Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Science - Page 3

  • "Manifeste pour les animaux", de Franz-Olivier Giesbert : un comble d'abjection

    http://www.autrement.com/sites/default/files/couvertures/manifeste-pour-les-animaux_9782746736115.jpg

    Les imposteurs, les pitres, les clowns, les opportunistes et les menteurs ont toujours dominé le monde politico-médiatique.

    C'est grave, mais ça l'est plus encore quand des questions éthiques fondamentales sont en jeu.

    Nous le constatons aujourd'hui avec la question des "droits des animaux" (expression qui ne signifie plus rien à force d'être galvaudée), devenue depuis quelque temps à la mode en France, qui tente maladroitement de combler son retard calamiteux en ce domaine.

    En effet, il ne se passe pratiquement plus un jour sans qu'on tombe sur un article ou une émission qui ne traite du sujet.

    Faut-il s'en réjouir pour les animaux ? Rien n'est moins sûr.

    En effet, que valent les discours vides des opportunistes qui, parce que la question est, justement, à la mode, prennent le train en marche et pondent livre sur livre sans que rien de bon, rien de vrai, rien de cohérent n'en sorte jamais ?...

    Dernière publication en date : le Manifeste pour les animaux dirigé par Franz-Olivier Giesbert, paru aux éditions Autrement. Une perle d'abjection.

    Un beau titre engagé aussi peu en accord avec le contenu réel du livre que ne l'est celui de l'autre ouvrage de M. Giesbert consacré au même sujet, paru chez Fayard de manière simultanée : L'Animal est une personne.

    Monsieur Giesbert, lorsqu'on écrit que l'animal est une personne, la moindre des choses est de traiter l'animal en personne, ce qui suppose d'abord de ne pas le consommer, comme vous le faites, à certaines sauces.

    Que retirera le grand public de vos sombres incohérences, sinon un flou grandiose et dommageable à la cause que de fait vous ne défendez pas ?...

    La liste des intervenants du Manifeste laisse rêveur, à commencer par son auteur : M. Giesbert se prétend végétarien militant quand il n'est donc ni l'un, ni l'autre, goûtant par exemple la chair des poulets pour vérifier s'ils sont "fermiers".

    La suite est à l'avenant :

    Michel Onfray, grand amateur de produits d'origine animale devant l'éternel, et grand essentialiste pour qui la suprématie humaine ne fait aucun doute. Ses prises de position contre la chasse et la corrida sont classiques et consensuelles.

    Boris Cyrulnik, homme de convictions tièdes, qui ose parler de droits des animaux alors qu'il continue de les consommer sous toutes les formes.

    Elisabeth de Fontenay qui, au moyen d'acrobaties philosophiques pitoyables, s'efforce vainement de justifier son manque de courage pour devenir végane. Depuis des années on la voit aligner pieusement les absurdités dans de gros livres savants, comme cette perle parfaitement ridicule éructée lors d'une interview : "Si j’étais végétarienne, je me retrancherais de la communauté des êtres humains". (Source : http://www.elle.fr/Societe/Les-enquetes/Elisabeth-de-Fontenay-Pour-etre-humain-il-faut-aimer-les-hommes-et-les-animaux-2258824)

    Jean-Didier Vincent, biologiste, dont je ne sache pas qu'il soit allé loin dans la cohérence.

    Isabelle Sorente, écrivaine, dont le discours timide et nuancé ne remporte pas l'adhésion, par exemple ici : http://www.vegeshopper.com/2013/10/la-romanciere-isabelle-sorente.html

    Frédéric Edelstein, dompteur chez Pinder et fier de l'être.

    Hugo Desnoyer, boucher et fier de l'être.

    Anne-Marie Philipe, dont je ne saurais que dire étant donné que je ne la connais pas. Ce qui est certain, c'est que le monde militant ne la connaît pas non plus, ce qui augure mal de la suite.

    Le fait que M. Giesbert n'hésite pas à convier, dans son livre, la parole des bourreaux Edelstein et Desnoyer (qui toucheront, en plus, leur pourcentage), est en soi hautement révélateur.
     
    Car l'on ne donne pas la parole aux bourreaux si l'on prétend respecter leurs victimes.
     
    Voit-on des rescapés d'un massacre humain inviter des bourreaux à disserter dans un livre afin d'y exprimer leur "point de vue" ?
     
    Bien sûr que non.
     
    Et moins encore deviser avec eux "joyeusement", comme il est dit dans la présentation de l'ouvrage sur le site de l'éditeur : http://www.autrement.com/ouvrage/manifeste-pour-les-animaux-franz-olivier-giesbert
     
    La mode est dangereuse en ce qu'elle met sur le devant de la scène des imposteurs au discours parfaitement creux et contre-productif - le propre des imposteurs étant de n'avoir pas de convictions réelles, ce qui se vérifie en les lisant : leurs discours ne résistent pas à l'analyse, fût-elle même superficielle. Ils ne trompent personne, sauf les candides, qui sont légion.

    Personne ne doit s'étonner de la présence du boucher Desnoyer et du dompteur Edelstein dans ce livre pathétique : au contraire, cette présence est parfaitement logique.

    Voilà ce que le plus connu des moteurs de recherche fait apparaître lorsqu'on tape "Hugo Desnoyer" :

    "Hugo Desnoyer
    hugodesnoyer.fr/
    d'Hugo Desnoyer. Respect des bêtes, respect des éleveurs, respect de l'environnement, respect de l'antique métier de boucher. "

    Tout un programme décidément.

    Conclusion : absolument rien de bon ne peut sortir de l'incohérence d'un discours ni de l’opportunisme de son auteur.

    Matthieu Ricard, qui vient de sortir lui aussi un Plaidoyer pour les animaux aux éditions Allary, a par exemple parlé jeudi 23 octobre sur France 5, dans l’émission "La Grande Librairie", de « l'extrémisme » (sic) dont faisaient preuve les militants cohérents : http://culturebox.francetvinfo.fr/emissions/france-5/la-grande-librairie/laurent-mauvignier-matthieu-ricard-alice-ferney-et-eric-vuillard-191989

    Il a clairement exprimé son indignation quant au fait que l’on puisse comparer le sort des animaux avec des tragédies humaines comme la Shoah, ajoutant que comparer c'était insulter les victimes.

