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  • Florence Burgat : "Liberté et inquiétude de la vie animale"

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    par Estiva Reus

    Une reproduction du tableau de Winslow Homer The Fox Hunt (1893) orne la couverture du dernier livre de Florence Burgat. Un renard avance dans la neige, surplombé d'un vol de corbeaux ; au fond, les vagues d'un océan froid se brisent sur les rochers1. C'est une illustration remarquable du titre et du thème du livre : Liberté et inquiétude de la vie animale2. La marche du renard dans l'immensité glacée fait écho à la citation de Merleau-Ponty qui figure en exergue sur la première page : « Ce déploiement de l'animal, c'est comme un pur sillage qui n'est rapporté à aucun bateau. » Le renard fuyant dans l'étendue désolée personnifie magnifiquement l'animal tel que Florence Burgat le donne à voir : un être qui a le pouvoir de donner une direction à sa vie, mais aussi un être à qui le manque et la peur sont inhérents. Plus tard, en pianotant sur Internet, j'ai trouvé ces quelques lignes sur la réalisation du tableau :

    Pendant qu'il travaillait à ce tableau, Homer enfouissait chaque nuit un renard mort dans une congère pour qu'il gèle figé dans la position voulue, puis il se dépêchait de le peindre chaque matin avant qu'il ne redevienne flasque ; pendant ce temps, des corbeaux étaient tués et suspendus à sa corde à linge dans une position de vol convaincante3.

    Nous contemplons l'image de vivants parcourant la terre et le ciel ; pourtant, ceux qui ont servi de modèles n'étaient plus que des cadavres. Le peintre a trouvé naturel de sacrifier leurs vies pour se livrer commodément à son art. Ainsi, le tableau de Homer illustre-t-il aussi l'autre versant du livre de Florence Burgat : l'exploration des idéologies qui ont appauvri à l'extrême notre représentation des animaux pour les réduire à des corps disponibles, innocemment exploitables.

    Conceptions négatives et privatives de l'animal

    Florence Burgat parachève ici l'examen critique entrepris dans Animal mon prochain4 des discours sur « l'Animal » dont regorge la philosophie. Ces discours pour la plupart n'ont nullement pour objet de comprendre les animaux, dans leur immense diversité. Ils ne sont que monuments élevés à la gloire de l'Homme (singulier, majuscule), une gloire qui s'alimente sans fin du mépris et de la mise à distance des non humains, présentés tantôt comme « mauvais doubles » tantôt comme « faux doubles » de l'homme.

    Selon la première voie (les conceptions négatives), l'animal n'a de commun avec l'homme que la mauvaise part de ce dernier. L'animalité se définit comme une série de tares : les appétits sexuels, la violence, la cruauté, la prédation…

    Selon la seconde voie (les conceptions privatives), l'animal n'est saisi qu'à travers ce qui lui manque, par la carence d'un quelque chose – toujours essentiel – que possèdent les humains : « La théologie prive l'animal d'âme, la métaphysique moderne le prive de la raison, l'anthropologie de la culture5… » (p. 27).

    Les oppositions « âme/corps, nature/culture, intelligence/instinct […] forment un véritable dispositif dont la finalité est la production de ce que l'on peut appeler l'indigence ontologique de l'animal » (p. 25). « Le concept d'animalité ainsi construit ne vise en rien […] à penser l'être animal, mais à produire un modèle d'abjection » (p. 40). Il s'agit si peu de bâtir un savoir sur les animaux réels que ce même « modèle d'abjection » a pu être appliqué à des groupes humains (les femmes, les Noirs, les sauvages6…). Eux aussi ont été décrits comme englués dans une nature dont l'humanité véritable a réussi à s'arracher. « L'animalisation » ou la « naturalisation » est avant tout un procédé de flétrissure. Il rabaisse ceux qui en font l'objet ; il les désigne comme privés de ce qui rend un individu digne de respect, et méritant de ce fait d'être protégé par des droits. Le processus de « naturalisation » sert in fine à exclure les « animalisés » du cercle de la considération morale. Ne leur est pas reconnue cette précieuse dignité qui conditionne le bénéfice du droit à ne pas être traité comme un simple moyen au service des buts d'autrui. Ils sont relégués au rang des choses, non seulement par la permission d'en user sans merci, mais par la description même qui en est faite. Les conceptions privatives – celles qui caractérisent l'animal par son déficit d'être – aboutissent à sa réification en le dépossédant des caractères qui le distinguent des cailloux. Une des forces de Florence Burgat est d'avoir saisi que la thèse cartésienne en la matière n'était pas qu'une forme extrême de ce processus de réification, appartenant à un passé révolu.

    L'empreinte cartésienne

    Dans l'antiquité, on s'est efforcé de penser la spécificité de la vie selon des conceptions (panpsychisme, animisme) qui ne peuvent plus être ressuscitées aujourd'hui.

    Dans le monisme aristotélicien, les vivants et les non vivants sont faits des mêmes éléments, mais les vivants se distinguent par les causes formelle et finale. La forme anime la matière, qui est tendue vers divers buts. Si l'âme rationnelle est le propre de l'homme, les animaux partagent avec lui l'âme sensitive qui permet à la fois de se mouvoir et d'éprouver le plaisir et la douleur.

    Au XVIIIe siècle, quelques auteurs essaient encore de penser une matière spécifiquement vivante (Maupertuis, Buffon), une matière dotée d'une capacité de sentir et de se mouvoir (Diderot, d'Holbach), ou un principe vital (Bichat).

    L'avènement du dualisme cartésien au siècle précédent a néanmoins marqué un tournant décisif. Les animaux y sont entièrement privés de la faculté de sentir. L'âme perçoit son union avec le corps dans la perception sensorielle et dans l'expérience de la douleur. Les animaux n'ayant pas d'âme, ils ne perçoivent rien, ni ne souffrent. Nombre de critiques et de théories concurrentes fleurissent en réponse à Descartes (Gassendi, Malebranche, Leibniz…) dont il ne reste pas trace aujourd'hui7. Le dualisme cartésien semble lui-même avoir définitivement sombré car incapable de produire une explication convaincante de l'articulation entre l'âme et le corps. Le paradigme dominant est désormais un monisme matérialiste, celui des sciences. Selon Hans Jonas, c'est un « monisme mécanique », héritier du cartésianisme, qui a succédé à l'antique « monisme vitaliste ». Une fois l'esprit et le corps assignés à des continents différents, il devint impossible de dépasser cette opposition. Le monisme matérialiste n'est autre que le dualisme cartésien amputé d'une de ses branches.

    Le rôle du monisme matérialiste consiste donc à épurer le domaine physique de tout élément spirituel, léguant ainsi à la postérité un ensemble lisse, connaissable de part en part par les lois de la physique. Avec l'émergence des sciences physiques, la matière étend son domaine à la compréhension de tous les phénomènes ; la vie est dépouillée de ce qui la spécifie, réduite aux propriétés de la simple étendue – on reconnaît là l'œuvre cartésienne. Seul ce qui satisfait les exigences de la connaissance exacte sera tenu pour réel. […] pour le dire en langage moderne, le réel se ramène à ce qui peut être soumis à l'expérimentation. Cette édification se confond, souligne Jonas, avec le triomphe d'une ontologie de la mort sur l'ontologie de la vie des premiers temps (le panpsychisme antique), puisque c'est la conception d'une nature dépouillée de toute animation qui y domine. (p. 106-107)

    Mais alors que faire de la sentience ? Elle n'a aucune place. D'ailleurs il existe un courant philosophique qui préconise de mettre fin au problème matière-esprit en… éliminant l'esprit : « Je crois que l'esprit c'est le cerveau » déclare sa fondatrice Patricia Smith-Churchland (p. 109). Au mieux, la matière se voit chargée d'incorporer l'esprit, ce que le monisme matérialiste ne peut faire qu'en attribuant à celle-ci la « faculté occulte » de générer la conscience comme épiphénomène.

    Désormais, ce sont en principe les mêmes facteurs explicatifs qui s'appliquent aux hommes et aux bêtes puisque l'ensemble de l'existant relève d'une science d'où l'âme a officiellement quitté la scène. Mais cela n'a pas rendu service aux animaux. Car l'esprit revient par la porte de service, attribuable de façon d'autant plus arbitraire qu'il n'appartient plus au champ du discours scientifique.

    Aussi bouleversantes que soient les découvertes en psychologie cognitive et en éthologie […] elles n'affaiblissent pas la logique classificatoire selon laquelle l'homme prend place dans un ordre d'autant plus séparé de l'animal que le lieu de la coupure n'est, finalement, assignable à aucun critère. Parce que la différence, que l'on (se) l'avoue ou non, est dévolue à la métaphysique, la démonstration faite par les sciences du vivant d'une proximité entre tous les êtres sensibles […] ne parvient pas à porter atteinte à une distinction qui doit être intangible pour traverser victorieusement ces épreuves. Et que reste-t-il de la métaphysique dans le matérialisme triomphant, sinon cette croyance tue en une suprématie absolue de l'être humain, qui se manifeste dans la quasi-absence de bornes à ses droits sur tout ce qui ne l'est pas ? (p. 111)

    Les animaux, eux, sont livrés tout entiers à ce que la science peut saisir, de sorte qu'ils peuvent être réduits à des corps sans âme8.

