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  • Florence Burgat : "La question morale de nos rapports avec les animaux"

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    Et si la question d'un sens moral chez l'animal était une manière détournée de poser la question morale de nos obligations envers les animaux ? L'éthique animale est-elle subordonnée à l'ontologie scientifique ?

    La question de la présence - ou de l'ébauche - d'un sens moral chez les animaux est parfois posée non pour elle-même, mais pour répondre à deux autres problèmes :-celui des éventuelles origines naturelles de la morale humaine ; celui d'un lien, jugé requis, entre les impératifs moraux que nous aurions à observer dans nos rapports avec les animaux et leur propre capacité à ne pas se présenter comme de purs êtres de nature, c'est-à-dire à faire eux-mêmes preuve de quelque sens moral.

    Pour ce qui concerne le premier problème, la morale ne se bornerait pas à un fait de culture, mais trouverait ses assises dans la nature. A la recherche des « fondements naturels de l'éthique » correspond celle d'un substrat biologique aux comportements moraux humains ; dès lors, l'organisme animal ne peut être totalement exclu de cette réflexion.

    Si les racines du comportement moral sont biologiques, se profile l'idée que, lorsque l'homme croit agir au nom d'une volonté libre, il n'est en réalité - comme l'animal - que l'instrument d'intérêts servant à faire prospérer son groupe social ou à pérenniser son espèce.

    Quelle conception de la nature et des animaux cette posture engage-t-elle ? Premièrement, l'entreprise de naturalisation de l'éthique prend ses distances avec le schéma classique d'une sauvagerie propre à une nature sans foi ni loi que viendraient contrer l'oeuvre civilisatrice et la puissance organisatrice de la raison.

    Deuxièmement, les présupposés comme la finalité des conduites dites « morales » ne seraient point d'ordre éthique, mais biologique. On reconnaît la thèse dite réductionniste. Exit la morale, supplément d'âme finalement superflu si la nature pourvoit si bien à l'intérêt général.

    On peut enfin mettre en doute la puissance d'une telle nature, et se demander s'il n'existe pas bel et bien des comportements moraux dignes de ce nom dans le monde animal. Mais est-on encore dans la nature, ce lieu par excellence de la répétition ? Ne se voit-on pas alors contraint de dénaturaliser, dans un même mouvement, le sens moral et les animaux eux-mêmes ?

    Les animaux feraient preuve, pour des motifs étrangers au code génétique et de manière aussi mystérieuse que la présence de « la loi morale » dans l'être de raison kantien, de sens moral. Pourquoi ne pas cesser, les concernant, de toujours chercher une explication fonctionnelle ou utilitaire, pour se tourner vers une conception hégélienne - que l'on retrouve chez Hans Jonas - de la vie animale comme liberté et comme inquiétude ?

    A ce point de la discussion, il convient de disjoindre deux aspects : l'assimilation de la nature au biologique, et celle-ci à l'animal. Les questions tapies dans cette assimilation sont de taille : l'animal n'est-il, de l'insecte au mammifère, rien d'autre que cet « être de nature » entièrement soumis aux déterminismes biologiques que d'aucuns convoquent encore afin de réduire à néant l'épaisseur ontologique des animaux et de leur monde ?

    A propos du second problème, on peut se demander s'il ne s'agit pas d'un nouvel argument discriminant repoussant un cran plus loin la véritable question morale celle qui a trait à la manière dont nous traitons les animaux. Après avoir décidé que, pour être dignes d'entrer dans la communauté morale, les animaux devaient faire preuve de quelque intelligence, d'une espèce de langage, d'un semblant de conscience, bref, être des esquisses de l'humain, voilà qu'il leur serait demandé d'être moraux !

    Ce faisant, ne renoue-t-on pas avec l'argument classique - et qui a encore ses défenseurs Luc Ferry, Janine Chanteur, Jean-Marc Varaut... - selon lequel, parce qu'il n'y a ni droit ni morale dans la nature, l'homme ne saurait attribuer aucun droit ni observer de devoirs moraux à l'égard des individus qui la peuplent. Au mieux doit-il, à des fins strictement anthropocentristes, se conformer à certains devoirs : en préservant le mande végétal d'agressions massives ou aveugles, il oeuvre à la conservation de son environnement et sert l'intérêt des générations futures.