    Ces gens n’aident pas les animaux ; ils les enfoncent. Par leur lâcheté intellectuelle ou intestinale (Messer Gaster ignore la compassion), leur besoin de gloire, leur absence d’implication réelle, leur spécisme constitutif et leur ignorance.

    Le monde militant ne doit pas relayer les ouvrages de ces individus, mais au contraire en dénoncer l’imposture.

    Le monde militant doit comprendre que la fin de l’esclavage animal passe nécessairement par le véganisme, seul mode de vie cohérent avec le respect des animaux puisqu’il les garantit de l’exploitation.

    Ce n’est que par la radicalité et la cohérence de nos paroles et de nos actes que les droits des animaux seront respectés.

    Le reste n’est que vanité, dans les deux sens de ce terme.

  • Le zoo de Vincennes ouvre : ça ne change rien, c'est toujours une prison pour les animaux (Armand Farrachi)

    stop zzo.jpg

    Les animaux sauvages sont par essence des êtres de liberté, censés vivre dans un monde vrai. Les "jardins" zoologiques sont par définition des lieux artificiels, conçus tout exprès pour la captivité d’animaux exotiques.

    Les zoos sont-ils donc des parcs, des jardins, comme on les nomme aujourd’hui, ou des prisons comme l’affirment leurs détracteurs (dont je suis) ?

    Les "parcs" n'ont pas rendu leur liberté aux animaux

    Le 12 avril, le nouveau zoo de Vincennes ouvre ses portes après une rénovation complète. Plus de cages, ni d’enclos exigus, de vitrines, de fosses, de barreaux, mais des espaces ouverts, de l’air libre, des végétaux.

    Le nouveau "parc zoologique de Paris", comme le "parc" de Thoiry, le "bioparc" de Doué-la-Fontaine ou tant d’autres se fixent la "bioconservation" comme une priorité, grâce à la "gestion" d’animaux "évoluant en semi-liberté" dans des espaces "proches du milieu naturel", "à cent lieues du concept zoologique traditionnel".

    C’est tant mieux. Mais le principe demeure : offrir une chaîne plus longue aux esclaves, ce n’est pas leur rendre la liberté.

    Méfions-nous du concept de "bientraitance"

    Les ménageries d’autrefois étaient des mouroirs, de véritables culs-de-basse-fosse, faits pour la simple curiosité des humains et la souffrance des animaux. Ces endroits appartiennent désormais au passé, du moins en Occident. Personne ne les regrette.

    Les directeurs de zoos  prétendent aujourd’hui concilier la conservation des espèces menacées et la rentabilité d’une entreprise commerciale. Ils assurent que les animaux sont bien – ou mieux traités. C’est heureux.

    Méfions-nous toutefois du concept de "bientraitance" que les ennemis de la cause animale, (en particulier le lobby appelé "comité Noé") opposent au "bien-être animal". Cette notion évacue toute idée de liberté et sacre l’homme maître et possesseur de la nature, disposant à sa guise des espèces inférieures, si possible en maître éclairé plutôt qu’en bourreau. Sa mansuétude n’ira pas au-delà.

    Protéger des animaux pour amuser les humains

    Certaines espèces ont bien été sauvées de l’extinction et réintroduites dans la nature grâce aux zoos, ou aux élevages en captivité : le cheval de Przewalsky, le bison d’Europe, l’oryx d’Arabie, des vautours… Ces réintroductions restent néanmoins problématiques, en particulier pour des raisons génétiques, puisque tous les représentants de l’espèce sont plus ou moins cousins.

    Certes, nous nous réjouissons que le cheval préhistorique puisse encore galoper sur les steppes mongoles ou le gypaète barbu survoler les gorges des Pyrénées, mais pour quelques individus relâchés combien restent détenus à vie ? Le principal objectif d’un zoo est nécessairement de réaliser du profit.

    La réintroduction d’espèces dans leur milieu, son alibi, rencontre d’innombrables obstacles et reste malheureusement très exceptionnelle. Si ces animaux sont condamnés à ne jamais quitter leur enclos, leur survie ne sert qu’à amuser les humains. On le voit avec la multiplication d’animaux artificiels, comme le tigre blanc ou l’auroch.

    Les animaux ne sont pas relâchés

    La réserve de Wolong, en Chine, consacrée au panda géant, illustre au mieux – ou au pire – ce paradoxe. Tandis que les jeunes pandas issus de procréation intensive sont promenés devant les caméras dans des caddies de supermarchés pour "sensibiliser" la population, pas un seul panda n’a été relâché dans la nature avec succès.

    En revanche, plusieurs ont été vendus à des zoos. Le zoo de Copenhague s’est récemment illustré en "euthanasiant" en public, avec un pistolet d’abattage, un girafon dont il ne savait que faire, puis quatre lions, dont deux lionceaux, alors même que les girafes disparaissent d’Afrique de l’Ouest et que les effectifs des lions sont en chute libre dans toute l’Afrique.

    Notons que l’exécution de Copenhague a été défendue par l’Association Européenne des Zoos et Aquariums (AEZA), qui compte pourtant un comité "Conservation" et se flatte d’une "charte éthique".

    Des détenus voués à la procréation et à l'ennui

    Pour réintroduire un animal dans la nature, il faut que les conditions de sa disparition aient disparu et que le milieu puisse l’accueillir, ce qui devient de plus en plus difficile et de plus en plus coûteux.

    Est-ce une raison pour proposer la captivité et la déportation de créatures innocentes comme un spectacle dominical à partager en famille ? Quel degré de "bientraitance" faut-il atteindre pour que la privation de liberté soit éthiquement supportable ?

    Dans un zoo, même moderne, les animaux, même bien traités, adaptés par leur morphologie à la liberté des grands espaces, aux longues courses, à la vigilance, survivent dans des enclos qui ne paraissent grands qu’aux humains. Un simple hérisson a besoin de 5 hectares.

    Les détenus n’ont pas à défendre leur territoire ni à chercher leur nourriture. Leur vie sociale est faussée. Les migrations n’ont plus de sens. Se reproduire est compliqué, soit par excès soit par défaut. Ils s’ennuient et sont en permanence exposés au public, sans cachettes, ce qui est pour eux un stress permanent.