    La déréalisation de la douleur animale

    Le traitement du thème de douleur est exemplaire de la prégnance de la conception inaugurée par Descartes. Au niveau sémantique d'abord, qui distingue volontiers la douleur (« purement physique ») de la souffrance (tourment psychique proprement humain). Florence Burgat cite quelques « perles » extraites de dictionnaires philosophiques ou d'écrits émanant de scientifiques, où le dualisme entre le corps animal et l'âme humaine s'exprime sans complexes.

    Dans un savoureux chapitre consacré aux xénogreffes, on apprend que l'unique problème moral soulevé à leur propos par les autorités officielles en matière de bioéthique a consisté à se préoccuper de ce que les personnes transplantées ne se sentent pas atteintes dans leur humanité par l'apport d'un greffon animal. Ainsi lit-on dans le rapport n°61 du Comité national d'éthique :

    L'individu qui arrive à transcender le niveau purement organique de son être et qui estime que l'essence de son humanité est sa pensée, qui permet précisément cette transcendance, n'aura pas ou peu de réticences à l'égard d'un greffon animal. À l'inverse, celui qui refuse ou n'arrive pas à faire la différence entre son humanité et son être matériel n'acceptera pas la xénogreffe. (p. 54)

    Le monisme matérialiste (mécaniste) cohabite tranquillement avec un discours sur l'exception humaine habitée par un esprit qui transcende les organes. Il s'applique par contre rigoureusement quand il s'agit de vider de tout contenu la notion de douleur animale. L'animal peut bien servir de modèle de la douleur humaine, il n'est que cela : un modèle, une structure abstraite qui renvoie à autre chose qu'elle-même.

    Pour Descartes, les mouvements semblables aux nôtres qu'accomplissent les animaux (marcher, réagir à une perception visuelle…) sont dépourvus de tout ressenti ; la biologie mécaniste obéit aux mêmes lois chez les humains et les animaux : elle relève uniquement d'un principe corporel. Mais parce que – chez les humains – les nerfs qui transportent les données vers le cerveau passent par l'endroit où la jonction se fait avec l'âme, ces mouvements suscitent chez eux des sensations.

    Aucun scientifique ne s'aviserait aujourd'hui de se revendiquer de pareille théorie, ni de dire en clair que les animaux n'éprouvent rien. Cependant :

    C'est dans les laboratoires, ces « salons du monde scientifique », que s'élabore une définition enfin « objective » de la douleur, c'est dans ce lieu que se décide le partage entre ce qui peut être soumis aux procédures expérimentales (ce qui est réel) et ce qui ne le peut pas (ce qui n'est pas objectivable, ce qui relève de l'opinion ; ce qui est non mesurable et donc dépourvu de consistance). (p. 68)

    Cette douleur objectivable, la seule scientifiquement reconnue aux animaux, n'a pas de contenu psychique :

    Plus radicale encore est en effet la notion de nociception, d'inspiration béhavioriste, forgée par les biologistes pour les besoins d'une définition de la douleur propre à en expurger toute connotation mentale et tout sentiment de vécu. […] Il y aurait donc une « expérience sensorielle aversive » pure, ne s'accompagnant d'aucune expérience émotionnelle. Bref, quelque chose comme une sensation qui ne sent pas… (p. 67)

    Pour ces corps sans intériorité, la douleur n'est qu'une relation établie par un observateur entre un stimulus et une réaction, une séquence s'inscrivant dans un temps atomisé. Selon la même logique, les comportements sont réduits à de telles séquences. « Contre le sens commun, tout caractère téléologique [leur] est refusé […]. » (p. 211)

    Penser l'être animal

    Le concept d'animalité en philosophie manque nécessairement son objet tant qu'il n'est qu'un moyen déguisé de faire valoir l'excellence humaine. La science, parce qu'elle ne sait pas rendre compte du propre de la vie sensible, ne donne aucune épaisseur à l'existence des bêtes. Le tout se conjugue pour servir des fins idéologiques9.

    Mais alors, où trouver une approche de la vie animale qui s'efforce de la dessiner en traits pleins au lieu de la caractériser par son déficit d'être ? F. Burgat ne cherche pas du côté des travaux sur les capacités cognitives des animaux, qui reviennent toujours à les situer par rapport à l'homme. Elle ne s'attarde pas davantage sur les conceptions évolutionnistes : l'évolutionnisme du sens commun tend trop à faire de l'évolution une histoire dont l'homme constitue le sommet (trahissant en cela l'authentique théorie darwinienne). C'est vers le courant phénoménologique que Florence Burgat se tourne pour penser la condition animale dans ce qu'elle a de propre, parce qu'il place le comportement au centre, conçu « comme un rapport dialectique, et donc jamais donné d'avance, entre l'animal et son milieu » (p. 21). C'est dans ce courant qu'elle discerne les éléments d'une alternative au réductionnisme mécaniste, une ouverture au jaillissement de la vie animale « dans ce qu'elle a d'irrécupérable par l'expérimentation, dans ce qui résiste à sa mise en tableaux, dans ce qui échappe à son embrigadement par une biologie qui s'aligne sur les méthodes des sciences physico-chimiques » (p. 264).

    La rupture ontologique majeure se situe entre le végétal et l'animal et non entre l'animal et l'humain. À l'appui de cette thèse, Florence Burgat mobilise des réflexions empruntées à nombre d'auteurs (Hegel, Buytendijk, Schopenhauer, Merleau-Ponty, Bergson, Uexküll, Straus, Jonas…).

    Motricité et liberté

    La plante est rivée à son milieu. Elle occupe un lieu dont elle ne peut s'échapper. La contiguïté avec son milieu crée une continuité du processus d'échange (la nutrition est continue). La séparation entre soi et non-soi n'est pas franche. C'est pourquoi la plante n'a pas de subjectivité. Le monde végétal revêt une « forme muette et paisible » (Schopenhauer, p. 167), celle d'une existence passive : « La plante est livrée à son milieu et sa vie se passe à s'adapter sans possibilité de résistance ou d'opposition. » (Buytendijk, p. 157). Les mouvements de la plante (croissance, tropismes) n'impliquent ni intentionnalité ni contingence. Ils répondent à une cause immédiate. Même des phénomènes a priori surprenants tels que la communication entre acacias ou la saisie de proies par les plantes carnivores peuvent être expliqués de la sorte.

    Les animaux, à la différence des plantes, possèdent la motricité. Ils échappent à l'enracinement. L'animal se tient en sa propre puissance. Il n'est pas mû, il se meut. Mobilité et conscience vont de pair. Avec le déplacement s'opère la scission entre soi et le monde ; la possibilité se fait jour de s'éprouver comme distinct de son environnement. Avec la mobilité, c'est aussi la liberté qui s'ouvre aux animaux : la pluralité des possibles, et la contrainte de devoir choisir un chemin plutôt qu'un autre.

    Désir, manque, inquiétude… :
    une existence médiate

    La naissance fait sortir l'animal d'un milieu où il puisait directement sa subsistance. La satisfaction des besoins n'est plus immédiate. L'individu doit y pourvoir. Le différé entre le besoin et la satisfaction est la condition de possibilité du désir, dont le corrélat est le manque. L'individu est séparé de ce dont il veut s'approcher. Le processus nécessité par l'atteinte du but requiert une « intention émotive continue » (Jonas, p. 193). L'existence animale est médiate et marquée par l'incomplétude : la distance entre le désir et son objet, le fait de vivre toujours en tendant vers quelque chose, l'expérience vécue de soi en transition, le déplacement entre ici et là…

    Le caractère indirect de la vie animale ouvre le champ de la souffrance et de la jouissance. L'animal mène une existence précaire dans un monde hostile dont il perçoit les dangers. La souffrance inhérente à son existence tient au manque et à la peur (Jonas). Il est habité d'un « sentiment inquiet, anxieux et malheureux » (Hegel, p. 193). Même sans représentation de la mort, il est hanté par la menace d'annihilation qui pèse sur lui, absorbé dans la préservation inquiète de sa vie et de celle de sa progéniture (Schopenhauer).

    Des êtres créateurs de sens

    L'espace et le temps sont constitutifs de l'expérience subjective : plus que des contenants extérieurs où s'inscriraient des points géographiques ou des événements, ils sont des dimensions inhérentes au sentir.

    L'espace. C'est en s'éprouvant « ici » face aux choses qui sont « là » que l'animal fait l'expérience de lui-même et du monde.

    Le temps. « En désirant ce qui est encore à venir, l'animal fait exister quelque chose sur le mode du pas encore. Il a, ce faisant, rapport au non-être. En ce sens, le désir fait figure d'analogon du langage, en tant qu'il rend présent ce qui est absent. » (p. 192).

    Straus illustre par l'exemple de la mélodie ce « rapport au non-être » dans sa dimension temporelle : nous ne percevons pas une musique comme une succession de notes séparées, mais comme une unité s'accomplissant. La note individuelle nous apparaît incomplète, nous la relions à celle qui n'est déjà plus et sommes suspendus dans l'attente de celle qui n'est pas encore. La mélodie forme une unité de signification.