    En adoptant le même type de réserve à l'égard de la faune sauvage, il tend à garantir un peu de ce merveilleux qui contribue à la beauté du monde... Sur un autre plan, en ne se livrant pas inconsidérément à la cruauté envers les animaux, il se montre fidèle à l'injonction kantienne - « La cruauté envers les bêtes est la violation d'un devoir de l'homme envers lui-même : elle émousse en l'homme la pitié pour les douleurs des bêtes, et par là affaiblit une disposition naturelle, de celles qui concourent le plus à l'accomplissement du devoir envers les autres hommes. »

    L'idée selon laquelle un semblant de morale existerait chez les animaux, sans que cela leur donne pour autant droit à notre considération morale, est ancienne. On la trouve notamment chez les théoriciens du droit naturel moderne. Ainsi, après avoir mis en évidence la disposition de bienveillance chez les animaux, Richard Cumberland referme le cercle de nos devoirs « au corps entier de tous les êtres raisonnables ». Samuel Pufendorf remarque à son tour que les bêtes présentent des attitudes comparables à celles que l'homme observe lorsqu'il suit les lois de la justice morale, mais il s'empresse d'ajouter que cette similitude n'est qu'apparente.

    Car les mouvements des bêtes ne sauraient être que le produit d'une disposition mécanique de leur nature, d'un penchant qu'elles ne font que suivre aveuglément. Si les effets sont semblables, les causes diffèrent profondément. Ce qui sous-tend cette argumentation est la réciprocité, dont on peut se demander si elle n'est pas d'une certaine manière reconduite avec l'actuelle interrogation sur le sens moral chez les animaux. Selon cette perspective en effet, vis-à-vis de ceux qui ne peuvent rendre la pareille, il ne saurait y avoir rien de juste ou d'injuste.

    Les services rendus par les animaux domestiques (animaux de travail, de consommation...) ne leur donnent au mieux droit qu'aux soins nécessaires à un rendement optimal. La communauté morale ainsi contractualisée trouve ses limites avec la capacité et la volonté de contracter. C'est tout autrement que Darwin aborda les choses. S’il tenta de mettre en évidence la présence d'un sens moral chez les animaux, il n'oublia point la question morale : il appela de ses voeux la réalisation de « l'une des dernières acquisitions morales », c'est-à­-dire la « sympathie étendue au-dehors des bornes de l'humanité ».

    Florence Burgat, philosophe, chercheuse à l'Inra

     

    Hors série Science et Avenir Juin/juillet 2004, p.73.

    A lire : Le Fondement de la morale, Schopenhauer (1841 ; Le Livre de Poche, 1978) ; Espèces et éthique - Darwin : une (r)évolution à venir, Yves Bonnardel, David Olivier, James Rachels, Estiva Reus (Editions Tahin Party, Lyon, 2001).

  • Freud : "Les enfants n'ont aucun scrupule à considérer les animaux comme leurs égaux"

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    À partir de 9 ou 12 mois, le nourrisson prend conscience de la différence entre son compagnon et une peluche, entre un être vivant et les objets. De la même façon, il établit très vite la différence entre l'animal et les adultes alentour. C'est d'ailleurs ainsi que le chat et le chien jouent un rôle important dans les processus d'identification.

    Ce que l'animal fait, l'enfant le fait aussi. Dormir ou manger, se déplacer ou jouer, tout contribue à ce que le petit humain prenne conscience de ses propres actions qui revêtent maintenant une signification dans son environnement.