    Pour survivre, les animaux n’ont pas besoin de zoos

    Abolissons l’esclavage. N’allons pas dans les zoos, dans les aquariums, dans les cirques avec animaux humiliés par un comportement à contre-nature. Qui s’intéresse à la vie animale a de multiples occasions de voir des films animaliers saisissants.

    Les passionnés ne paieront pas beaucoup plus cher qu’un séjour aux sports d’hiver un voyage naturaliste qui leur permettra d’approcher eux-mêmes des animaux libres et d’encourager les pays pour qui la conservation de la vraie nature est une politique. 

    Pour survivre, les animaux n’ont pas besoin de zoos. Ils ont besoin de liberté, de parents pour les élever et d’un milieu pour les accueillir.

    Armand FARRACHI

    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1187913-le-zoo-de-vincennes-ouvre-ca-ne-change-rien-c-est-toujours-une-prison-pour-les-animaux.html

  • Mercredi 2 avril : conférence à la Faculté des Sciences de Marseille sur les méthodes substitutives à l'expérimentation animale

    1972411_674106932651001_748815641_n.jpg

  • Genre : « Il est inadmissible d'instrumentaliser la biologie » (Le Monde)

    Dans le cortège de la « Manif pour tous », le 2 février à Paris.

    Les débats récents sur l'introduction de la notion de genre dans les manuels et les pratiques scolaires sont particulièrement vifs et passionnés.

    Si de nombreux représentants des sciences humaines et sociales ont fait entendre leur voix dans ces échanges, les biologistes ont, pour leur part, peu pris la parole.

    La biologie actuelle, souvent utilisée dans ce débat, nous dit-elle quelque chose de pertinent sur la notion de genre et est-elle susceptible de nous éclairer sur la polémique en cours ?

    PRÉSENTATION NAÏVE VOIRE MALHONNÊTE ET DÉMAGOGIQUE

    Les opposants au concept de genre prétendent souvent avancer des arguments relevant des sciences biologiques pour appuyer leurs propos.

    Ils construisent leur discours sur une supposée différence essentielle entre hommes et femmes, qui viendrait fonder un ordre décrit comme « naturel ».

    Les éléments de biologie sur lesquels ils s'appuient sont cependant, dans la plupart des cas, sortis de leur contexte et indûment généralisés.

    Cette manière de présenter les résultats des sciences du vivant contemporaines est au mieux naïve, au pire malhonnête et démagogique. Nous tenons à affirmer avec la plus grande insistance que les connaissances scientifiques issues de la biologie actuelle ne nous permettent en aucun cas de dégager un quelconque « ordre naturel » en ce qui concerne les comportements hommes-femmes ou les orientations et les identités sexuelles.

    Au contraire, la biologie, en particulier la biologie de l'évolution, suggère plutôt l'existence d'un « désordre naturel », résultant de l'action du hasard et de la sélection naturelle. Elle nous révèle une forte diversité des comportements, qu'ils soient ou non sexués : dans la nature, les orientations et pratiques sexuelles, les modes de reproduction et les stratégies parentales sont incroyablement variés.

    Chez le crapaud accoucheur, par exemple, le mâle porte les oeufs sur son dos et s'en occupe jusqu'à éclosion, tandis que les mérous changent de sexe au cours de leur vie. Il est intéressant, et quelque peu amusant, de noter que ce ne sont jamais de tels exemples qui sont mis en avant dans les débats actuels, lorsqu'il est question d'affirmer que la « biologie » nous donnerait à voir le « modèle naturel » que devraient suivre les sociétés humaines.

    Les organisations opposées à la notion de genre présentent aussi une version volontairement caricaturale des études de genre, dénonçant une hypothétique conspiration qui, sous les habits d'une prétendue « théorie du genre », aurait pour objectif de nier toute différence entre les individus et de détruire la famille.

    Pourtant, le fait d'analyser les constructions sociales qui entourent les différences entre les sexes n'implique en aucun cas de nier la réalité biologique du sexe, même si cela peut tout de même conduire à s'interroger sur la manière dont s'élaborent les différences entre les sexes, notamment au cours du développement embryonnaire, ainsi que sur la manière dont les sexes biologiques ne sont parfois pas (ou pas encore) « différenciés ».

    LES SOCIÉTÉS HUMAINES NE SE RÉDUISENT PAS À LA DIMENSION BIOLOGIQUE DE L'ÊTRE HUMAIN

    En outre, s'il y a évidemment des différences biologiques entre les hommes et les femmes, les sociétés humaines ne se réduisent pas à la dimension biologique de l'être humain, et de nombreux travaux récents, notamment sur la plasticité phénotypique, l'épigénétique et les approches écologiques du développement, ont montré qu'il était souvent difficile, voire impossible, de faire la part entre la « nature » et la « culture ».

    Les sociétés humaines sont le résultat d'interactions complexes entre des facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et culturels, si bien qu'aucune discipline, qu'il s'agisse de la biologie ou d'une autre, ne saurait confisquer le discours intellectuel sur les différences entre femmes et hommes. Cette diversité apparaît d'ailleurs dans les études sur le genre elles-mêmes, puisqu'elles relèvent de champs académiques extrêmement diversifiés.

    Dénoncer la « théorie du genre » revient d'ailleurs à commettre une confusion classique et regrettable sur ce qu'est une théorie. Semblant prendre modèle sur les partisans du « dessein intelligent », qui dénoncent dans la biologie de l'évolution un discours qui ne serait, justement, « qu'une théorie », les opposants au concept de genre cherchent à dénigrer les études portant sur l'identité et l'orientation sexuelle ou sur les inégalités sociales entre les sexes. Ces études ont pourtant fait la preuve de leur intérêt et de leur capacité à mettre en lumière des aspects jusque-là impensés ou négligés de nos histoires ou de nos sociétés.

    RÉINTERPRÉTATION DE LA SCIENCE À DES FINS POLITIQUES

    Enfin, les opposants au concept de genre, en tentant insidieusement de déplacer le débat du champ de la politique à celui de la biologie, ont pour objectif d'imposer leur système de représentations. Cependant, ce système n'a rien de naturel ni d'universel. En le proposant, ses promoteurs usurpent les habits du sérieux scientifique, puisqu'ils réinterprètent des faits biologiques d'une manière profondément biaisée par leur vision particulière de ce que devrait être notre société.