    C'est aussi dans une unité de signification et non dans un temps atomisé que s'inscrivent les comportements : guetter, repérer, approcher, fuir… Les animaux agissent selon des motifs, c'est pourquoi la biologie ne devrait jamais exclure de son domaine « toute considération de sens » (Canguilhem, p. 70). Chaque animal est un sujet placé au centre d'un monde qui lui est propre. Pour chacun, ce sont certains objets et événements qui présentent un caractère saillant, et les mêmes objets revêtent un sens différent selon l'individu ou l'espèce. Le chêne est un abri possible pour la chouette, un support pour l'écureuil bondissant de branche en branche, un arbre à abattre pour le forestier… (Uexküll). Selon Merleau-Ponty ou Buytendijk, la causalité physique ne suffit pas pour rendre compte du comportement. « C'est la signification qui est le fil directeur sur lequel la biologie doit se guider et non la misérable règle de causalité qui ne peut voir plus loin qu'un pas en avant ou un pas en arrière » écrit Uexküll (p. 221).

    Un soi côtoyant le monde

    Si la conscience émerge parallèlement à une façon médiate d'accéder aux ressources, la vie mentale des animaux ne s'arrête pas aux émotions liées à la satisfaction des besoins vitaux. Il est des activités où l'animal satisfait son soi. Ainsi la voix ou le chant ne servent-il pas uniquement des fins utilitaires. Ils sont aussi des manières d'exprimer sa subjectivité, d'extérioriser son désir, sa douleur, sa joie… (Hegel, Buytendijk). Cela vaut aussi pour le cri d'agonie de la bête qui succombe.

    L'animal n'a pas uniquement avec les choses une relation d'appropriation (prendre pour consommer). Il a aussi avec elles un rapport de « laisser-être ce qui est autre sans y être indifférent » (Hegel, p. 192). L'existence de choses qui ne lui sont pas vitales lui procure une satisfaction ; il est modifié par elles. Il existe ainsi chez lui un pur plaisir de savoir. Il éprouve une satisfaction intérieure qui est celle de la contemplation.

     

    Les animaux supérieurs goûtent aussi le repos. Il n'est pas qu'une phase de restauration des forces de l'organisme : les animaux jouissent de la volupté du repos, ils décident de s'y livrer, tel le chat qui « s'abandonne activement à la sieste » (Buytendijk, p. 261).

     

    Dans leur sommeil, les animaux rêvent, ils connaissent cette autre forme du vécu à la première personne. « Celui qui rêve peut devenir fou » ; « la possibilité pour un animal de dormir et de rêver […] inscrit à l'intérieur même de son organisation un potentiel d'anomalies psychopathologiques » écrit le psychiatre Henri Ey (p. 260).

    Les animaux sont des sujets

    Parce qu'ils agissent et perçoivent, les animaux sont des sujets. Ils sont les auteurs de mouvements spontanés qui seuls peuvent être qualifiés de comportements. Ils sont parmi les vivants ceux dont l'existence est médiate, toujours en quête, ceux qui ont des désirs, des affects, une intériorité (un « soi »). Il y a une dimension tragique dans cette vie qui se devine vouée à la mort, perpétuellement menacée. C'est aussi chez ces êtres mobiles dont le rapport à l'environnement n'est pas donné d'avance que jaillit la liberté.

    En dégageant ces lignes de force, Florence Burgat restitue aux animaux l'épaisseur de leur existence, oeuvrant à les délivrer de cette indigence ontologique dont on s'acharne à les marquer, et qui banalise tous les abus commis envers eux. Pour y parvenir, l'auteure défriche au fil des pages une forêt d'écrits souvent obscurs, parsemés de propositions hasardeuses ou contestables. C'est parce qu'elle nous guide à travers eux qu'on parvient à en retenir les moments d'inspiration, et à saisir que ces étincelles, une fois rassemblées et ordonnées, forment une lumière. C'est pourquoi ce livre qui parcourt tant d'auteurs de façon érudite est aussi une construction profondément personnelle. Florence Burgat est l'architecte qui travaille des matériaux épars jusqu'à révéler qu'ils sont porteurs d'une autre vision des bêtes, une vision qui en finit « avec cette image d'une vie animale tranquille, qui se confond avec la toujours bonne nature et la certitude de l'issue immanquablement favorable que procure l'instinct » (p. 265).


    Notes :

    1. Une grande image en couleur de ce tableau est accessible ici

    2. Florence Burgat, Liberté et inquiétude de la vie animale, Éditions Kimé, 2006, 314 pages, 28 euros.

    3. « While working on this lonely picture, Homer buried a dead fox every night in a snowdrift to freeze it stiff in the position he wanted, then painted it hurriedly each morning before it went limp again ; meanwhile crows were shot and hung, flapping convincingly, on his washing line. » (Jackie Wullschlager, « Frontier artist ahead of his time », Financial Times, 9 mars 2006, http://www.ft.com/cms/s/2fee2a68-af...

    4. Florence Burgat, Animal mon prochain, Odile Jacob, 1997. Le numéro 17 des Cahiers antispécistes (avril 1999) contient trois articles consacrés à cet ouvrage.

    5. Toutes les citations contenues dans cet article sont tirées de Liberté et inquiétude de la vie animale, c'est pourquoi la référence associée à chacune se réduit à l'indication de la page où elle se trouve.

    6. Florence Burgat renvoie notamment aux analyses de Colette Guillaumin. Ces dernières ont également retenu l'attention d'Yves Bonnardel dans « De l'appropriation… à l'idée de Nature », C.A. n° 11, décembre 1994

    7. Sur Descartes et quelques uns de ses critiques, on peut lire également : Agnese Pignataro, « Le lien entre la sensibilité et la pensée dans la critique de l'automatisme animal de Descartes : Bayle, La Mettrie, Maupertuis », C.A. n° 26, novembre 2005.

    Voir aussi les textes rassemblés par Luc Ferry et Claudine Germé dans Des animaux et des hommes, parties I et II, Le Livre de Poche, 1994.

    8. Sur la difficulté de la physique et de la philosophie à théoriser la sentience et sur la manière dont cette difficulté est exploitée au détriment des animaux, voir aussi : - David Olivier, « Le subjectif est objectif », C.A. n°23, décembre 2003 - Les deux dernières sections de l'article d'Estiva Reus, « Lectures de pensée animale », C.A. n°23 - David Olivier et Estiva Reus, « La science et la négation de la conscience animale », C.A. n°26, novembre 2005

    9. « on entend par “idéologique” un système de représentations qu'un groupe cherche à faire passer pour le reflet de la réalité, afin de consolider une posture déjà établie et donc de servir ses intérêts (ici, l'utilisation des animaux). » (p. 69)

    http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?page=article-print&id_article=335

  • La décroissance passe forcément par le végétarisme

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    Le petit logement d'Arzhel et Anna n'est pas très différent de la moyenne. Le téléphone y sonne souvent. Une chaîne audio trône dans le salon. Mais il n'y a ni télévision, ni réfrigérateur. Le jeune couple franco-brésilien ne consomme que des céréales et des légumes frais biologiques. Emmailloté dans des couvertures colorées, un bébé d'un mois sommeille. Anna a donné naissance à Nawe dans l'appartement, aidée d'une sage-femme.

    Avec pour seul revenu le salaire de cuistot d'Arzhel, le couple vit très simplement à Peumerit-Quintin (Côtes-d'Armor). Par choix. "Pour moi, c'est la seule solution pour la planète, affirme Anna. Si nous continuons à abuser de ses ressources, les générations futures n'auront plus rien." "Nous réduisons certaines choses comme la consommation de biens et d'énergie, mais nous y gagnons du temps pour nous, et la possibilité d'organiser notre vie comme nous le voulons", poursuit Arzhel. Il a participé à des marches pour la décroissance, et estime faire partie de ce mouvement, sans pour autant revendiquer l'étiquette de "décroissant", jugée réductrice - ni aucune autre d'ailleurs.

    Le terme consacré est celui d'"objecteur de croissance". Certains parlent de "simplicité volontaire", ou de "sobriété". Leur engagement mêle souvent choix de vie personnel, convictions écologistes et militantisme politique. Quand le reste de la société ne songe qu'à augmenter son pouvoir d'achat, ils préfèrent travailler moins, gagner moins, et dépenser moins.

    La majorité des gens a un régime alimentaire moyen de plus en plus industriel et calorique, passe des heures devant la télévision, "s'évade" quelques jours au Maroc ou aux Maldives, utilise des objets toujours plus vite remplacés. Les objecteurs mangent bio, végétarien, et local, ignorent la télévision et préfèrent lire, se déplacent à pied, à vélo, ou en train et ne prennent l'avion qu'en dernier recours, réparent les objets, les réutilisent, les échangent, et partagent ce qui peut l'être : machines à laver, ordinateurs, voire logements.

