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Thierry Souccar : le lait, pas toujours bon pour la santé

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Thierry Souccar est journaliste, rédacteur en chef de lanutrition.fr, collaborateur de Sciences et avenir, spécialiste des questions de santé, auteur d'un ouvrage intitulé Lait, mensonges et propagande.

Lors d'une séance de chat, il a répondu aux nombreuses questions des internautes, précisant son point de vue quant aux conséquences d'une consommation de produits laitiers trop importante.

Combien y a t-il eu d'études démontrant les méfaits du lait ?

Thierry Souccar : Méfaits est un peu fort. Je dirais effets indésirables. Il y a des dizaines d'`études associant une consommation excessive de laitages (3 et plus par jour) à des risques pour la santé.

Quels sont les maux provoqués par le lait ?

Avec 3 laitages et plus par jour, on voit augmenter le risque de cancers de la prostate et des ovaires, de maladie de Parkinson. Et pour 75 % des habitants de la planète qui ne tolèrent pas le lactose, il y a une myriade de troubles qui apparaissent lorsqu'ils boivent du lait : troubles digestifs, rhumatismes, etc.

Qu'est-ce qui est mauvais, précisément, dans le lait ?

Dans le lait : des protéines allergisantes ou mal tolérées, le lactose (sucre du lait), que ne digère pas la plupart d'entre nous, trop de calcium lorsque la consommation de vitamine D ne suit pas, un facteur de croissance, l'IGF-1, qui pourrait attiser certains cancers, des pesticides...

Quelles sont vos compétences pour porter ces jugements sur le lait et les produits laitiers ? Etes-vous médecin ou professionnel de santé ?

Les médecins ne sont pas les plus compétents pour parler de nutrition, la nutrition est une discipline fondée par les biochimistes, ce sont eux qui sont à l'origine des principales découvertes et c'est ma formation dans ce domaine qui m'a conduit à la nutrition. Toutes les sources du livre sont référencées et le corps du livre a été écrit avec le concours et la collaboration des plus grandes unités de recherche en nutrition au monde, comme l'Ecole de santé publique de Harvard, qui tient exactement le même discours que moi.

Mettez-vous tous les laitages sur le même plan ? Sont-ils tous aussi néfastes ?

Le lait liquide est sûrement le moins recommandable. On peut consommer des yaourts avec modération et un peu de fromage. Il n'y a plus de lactose dans le fromage et il ne fait pas monter l'insuline, mais il comporte des graisses saturées, du sel et il détériore un équilibre très important, l'équilibre acide-base. On peut continuer de consommer des laitages si on les tolère, mais avec modération.

J'aimerais simplement savoir si vous faites une différence entre le lait de vache et le lait de chèvre? Sont-ils égaux au niveau des méfaits ou le lait de chèvre est-il "moins mauvais " pour notre santé ?

Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de différences, en tous cas pas dans la teneur en protéines, calcium, lactose. Les chèvres étant de petits animaux, il y a probablement moins de facteurs de croissance et d'hormones, donc un petit avantage aux chèvres.

Si le lait est mauvais pour la santé, quel est le produit qui peut le remplacer ?

Le lait n'est pas indispensable. La majorité des Asiatiques n'en consomme pas et pourtant on vit très longtemps au Japon, en bonne santé. Donc on ne doit pas s'inquiéter si l'on n'en consomme pas. Il faut manger un peu plus de fruits et légumes et s'assurer d'une à deux bonnes sources de calcium chaque jour comme le chou, les eaux minérales, les sardines, les amandes...

Les pesticides et autres polluants dans certains prés peuvent-ils se retrouver dans le lait ?

Bien sûr, puisque le lait (non écrémé) renferme des graisses et que les pesticides sont lipophiles, c'est-à-dire qu'ils ont une affinité pour les graisses. C'est le cas aussi des dioxines lorsque des vaches broutaient l'herbe à proximité des incinérateurs (autrefois, car aujourd'hui, les incinérateurs relâchent très peu de dioxines).

Est-ce que le lait bio avec 0 % de matières grasses ne pourrait pas constituer un bon apport en protéines ?

On n'a pas besoin de lait pour s'assurer de ne pas manquer de protéines en France. Cela posé, le lait bio aura moins de pesticides (donc risque réduit de Parkinson, par exemple) et on peut penser qu'il y aura aussi moins de facteurs de croissance.

Et le calcium ? Comment en avoir autrement que par le lait ?

