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Le Figaro : "Foie gras : débat sur la souffrance des canards"

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YVES MISEREY

Publié le 21 décembre 2006

Les opposants au gavage contestent les résultats de travaux montrant l'absence d'hormone indicatrice de stress chez les canards.

Un livre dénonce le fait que les recherches sur le bien-être des animaux gavés sont financées par la filière professionnelle.

 « AUCUN élément scientifique ne permet de dire que cette opération (le gavage, NDLR) est une source de mal-être animal. » Cette déclaration catégorique de Daniel Guéméné, chercheur à la station Inra (1) de ­recherches avicoles de Nouzilly, près de Tours, est reproduite sur la couverture d'un livre sorti le mois dernier sur le gavage et le foie gras (2). Juste au-dessus, on peut voir une photo de deux canards dans leur ­cage au moment du gavage : l'animal au premier plan a le bec grand ouvert, encore tout encollé de bouil­lie de maïs, il halète, tandis que l'autre au second plan a le bec maintenu ouvert sans ménagement par l'éleveur qui tient de l'autre main l'embuc, le long tube au bout duquel est fixé un entonnoir. Le message est clair. Les scientifiques de l'Inra ne voient pas la même chose que ce qui saute aux yeux d'une personne sensible : le gavage est un calvaire pour les canards.

Mais le livre d'Antoine Comiti, militant de l'association Stop Gavage, ne se veut pas seulement un ­réquisitoire contre l'élevage intensif et la souffrance animale. L'auteur, qui est par ailleurs consultant en ­informatique médicale, émet de sérieux doutes sur l'indépendance des chercheurs de l'Inra travaillant sur le bien-être animal. En effet, leurs travaux sont en partie financés par le Cifog (Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras) qui, comme toute filière digne de ce nom, ne vise qu'à développer sa production. Il y a donc, pour lui, un conflit d'intérêts évident quand on leur demande de produire des expertises sur la souffrance des canards gavés. On peut les suspecter de fournir les résultats attendus par les professionnels.  

« J'aimerais que d'autres équipes dans le monde travaillent sur nos thématiques et puissent nous apporter la contradiction », explique Daniel Guéméné que nous avons rencontré dans son bureau de Nouzilly. « Nos études ont été publiées dans des revues à comité de lecture. Nous avons tout fait dans les règles. Les contrats de recherche que nous avons signés ont fait l'objet de publicité. Je suis tout prêt à accepter les financements de Stop Gavage. »

Derrière cette controverse, c'est aussi la question du positionnement de l'Inra qui est soulevée. Depuis soixante ans, l'institut public a été au service du développement des filières agricoles, avec le succès que l'on connaît.  

« Injonction contradictoire »

Mais aujourd'hui, ces mêmes modèles qu'il a contribué à mettre en place sont remis en cause. La loi pour la recherche votée en mars 2006 fixe désormais un double rôle aux organismes de recherche publique : aider les acteurs économiques à innover mais produire aussi des expertises indépendantes. Il y a là une « injonction contradictoire », comme le reconnaît Rémi Barré, spécialiste de prospective pour la recherche. C'est justement ce que met en lumière le livre d'Antoine Comiti. La direction de l'Inra assure avoir déjà pris en considération ces problèmes. Un groupe de travail « Agri Bien-Être » ouvert à la société civile se réunit régulièrement et le comité d'éthique a réfléchi sur les cadres à donner aux différents partenariats de l'institut.

La problématique de la souffrance animale fait depuis longtemps l'objet de nombreux débats en Europe du Nord et dans les pays anglo-saxons. Elle est encore émergente dans notre pays. Les professionnels de la filière foie gras se sont appuyés sur les travaux de l'Inra pour apporter la contradiction à un rapport d'experts de la Commission européenne qui, en 1998, avait condamné le gavage, estimant qu'il occasionnait des souffrances pour les canards. Au printemps dernier, Israël a décidé d'arrêter la production de foie gras pour ce motif. Cette année, des villes américaines comme Chicago ont décidé d'interdire la consommation de foie gras dans les restaurants. Daniel Guéméné est ­régulièrement sollicité pour présenter les résultats de ces travaux montrant l'absence d'hormone indica­trice de stress chez les canards lors du gavage. « Quand j'ai commencé à rechercher des indicateurs de stress chez les canards, j'ai été très surpris de ne rien trouver », se rappelle Daniel Guéméné.

« La question est de savoir si ces indicateurs strictement biologiques suffisent à définir le bien-être d'un animal », s'interroge néanmoins Florence Burgat, directrice de recherche à l'Inra.

(1) Institut national de recherche agronomique.

(2) L'Inra au secours du foie gras, ­­ d'Antoine Comiti, éditions Sentience, 25 E.

http://www.lefigaro.fr/sciences/20061221.FIG000000017_foie_gras_debat_sur_la_souffrance_des_canards.html

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Vous en voulez encore ? 

http://video. google.com/ videoplay? docid=5880879704 649702560

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