    Cela ne signifie pas renoncer à tout. "Je ne suis pas un homme des cavernes, sourit Armand, 30 ans, installé dans une petite maison de pierre bretonne. J'ai l'électricité - tout en surveillant ma consommation. J'adore le téléphone. Et la voiture, quand on vit dans le centre de la Bretagne, ce n'est pas négociable." "La simplicité volontaire, c'est un concept en chantier, on ne signe pas de charte", relève-t-il. En revanche, malgré un revenu de quelques centaines d'euros par mois, Armand ne mange que bio. "La décroissance est un objectif vers lequel on tend, chacun a ses limites", affirme également Christophe, rédacteur sur infogm.org, un site internet consacré aux OGM.

    Si le mensuel La Décroissance est parcouru chaque mois avec reconnaissance par des lecteurs très méfiants vis-à-vis des médias grand public, il n'est donc pas pris au pied de la lettre. "Si tu les écoutes, de toute façon, tout le monde a tort", dit Armand.

    Pour certains, le changement se fait par petites touches. Cela commence par l'alimentation ou les déplacements. "Quand on est cycliste, on prend conscience de ce qu'est l'énergie parce qu'on doit la produire soi-même, dit Pierre, un Parisien membre de l'association Vélorution. On réalise l'extraordinaire gâchis autour de nous."

    Béatrice, elle, a tout lâché d'un coup. "J'avais un commerce à Brest, ça marchait bien, il ne restait qu'à le faire grossir, raconte la jeune femme, aujourd'hui installée à Carhaix. On veut gagner plus, avoir plus, mais à un moment on n'est pas satisfait de la vie qu'on a. On risque de tomber dans l'engrenage boulot, stress, médicaments, passivité." Béatrice travaille aujourd'hui au développement du commerce équitable local. Elle est hébergée chez un ami et ne possède rien. "Je sais que ça paraît difficile de vivre cette vie, mais très vite on se rend compte que c'est très facile, et même très agréable", dit-elle.

    "Pratiquer la décroissance apporte une richesse incroyable, car quand tu consommes moins, tu travailles beaucoup plus ton imaginaire", confirme Helena, une Suédoise de 37 ans qui a élevé trois enfants en Bretagne, tout en vivant dans des conditions sommaires. La petite roulotte familiale est aujourd'hui délaissée en faveur d'un gîte. Et Helena s'avoue un peu lasse de cuisiner toute la journée pour sa famille. "La décroissance, ça prend du temps, il faut le savoir", sourit-elle. Elle aimerait "s'ouvrir davantage vers l'extérieur". Si l'objectif ultime des objecteurs de croissance est l'autonomie complète sur le plan matériel, la plupart n'apprécient pas la solitude. "Moins de biens, plus de liens" est un de leurs slogans.

    Ils constatent pourtant qu'une certaine agressivité les entoure. "80 % des gens condamnent mon mode de vie, 10 % sont intéressés, 10 % envient ma liberté", résume Armand. Céline, architecte à Carhaix, a vécu des conversations houleuses dans sa famille. "Des choix de vie extrêmes, ça peut faire peur, on sent la crispation en face de nous, explique la jeune femme. La décroissance, c'est un choix intellectuel, poursuit-elle. On doit avoir la culture et les capacités intellectuelles pour le faire. Sinon, on est simplement pauvre."

    Ils se sont habitués à répondre toujours aux mêmes questions, à dissiper les mêmes malentendus. "On peut parler de décroissance pour nous, dans les pays riches, parce que nous bénéficions de structures collectives, de santé, d'éducation, de transports en commun, argumente Christophe. On ne peut évidemment pas le faire pour les pays du Sud. Mais on peut les inciter à tirer parti de nos erreurs."

    Au final, tous savent que leurs efforts pèsent autant qu'une goutte d'eau dans l'océan, mais peu leur importe. Ils ont fait leur choix et ne désespèrent pas de convaincre, simplement par leur exemple, ou grâce au militantisme. "Nous devons entrer dans une démarche politique, nous battre pour obtenir des choses, donner la possibilité à tous d'aller vers un mode décroissant", affirme ainsi Christophe.

    Gaëlle Dupont

    Article paru dans l'édition du 30.05.07

    http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-916468,0.html

  • 15 juin à Paris VII : "L'animal du XIXe siècle"

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       L’animal du XIXe siècle    

    Vendredi 15 juin 2007, Paris 7

    Information publiée le vendredi 25 mai 2007 par Alexandre Gefen (source : Paule Petitier)

    Équipe « Littérature et civilisation du XIXe siècle »

    Bâtiment Grands Moulins (entrée C) – 6e étage – Salle Pierre Albouy- Université Paris Diderot (Paris 7), esplanade des Grands Moulins, 75013 Paris

    Matinée : 10 h - 12h 30

    10h : Georges Chapouthier (Paris I) : « L'apport du XIXe siècle dans la réflexion sur l'expérimentation animale ».

    10h30 : Émilie Dardenne (Rennes II) : « Résurgence de la question des droits de l'animal à la période victorienne ».

    Pause

    11h30 : Florence Burgat (INRA) : « La voix de l'animal chez Hegel ».

    Après-midi : 14h- 17h

    14h : Dominique Massonnaud (Grenoble III) : « Le réalisme vu comme épizootie ».

    14h30 : Hugues Laroche (Marseille) : « Le bel et la bête (le poète parnassien et l'animalité) ».

    Pause

    15h15 : Raymonde Couderc (Paris Diderot) : « L’enfant (de Jules Vallès) sauvé par l’animal ».

    15h45 : Paule Petitier (Paris Diderot) : « Animalité et agressivité, du récit frénétique au crépuscule du romantisme (Janin, Dumas, Gautier, Eugène Mouton...) ».

    Et pour terminer, une conférence musicale, sur le tout nouveau et très beau piano de l'UFR:

    16h30 : Laurence Tibi (Paris Diderot) : « Les animaux dans la musique de piano du XIXe siècle ».

    Contact :  01 57 27 63 68 (Bibliothèque du XIXe siècle)

        http://www.fabula.org/actualites/article19023.php    
  • Israël interdit les tests sur les animaux pour les produits cosmétiques et d'entretien

    http://www.comboutique.com/shop/products/inprint_small/USR14608/20061208000713_vivisection.jpg

    La Knesset, le parlement israélien, interdit les tests de produits cosmétiques et d'entretien sur les animaux.

    La loi a été adoptée en dernière lecture par la Knesset lundi 21 mai 2007 et entre en vigueur immédiatement, ce qui permettra d'épargner entre 2000 et 3000 animaux sacrifiés pour tester ces produits.

    La modification de la loi a été proposée par le parlementaire Gideon Sa'ar du Parti du Likud qui a fait le commentaire suivant en apprenant l'adoption de son projet de loi : "Il s'agit là d'une loi importante qui reflète la manière dont notre société est en train d'évoluer en matière de droits des animaux."

    M. Sa'ar a déclaré à la Knesset qu'il avait proposé ce projet de loi suite à la suggestion de Daniella, sa fille de 16 ans, qui s'était adressée à lui à ce sujet.

    "S'appuyant sur ce qu'elle avait vu et entendu, Daniella m'a convaincu que ce projet de loi devait être adopté. Je suis très fier de cette nouvelle génération qui souhaite une société plus sensible au sort des animaux et qui assurera un brillant avenir à Israël."

    Directrice de l'association 'Let the Animals Live' (NDT : "Laisser les animaux vivre"), Anat Refua a déclaré à ce sujet : "Nous ne souhaitions pas qu'Israël devienne l'arrière-cour des fabricants de produits cosmétiques qui veulent tester leurs produits (NDT : sur des animaux)."

    "Suite à l'interdiction des tests sur les animaux aux États-Unis et en Europe, de nombreuses entreprises ont cherché à faire pratiquer ces tests dans d'autres régions du monde, nombre d'entre elles s'adressant au final aux Philippines et au Vietnam," poursuit Mme Refua.

    Et M. Sa'ar d'ajouter avoir juré, bien que satisfait de l'adoption de ce premier projet de loi, de proposer une deuxième loi visant à interdire l'importation de produits testés sur les animaux. La précédente tentative de M. Sa'ar en la matière avait échoué à une voix près.

    Source : ArkangelWeb

    Traduction : International Campaigns
  • Taguieff : Entre la « guerre juive » et le « complot américano-sioniste »

                           http://www.denistouret.net/textes/taguieff.bmp

    L'Arche, n° 543, mai 2003.

    © Pierre-André Taguieff/L'Arche - Reproduction interdite sauf pour usage personnel - No reproduction except for personal use only.

    Philosophe et historien des idées, Pierre-André Taguieff est directeur de recherche au CNRS (derniers ouvrages publiés, en 2002 : La Nouvelle judéophobie, Paris, Mille et une nuits ; L’Illusion populiste, Paris, Berg International). Cet article, publié ici en exclusivité, est extrait d’un livre qui paraîtra en septembre aux Éditions Fayard/Mille et une nuits.

    ***

    La guerre pour la bourgeoisie c’était déjà bien fumier, mais la guerre maintenant pour les Juifs! [...] On s’est étripé toujours sous l’impulsion des Juifs depuis des siècles et des siècles [...].
    Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, Paris, Denoël, 1937, p. 86-87.

    Depuis l’automne 2002, l’antiaméricanisme à la française1 s’est de plus en plus clairement teinté de judéophobie, à travers une intensification du discours « antisioniste » convenu, certes, mais aussi par la diffusion croissante d’une représentation antijuive bien connue des historiens des années 1930, celle de la « guerre juive »2.