    La science s'efforce de déployer un discours aussi objectif et rigoureux que possible, et elle ne doit donc en aucun cas servir à conforter des préjugés. Le devoir des scientifiques est de lutter contre la désinformation et les utilisations inadéquates de leur discours. C'est pourquoi nous rappelons qu'aucune observation de la nature ne saurait avoir de prétention normative pour la société.

    Quelles que soient les conclusions scientifiques relatives aux origines des différences entre les hommes et les femmes, celles-ci ne doivent pas servir à légitimer l'inégalité entre les sexes dans nos sociétés, et les inégalités ne doivent pas non plus être présentées comme des faits de nature. La notion même d'identité sexuelle est structurellement humaine, et ne saurait donc être appréhendée par une approche seulement biologique.

    Il est donc inadmissible et vain d'instrumentaliser la biologie dans un débat concernant l'égalité sociale entre les individus, quels que soient leur sexe, leur identité ou leur orientation sexuelle. L'apprentissage de l'égalité ne peut se faire que par l'éducation, et ce qui se passe dans la nature ne nous renseigne en aucun cas sur les décisions politiques que nous devons prendre.

    En bannissant le mot « genre » des manuels scolaires, le gouvernement semble avoir choisi de satisfaire les revendications arbitraires d'un groupe de manifestants, balayant d'un revers de main les études sur le genre, un champ d'étude riche de plusieurs décennies de travaux.

    Nous, enseignants et chercheurs en biologie et philosophie de la biologie, condamnons ce marchandage du savoir avec des groupes de pression, au mépris des connaissances scientifiques actuelles. En tant que scientifiques et citoyens, nous dénonçons fermement l'usurpation du discours scientifique pour imposer abusivement une idéologie inégalitaire.

    Lire : la liste des auteurs de cette tribune (un collectif d'enseignants et de chercheurs en biologie et en philosophie de la biologie) ainsi que la pétition qui est associée.

    Des enseignants et chercheurs en biologie

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/03/10/il-est-inadmissible-et-vain-d-instrumentaliser-la-biologie_4380450_1650684.html

    Seul bémol à ce texte auquel nous souscrivons par ailleurs : nous ne considérons pas davantage les animaux nonhumains comme représentant la "nature". Comme les animaux humains, les animaux nonhumains sont des individus pourvus d'une culture qui leur est propre. M. P.

  • "Moins nombreux, plus heureux. L'urgence écologique de repenser la démographie" (éd. Sang de la Terre)

    http://static.fnac-static.com/multimedia/Images/FR/NR/4f/df/55/5627727/1507-1.jpg

    Le Mot de l'éditeur : Moins nombreux, plus heureux

    S'il y a profusion de livres sur les moyens de se nourrir, il y a paradoxalement une absence extraordinaire d'analyse des risques liés à une évolution démographique incontrôlée.
     
    Ce livre écrit à plusieurs mains vient donc combler un manque.
     
    Ses auteurs y font le constat qu'une population moins nombreuse est un avantage certain.
     
    Au fil des différents chapitres, vous découvrirez plusieurs angles d'analyse, approches techniques chiffrées ou coups de gueule acides.
     
    Cet ouvrage envisage sans tabou aussi bien la décroissance malthusienne que le féminisme ; il montre que le droit au nombre s'oppose à une société plus agréable et plus juste.
     
    On y discute de la politique nataliste française, des phénomènes migratoires, de l'effondrement probable de la population dans les années à venir, des conceptions religieuses de la fécondité et même du droit à vivre de la faune et de la flore, menacés par notre expansion.
     
    Nous devons, de fait, apprendre à partager l'espace avec autrui et les autres espèces.
     
    Qu'on se rassure : les solutions à la surpopulation existent. Il n'y a pas que la guerre, les épidémies et la famine…
     
    Signatures d'auteurs reconnus (Annaba, Alain Gras, Corinne Maier) et préface d'Yves Cochet, député européen et ancien ministre.
     
    Table des matières :
     
    CHAP. 1 : "Les décroissants ne peuvent qu'être malthusiens" d’Annaba
    CHAP. 2 : "Un droit contre tous les autres" de Didier Barthès
    CHAP. 3 : "Save the Planet, Make non Baby" ! de Théophile de Giraud
    CHAP. 4 : "La surchauffe de la croissance" d’Alain Gras
    CHAP. 5 : "De l'inconvénient d'être Humain" d’Alain Hervé
    CHAP. 6 : "La politique nataliste française : La grande baby-llusion" de Corinne Maier
    CHAP. 7 : "Population, alimentation, agronomie et famine" de Jacques Maret CHAP. 8 : "Contraception et avortement : Ce qu'en disent les religions" de Jean-Claude Noyé
    CHAP. 9 : "9 Milliards en 2050 ? Pas si sûr" de Pablo Servigne
    CHAP. 10 : "La problématique des migrations sur une planète close et saturée" de Michel Sourrouille
    CHAP. 11 : "De notre occupation indue des niches écologiques des autres espèces" de Michel Tarrier
    CHAP. 12 : "Penser la dénatalité, un exercice difficile" de Jean-Christophe Vignal.
     

  • L'animal dans la philosophie contemporaine : une libération à venir ?

    Chimères 81 animalité

    Le dernier numéro de la revue Chimères, fondée par Deleuze et Guattari, vient de publier son dernier numéro sur   la question animale dans la pensée contemporaine, en mettant à l'honneur trois des plus importants philosophes animalistes de notre époque : Derrida, Deleuze et l'allemand Sloterdijk...

    Le numéro est tout simplement passionnant et contient une grande richesse d'articles sur cette question animale. L'article le plus engagé est celui qui s'intitule "Du droit des bêtes à la bêtise" dans lequel le philosophe Patrick Llored propose d'accorder des droits politiques aux animaux domestiques pour les sortir de l'esclavage dans lequel nous les avons  enfermés.

    D'autres articles tout aussi intéressants réfléchissent sur les liens étroits entre certaines formes de domination politique et celle qui s'exerce sur les animaux.

    Autrement dit, un numéro iconoclaste qui donne la parole à de vrais défenseurs des animaux, phénomène rare pour ne pas le signaler...

    Jaquis

    http://blogs.mediapart.fr/edition/droits-des-animaux/article/160214/lanimal-dans-la-philosophie-contemporaine-une-liberation-venir

  • Exécution de Marius pour "raisons génétiques" : un meurtre bureaucratique aux sinistres relents

    A vomir...