Il n'y a pas de crise d'apport en calcium en France, sauf pour une petite partie de la population. C'est une invention du lobby laitier et des nutritionnistes qui travaillent pour lui. Les besoins en calcium lorsqu'on consomme beaucoup de potassium (fruits et légumes), qui aide à fixer le calcium, sont de l'ordre de 500 à 700 mg/jour, très facilement couverts par l'alimentation dès lors qu'on veille à s'assurer 1 à 2 bonnes sources de calcium par jour (dont un laitage par exemple).

Est-ce que la maîtresse a le droit, à l'école, d'obliger les enfants à boire une brique de lait comme c'est souvent le cas ?

Absolument pas, d'autant que la consommation de lait dans l'enfance pourrait déclencher une maladie très grave, le diabète de type-1 chez des enfants à risque. Les parents doivent, s'ils y sont opposés, exiger de l'école que leur enfant ne reçoive pas de lait.

Que doit-on donner aux enfants ?

Si pas d'antécédents de diabète de type-1, on peut introduire le lait pas trop tôt et surveiller l'enfant pour voir s'il n'y a pas de régurgitations, d'allergies. Si tout se passe bien, on peut donner des laitages avec modération (pas plus de 2 par jour) et compléter avec d'autres "laits" s'ils sont bien tolérés comme celui de soja (attention aux risques d'allergies au lait de soja).

Et le lait maternel, il n'est pas dangereux ?

Non, c'est la Rolls pour nourrir un bébé. La maman doit aussi veiller à bien s'alimenter car de nombreux nutriments indispensables dépendent d'elle, notamment les acides gras à longues chaînes.

Et la consommation de laitage dans le cadre de la grossesse, c'est aussi à éviter ?

On sait depuis quelques années qu'il est inutile de se gaver de calcium pendant la grossesse. Donc le régime à suivre est le même : les laitages ne sont pas interdits, mais il faudrait en consommer avec modération.


Que pensez-vous du lait maternisé ? Y a-t-il un âge limite après lequel il est mauvais de continuer ?

Les laits artificiels ont deux problèmes, entre autres : trop de protéines qui pourraient favoriser l'obésité et des composés antinutritionnels appelés produits de glycation avancés dus au chauffage en présence de fer et vitamine C. Mieux vaut limiter la durée d'exposition à ces aliments.

Je suis allergique au lait depuis tout petit, en fait il parait que je ne digère pas le lactose. Du coup, je n'en mange jamais. Est-ce que ça veut dire que mon espérance de vie s'en trouve prolongée?

Le régime d'Okinawa est le plus efficace pour faire des centenaires sur la planète. C'est un régime sans laitages. Vous ne serez peut-être pas centenaire, mais le fait de ne pas consommer de laitages n'est pas un handicap. Le régime d'Okinawa se caractérise par une grande consommation de fruits, légumes, plantes, thé etc. et peu de calories au total.

En dehors du goût, quelles sont les autres différences entre du lait "frais" et du lait "longue conservation" ? Quel est le meilleur ou le moins nocif pour la santé ?

Pas de grande différence. Le lait UHT conduit à l'élimination d'une partie des facteurs de croissance, ce qui est bien mais aussi à dénaturer peut-être des protéines, ce qui est moins bien.

Je suis ménopausée. Mon médecin m'encourage à manger des laitages pour prévenir l'ostéoporose. Qu'en pensez-vous ?

Cette stratégie est inefficace pour prévenir l'ostéoporose. Il n'y a pas d'interdit sur les laitages, mais aucune raison d'en consommer si on n'aime pas ça. La santé des os semble plus assurée par un régime riche en végétaux, qui apportent des substances alcalinisantes (sels de potassium), des vitamines C et K, des phytoestrogènes. Il faut veiller à ses apports en vitamine D et faire un peu d'exercice.

J'ai énormément d'arthrose (découverte à 32 ans). Pourquoi dit-on que le lait n'est pas conseillé ?

Les protéines du lait pourraient favoriser des réactions auto-immunes, qui sont en cause dans l'arthrite rhumatoïde. Si vous souffrez d'arthrose "simple", je ne suis pas certain que l'exclusion totale des laitages vous apporte un soulagement.

Boire un litre de lait par jour sans plus de laitage, est-ce mauvais à long terme ? Je fais ça depuis 50 ans !

Il y a de bonnes chances que vous restiez en bonne santé. Les études que je cite sont des études épidémiologiques : elles ne pointent pas des certitudes, mais une association avec un risque statistique. Le lait n'est pas encore un poison mortel !

Quelle est la situation de la France par rapport à d'autres pays ? Est-ce qu'on consomme plus ou moins de lait qu'ailleurs ?

