbres menacent les voitures. Parmi les mesures (alcoolémie, téléphones portables, limitations de vitesse…) décidées par le gouvernement pour tenter d’améliorer la sécurité routière, une annonce a peu suscité l’intérêt des médias.
Elle risque pourtant de remettre en cause le paysage français.
Instructions vont en effet être données aux préfets de dresser rapidement une liste exhaustive des arbres d’alignement « situés trop près des routes ».
Explications : les voitures sortant de leur trajectoire se heurtent trop souvent à ces arbres, accroissant paraît-il le nombre des morts et des blessés ; car il est bien connu que la plupart des véhicules sont largement moins solides que les platanes ou les peupliers.
Pourtant, le ministère de l’Intérieur ne fournit aucun chiffre à l’appui de sa décision.
Sans doute parce que sur les bords des routes existent des milliers d’autres obstacles sur lesquels une voiture peut s’écraser.
Cela fait des années que des élus locaux ou régionaux militent contre les arbres qui ombragent les routes, soit des ex-nationales, soit des voies secondaires.
Des arbres d’alignement dont la présence remonte au XIXe siècle ou aux années 1930, bien que de nombreuses plantations aient été effectuées après la dernière guerre.
C’est dans le sud de la France et dans la région Centre, notamment dans le Loiret, que des présidents de conseil général sont en pointe dans la lutte contre les arbres, profitant de l’émotion liée à un accident ou de la réfection d’une route, pour couper tous ces intrus en dépit des protestations des associations.
Ils transforment ainsi des voies agréables en déserts propices à la vitesse.
Effets positifs des plantations
Chantal Pradines, experte auprès du Conseil de l’Europe sur les questions de paysage, travaille et milite depuis des années contre ces massacres.
Dans une note adressée en juillet 2014 aux parlementaires français, elle explique notamment :
« Diverses études ont mis en évidence l’effet positif des arbres pour la sécurité routière. Cet effet positif, lié notamment à leur capacité à signaler efficacement les virages, carrefours, entrées d’agglomération et à rendre la vitesse perceptible par le défilement des arbres, a également été mis en relation avec leur caractère esthétique. Il se traduit par un abaissement significatif de la vitesse et une prudence accrue (…) la question de la sécurité routière peut et doit donc se traiter autrement que par des mesures concernant les arbres. »
Dans ses différentes études, Chantal Pradines, comme de nombreux protecteurs de la nature et des paysages, rappelle qu’il est tout à fait possible de protéger les automobilistes imprudents en posant des rails de sécurité devant les alignements.
Tous signalent également que des pays comme la Suède, le Luxembourg, l’Allemagne, la République tchèque ou la Grande-Bretagne ont placé les arbres d’alignement sous la protection de la loi pour leur rôle écologique, paysager ou culturel.
Comblons les fossés !
Mais, en dehors de leur obsession sécuritaire infondée, il existe une autre raison qui incite les élus locaux et le ministre à « dégager » ces arbres : cela libèrerait de la place pour enfouir des réseaux de fibres optiques le long des routes sans empiéter sur les terres agricoles que les opérateurs devraient acheter sur des milliers de kilomètres, alors que l’opération est impossible à réaliser dans les systèmes racinaires des plantations.
Il ne reste plus aux élus obsédés qu’à faire retirer de la proximité des routes les poteaux indicateurs, les pylônes électriques ou téléphoniques et évidement les habitations.
Sans oublier de combler les fossés dans lesquels les voitures peuvent se renverser.
Mais ni eux, ni le ministre de l’Intérieur ne semblent avoir pensé que c’est la vitesse qui est en cause, pas les arbres.
Car il est très rare que ces derniers sautent brusquement au milieu des routes…