    "Dis maman, c'est quoi un patrimoine génétique original ?"

    Marius, girafon en parfaite santé, a été euthanasié dimanche matin par le zoo de Copenhague. Le zoo a expliqué n'avoir pas d'autre alternative. Malgré plusieurs pétitions d'internautes scandalisés et des offres de rachat du girafon, le zoo a refusé d'adopter une autre solution.

    Selon le zoo, "il n'y avait pas d'autre choix que de ne pas laisser le girafon devenir adulte", car le zoo est tenu d'éviter la consanguinité entre girafes et la castration aurait "été cruelle et aurait eu des effets indésirables". Impossible également de transférer l'animal dans un autre zoo pour des raisons génétiques, et le réintroduire en milieu naturel aurait été impossible car l'Afrique refuse d'accueillir plus de girafes.

    Dans le cadre de l’Association européenne des zoos et des aquariums (EAZA), il est en effet tenu d’éviter la consanguinité entre girafes.

    Pour des raisons génétiques, Marius n’a pas pu trouver refuge dans l’un des autres établissements du réseau de l’EAZA qui en compte 300. Pourtant, le parc animalier du Yorkshire à Doncaster (Angleterre), membre de l'EAZA, a indiqué à la BBC avoir contacté en urgence samedi ses collègues danois pour proposer d'adopter Marius, mais ne pas avoir reçu de réponse.

    media_l_6472728.jpg

    Il était pourtant en très bonne santé.

    Un zoo suédois, non soumis à la réglementation concernant les girafes, a révélé avoir demandé à récupérer Marius, sans réponse. Un imprésario vivant à Los Angeles avait même dit avoir trouvé un acheteur qui souhaitait placer le girafon dans son jardin de Bervely Hills : "Un de mes amis a proposé de l'accueillir chez lui, mais le zoo a refusé" a-t-il tweeté. Dès l'annonce de l'euthanasie, le zoo avait fait savoir que sa politique était de ne pas vendre ses animaux.

    A force de nier l'animal, les responsables du zoo en sont devenus des psychopathes.

    La preuve, la réaction du directeur du zoo est éloquente : "Nous abattons entre 20 et 30 animaux au zoo chaque année".

    Car la consanguinité est une bonne excuse ; Marius le girafon ne devait pas avoir les "bons gènes" : Le directeur scientifique du zoo a expliqué que le zoo gardait les animaux aux meilleurs gènes pour assurer une bonne reproduction.

    Car pour ce zoo, ce n'est pas l'individu qui compte, mais l'espèce. Ou plutôt, la génétique au nom de la protection animale. L'eugénisme dans son horreur.

    Et le pire, c'est que les associations de défense des animaux trouvent visiblement ça normal :

    "L’idée de sa mort a révolté des internautes. Samedi soir, plus de 3.200 d’entre eux étaient inscrits à un groupe Facebook appelé « Sauvez Marius ». Plus de 2.500 avaient signé une pétition en danois sur skrivunder.net, et près de 2.300 une autre pétition, en anglais, sur thepetitionsite.com.
    Cependant, la campagne en faveur du girafon a été ignorée par les deux principales associations de défense des animaux danoises, Dyrenes Beskyttelse (« protection des animaux ») et Anima (pour le véganisme)".

    Marius a été exécuté avec un pistolet d'abattage en début de matinée, a indiqué le porte-parole du zoo, Tobias Stenbaek Bro.

    Le vétérinaire Mads Bertelsen a expliqué comment il avait tué l’animal après qu’il a été attiré dehors grâce à de la nourriture. "Je me suis mis derrière le girafon avec ma carabine, et quand il s’est penché pour manger, je lui ai tiré dans le cerveau. Ça semble violent, mais ça veut dire que Marius n’a rien vu venir. Il a eu son bout de pain et puis il est mort", a-t-il expliqué.

    Une autopsie était en cours, à laquelle étaient conviés les visiteurs souhaitant y assister. L'animal finira dépecé pour nourrir les fauves.

    Le zoo ne s'attendait pas à cette émotion. «C'est toujours le droit des gens de protester. Mais bien sûr nous avons été étonnés»

    Ils ont fait de son abattage (et non "euthanasie") et de son autopsie (de quoi ?) un spectacle. Pour preuve, de nombreux enfants y ont assisté :

    BgBdtcfCUAAwiDI.jpg-large.jpg

    marius-a-ete-execute-avec-un-pistolet-d-abattage-en-debut-d.jpg

    BgBaaqEIEAAu9zt.jpg

    Un responsable de l'Association des zoos suédois, Jonas Wahlström, a dit comprendre l'euthanasie, mais s'est étonné de l'autopsie. «Si on annonçait ça dans les zoos suédois, je crois que le personnel se ferait presque lapider.

    Si c'est cela les zoos, alors oui, il faut les boycotter. Et dénoncer le programme EAZA s'il s'avère qu'il cautionne l'eugénisme.

    A rappeler que les îles Féroé, où se tient chaque année un grand massacre de dauphins, appartiennent au Danemark.

    Et que le Danemark organise aussi des chasses aux ours blancs.

    C'EST BEAU L'EUROPE !!

    Pour écrire votre indignation (sans injures) ou poser des questions sur le fonctionnement de EAZA vis à vis de cette politique eugéniste et de cette mort indigne : info@eaza.net

    Lien : http://www.franceinfo.fr/faits-divers/un-girafon-en-parfaite-sante-euthanasie-par-le-zoo-de-copenhague-1311997-2014-02-09

    http://fr.metrotime.be/2014/02/08/news/un-girafon-promis-a-leuthanasie-au-zoo-de-copenhague/

    http://www.leparisien.fr/societe/emotion-autour-de-l-euthanasie-d-un-girafon-au-zoo-de-copenhague-08-02-2014-3572839.php

    http://fr.news.yahoo.com/girafon-parfaite-sant%C3%A9-euthanasi%C3%A9-au-zoo-copenhague-144548876.html