La France est un grand pays de production laitière, donc en Europe il se situe dans la moyenne haute de consommation. Nous sommes dépassés par les pays anglo-saxons et scandinaves. La Suède détient le record de conso de lait et, bizarrement, le record de fractures du col du fémur, comme je le rapporte dans "Lait mensonges et propagande".

La polémique existe-t-elle dans d'autres pays ?

Dans tous les pays : USA, Grande-Bretagne, Scandinavie, Grèce, Australie, etc. Y compris en Chine où "Lait mensonges et propagande" va bientôt être publié. Partout, des chercheurs indépendants tirent la sonnette d'alarme mais les intérêts économiques sont trop importants.

Y a-t-il vraiment un lobby des produits laitiers ? Quelle est son influence véritable ?

Evidemment. Le lobby est en place depuis les années 1930. C'est lui qui a obtenu de Mendès-France l'instauration du "lait à l'école". De très nombreux nutritionnistes officiels travaillent avec l'industrie laitière, que ce soit au sein de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments ou du Programme national nutrition santé, voir "Santé, mensonges et propagande". Lobby très puissant, l'un des plus puissants en France, plus que le lobby pharmaceutique.

Que pensez-vous de toutes les recommandations santé en matière d'alimentation auxquelles on a droit ces derniers temps (notamment avec le livre de David Servan Schreiber) ?

Nous allons publier dans quelques semaines un guide objectif pour mieux se nourrir, "La meilleure façon de manger". Vous y lirez notre analyse des recommandations actuelles. Pour faire vite : il y a du bon (fruits et légumes, peu de sucre), du bizarre (manger des céréales et des pommes de terre !) et du moche (avaler 3 à 4 laitages par jour, manger moins gras). Il n'y a pas encore assez de science dans les recommandations officielles et beaucoup de "gestes" en faveur de l'industrie agro-alimentaire. En revanche, je pense beaucoup de bien des conseils de David Servan-Schreiber, avec lequel mon équipe a d'ailleurs collaboré sur certains points comme l'index glycémique.

Subissez-vous des pressions suite à la parution de votre bouquin ?

Non, les pressions, c'est depuis des années ! Non, sérieusement, j'arrive à faire mon travail, je pense qu'en face l'industrie et les nutritionnistes officiels sont ulcérés mais qu'ils savent que ce que j'écris ne sort pas d'un chapeau. Je ne suis pas contre la consommation de laitages, je demande simplement que le grand public soit informé et qu'on arrête de lui mentir, y compris au plus haut niveau du ministère de la Santé sur les soi-disant vertus du lait, breuvage indispensable. Le lait n'est pas un aliment magique, il a sa place dans l'alimentation, ni plus que ça, ni moins que ça.

Selon vous, le problème du lait représente-t-il le prochain grand scandale sanitaire médiatisé ? En voyez vous d'autres ?

Dans l'alimentation oui, il y en aura d'autres, comme la surconsommation de céréales, un autre aliment "nouveau" apparu au néolithique. Oui, je pense que le lait est un scandale, car il s'agit de pure propagande, de désinformation et d'intoxication du corps médical et des diététiciens.

Allez-vous mener d'autres combats après celui contre le lait ?

Dans la maison d'édition que j'ai créée, j'essaie de donner la parole à des chercheurs et des scientifiques qui sont en avance sur leur temps. A titre personnel, j'aimerais reprendre l'écriture d'un roman médiéval commencé il y a des années et que j'interromps régulièrement pour écrire des livres comme celui sur le lait.

Thierry Souccar : Ce chat a permis pour ceux qui ne connaissent pas mon travail de clarifier ma position. L'industrie agro-alimentaire me dépeint volontiers comme un ayatollah anti-lait, mais j'ai simplement un message de modération issu d'une analyse en profondeur des données scientifiques et de mes contacts avec les chercheurs. Je mange volontiers (mais pas tous les jours) du fromage, je pense qu'on peut continuer à consommer des laitages si on les supporte bien, mais je recommande de ne pas en prendre plus de 2 par jour parce que les études scientifiques montrent que les risques apparaissent à ce seuil. Les laitages ne préviennent pas l'ostéoporose, je pense que les données objectives publiées sont éloquentes et que c'est mentir aux Français que de soutenir le contraire. De ce point de vue, comme le dit mon ami le Professeur Walter Willett de Harvard, les recommandations actuelles (3 à 4 laitages par jour) sont irresponsables et ne devraient pas être suivies.

À lire :

Thierry Souccar, Lait, mensonges et propagande, Thierry Souccar éditions, 228 pages, 19,00 €.

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Mathilde Regnault, L'Internaute

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