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"Aïd : le jour d’avant" (Mustapha Hammouche)

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Dans une ambiance de kermesse, les montreurs de moutons peuplent de leurs ouailles les espaces nus dans et autour des cités.

Les abords des routes et des autoroutes, près des villes, sont ponctués de parcs à moutons improvisés.

Des terrains vagues, et parfois des placettes, sont transformés en bergeries pour les besoins du commerce ovin de l’Aïd.

Les jours qui précèdent la fête du sacrifice submerge ce qui fait office de milieu urbain de leur lot de bêtes et de fourrages et de déjections. Les gens n’ont de commentaires que sur la qualité de leurs acquisitions respectives.

Entre les lamentations sur la cherté du bétail, ils jubilent du poids de viande qu’ils comptent obtenir de leur “sacrifice”, se régalant d’avance des mets qu’ils pourront tirer des grasses bêtes.

Dans un parfait consensus que toutes sortes d’usages nous imposent désormais, nul ne commente le spectacle d’un bouchon routier au niveau d’un marché improvisé, celui d’un troupeau arpentant les rues de quartiers résidentiels ou le concert de bêlements fusant de l’immeuble.

Blasphème que de s’irriter des dommages collatéraux d’une piété en progrès !

C’est tout bénédiction pour nous, même si c’est surtout tout bénéfice pour les maquignons.

Il se trouve que le regain de dévotion s’accompagne de l’éclosion de multiples commerces qui se justifient par leur statut de sous-traitance religieuse.

Pas besoin de se soumettre à quelque réglementation, à quelque convention d’évolution sur la voie publique ou quelque norme d’hygiène quand le business consiste à satisfaire les besoins des fidèles.

Et les besoins les plus impérieux semblent correspondre aux deux périodes de l’Aïd et du Ramadhan !

Ces moments réputés dédiés au sacrifice et à l’endurance se transforment en opportunités d’accomplissement de nos fantasmes alimentaires.

Autour de ces repères de dévotion, s’est élevée toute une gastronomie de l’abondance.

Les repas qu’on y conçoit feraient rougir d’envie les plus impies des épicuriens !

Des agents se contentent de régler une circulation volontairement déréglée par la tolérance des corrals le long des routes.

On ne sévit pas contre la religion — puisque c’est elle qui endosse beaucoup de nos travers —, d’autant plus que l’État a pris le parti de tolérer ces débordements au lieu de contenir les activités et comportements débridés qui se développent autour du culte.

Dans deux jours, des trottoirs, des places et des parkings seront barbouillés de sang de moutons qu’on aura égorgés à même le sol, comme de vénérables actes de dévotion.

Avant le carnage, beaucoup de pères ahuris inviteront leurs enfants qui, depuis quelques jours, ont affectivement investi dans l’agneau, devenu pour eux animal de compagnie, à assister à la tuerie.

Et comme il faut célébrer les fêtes de la religion d’État, l’ENTV sera là pour filmer et transmettre le “bonheur” des gosses sans se soucier de leur possible traumatisme et la communion du peuple algérien qui, après avoir éclaboussé tout son environnement, s’apprête à vivre quelques jours de bombance parfaitement justifiés par la religion.

Mustapha Hammouche

http://www.liberte- algerie.com/ edit.php? id=50594

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