    Lire aussi : http://lesbrindherbes.org/2013/02/22/la-chasse-a-lours-blanc-un-loisir-en-plein-essor-qui-ne-soucie-ni-la-france-ni-le-wwf/

    http://www.liberation.fr/terre/2005/02/07/le-groenland-vend-la-peau-de-l-ours-polaire-aux-touristes_508742

    http://le-terrier-de-meghann.over-blog.com/article-danemark-ou-tuer-un-girafon-en-bonne-sante-est-considere-comme-normal-122474687.html

  • Lutter contre les stéréotypes (Jean-Marc Roirant pour Le Monde)

    La rumeur n'est jamais innocente. Notre histoire en est riche d'exemples. On a montré comment elle a accompagné le coup d'Etat de Napoléon III face à de prétendues tentatives d'attentat. Comment, après la défaite de 1870, des rumeurs de cannibalisme ont traversé certains villages de Dordogne à la recherche de boucs émissaires, justifiant des actes de barbarie. Cent ans plus tard, à Orléans, une rumeur antisémite a laissé croire que les cabines d'essayage de certains magasins de vêtements féminins étaient des pièges pour les clientes, livrées à la traite des Blanches. Cette « rumeur d'Orléans » continue de courir sous diverses formes.

    Quand la rumeur s'est installée, l'ampleur du mensonge n'importe guère. Si la rumeur a pris, c'est que ses colporteurs ont suscité un réflexe de protection des familles, le plus souvent en créant une inquiétude irrationnelle. Une inquiétude telle que la diffusion de la vérité est rarement d'un secours suffisant. Une fois que la rumeur devient un phénomène social, nourri des conversations croisées, alors elle s'entretient elle-même, crépitant de son petit feu. Dans nos sociétés dans lesquelles certains médias sont chaque jour avides de nouvelles actualités et font peu de tri, ce feu s'allume vite et devient parfois un incendie. C'est le cas lorsque cette rumeur s'attaque à l'école publique.

    Celle qui s'est propagée fin janvier dans plusieurs collèges à propos des modules ABCD de l'égalité a été une attaque organisée contre la République. Elle a été transportée par des SMS, envoyés en masse aux parents, appelant au boycottage de l'école, avec pour seul objectif de saper la confiance dans notre école publique. Les messages sont de pures élucubrations.

    Rappelons les faits. Les modules se déroulent au primaire (et pas au collège) dans 600 classes volontaires. Ils prennent place dans les enseignements existants sur les savoirs de base. Ils sont adaptés selon les niveaux. Ils ont été conçus par des professionnels et des mouvements éducatifs, dont la Ligue de l'enseignement, pour permettre aux élèves de s'interroger sur leurs différences, dans divers contextes d'apprentissage : Est-ce qu'un chevalier a le droit d'avoir peur du noir ? Est-ce que les princesses peuvent aussi jouer un rôle dans leur propre histoire ? Comment organiser des jeux de ballon mixtes ? Voici les enjeux de ces modules.

    LE RESPECT MUTUEL ET LE REFUS DE LA VIOLENCE

    L'idée est de permettre aux enfants de s'émanciper des rôles que la société a tendance à leur assigner par avance et développer le respect mutuel et le refus de la violence. Les enseignants et les animateurs sont formés pour cela. Les contenus pédagogiques des ABCD et de bien d'autres programmes d'éducation à l'égalité filles-garçons s'intègrent pleinement à l'apprentissage des savoirs fondamentaux des jeunes élèves figurant dans le socle commun des compétences de base et de culture.

    L'égalité et le respect ne sont pas une nouvelle matière, une nouvelle case à cocher dans les programmes. Ils sont une nouvelle dimension dans l'apprentissage des savoirs de base dans le cadre d'une école laïque. On est loin de la désinformation grossièrement mensongère, souvent haineuse, de ces derniers jours.

    Des attaques de ce type, il en existe chaque semaine. Mais celle qui a concerné les ABCD de l'égalité n'est pas un épisode ordinaire pour deux raisons. La première, c'est que cette rumeur a eu une perfide efficacité, parce que plusieurs personnalités publiques ne se sont pas contentées de la diffuser, mais l'ont accréditée en alimentant un faux débat sur la prétendue théorie du genre. Il y a sans doute beaucoup de paresse dans les commentaires que nous avons subis pendant plusieurs jours sur ce nouvel épouvantail.

    A l'école publique, les enseignants et les personnels ont pour mission de faire découvrir, partager et faire vivre les valeurs de la République. Ils l'ont fait de manière exemplaire en réponse aux rumeurs, et ce, le plus souvent, avec la confiance des parents, des élus locaux et avec le concours de nombreuses associations d'éducation populaire.

    L'enjeu est de taille, car faire reculer les stéréotypes et les violences sexistes, c'est combattre les violences conjugales, qui frappent 400 000 femmes chaque année. Il s'agit également de faire disparaître les souffrances d'enfants victimes d'insultes sexistes dans les cours de récréation. C'est enfin faire progresser la mixité professionnelle et reconnaître que la diversité est une richesse, y compris pour les entreprises. C'est un combat qui mérite que chacun se mobilise et assume ses responsabilités.

    Jean-Marc Roirant (Secrétaire général de la Ligue de l'enseignement)

  • Désolante capitulation gouvernementale / Le genre ne concerne pas que les "bobos" (Collectif, Le Monde)

    stereotype genre.jpg

    Depuis des années, nous nous évertuons à répondre aux attaques à répétition contre la supposée théorie du genre. A défaut d'empêcher les caricatures, nous nous efforçons de dissiper les malentendus. Inlassablement, nous expliquons que le genre est un concept dont l'utilité a été démontrée de longue date, dans des disciplines multiples, par quantité de recherches menées dans de nombreux pays. Nous précisons que des paradigmes différents, parfois concurrents, définissent ce champ d'études : parler de la théorie du genre, au singulier, revient à nier cette richesse inséparablement théorique et empirique.

    Nous ajoutons qu'analyser la construction sociale de la différence des sexes n'implique nul déni de la réalité biologique : savoir comment un mur est bâti n'a jamais empêché de s'y cogner. Enfin, loin d'affirmer qu'on pourrait devenir homme ou femme au gré de ses fantaisies, nos travaux soulignent la force d'inertie des normes qui assignent des places différentes selon un ordre sexuel hiérarchisé. Il a certes changé depuis une ou deux générations ; les inégalités entre les sexes n'en perdurent pas moins, malgré l'égalité que revendiquent nos sociétés. S'il faut étudier les normes de genre qui continuent de reproduire cet écart entre les principes proclamés et la pratique constatée, c'est dans l'espoir de le réduire.