    On sait que l’un des premiers usages idéologico-politiques des Protocoles des Sages de Sion, entre 1918 et le début des années 1930, a été de justifier la désignation des Juifs comme responsables de la guerre de 14-18. Dans la seconde moitié des années 1930, le recours au mythe du complot juif mondial, véhiculé par les Protocoles, a permis de dénoncer l’éventuelle guerre des démocraties contre le régime nazi commeune « guerre juive ».

    « Les bellicistes »

    La récurrence de ce type d’accusation mérite d’être prise au sérieux et interrogée. De la « guerre juive » à « l’agression américano-sioniste »: persistance et métamorphose d’un stéréotype accusatoire, à travers lequel s’opèrent la criminalisation et la diabolisalion des « Sages de Sion » sous les multiples noms dont on les affuble (le « lobby juif », le « lobby sioniste », « les sionistes et leurs alliés », le « lobby pro-israélien », le « sionisme mondial », le « pouvoir juif », etc.)3.

    Dans les deux cas, en 1936-1939 et en 2002-2003, l’opposition à la guerre contre une dictature reconnue comme telle prend la forme d’une puissante vague « pacifïste  ». Si l’ennemi est « belliciste », et à ce titre monopolise le statut d’agresseur (réel ou potentiel), les anti-bellicistes se définissent eux-mêmes comme partisans de la paix.

    Face au messianisme démocratique à l’américaine, les plus gauchistes d’entre les pacifistes américanophobes recourent volontiers aux arguments de base de la « rhétorique réactionnaire », telle que l’a magistralement analysée Albert Hirschman4. Toute tentative de modifier l’ordre international existant est récusée au nom de trois types d’arguments: le risque d’engendrer des effets contraires au but recherché (effet pervers); l’inutilité de l’action entreprise, supposée impuissante à modifier le statu quo (inanité); le risque de bouleverser une organisation fragile, représentant de précieux acquis (mise en péril). Si tout est inconditionnellement préférable à la guerre, alors la servitude est absolument légitimée. La prescription d’éviter la guerre à tout prix a conduit naguère nombre de bons esprits à célébrer les accords de Munich. Des socialistes pacifistes à l’extrême droite nationaliste.

    Le maurrassien Pierre Gaxotte écrivait dans Je suis partout daté du 30 septembre 1938: « Quant à nous, il n’y a plus, à nos yeux, que deux partis: ceux qui sont pour la France et ceux qui sont pour la guerre. » Quelques mois plus tard, Paul Ferdonnet, publiciste stipendié par l’Allemagne nazie, publiait La Guerre juive5, qui commençait par ces propos dénués d’ambiguïté, datés de « Noël 1938 »: « [...] Ces parasites, ces étrangers, ces ennemis intérieurs, ces Maîtres tyranniques et ces spéculateurs impudents, qui ont misé, en septembre 1938, sur la guerre, sur leur guerre de vengeance et de profit, sur la guerre d’enfer de leur rêve messianique, ces bellicistes furieux, il faut avoir l’audace de se dresser sur leur passage pour les démasquer; et, lorsqu’on les a enfin reconnus, il faut avoir le courage de les désigner par leurs noms : ce sont les Juifs. »6

    « Sionisme mondial »

    Considérons le discours « antiguerre » des premiers mois de 2003 à travers le matériel constitué par les appels aux manifestations, les tracts distribués, les banderoles et les pancartes brandies, les slogans proférés. Non seulement l’intervention militaire anglo-américaine contre le régime de terreur de Saddam Hussein a été assimilée aux réactions israéliennes contre les terroristes palestiniens, mais aussi et surtout les Israéliens, et plus largement les représentants du mythique « sionisme mondial », ont été accusés d’être à l’origine de la nouvelle « guerre d’Irak ».

    Des listes de conseillers du président américain, « juifs », « sionistes » ou « proches du Likoud », ont circulé sur Internet, et la presse, même la plus « respectable », a relayé ces accusations ou ces soupçons, visant un Bush manipulé par « les Israéliens » ou des « conseillers juif ». A l’amalgame polémique « Bush = Sharon » (également et semblablement « assassins ») s’est ajoutée une vision conspirationniste, que traduisent diverses images schématisantes: du « complot américano-sioniste » (où les « sionistes » sont censés rester dans l’ombre, ou agir de façon occulte) à « Bush valet de Sharon ».

    Les Juifs, une fois de plus, sont ainsi désignés comme les vrais responsables d’une guerre, et d’une guerre qui, dans le contexte géopolitique contemporain, affecte le système mondial des États. Une nouvelle guerre sinon mondiale, du moins mondialisée à bien des égards.

    La croyance à l’action des démons, censée expliquer l’origine des malheurs des humains, donne son assise à la judéophobie « antisioniste »7. La fixation de la haine « antisioniste » sur un Sharon nazifié (et, entant que tel, devenu synecdoque de l’État « raciste » et « fasciste » d’Israël) permet de formuler un slogan de ce type: « Hitler en a oublié un: Sharon »8, slogan justifiant le génocide nazi des Juifs qu’ont osé crier des milliers de manifestants lors d’une manifestation en faveur de la Palestine, à Amsterdam, en avril 2002. La dénonciation néo-gauchiste de la « Busherie » peut ainsi glisser vers les « antisionistes » de l’autre bord, les néo-fascistes de l’hebdomadaire Rivarol, jubilant de pouvoir enfin dénoncer, en phase avec une importante partie de « l’opinion mondiale », la « Busherie kasher ».

    Paris VIII

    De multiples incidents antijuifs se sont produits depuis la fin des années 1990 dans les universités françaises, où des groupes gauchistes et pro-palestiniens font régner un terrorisme intellectuel qui rappelle l’époque de la guerre froide, quand les staliniens exerçaient leur dictature idéologique dans certains établissements universitaires. Après des années d’une intense propagande « antisioniste » fondée sur la nazification des « Juifs-Israéliens-sionistes », l’Union générale des Étudiants tunisiens (UGET)9 a organisé du 25 au 27 mars 2003, dans le hall d’entrée de l’université Paris VIII (Seine-SaintDenis), en guise de célébration de la nationale-palestinienne « journée de la Terre » (30 mars), une exposition provisoire dont la dimension antijuive était à ce point évidente (caricature de Sharon doté d’un nez proéminent, dessins de Juifs an nez crochu, citations « antisionistes » de Roger Garaudy, etc.) que même des enseignants gauchistes, palestinophiles par définition, s’en sont aperçus. Le thème de la manipulation « sioniste » de la politique américaine ne manquait pas à l’appel, comme le montre cette citation de Roger Garaudy: « Le Premier ministre d’Israël a beaucoup plus d’influence sur la politique étrangère des États-Unis au Proche-Orient que dans son propre pays. »10 Au milieu des drapeaux palestiniens tapissant le hall, le visiteur tombait sur une série de photos choisies pour provoquer l’indignation, sur le thème « Massacre à Jénine », pièce maîtresse de la propagande palestinienne depuis le printemps 200211.

    Serge Thion

    Deux journalistes de Marianne décrivent et racontent ce qu’elles ont vu et entendu dans cette exposition : « Des corps mutilés, des crânes explosés, et des explications “historiques ” sur la naissance de l’État d’Israël, construit sur les ruines des villes palestiniennes. Des pancartes résument: “sionisme =impérialisme = fascisme ”. [...] Un étudiant juif tente — en vain — d’expliquer la définition du sionisme à un public plus que réfractaire. Le ton est donné. Pendant ce temps, un “étudiant” (d’une bonne quarantaine d’années) crie dans un micro: “Tout le monde sait qu’Israël est derrière la guerre en Irak.” L’auditoire applaudit. Les propos sont sans appel: “Sionistes et Juifs, ça revient au même.”12 »

    Le négationniste Serge Thion, ravi de la nouvelle conjoncture « antiguerre » où l’antisionisme de propagande fusionne avec un antiaméricanisme mystique, écrit dans le numéro 16, paru en janvier 2003, de sa revue La Gazette du Golfe et des banlieues13, à propos de la « composition » de « l’équipe Bush »: « [...] On peut se demander légitimement, si ce ne sont pas des Juifs israéliens ou pro-israéliens qui dirigent le gouvernement américain. » Le 10 avril 2003 paraît le numéro 20 de ce périodique caricaturalement haineux, « antisioniste » autant qu’américanophobe. On y lit en guise d’avertissement au lecteur: « Née en 1991 de la révolte contre la guerre imposée par les pétroliers américains, elle [La Gazette...] avait paru sans périodicité fixe. Ranimée par l’éclatant retour de l’impérialisme américain dévoilé par la divine surprise du 11 septembre, elle avait adopté un rythme mensuel sans en faire un dogme. Le dernier numéro, 19, paru après le déclenchement de la guerre par le quarteron des néo-cons sionistes qui agitent la marionnette boucharde, a été submergé et distendu par le flot de l’actualité.14 »

    D’abréviation usuelle pour « neo-conservatives », l’expression « neocons », en langue française, se transforme subrepticement en terme insultant. Un certain Christophe Deroubaix, dans le quotidiencommuniste L’Humanité, après avoir affirmé que « Bush applique, les unes après les autres, les idées des“neocons ” » présente ainsi Paul Wolfowitz, « l’éminence grise »: « Le véritable chef de la bande des “neocons”, c’est lui [...] »15. Voilà qui doit faire beaucoup ricaner, dans les troupes clairsemées des néostaliniens.

