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"La mort n'est pas un loisir" (Michel Onfray / Le Point du 5/12)

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Gérard Charollois est un juriste dont les états de service en faveur de l’écologie radicale et du combat contre la chasse et pour la nature méritent le respect. Son Pour en finir avec la chasse, sous titré La mort-loisir, un mal français, est un réquisitoire contre cette passion qu’ont certains hommes à jouir de donner la mort ce qui définit tout simplement le sadisme – qui qualifie tout aussi bien les amateurs de corrida, de combats de chiens ou de coqs…

Voici le questionnement de ce magistrat qui philosophe : pourquoi tuer des animaux pour le plaisir ? De quelle manière protéger des espèces quand chacun peut leur tirer dessus ? Comment l’intérêt général peut-il être confisqué par une minorité organisée en lobby ? Autant de  questions éthiques, écologiques et politiques.

Gérard Charollois part du principe que des pratiques ne se réforment pas mais s’abolissent : l’esclavage et la torture jadis, la peine de mort hier, la chasse aujourd’hui. Or « la chasse, pour les animaux, c’est à la fois la torture, l’esclavage et la peine de mort ». La chasse n’est pas une activité naturelle, mais une activité retournée contre la nature. 2% de la population chasse, elle fait la loi aux 98% qui ne s’adonnent pas à ce loisir sadique, grâce à des institutions mises en place par le régime de Vichy, les Sociétés départementales des chasseurs. Ces fédérations confisquent le pouvoir pour gérer entre eux les affaires de la chasse « un peu comme si les gendarmes étaient sous contrôle de l’automobile club »…

On apprend dans ce livre que Chasse, Pêche et Tradition a été créé avec des fonds de chasseurs, ce que prohibe absolument le code électoral pour qui le financement d’une campagne électorale par une association autre qu’un parti politique constitue un délit normalement puni d’emprisonnement.

Contre la mythologie du paysan qui nourrit la population et protège la nature, Gérard Charollois pointe son rôle dans la destruction de la nature et sa haine des écologistes : haies arrachées, ruisseaux recalibrés, champs empoisonnés par les pesticides, paysages ravagés, marais asséchés. Pour lui, la faune, c’est le gibier qui se mange et les nuisibles que l’on tue. Le paysan peste contre les ravages dûs au gibier, mais c’est parce qu’avec sa chasse il a détruit l’équilibre naturel. En  supprimant les prédateurs naturels que sont les ours, les loups, les lynx,  il a fait pulluler le gibier qui, depuis,  détruit ses récoltes – ce dont on le dédommage substantiellement. Il tue les renards qui mangent chacun 6000 rongeurs par an, moyennant quoi, il lui faut tuer les rongeurs avec des produits empoisonnés.

Les chasseurs abattent des animaux d’élevage qui sortent juste de leurs cages. Quand ils échappent au massacre, ces proies sans défense meurent d’inadaptation à leur milieu, celles qui s’en sortent, ultra minoritaires, ont un taux de reproduction proche de la nullité. Ces bêtes   contaminées par des maladies contractées dans les enclos répandent leurs pathologies dans le milieu naturel. Les fédérations achètent 260 euros (prix 2000) des couples lièvres importés d’Europe centrale pour leurs lâchers.

Les chasseurs ne connaissent pas la nature, contrairement à ce qu’ils affirment : quand ils ont un oiseau en main, ils font vingt fois sur cent une erreur d’identification ! Quand ils chassent de nuit sur les marais, on imagine le carnage sur les espèces protégées…

Cette activité mortifère est soutenue par les députés complaisants pour leur électorat : l’extrême-droite et la droite qui défendent la tradition, les communistes qui prétendent qu’elle est populaire, les ruraux qui ne veulent pas s’aliéner leurs électeurs. Des espèces sont classées nuisibles pour permettre aux chasseurs de les détruire. La loi est faite pour les tueurs d’animaux : tout propriétaire qui ne dit pas non aux chasseurs qui veulent tuer sur son terrain est considéré comme ayant dit oui, et ce en contradiction avec les textes qui interdisent d’être membre d’un groupement contre son grès ; le droit de suite permet d’abattre un animal épuisé chez des particuliers, en contradiction avec la législation qui en fait un viol de propriété privée ; la préemption des terrains pour les chasseurs est en opposition avec le marché libre ; l’abattage d’espèces protégées génère la plupart du temps la relaxe de ceux qui commettent ce forfait ; la destruction des espèces s’oppose   aux textes qui les protègent…

Gérard Charollois propose l’abolition de la chasse. Il souhaite la réintroduction des prédateurs qui, en quelque temps, rétabliraient naturellement l’équilibre écologique. Il demande la disparition du sénat, fiction de la ruralité qui entretient «  le poujadisme de cour de ferme » en défendant la chasse contre l’avis général de la population qui est abolitionniste. Il appelle à la création d’une instance supranationale, dans l’esprit de l’ONU, qui gérerait les problèmes de la nature sur toute la surface de la planète. Il préconise la création d’un crime contre la nature, comme il existe un crime contre l’humanité. Il défend un « hédonisme altruiste » soucieux de la vie et du vivant, de la souffrance des êtres humains et des animaux, car il sait que toute légitimation de jouir du sang versé ici, dans la chasse ou la corrida,  est justification du sang versé là-bas, dans les règlements de compte, sur les champs de bataille, dans les conflits du monde.

Un jour probablement on s’étonnera que le plaisir pris au sang volontairement versé des animaux ait duré aussi longtemps… Jouir de mettre à mort un être vivant est une perversion qui jouit d’une étonnante tolérance.

Michel Onfray

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