    Des frères à poils

    C'est en 1937 que Freud s'est rendu compte du bénéfice qu'on pouvait tirer de la relation de l'enfant à l'animal en considérant le processus des identifications. L'enfant s'identifie à l'animal comme à ses poupées. Freud note que « les enfants n'ont aucun scrupule à considérer les animaux comme leurs égaux à part entière. Ils se sentent davantage apparentés aux animaux qu'à leurs parents, qui peuvent bien être une énigme pour eux. Dans un premier temps, la ressemblance est du côté de l'animal, la différence du côté de l'adulte. »

    On oublie souvent, indique Bernard Brusset, « que l'enfant est sans arrêt confronté aux limites de ce qu'il ne peut comprendre. Il est exclu non seulement d'un certain nombre d'activités des parents mais aussi des conversations familiales, de l'intelligence de ce qui se passe autour de lui. » Il partage cette situation avec l'animal. Le fonctionnement psychique de l'enfant est encore infiltré de manifestations magiques. L'animal devient une cible privilégiée pour ses projections identificatrices, libidinales ou destructrices et sert de reflet à l'enfant en lui montrant la vie dans sa réalité quotidienne. Ainsi, le petit homme va, au travers d'une adaptation mutuelle, acquérir un sentiment de confiance et apprendre à prendre ses responsabilités.

    Spontanément, dès l'âge de 3 ans, l'enfant s'identifie à ses amis animaux. C'est au travers d'identifications successives que l'enfant construit sa propre personnalité comme l'analyse Ange Condoret : « Ces identifications à l'animal n'en restent pas moins une sorte de langage qui, tout en déchiffrant le comportement de l'animal, aide les enfants à mieux se connaître, donc à s'accepter, et à capter pour leur propre compte les forces de l'animal : d'où la protection magique exercée par celui-ci. »

    Un confident à quatre pattes

    Au fur et à mesure que l'enfant grandit, l'animal va devenir un refuge, un confident à qui il va confier ses peines et ses joies. Le pédiatre anglais Winicott le formule très bien lorsqu'il écrit : « L'enfant a besoin de faire marcher son imagination, de rêver, de vivre dans un monde à lui. Il doit se distancer de ses parents et plus il est jeune, plus cela est difficile. La présence d'un chien facilite les choses. »

    Le jeune enfant attribue ses propres sentiments et ses réactions affectives à l'animal, qu'il considère, à juste titre, comme parfaitement capable de communication. Il va donc attribuer certains de ses problèmes à son animal et, à l'inverse, assimiler certaines de ses forces. Ces identifications se retrouvent dans les jeux de cet âge (chat, chat perché, etc.) où l'enfant prend la force et l'agilité de l'animal. Ange Condoret a montré que « le sentiment de contrainte qui peut être celui de l'enfant dans ses rapports avec ses parents va s'atténuer. Il pourra, grâce à l'animal, s'élever jusqu'à un pied d'égalité auprès d'eux. Il en naîtra une sécurisation qui ne peut être que favorable à l'épanouissement de sa personnalité. »

    Vers 4 ans, âge moyen de scolarisation, l'enfant rencontre de nouveaux modèles et diversifie ses identifications. Toutefois, son animal familier reste pour lui un élément de référence stable. Vers 6 ans, l'enfant est confronté au monde social des adultes, effarant et peu compréhensible, et se sent seul. La recherche d'une projection de ses besoins affectifs inassouvis est constante. Pour de nombreux enfants, l'animal domestique va jouer le rôle de confident, de refuge.

    Pour l'enfant, L'animal contribue à la socialisation de son jeune maître de 3 - 4 ans. Observant les comportements de son compagnon, l'enfant s'appréhende et s'accepte en s'identifiant à lui. Il lui prête les mêmes sentiments et s'imagine qu'ils passent tous les deux par des moments identiques d'émotion. L'enfant peut même aller jusqu'à rejeter la responsabilité de ses bêtises sur son animal afin de détourner les soupçons. D'autres fois, il veut apprendre des choses à son ami et se transforme en éducateur à l'image de ses parents à son égard.

    A l'âge de la première rentrée scolaire, l'enfant est confronté, en classe, à des épreuves que la présence de son compagnon l’aide à surmonter. Il devient le complice de ses peines et de ses joies, le confident de ses secrets.

