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A propos de "La Raison des plus forts" : chronique de Christophe Léon

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« De la façon dont nos sociétés affrontent [la question animale] dépend le sort de plus d’êtres chaque année qu’il n’a jamais existé d’humains à la surface de la Terre…

Cet enjeu-là est premier. En soi, il est colossal. »

Les animaux non-humains ont-ils une conscience ?

La fourmi, le tatou ou l’oursin ont-ils des facultés mentales, bref sont-ils en mesure d’appréhender leur environnement et de réagir/agir en conséquence autrement que par instinct ?

Le « propre de l’homme » est-il si propre que cela ?

Autant de questions auxquelles tente de répondre La raison des plus forts, dans la collection Radicaux libres des éditions IMHO.

Sous la direction de Pierre Jouventin, David Chauvet & Enrique Utria, ce livre, à travers onze essais, s’attaque de front à un dogme millénaire, celui de l’Homme tout puissant dominant la Création et ne cédant à l’animal non-humain que la part du pauvre, celle qui le réduit à l’état d’animal-machine, seulement bon à servir et à être exploité en conséquence.

Aujourd’hui encore, dire que l’humain est un animal comme un autre et qu’il est partie (importante certes, mais partie seulement) d’un ensemble bien plus grand qui inclut toutes les espèces animales, est souvent entendu comme une grosse bêtise, voire comme une provocation.

Et pourtant…

« … les actes de ce colloque [le 14 novembre 2009 se tenait à l’université de Paris V René Descartes un colloque dont le thème était : "Sommes-nous prêts à élargir aux animaux notre considération ?"] tendent à justifier que le cercle de l’égalité soit désormais élargi aux animaux non-humains, de même qu’au cours des siècles se sont progressivement effacées les barrières que certains traçaient autour des notions de race, de sexe, de tribu, ou de nation. »

Hélas, l’égalité pour les animaux non-humains n’est pas encore pour demain — en premier lieu pour des raisons purement économiques.

Par défaut, nos modes de consommation et de marchandisation du vivant font que la viande est devenue au fil des années un produit de base de notre alimentation.

Comment alors faire admettre que lorsque nous mangeons de la viande, de l’animal non-humain, nous ne mangeons pas quelque chose mais quelqu’un ?

Accorder à l’animal non-humain une conscience serait lui reconnaître une fonction autre qu’utilitaire, une existence égale et comparable à l’humain.

Cette idée est dérangeante parce qu’elle semble nous réduire, alors qu’à mieux y réfléchir elle nous grandit.

Et inutile de prendre la science à témoin sur notre supposée supériorité génétique :

« … notre génome, s’il est plus grand que celui de la carpe et de la poule, est moindre par rapport à celui de la souris, du lys et de l’amibe, ce qui a surpris bien des généticiens qui s’attendaient à ce que l’homme soit l’être au génome le plus grand puisque supposé le plus complexe… »

La raison des plus forts
bat en brèche la notion commune du « propre de l’homme » qui fait de nous des êtres différenciés de l’espèce animale, et qui nous conduit à penser que nous sommes les maîtres du monde, les Phénix incontestables de l’Univers.

Qu’est-ce que le « propre de l’homme », si ce n’est la faculté de se prendre pour ce que nous ne sommes pas, et le moyen d’asseoir notre pouvoir sur les animaux non-humains en les exploitant, les tuant, les dévorant ou les maltraitant ?

Dénier la conscience aux animaux autres que nous est ce que nous avons trouvé de plus commode pour nous dédouaner.

« Le propre de l’homme n’est plus vraiment un problème de science et, comme le roi nu, il apparaît pour ce qu’il est en réalité, un jugement de valeur, une simple question de point de vue. »

Plus loin, David Chauvet dans son essai, intitulé Les animaux, ces êtres de raison, examine le bien-fondé de ce « propre de l’homme » et ce qu’il a permis de justifier : « l’hégémonie humaine sur le reste du monde animal. »

Nier la raison animale, faire accroire que ces êtres agissent de manière exclusivement instinctive, sans former de projet, autorise à ce qu’on les tue sans qu’il n’en soit autrement affecté que biologiquement.

Le sacrifice de l’animal non-humain serait un sacrifice neutre.

Alors que pour le moins, et si l’on veut rester objectif et entreprendre une démarche scientifique, il faudrait partir du principe (de précaution ?) que « la raison est peut-être présente chez certains autres animaux que l’humain » ce qui devrait nous amener à réfléchir sur nos actes.

Et encore :

« Les animaux ne réagissent pas aveuglément à l’environnement, ils analysent et en tirent des conséquences, comme chacun en convient à présent.

À l’évidence, la raison ne fait pas partie du fameux « propre de l’homme ».

Les contributions et textes complémentaires, parce qu’ils abordent un éventail complet de ce qu’on appelle la condition animale, font de
La raison des plus forts un ouvrage essentiel, qui permet de mieux comprendre et de mieux entrevoir les enjeux écologiques, environnementaux, sociaux et politiques liés à notre interprétation du monde.

Il ouvre une réflexion sur ce qu’entraînerait la reconnaissance de facultés mentales aux animaux , ainsi que sur les adaptations et changements que cela induirait.

La raison des plus forts
, un livre nécessaire, érudit et passionnant.

La raison des plus forts, sous la direction de Pierre Jouventin, David Chauvet & Enrique Utria, col. Radicaux libres, éd. IMHO

Pour en savoir plus : http://www.imho.fr

Christophe Léon
www.christophe-leon.fr

http://www.ecologitheque.com/raison.html

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