    Mais l'heure n'est plus à nous justifier. Désormais, c'est aux adversaires des études de genre de répondre : de quel droit peuvent-ils disqualifier tout un champ d'études dont ils ne semblent rien connaître ? Bien sûr, il était légitime que l'ouverture du mariage et de la filiation aux couples de même sexe fît l'objet d'un débat démocratique. En revanche, la validité scientifique ne saurait se décider sous la pression de la rue ou des sondages. La légitimité de la science tient à son autonomie, soit à l'évaluation par les pairs. Or tout se passe aujourd'hui comme si le savoir était sommé de se conformer aux exigences de telle ou telle chapelle, religieuse ou pas, comme si la science avait pour vocation de conforter les préjugés et non de les remettre en cause.

    UNE FABRICATION DU VATICAN IMPORTÉE EN FRANCE

    Il est vain de répondre à la désinformation par l'information. Qu'est-ce que la théorie du genre ? Une fabrication du Vatican importée en France. En 2004, dans sa « Lettre aux évêques sur la collaboration de l'homme et de la femme dans l'Eglise et dans le monde », le cardinal Ratzinger dénonçait « l'occultation de la différence ou de la dualité des sexes » : s'il « entendait favoriser des visées égalitaires pour la femme en la libérant de tout déterminisme biologique, a inspiré des idéologies qui promeuvent la mise en question de la famille, de par nature (…) composée d'un père et d'une mère, ainsi que la mise sur le même plan de l'homosexualité et de l'hétérosexualité (…) ».

    Tout l'argumentaire actuel était déjà là. Manquait seulement la formule magique : la théorie du genre, en écho aux offensives de la droite religieuse étatsunienne contre l'enseignement de la théorie de l'évolution. N'est-ce pas sur le terrain scolaire que s'est portée la bataille en 2011, contre l'introduction du « genre » dans les manuels de sciences de la vie et de la terre ? Surtout, si l'expression s'est imposée, c'est qu'en France la droite religieuse a trouvé des relais dans une droite réputée laïque : l'ignorance et l'anti-intellectualisme dénoncent la science au nom du bon sens… Ce n'est plus une frange marginale, mais un large spectre qui s'engage à droite contre la théorie du genre, de Christine Boutin à Nathalie Kosciusko-Morizet, en passant par Hervé Mariton, Henri Guaino et Jean-François Copé.

    Aujourd'hui, l'extrême droite a rejoint le combat – non plus seulement sa composante religieuse, avec les intégristes de Civitas, mais aussi les nationalistes identitaires. C'est sur le site d'Alain Soral, qui se dit « national-socialiste », que Farida Belghoul a annoncé sa « Journée de retrait de l'école ». Et c'est au lendemain des manifestations de « Jour de colère » qu'elle a bénéficié d'une couverture médiatique exceptionnelle. Bref, l'unité de toutes les droites, modérées et extrêmes, se fait aux dépens des études de genre.

    Face à ces mobilisations politiques déterminées, dans la majorité gouvernementale, certains ont d'abord hésité : le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon, entend certes « lutter contre les stéréotypes de genre », mais il se déclare « contre la théorie du genre »… Cet embarras vient de se transformer en reculade sous la pression de manifestants nostalgiques de la famille à l'ancienne.

    Sur l'ouverture de la PMA aux couples de femmes, le gouvernement avait déjà cédé ; aujourd'hui, en renonçant à la loi sur la famille, il capitule avant même d'avoir combattu. On entend monter un refrain populiste bien connu : et si le genre était seulement l'affaire des « bobos » ? Le peuple n'est-il pas réfractaire à ces préoccupations élitistes ? Dès qu'on traite des femmes, des gays ou des lesbiennes, on nous explique que les classes populaires ne sont pas concernées, comme si elles étaient uniquement constituées d'hommes hétérosexuels, et comme si le genre et la sexualité n'étaient pas l'affaire de toutes et tous.

    A ceux qui craignent que le genre ne trouble la quiétude du peuple, il faut expliquer que le trouble vient de l'évolution sociale elle-même : dès lors qu'est ébranlé l'ordre ancien des hiérarchies sexuelles, les rôles des femmes et des hommes ne vont plus de soi. Faut-il regretter l'âge d'or du patriarcat, ou bien se réjouir que l'incertitude provoquée par sa remise en cause n'ouvre une marge de liberté, ou en tout cas de négociation ? Non, notre place dans le monde n'est pas fixée pour l'éternité ; aussi les études de genre travaillent-elles à rendre intelligible l'histoire qui nous traverse jusque dans notre intimité.


    Lucie Bargel, politiste, université de Nice ; Laure Bereni, sociologue, CNRS ; Michel Bozon, sociologue, INED ; Delphine Dulong, politiste, université Paris-I ; Eric Fassin, sociologue, université Paris-VIII, Rose-Marie Lagrave, sociologue, EHESS ; Sandrine Levêque, politiste, université Paris-I ; Frédérique Matonti, politiste, université Paris-I ; Florence Rochefort, historienne, présidente de l'Institut Emilie du Châtelet.

  • La réussite scolaire passe par la fin des stéréotypes (Marie Duru-Bellat, Le Monde)

    Si l'on n'est guère surpris par la vitesse à laquelle, à l'heure d'Internet, les rumeurs les plus folles se diffusent, on peut l'être davantage face à la violence des polémiques qui accompagnent les premiers pas des ateliers ABCD, visant à lutter contre les stéréotypes masculin/féminin auprès des élèves. Car de quoi s'agit-il ? Non de leur inculquer une quelconque théorie : on l'a dit et répété maintes fois, il n'y a pas une théorie du genre mais des travaux articulés autour de cette notion. Très simple, elle pose que le masculin et le féminin tels que nous les concevons ne découlent pas mécaniquement de la différence des corps mais résultent de constructions sociales variables selon les époques et les lieux.