    Israël Shamir

    Le 20 mars 2003, dans la lettre d’information (diffusée sur Internet) de l’Association médicale franco-palestinienne (AMFP, Marseille), Point d’information Palestine16, on pouvait lire un texte judéophobe et conspirationniste signé Israël Shamir, « Les oreilles de Midas », dénonçant violemment les « magnats juifs des médias » et la « juiverie organisée » (Organised Jewry), celle-ci étant par lui accusée d’être aujourd’hui responsable de la « guerre en Irak » comme elle aurait d’une façon occulte, naguère, après avoir « acheté secrètement et subverti les médias français durant de nombreuses années », précipité les Français « dans l’horrible et totalement inutile Seconde Guerre mondiale ».

    Ainsi parle Israël Shamir, l’un de ces Juifs antijuifs17 qui, s’affirmant « antisionistes », sont devenus des intellectuels organiques de la « cause palestinienne » et se sont rapprochés des milieux négationnistes (« notre ami Israël Shamir »: c’est ainsi que Serge Thion, l’ex-bras droit de Robert Faurisson, le présente sur son site, avant de diffuser l’un de ses articles)18. Shamir affirme que « les Juifs », qu’il oppose aux « gens normaux », « règnent en maîtres en Amérique », et précise son accusation: « La juiverie organisée ne cesse de pousser à la guerre tout en déniant toute prise de position et tout engagement en la matière ».

    Cet « antisioniste » militant enchaîne en posant la question rhétorique suivante: « Est-il totalement impensable que les Juifs américains aient pris secrètement le contrôle de leurs médias nationaux et soient aujourd’hui en train de précipiter les États-Unis dans une horrible et totalement inutile Troisième Guerre mondiale ? » La prescription s’impose: « Faisons en sorte que les conseillers juifs du président Bush soient virés. Ces comploteurs sont incapables de tenir ce qu’ils ont promis [...]. Ils ont poussé le bouchon trop loin. »

    Les articles « antisionistes » de Shamir sont disponibles sur des sites négationnistes19, islamistes et pro- palestiniens. Un des articles disponible sur le site www.solidarite-palestine.org se termine par cette prophétie fondée sur la christification des Palestiniens: « Même si l’on crucifie tous les Palestiniens jusqu’au dernier sur le Golgotha, l’Etat juif d’Israël n’a d’autre réalité que virtuelle et ne verra jamais le jour. »

    Dans un autre article daté de septembre 2002, diffusé sur le site du Parti des Musulmans de France (PMF) au début de février 2003, Shamir écrit : « [...] Les élites juives américaines poussent à l’Armageddon [...] afin de placer l’État juif au sommet de la hiérarchie mondiale. C’est le plan d’un mégalomane, mais ce sont des mégalomanes qui sont aux manettes de la superpuissance mondiale unique [...] » On comprend dès lors pourquoi Shamir, récusant le projet politique fondé sur la cœxistence des deux États, l’un juif, et l’autre palestinien, est un ferme partisan du démantèlement de l’État d’Israël20, en vue de créer un nouvel État, déjudaïsé, incluant Juifs et Palestiniens. Sur ce même site, où le président du PMF, Mohamed Ennacer Latrèche, dénonce inlassablement « le plan américano-sioniste », on lit à la fin d’un communiqué de presse du PMF, daté du 20 octobre 2002: « Le PMF adresse au peuple irakien et à son président ses meilleurs vœux de bonheur et de prospérité, tout en lui assurant son entier soutien dans sa résistance aux projets dévastateurs américano-sionistes. »

    Diabolisation

    La propagande pro-palestinienne aveugle et vindicative ne fait nullement avancer la cause palestinienne, elle ne contribue en aucune manière à la création d’un État palestinien, elle a pour seul résultat de nourrir l’imaginaire antijuif, en radicalisant la haine anti-israélienne21. Ceux qui, comme moi, sont convaincus de la nécessité de créer un État palestinien souverain se heurtent aujourd’hui à la dure réalité du total refus, par la majorité des défenseurs de la cause palestinienne, de l’existence même de l’État d’Israël.

    La diabolisation d’Israël et de l’Occident, pour les « gouvernements à la fois autoritaires et inopérants qui règnent sur presque tout le Moyen-Orient »22, est une condition de survie. Comme l’a montré Bernard Lewis, la désignation de responsables imaginaires et de coupables fictifs présente pour ces gouvernements plusieurs avantages essentiels: « Expliquer la pauvreté qu’ils sont incapables de réduire, légitimer un pouvoir despotique qui ne cesse de s’alourdir, détourner le mécontentement croissant de la population vers d’autres cibles23 ».

    Notes

    1. Voir l’indispensable ouvrage de Philippe Roger, L’Ennemi américain. Généalogie de l’antiaméricanisme français, Paris, LeSeuil, 2002.

    2. Voir notamment Ralph Schor, L’Antisémitisme en France pendant les années trente. Prélude à Vichy, Bruxelles, Éditions Complexe, 1992; Richard Millman, La Question juive entre les deux guerres. Ligues de droite et antisémitisme en France, Paris, Armand Colin, 1992.

    3. Le site de Radio Islam, fondé et animé par l’islamiste Ahmed Rami (qui diffuse les Protocoles des Sages de Sion et toutes les formes de littérature négationniste), fait circuler des listes de Juifs (parfois imaginaires) qui dirigeraient en secret la politique américaine. Dans l’administration Clinton, Rami avait repéré, en 1998, un nombre impressionnant de Juifs, de Madeleine Albright à Janet Yellen. Au début de 2002, Rami fait circuler une nouvelle liste, Jews in the Bush Administration, comprenant notamment Elliott Abrams, Josh Bolten, Ari Fleischer, Jay Lefkowitz, Richard Perle, Paul Wollowitz. Dans la littérature anti-américaine récente se sont multipliées les attaques contre l’administration Bush fondées sur ces listes de patronymes, censées prouver que le pouvoir politique, aux États-Unis, est « gouverné par les Juifs ». Variations sur le thème: « Le lobby sioniste dirige l’Amérique ». En France, l’un des principaux périodiques de la mouvance lepéniste, National Hebdo, a consacré une série d’articles à la dénonciation des inspirateurs ou des leaders juifs des faucons américains qui viseraient, à travers la « destruction de l’Irak », l’établissement du « Grand Israël ». Voir Michel Limier, « Paul Wolfowitz, pousse-au-crime de George W. Bush », National Hebdo,n° 968, 6-12 février 2003, p. 7; Id., « Les faucons de George W. Bush(2) », National Hebdo, n° 969, 13-19 février 2003, p. 7. « Michel Limier » est le pseudonyme d’un disciple d’Henry Coston, qui pourrait être Emmanuel Ratier, journaliste spécialisé dans la littérature de dénonciation conspirationniste. Voir E. Ratier, Mystères et secrets du B'nai'B'rith, Paris, Facta, 1993; Id., Les Guerriers d’Israël. Enquête sur les milices sionistes, Paris, Facta, 1995.

    4. Voir Albert O. Hirschman, Deux siècles de rhétorique réactionnaire, tr. fr. Pierre Andler, Paris, Fayard, 1991.

    5. Paris, Éditions Baudinière, 1939 [début]. Dans ce libelle besogneux, Ferdonnet cite notamment le premier des pamphlets antijuifs de Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre (op. cit.) — mis en vente le 28 décembre 1937 —, dont le thème central est précisément la dénonciation du « bellicisme juif » et de la préparation d’une « guerre juive ».

    6. Paul Ferdonnet, La Guerre juive, op. cit., avant-propos, p. 9-10.

    7. Voir Léon Poliakov, « Causalité, démonologie et racisme. Retour à Lévy-Bruhl ? » [1980], in Pierre-André Taguieff (dir.), Les Protocoles des Sages de Sion, tome II: Études et documents, Paris, Berg International, 1992, p. 419-456.

    8. Slogan cité par Eric Krebbers et Jan Tas, « Comment éviter quelques pièges antisémites », De Fabel van de illegaal, n° 52-53, été 2002 (traduit du hollandais par Yves Coleman).

    9. L’UGET prétend que l’autorisation administrative d’organiser cette exposition a été donnée au Comité de soutien à la Palestine.

    10. Extrait de Roger Garaudy, Palestine, terre des messages divins, Paris, Albatros, 1986 (traduit en arabe); rééd., Éd. AI-Fihrist, 1998 (en vente sur des sites Internet islamistes et négationnistes). Dans un autre extrait de ce livre, la loi israélienne du retour était mise en parallèle avec les lois racistes de Nuremberg. Selon le communiqué de l’UEJF du 28 mars 2003, 32 pages du livre de Garaudy auraient été reproduites sur les panneaux de cette exposition.

    11. Des photos des victimes palestiniennes des affrontements qui eurent lieu à Jénine sont ainsi légendées : « ça s’est réellement passé à Jénine contrairement à ce que le Lobby juif vous a fait croire ».

