Le massacre des porcs choque l'opinion publique égyptienne (Le Figaro)
Crédits photo : AFP PHOTO/STR
Le Caire, Tangi Salaün
L'extermination des cochons à coups de barres de fer et de produits chimiques provoque l'indignation générale.
Des dizaines de cochons déversés vivants par un tractopelle dans la benne d'un camion, avant d'être aspergés de produits chimiques qui les tuent lentement : ces images extraites d'une vidéo diffusée sur le site du journal indépendant al-Masry al-Yom ont suscité des réactions indignées en Égypte, y compris parmi les dignitaires religieux musulmans.
Décidée dans le cadre de la campagne de prévention contre la grippe A (H1N1), l'élimination du cheptel porcin était jusqu'alors présentée comme respectant les normes sanitaires et les valeurs du pays.
Mais c'était compter sans la saturation des rares abattoirs habilités à abattre les porcs, dont la viande ne doit pas voisiner avec celle des autres animaux.
Quelque 90 000 cochons auraient été tués depuis trois semaines, alors que le cheptel est estimé entre 250 000 et 300 000 bêtes.
Un casse-tête pour les autorités vétérinaires et sanitaires, qui ont reconnu que l'opération pourrait prendre plusieurs mois.
« Stupidité humaine »
Pour accélérer le processus, certains semblent donc avoir opté pour des méthodes plus expéditives :
« Les cochons sont recouverts de produits chimiques, on les laisse pendant 30 à 40 minutes, jusqu'à ce qu'ils meurent, puis on les jette dans la fosse », témoigne dans la vidéo le responsable de la décharge de Khassous, près du Caire, où la scène a été filmée.
Quant aux porcs conduits aux abattoirs, ils sont souvent tués à coups de barres de fer, rapportent d'autres journaux.
Plusieurs associations de protection des animaux ont annoncé qu'elles allaient porter plainte contre les responsables de l'abattage, notamment le ministre de l'Agriculture.
La décision d'abattre l'ensemble de son cheptel porcin avait déjà valu à l'Égypte des critiques des autorités médicales internationales, qui ont jugé cette mesure « inutile » pour protéger le pays contre l'épidémie de grippe A.
Elle a aussi provoqué la colère d'une partie de la communauté copte, qui y a vu une mesure discriminatoire.
Mais, cette fois, l'indignation est largement partagée.
« Il est strictement interdit par l'islam de tuer ainsi un animal, y compris un porc », a critiqué le cheikh Salim Mohammed Salim, chef du conseil des fatwas de l'université al-Azhar, principale institution religieuse du pays.
Bien que la consommation de sa viande soit interdite, le porc n'est pas considéré comme un animal « impur » par l'islam.
Interpellé par un député copte sur le massacre des porcs, le président de l'Assemblée du peuple, Fathi Sorour, a reconnu de son côté que l'abattage devait se faire « dans le respect des droits des animaux et d'une façon civilisée », sans pour autant remettre en cause la décision du gouvernement.
Une décision qui, selon l'éditorialiste vedette Salama Ahmed Salama, relève pourtant plus « de la stupidité humaine que de la maladie des porcs ».