En ces sanglants et barbares jours d'Aïd, réécoutons Abdelwahab Meddeb
"C'est une chance pour l'islam que des musulmans soient en France et qu'ils soient frustrés de cela [qu'il n'y ait pas d'abattoir rituel installé en Seine Saint-Denis], parce que j'estime, d'un point de vue anthropologique, que celui qui continue de sacrifier ne peut pas évoluer, et ça me paraît essentiel et important de vivre aujourd'hui un sacrifice symbolique, un sacrifice mental.
Nous sommes de plus en plus nombreux sur cette terre, il y a 1,5 milliard de musulmans.
Vous imaginez, il y aurait 700 millions de bêtes qui seraient abattues en une journée ?
Vous imaginez le bain de sang que c'est ?
Vous imaginez les ruisseaux de sang que c'est ?
Vous imaginez la catastrophe que c'est ?
J'ai un ami, l'anthropologue marocain de Princeton Abdellah Hammoudi, qui a écrit un livre très intéressant sur le pèlerinage.
Il décrit l'usine abominable, abominable, qui reprend toutes ces bêtes qu'elle sacrifie pour les mettre ensuite en boîtes destinées à la charité islamique et à la distribution aux pays pauvres, et cet espace est tout simplement un espace nauséabond.
Les 2 ou 3 millions de pèlerins musulmans, chacun sacrifiant sa bête, 3 millions de bêtes tuées en une journée par un système de modernisation assez spectaculaire et totalement automatisé, c'est quelque chose de proprement terrifiant.
J'appelle véritablement les musulmans à savoir vivre un sacrifice symbolique, à être dans un sacrifice mental.
Cela est possible et je sais que beaucoup de musulmans le font ; beaucoup de patriciens, beaucoup de gens d'une certaine distinction qui ont une sorte d' horreur du sang se débarrassent de ce rite du sacrifice, du sang versé qui nous vient de Rome, de Grèce, qui nous vient du paganisme.
C'est un rite du paganisme, mais le propre du monothéisme est peut-être dans le dépassement des pratiques païennes."
Abdelwahab Meddeb, écrivain, poète, directeur de la revue internationale Dédale et professeur de littérature comparée à l'Université Paris X.
http://www.dailymotion.com/video/xbaepx_abdelwahab-meddeb-les-matins_news?start=5
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P.S. : aux bien-pensants (illustrés par "A" et souvent plus virulents que A) qui refusent que l'on parle de l'Aïd sous prétexte qu'il n'est pas le fait de la culture occidentale, voici ce que je réponds :
"A" :
Ma réponse à "A" :
"Certes, mais je suis végane, ce qui me donne le droit de déplorer aussi ce qui se passe le jour de l'Aïd.
On ne va pas, par exemple, passer la Shoah sous silence sous prétexte que d'autres massacres ont (eu) lieu ailleurs, et inversement.
Il faut faire de même avec les êtres nonhumains : ce serait très injurieux pour les victimes de l'Aïd de taire leur calvaire sous prétexte que d'autres animaux sont tués ailleurs.
Abdelwahab Meddeb serait certainement taxé, pour ces propos qui l'honorent, de raciste s'il n'était lui-même d'origine arabe (et il n'y a rien de pire que d'être taxé de racisme quand on ne l'est pas).
Alors qu'il ne fait là qu'exposer des vérités dont tout le monde devrait s'inspirer.
Il n'y a pas de raison que l'on se refuse à dénoncer la barbarie dès lors qu'elle n'est pas le fait des "Blancs" ou des "Occidentaux".
L'humanité est une et indivisible dans la barbarie, et il est de notre devoir de dénoncer toutes les formes que prend cette barbarie, sans avoir peur de pointer du doigt, tour à tour, tel ou tel groupe humain.
Ce n'est en rien du racisme, cela n'a rien à voir avec le racisme.
C'est tout le contraire.
Dénoncer une religion ou une culture dans ce qu'elle a de barbare, ce n'est pas faire oeuvre de racisme (ni la religion, ni la culture ne sont des "races") : c'est faire oeuvre de civilisation et c'est le devoir moral de chacun, vis-à-vis des victimes animales et vis-à-vis de l'humanité."