    12. Natacha Polony et Sarah Weisz, « Manifs des jeunes. Chansons pacifiques contre appels à la haine », Marianne, n° 310, 31 mars - 6 avril 2003.

    13. Serge Thion a fondé La Gazette du Golfe et des banlieues en 1991. En octobre 2001 paraît le premier numéro de la nouvelle série de ladite Gazette, sur Internet.

    14. Serge Thion, in La Gazette du Golfe et des banlieues, n° 20, 10 avril 2003, p. 3-4.

    15. Christophe Deroubaix, « Cette idéologie ultra qui domine Washington », L’Humanité, 19-20 avril 2003, p. 4, 6.

    16. Cette lettre d’information francophone (6800 destinataires), se présentant comme une revue de presse hebdomadaire, a été créée en 1999 par deux militants pro-palestiniens qui se disent « franchement de gauche »: Pierre-Alexandre Orsoni et Marcel Charbonnier (traducteur de Shamir et d’autres auteurs « antisionistes »). L’Association médicale franco-palestinienne de Marseille est coiffée par l’Association France-Palestine Solidarité (créée en mai 2001 à partir de l’AMFP et de l’Association France-Palestine). L’AFPS participe aux activités de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine qui regroupe 34 associations.Voir Michel Henry, « Charge antisémite d’une association propalestinienne. La branche marseillaise de l’AMFP a diffusé un texte ordurier », Libération, 3 avril 2003, p. 24; Ariane Chemin, « Un bulletin Internet pro-palestinien publie un texte antisémite.L’association France- Palestine Solidarité a condamné son contenu et sa diffusion », Le Monde, 5 avril 2003, p. 15. Bernard Ravenel président de l’AFPS, a condamné le « contenu explicitement antisémite » de l’article de Shamir et rompu avec le groupemarseillais. Le traducteur Marcel Charbonnier a démissionné de l’AMFP-Marseille, mais celle-ci n’a pas pour autant présenté ses excuses, et continue de diffuser des articles de Shamir.

    17. Certains milieux palestiniens (par exemple Hussein Ibish et Ali Abunimah) mettent cependant en doute la judéité de Shamir et le considèrent comme un des nombreux olim russes orthodoxes installés en Israël.

    18. Dans La Gazette du Golté et des banlieues, dès le premier numéro de la nouvelle série (octobre 2001), on peut lire un article d’Israël Shamir, « Comment saper les bases de l’édifice de la violence », repris de Point d’information Palestine, n° 165, 28 août 2001. Dans le n° 15 (décembre 2002) de la Gazette négationniste, on peut lire un autre article de Shamir (« La pluie verte de Yassouf », hymne aux Palestiniens qu’on trouve publié dans de nombreux autres périodiques), ainsi qu’une étude de Maria Poumier (« Les Juifs à Cuba »). On retrouve la prose de Shamir dans le numéro 16 (janvier 2003), où l’on peut lire notamment un article « antisioniste » de Ginette Hess-Skandrani, présidente de « La Pierre et l’Olivier » et membre fondatrice des Verts: « Décolonisation de la Palestine ». L’association « La Pierre et l’Olivier », créée à Paris en 1990, se présente comme un « réseau de solidarité avec le peuple de Palestine ».

    19. Par exemple, outre la revue de Serge Thion, La Gazette du Golfe et des banlieues, les publications de Ernst Zündel et de Michael A. Hoffman II. Précisons que le journaliste et publiciste Hoffman dirige le périodique Revisionist History (devenu Revisionist History Newsletter), et qu’il est l’auteur de plusieurs pamphlets ou libelles antijuifs, dont Secret Societies and Psychological Warfare (nouvelle édition revue et augmentée, 2001), où il dénonce notamment la prétendue pratique du crime rituel chez les Juifs. Mais on trouve également des articles du communiste Shamir, ancien journaliste (encore dans les années 1990) à la Pravda, dans le journal antijuif russe de la mouvance communiste, Zavtra, où il signe « Robert David ». Sa spécialité est de voir partout la main cachée du Mossad. Zavtra (« Demain ») a pour rédacteur en chef l’extrémiste Alexandre Prokhanov, incarnant la synthèse communiste-nationaliste des « rouges-bruns »). Voir Vadim Rossman, Russian Intellectual Antisemitism in the Post Communist Era, Lincoln et Londres, The University of Nebraska Press, et Jérusalem, SICSA, 2002, p. 24, 98 (note 73),110- 111, 131, 136 (note 37), 142 (note 118). Sur Prokhanov, voir Walter Laqueur, Histoire des droites en Russie. Des centuriesnoires aux nouveaux extrémistes [1993], tr. fr. Dominique Péju (avec la coll. de Serge Zolotoukhine), Paris, Michalon, 1996, p. 161-162, 198-199, 281-282, 326. Hoffman a, par exemple, publié en traduction américaine un article de Shamir paru dans Zavtra, le 31 octobre 2000: « The Jews of Russia and Palestine : A Comparison » (« Campaign for Radical Truth in History », archives).

    20. Shamir s’affirme, selon une formule routinisée, « pour la déconstruction de l’État juif raciste ».

    21. Voir le remarquable dossier « Vérité sur deux ans d’Intifada » sous la direction de Meïr Waintrater, dans le mensuel L’Arche, n° 536-537, octobre-novembre 2002, p. 42-87.

    22. Bernard Lewis, Que s’est-il passé ? L’lslam, l’Occident et la modernité, tr. fr. Jacqueline Camaud, Paris, Gallimard,2002, p.221.

    23. Ibid.

    http://www.phdn.org/antisem/antision/taguieff2003.html#note1

  • Singer, Adorno, Kaplan, Patterson, etc.

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    « Auschwitz commence dès lors qu'un individu regarde un abattoir et pense : ce ne sont que des animaux. »
    Theodor Adorno

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    « En pensée, Herman prononça l'oraison funèbre de la souris qui avait partagé une partie de sa vie avec lui et qui, à cause de lui, avait quitté ce monde. " Que savent-ils, tous ces érudits, tous ces philosophes, tous les dirigeants de la planète, que savent-ils de quelqu'un comme toi ? Ils se sont persuadés que l'homme, l'espèce la plus pécheresse entre toutes, est au sommet de la création. Toutes les autres créatures furent créées uniquement pour lui procurer de la nourriture, des peaux, pour être martyrisées, exterminées. Pour ces créatures, tous les humains sont des nazis ; pour les animaux, la vie est un éternel Treblinka." »

    Isaac B. SINGER, The Letter Writer 

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    « Tout ce que les nazis ont fait aux juifs, nous le faisons aux animaux. Nos petits-enfants nous demanderont un jour : où étiez-vous pendant l’Holocauste des animaux ? Qu’avez-vous fait contre ces horribles crimes ? Nous ne serons pas capables alors de donner la même excuse une seconde fois, que nous ne savions pas."

    Helmut F. Kaplan

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    Charles PATTERSON, Eternal Treblinka : Our Treatment of Animals and the Holocaust, NY, Lantern Books, 2002 (dédié à la mémoire d'I. B. Singer) - Parution française : octobre 2007 chez Calmann-Levy.

    "La thèse de mon livre est que l’exploitation et le massacre des animaux est l’oppression centrale et originelle, à partir de laquelle toutes les autres oppressions découlent. La cruauté et l’injustice envers les animaux se retrouve inévitablement chez les humains.

    Isaac Bashevis Singer, écrivain yiddish détenteur du prix Nobel est à l’origine du titre de mon livre, qui lui est dédié. Il fut le premier auteur moderne qui ait vraiment utilisé le terme holocauste pour décrire l’exploitation et le massacre des animaux. Il a écrit : « Par rapport à eux, tous les humains sont des nazis. Pour les animaux c’est l’éternel Treblinka. » (Treblinka était un camp de la mort nazi au nord de Varsovie.)

    Le livre examine les racines communes de l’oppression animale et de l’oppression humaine et les similarités entre la façon dont les nazis traitaient leurs victimes et la façon dont la société moderne traite les animaux qu’elle massacre pour la nourriture. La dernière partie du livre fait le portrait de défenseurs d’animaux juifs et allemands d’un bord et de l’autre de l’Holocauste, parmi lesquels Isaac Bashevis Singer lui-même.

    J’ai été surtout touché par les commentaires et les critiques des gens qui ont reconnu l’importance et l’originalité de mon livre. Par exemple, le journal israélien Maariv a écrit : « Le défi moral posé par Eternel Treblinka en fait un livre indispensable pour celui qui cherche à explorer la leçon universelle de l’Holocauste” et la très respectée Midwest Book Review (US) a décrit le livre comme étant “captivant, controversé, iconoclaste... vivement recommandé... une contribution unique. » 

    La suite sur : www.veganimal.info/article.php3?id_article=484

  • Le Nouvel Obs persiste et signe

    http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2220/articles/...

    Suite à l'article diffamatioire "Bêtes et méchants" paru dans le n° 2216 (voir http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2216/articles/... et ce blog), un droit de réponse a paru dans le n° 2220 de cette semaine, mais suivi de nouveaux mensonges.