    De nombreux travaux d'anthropologues (ceux de l'ethnologue Margaret Mead dans les années 1960, par exemple) ou d'historiennes (notamment ceux de l'historienne Michèle Perrot dans les années 1990) en attestent. Il ne s'agit pas de nier qu'il y a des hommes et des femmes, mais de poser tranquillement que, au-delà de ce qui est lié strictement à la reproduction (pour ceux et celles qui choisissent de se reproduire), tout est ouvert…

    L'éducation est censée ouvrir l'horizon des enfants, permettre aux jeunes d'envisager tous les possibles. Toute détermination qui viendrait biaiser le seul jeu du travail et des intérêts est condamnée : comme on refuse les discriminations selon l'origine sociale et ethnique, garçons et filles doivent avoir les mêmes chances. Mais l'école est nichée dans la société, et de multiples travaux montrent qu'à la fois les interactions pédagogiques et les contacts entre élèves sont profondément affectés par les stéréotypes du masculin et du féminin, ces représentations schématiques qui disent ce qui doit être.

    « MENACE DU STÉRÉOTYPE »

    Ainsi, il est des disciplines scolaires considérées comme convenant davantage aux garçons ou aux filles. Ce ne sont pas que des images, car les stimulations des enseignants et leurs attentes en matière de réussite vont inconsciemment se caler sur ces stéréotypes. Du côté des élèves, savoir que, vu votre sexe, vous êtes censé moins bien réussir telle ou telle tâche obère vos chances d'y réussir effectivement. Cette « menace du stéréotype » limite la réussite des filles en mathématiques. Si l'on parvient à annuler ce phénomène, en annonçant aux élèves qu'il est établi que filles et garçons réussissent pareillement à l'exercice demandé, l'écart entre les sexes disparaît.

    Ceci montre combien, en la matière, le poids des représentations est décisif, et non la nature, alors que, régulièrement, des sondages montrent que nombre de Français invoquent la nature – le cerveau, les hormones… – pour expliquer la meilleure réussite masculine en maths. De plus, les comparaisons entre pays montrent que les différences de réussite et de confiance en soi entre filles et garçons sont plus ou moins fortes, et sont plus marquées quand les classes sont mixtes.

    En effet, c'est quand ils et elles sont entre eux qu'il est primordial de se positionner comme garçon ou comme fille, faute de quoi on craint le rejet ou le harcèlement… Les garçons, notamment ceux de milieu populaire, vont craindre d'être jugés efféminés s'ils travaillent trop bien ou s'expriment de façon trop personnelle devant un texte littéraire ; les filles craindront d'être jugées peu féminines si elles surpassent les garçons en physique.

    Au total, les stéréotypes du masculin et du féminin constituent de fait un tel corset que, comme l'ont montré des travaux canadiens, l'affranchissement des stéréotypes de sexe s'accompagne d'une meilleure réussite scolaire : les élèves les plus brillants sont les filles un peu « masculines » et les garçons un peu « féminins ». Ce résultat donne à réfléchir sur le caractère délétère d'une forte différenciation des rôles de sexe.

    Aider les élèves à comprendre que leurs réussites et leurs projets n'ont pas à se couler dans des moules masculins et féminins devrait donc a priori séduire les parents. De plus, ceux-ci, dans leur vie d'adulte, ne sont pas sans percevoir ce que ces stéréotypes ont d'invalidant. Par exemple, lors des recrutements, quels que soient leurs diplômes, les femmes sont préférées là où il faudra materner, les hommes là où il faudra commander. D'où des discriminations injustes et sources d'inefficacité.

    UN ESPACE DE LIBERTÉ VERTIGINEUX

    Plus largement, dès lors que les hommes se sentent contraints à être virils – ce qui peut aller jusqu'à la violence – et les femmes féminines – ce qui peut aller jusqu'à une obsession du regard d'autrui qui détruit toute autonomie personnelle –, il est clair que les coûts de ces stéréotypes sont énormes sans qu'on perçoive leurs avantages ! Alors, comment comprendre que la notion de genre soit perçue comme une menace ? A l'évidence parce que cela ouvre un espace de liberté vertigineux ! Si les femmes et les hommes se ressemblent, peuvent occuper les mêmes rôles, peuvent avoir les mêmes comportements sans que cela choque, il n'y a plus de modèle breveté pour leurs relations : tout est à inventer et ce n'est pas facile alors que nos identités d'aujourd'hui ont été façonnées par les étayages psychologiques ou religieux et les récits, grands ou petits, définissant et opposant hommes et femmes.

    Il est tellement plus reposant de se dire que tout ça reflète la main de Dieu ou résulte de déterminismes génétiques. Qui plus est, tous ceux qui tiraient profit d'un ordre ainsi « bétonné » vont se mobiliser : les religieux pour qui Dieu a créé des hommes et des femmes et leur a donné des rôles bien distincts (comme l'ont montré les manifestations contre le mariage pour tous, dont l'assignation des femmes à la maternité a été un leitmotiv fort), les « psys » qui vivent des pathologies qu'engendrent les malaises face à ces modèles autant qu'à leur dissolution alors qu'ils restent des modèles, ou encore et peut-être tous ceux qui préfèrent se dire que leur destin les prive de tout choix ou qu'il ne faut pas brouiller les cartes alors que l'« ennemi principal » est ailleurs.

    Ces peurs ne sont pas sans fondements. Car rien ne garantit que les choix ouverts, si on lève le carcan du masculin et du féminin, vont se couler dans l'ordre existant. Les adversaires de l'égalité entre hommes et femmes sont les premiers à trembler ; car là où ils ont raison, c'est que, avec la notion de genre, on entend aussi dénoncer un état actuel des rapports entre les sexes, des rapports de pouvoir qui n'ont rien de naturel et que l'on peut donc changer…

    Mais qui accepterait aujourd'hui de revenir à une société où votre naissance, et tout ce qui va avec et qui n'est pas choisi, détermine ce que vous pouvez faire de votre vie ? C'est vrai, on ne sait pas ce que peut être une société d'égalité, mais on soupçonne quand même que c'est une perspective plus stimulante pour le XXIe siècle.


    Marie Duru-Bellat travaille à l'Observatoire sociologique du changement et à l'Institut de recherche sur l'éducation. Elle est notamment l'auteure de L'Ecole des filles (L'Harmattan, 2004) et des Inégalités sociales à l'école. Genèse et mythes (PUF, 2002).

    http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2014/01/30/theorie-du-genre-la-reussite-scolaire-passe-par-la-fin-des-stereotypes_4357462_3232.html