    L'aide à un équilibre mental et affectif

    La période pré-pubertaireconditionne et prépare le psychisme de l'enfant. C'est souvent à cette époque, entre 6 et 12 ans, qu'un enfant désire un animal comme si une telle présence s'imposait pour son équilibre mental et affectif. Didier Delrieu l'explique ainsi : « pour édifier les bases de sa personnalité, l'enfant a recours à l'animal comme pour fortifier son expérience d'homme. Cette sollicitude s'accompagne d'un attachement profond. »

    Ange Condoret a montré comment la présence d'un animal modifiait les rapports intra-familiaux : « Dans le cas de relations enfants-parents perturbées, l'animal est désiré comme objet de communication et lieu de projection affective. Son arrivée provoque une décharge affective entraînant le déblocage de certaines inhibition : il déclenche ou favorise le discours. Les relations enfants-parents sont améliorées également du fait de la compétition qui s'instaure vis-à-vis de l'animal. Qui le soigne ? Vers quel membre de la famille se dirige-t-il spontanément ? Qui parvient à lui faire faire "le beau" ? Enfin, l'enfant pourra mieux, à travers ses relations avec l'animal, analyser son propre statut de fils/fille aimé-e, choyé-e. »

    Dr Lyonel Rossant, Dr Jacqueline Rossant-Lumbroso

    http://www.doctissimo.fr/html/sante/bebe/sa_1302_animal_02bis.htm

  • Intelligence animale

    http://www.nationalgeographic.com/ngkids/0407/images/stories_smart_title.gif

     
    ANIMALS ARE SMARTER THAN WE THOUGHT

    Recent research shows some species make tools, or exhibit planning and logic.

    By Robert C. Cowen

    Many animals exhibit smart behaviors. But do any of them show what humans would call "intelligence?" Some recently reported lines of research cautiously suggest that the answer is "yes."

    Chimpanzees have surprised a research team by making wooden spears for hunting. It's the first known example of weaponmaking by a nonhuman.

    Western scrub jays have shown future planning – rather than instinctive actions – in their food-caching behavior. Ravens have demonstrated logical thinking in solving a food-retrieval puzzle.

    Such revelations are beginning to enable scientists to make the crucial distinction between genetically hard-wired behavior or trial-and-error learning and "intelligent" thinking.

    Jill Pruetz of Iowa State University in Ames and Paco Bertolani at England's University of Cambridge reported the chimpanzee's surprising behavior earlier this month in the journal Current Biology. They observed it in southeastern Senegal.

    Chimps have often been seen to use sticks to retrieve insects such as termites for food. This time, a chimp carefully sharpened a stick to make a spear. It then thrust the spear into a hole in a tree to skewer a bush baby – a small primate that chimps regularly eat. The researchers saw 22 instances of such spear hunting. Scientists know that chimps make tools, including stone tools. Now they are seen to be making weapons. The more closely chimps are studied, the more humanlike traits they display.

    So, too, do some birds.

    Reporting their work in Nature last month, Nicola Clayton and colleagues, also at Cambridge University, showed how western scrub jays plan for the future.

    The food caches of these North American birds aren't random. Specific types of food are stored at specific locations to meet specific foreseeable needs. The scientists say their findings "suggest that the jays can spontaneously plan for tomorrow ... thereby challenging the idea that this is a uniquely human ability."

    Bernd Heinrich at the University of Vermont in Burlington and Thomas Bugnyar at St. Andrews University in Scotland go further. They explain in the April issue of Scientific American why they think their studies "have finally offered some hard proof that ravens are indeed intelligent, in that they are able to use logic to solve problems."

    The researchers set different ravens the task of retrieving food suspended at the end of a string that was tied to the bird's perch.

    But instead of dashing about trying to grab the food in midair, a raven would sit and study the situation for a few minutes. Then it would quickly go through the logically correct sequence to retrieve the food efficiently. The steps involve pulling up a loop of string and putting a foot on it to hold it, then pulling up more string, and so forth. Soon the bird had pulled up the entire string and obtained the food.

    In other tests, ravens showed that they could distinguish between individuals – both ravens and humans.

    A raven could then assess whether or not another individual was likely to have observed where that raven had stored food. The raven then knew which other individuals knew enough about its food caches to be potential thieves.

    Humans make such assessments all the time. Drs. Heinrich and Bugnyar note that "in this way, too, they [the ravens] are much like humans."

    http://www.csmonitor.com/2007/0329/p17s01-stss.html