Quatre cas de « maladie du chasseur » en Lot-et-Garonne
Santé. La tularémie a fait sa réapparition en l'espace de quelques mois dans le département. Les chasseurs sont avertis, pas la population.
Aucun cas en 20 ans, quatre pour le seul premier semestre 2008. Fin août, l'inspection régionale du travail de Bordeaux a rendu public ce que les services vétérinaires et la direction des affaires sanitaires et sociales savaient déjà dans le département : quatre cas de tularémie humains ont été décelés dans l'ouest de Lot-et-Garonne.
Les victimes ont toutes, de près ou de loin, à voir avec le milieu de la faune sauvage, ont été en contact avec un rongeur, lièvre, mulot, musaraigne… Dans le confluent, Aiguillon et Tonneins, les cas révélés concernent le milieu de la chasse. Le cas de Casteljaloux est plus atypique puisqu'il s'agissait d'un piégeur chargé d'éliminer les taupes et les rongeurs sur le parcours de golf.
Les symptômes de la tularémie, sont ceux d'une grosse grippe, avec développement de ganglions lymphatiques possibles. Pas mortel mais très désagréable et long à soigner. Dangereux quand même pour les personnes fragiles ou fragilisées par une anémie, par exemple. Ca se soigne.
L'incubation, de trois à quinze jours selon un médecin. « Les souches de tularémie constatées en France sont moins virulentes qu'aux États-Unis », constate Alexandra Maille, chercheur à l'Institut de veille sanitaire (INVS Paris) et responsable d'une cellule de veille sur cette francisella tularensis, en latin dans le texte.
Bioterrorisme
Maladie dont la déclaration était obligatoire jusqu'en 1986, la tularémie est revenue au goût du jour en 2002, un an après le World Trade Center. Un mot y est associé : bioterrorisme. Et c'est aussi pour cette raison qu'un centre national de référence (CNR) a été mis en place. En temps réel, le CNR observe l'évolution géographique des cas répertoriés. Et le Lot-et-Garonne apparaît en rouge sur la carte de France, avec l'ouest du pays, sans qu'il soit possible de dire s'il s'agit d'une épidémie ou d'une augmentation directement liée à l'augmentation des cas chez les animaux.
Rappel des règles
Un communiqué de la fédération des chasseurs - ils sont 16 000 dans le département - leur rappelle les règles : ne pas attraper un animal mort, ou dont la docilité laisse à penser qu'il est malade. « Le dépeçage sans gants est aussi un facteur de risques ». Le mot d'ordre de la fédération s'étend aussi à la possibilité d'une contamination par la tique.
« Le bon sens doit prévaloir, ajoute Alexandra Maille (INVS), y compris dans son potager, les gants peuvent être utiles ». La préfecture a estimé de son côté que le risque ne concernait que les chasseurs en majorité. « Le corps médical a été informé. Pour la population des non-chasseurs, le danger n'existe pas, » estime Yohan Mougenot, le directeur de cabinet du préfet.
Les chasseurs, leurs familles, sont les premières cibles de la tularémie. « Plus globalement, tous ceux qui peuvent être en contact avec la faune sauvage », explique Max Maurin (CHU de Grenoble), l'un des spécialistes de cette infection dont les cas se multiplient en France depuis deux ans : 72 dont 12 groupés en 2008, contre 47 seulement en 2007.
Les symptômes d'une grippe carabinée
La tularémie a été surnommée la «maladie de la femme du chasseur» car elle est susceptible de contaminer toute personne ayant manipulé un lièvre, par exemple, atteint par la francisella tularensis au moment du dépeçage. Elle survit dans l'eau, le sol et les cadavres de rongeurs.
Dans les premiers jours d'incubation (moins de deux semaines en moyenne), les symptômes de la tularémie ressemblent à ceux d'une très grosse grippe : fièvre, fatigue prononcée, troubles articulaires, nausées et vomissements parfois. Ces symptômes se soignent par antibiotiques après identification par le médecin généraliste.
Les cas révélés depuis quelques années ne pourraient être que la partie visible de l'iceberg. «Dans les cas le s plus banaux, la tularémie est comparable à une infection grippale» remarque Alexandra Maille. «Il faut des examens sanguins spécifiques à la bacterie de la tularémie pour la détecter. Selon l'expert, la population des chasseurs est la plus exposée. «Mais potentiellement, toutes les populations intéressées par la faune sauvage.»
Questions à Max Maurin (CNR)
Comment peut-on expliquer l'augmentation du nombre de cas de tularémie en France ?
Je vois deux facteurs principaux. Le premier a probablement à voir avec l'augmentation du nombre de cas dans le réservoir animal. L'autre, c'est que depuis 2002, le dispositif de déclaration est plus efficace, notamment grâce à la mise en place d'un centre national.
Doit-on à votre avis s'inquiéter de cette augmentation ?
Ce n'est pas une maladie aussi grave que cela, en France en tout cas. Les conséquences ne doivent toutefois pas être sous-estimées quand le patient souffre d'anémie par exemple. Dans les cas les plus sérieux, l'adénopathie (NDLR: développement de ganglions lympathiques) peut toutefois prendre plusieurs mois.
Est-il normal que la population ne soit pas régulièrement informée de l'augmentation du nombre de cas ?
Il n'y a rien à cacher dans la mesure où, je le répète, il existe d'autres maladies infectieuses beaucoup plus graves, qui touchent une population plus grande. La veille sanitaire est organisée avec les DDASS. Une « cellule de crise n'est à mon avis pas justifiée aujourd'hui.
Max Maurin est professeur au CHU de Grenoble, responsable du centre national de référence pour la tularémie.
http://www.ladepeche.fr/article/2008/10/06/479933-Quatre-...