    En effet, contrairement à ce que mademoiselle Vaton, en aucun cas l'Animal Rights Militia et le Justice Department de sont des "factions"  de l'ALF.

    Comme il est clairement précisé dans le manifeste Pour la libération animale (http://cineoeil.free.fr/man1/man1.pdf), "on attribue souvent des actions de l'ARM à l'ALF, mais en fait l'ALF se distingue de l'ARM par le principe du refus de porter atteinte à la vie humaine. [...] Jusqu'à présent il n'y a en fait pas eu d'actions armées contre des personnes humaines de la part de ces organisations, mais leurs actions sont le plus souvent moins artisanales que les actions de l'ALF." (p. 65-66).

    Droit de réponse

    "Nous, militants pour les droits des animaux, cités dans l'article diffamatoire de M. Vaton « Bêtes et méchants » (n ° 2216), précisons qu'en aucun cas les allégations de l'auteure comme quoi nous serions des « fanatiques ultraviolents » ne sont fondées.

    Notre lutte s'inscrit dans la lignée des combats pour l'émancipation humaine, dans lesquels nous sommes également engagés. Partant de là et de la cause même qui nous unit (l'abolition des atrocités commises sur les animaux, êtres sensibles exclus sans raison logique de notre communauté morale), nous sommes opposés à la violence.

    Nous sommes de plus abusivement assimilés à l'ALF, lui-même diffamé puisque ignoblement comparé à Al-Qaida. Pourtant, contrairement aux terroristes islamistes, l'ALF n'a jamais essayé de porter atteinte à l'intégrité physique des personnes, ses statuts étant clairs sur ce point : « Prendre toutes les précautions afin de ne mettre en danger aucune vie quelle qu'elle soit. »

    Les actions de nos groupes respectifs sont légales, non violentes. Il est regrettable que votre journal surfe sur la vague du prétendu « terrorisme vert » et préfère le sensationnalisme à la réalité.

    Diaboliser la libération animale en l'assimilant au nazisme (Guillebaud) est monstrueux. Salir des personnes qui n'ont pour arme que leur désir de justice pour tous est révoltant.

    D'où notre écoeurement et cette protestation collective.

    Droits des Animaux, Furieuses Carottes, Collectif antispéciste de Paris.

    [Le caractère violent d'ALF est pourtant avéré , certaines factions du groupe, comme la Milice du Droits des Animaux ( Animal Rights Militia ) ou Justice Departement, visent directement l'être humain. Et s'il est vrai que pour l'instant ALF n'a jamais tué personne, certaines déclarations de porte-parole du mouvement, comme celle de Rod Coronado, ancien porte-parole de l'ALF , sont sans ambiguïtés : « Je pense que les producteurs de nourriture devraient apprécier le fait que nous ne visions que leurs biens. Parce que, franchement , je pense qu'il est temps de commencer à les cibler eux. » Ou celle de Ronnie Lee, fondateur d'ALF : « La libération animale est une lutte acharnée qui demande un engagement total. Il y aura des blessés et probablement des morts dans les deux camps. C'est triste, mais certain . » Marie Vaton]

  • 1567 : Pie V interdit les corridas

    http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/fd/Pius_V.jpg/200px-Pius_V.jpg

     
    Le premier novembre 1567, le Pape Saint Pie V publia la Bulle "DE SALUTE GREGIS DOMINICI" interdisant formellement et pour toujours les corridas de toros, et décrétant la peine d'excommunication immédiate contre tout catholique qui les autorise et y participe.

    Ordonnant également le refus d'une sépulture religieuse aux catholiques qui pourraient mourir des suites d'une participation à quelque spectacle taurin quel qu'il soit.

  • 20 mai - 3 juin : Exposition Nadia Moutier-Fontenaille et Guy-Félix Fontenaille

    Image

    Les Amis du Vieux Châtillon et l'ADAC présentent : Peinture et Philosophie

    Nadia MOUTIER-FONTENAILLE et Guy-Félix FONTENAILLE

    Du 20 Mai au 3 Juin 2007

    Espace Maison Blanche - 2, Avenue Saint Exupéry - 92320 Châtillon

    Métro Châtillon-Montrouge - Terminus ligne 13

    Exposition ouverte  tous les jours de 13h à 20h- Renseignements au 01 46 57 78 16 / 01 42 53 27 22

    L'artiste Châtillonnaise rejoint dans sa recherche picturale la pensée philosophique de son époux Guy-Félix FONTENAILLE.

    Que peut apporter la pensée d'un philosophe à un artiste ?

    Quelle influence peut-elle avoir dans son oeuvre ?

    Une influence considérable.

    La foi dans l'esprit, c'est ainsi qu'on pourrait définir G.-F. FONTENAILLE.

    « Mais, la foi dans l'esprit, comment mènerait-elle au dédain des choses, puisqu'elles ont été produits de l'esprit ? Nous nous devons donc, non seulement de les agréer, mais aussi des les restituer à l'esprit, et par là de les relever, de les magnifier. Restituer les choses à l'esprit à l'esprit qu'est-ce en somme ?

    Les accueillir, certes, et telles qu'elles se livrent à nous, avec les structures et ces formes à une loi qui cette fois est, non celle du fini, mais celle dont a procédé le fini, celle de l'être qui, infini, tout esprit, se devait pourtant d'être soi-même un concert, un concert innombrable d'êtres. »

    « Au départ, lorsque les choses n'étaient qu'en puissance, tout était ordre, la seule loi était l'Etre. Elles sont entrées en dissidence, elles ont tenté la dipsersion, chacune s'est tenue pour seule, l'inertie est intervenue, fut leur foi.Ce qu'elles ont perdu au change, c'est à nous de le compenser. »

    « Le retour à l'intégrité, la recouvrance, l'accomplissement, la beauté. »

    « Lorsque nous quitterons le fini, lorsque nous quitterons le malheur, ils ne seront plus rien pour rien ; les pierres s'ouvriront comme des chrysalides, les natures seront délivrées. »

    Nadia FONTENAILLE*

    http://www.ville-chatillon.fr/index.php?option=com_events&task=view_detail&agid=151&year=2007&month=04&day=15&Itemid=118

    * Nadia Fontenaille, ancienne résistante ainsi que son époux, est par ailleurs fondatrice de la Société Protectrice des Oiseaux des Villes (SPOV).

  • USA: une loi pour interdire le massacre des chevaux?

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    Une loi devrait interdire l'abattage des chevaux pour la consommation humaine dans l'État de l'Illinois aux  USA, puis, peut-être, dans l'ensemble du pays. On notera que cette décision n'est prise, outre de faibles considérations éthiques, que parce que le marché de la viande y est un secteur extrêmement faible.

    Senate moves to save horses
    Published May 17, 2007

    SPRINGFIELD -- With the Illinois Senate's approval Wednesday of a measure that would ban the slaughter of horses for human consumption, the state is poised to force closure of the nation's last such plant - in De Kalb. The measure previously had passed the House and Gov. Rod Blagojevich's aide said he will sign the bill. The Senate vote was 39-16. The measure drew strong backing from movie star Bo Derek and animal rights groups in an effort that spanned several years in Springfield, with opponents arguing that it would eliminate an option for owners to dispose of horses that are no longer wanted or useful. As soon as the bill is signed, the DeKalb slaughterhouse "will have to shut down", said Sen. John Cullerton (D-Chicago), the sponsor.

    "These are companion animals, not livestock", Cullerton said. "Many animals lovers look upon horses like cats and dogs rather than pigs and cows." "We're absolutely thrilled", said Michael Markarian, executive vice president of the Humane Society of the United States, who said the group's focus is now on legislation being considered in Congress to ban the practice nationwide, as well as the exportation of horses to slaughterhouses in Mexico and Canada. "The walls are closing in on the foreign-owned horse slaughter industry." Blagojevich promised Derek a quick signing of the bill while she was in Springfield to testify on behalf of the legislation earlier this year, Cullerton said. Illinois Department of Agriculture Director Chuck Hartke also supported the ban, pointing out that there is no domestic market of horse meat for human consumption and therefore no need to continue the practice in Illinois. Most horse meat is exported to Europe, where some still consider it a delicacy.

    According to the U.S. Department of Agriculture, 100,800 horses were slaughtered in the United States for human consumption in 2006, but the last two slaughterhouses besides DeKalb, both in Texas, shut down under a court order earlier this year. Sen. Brad Burzynski (R-Clare), whose district includes the plant, argued against the ban, saying it will create burdens for owners who have horses that are old or no longer good for riding and working. "Before, people could actually sell their animals, get some money. Now it's actually going to cost people to get them euthanized and disposed of," Burzynski said.

    Burzynski also argued that the more than 40 slaughterhouse employees would lose jobs, but Cullerton said the plants in Texas resumed slaughtering other animals within weeks. Sen. Mike Jacobs (D-East Moline) also opposed the measure on the grounds it could open the door to ban the slaughter of other farm animals. James Tucker, manager of the DeKalb plant, owned by the Belgian company Cavel International, said the bill's passage "goes against all reason." A federal appeals judge had just allowed the plant tore open two weeks ago after it was chut down for a month as the result of a Humane Society lawsuit. "We're looking at alternatives," Tucker said. "We don't have a lot of options."