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Soja : désinformation de la part de "Que Choisir"
Lettre de M. Hervé Berbille à :
Mme Fabienne Maleysson - Que Choisir - 233 bd Voltaire - 75011 Paris
Objet : votre article « Du soja et des dégâts »
Madame,
Suite à l’article que vous avez publié (« Du soja et des dégâts ») paru dans le n° 441 de Que Choisir (octobre 2006), je vous prie de trouver ci-après quelques questions et remarques auxquelles je vous serais très reconnaissant et très obligé de bien vouloir répondre.
1) Après avoir lu attentivement votre article, je n’ai trouvé aucune étude attestant d’un quelconque effet délétère chez l’homme, nourrissons compris. Aussi pourriez-vous me faire parvenir les références d’une ou plusieurs études scientifiques attestant de tels effets chez l’homme ?
2) Vous indiquez que « les isoflavones pures (…) à partir de 73 g/jour (…) favorisent l’inflammation des vaisseaux sanguins ». J’attire au préalable votre attention sur le fait que cette quantité est considérable. Sachant qu’une gélule de traitement de la ménopause type Phyto-Soja© contient 35 mg d’isoflavones, il faudrait avaler 2085 gélules par jour pour obtenir cet effet inflammatoire. De même, en se basant sur vos propres mesures, il faudrait consommer plus de 128 kg de steaks de soja Gerblé© et plus d’une tonne de « yaourts » Sojasun© nature. Par ailleurs, comme vous indiquez que 200 g de tofu par jour correspondent à une « grande quantité », alors que penser de plus d’une tonne de soja par jour ?... Notez qu’à cette « dose » (plus d’une tonne par jour…), n’importe quel aliment, même l’eau potable, serait tout simplement mortel. Vous titriez pourtant en avril 2000, « Soja, l’important c’est la dose » : en l’espèce, on ne saurait mieux dire…
3) Vous indiquez, je cite, que « l’engouement [pour le soja] repose sur des considérations peu rationnelles » : en quoi faut-il que les choix alimentaires soient dictés par des considérations « rationnelles » ? Pour des motifs religieux, par définition irrationnels, certaines personnes refusent de consommer du porc ou de la viande certain jour de la semaine : cela vous paraît-il également irrecevable ? Dans ces conditions, pourquoi les amateurs de soja devraient-ils se prévaloir d’un acte « rationnel » ?
Par ailleurs, les bénéfices santé du soja sont reconnus officiellement en Malaisie, au Japon et aux Etats-Unis (au même titre que les fibres d’orge, les huiles d’olive et de colza par exemple : inutile donc d’invoquer le « lobby du soja »). Ce choix n’est donc peut-être pas aussi « irrationnel » que vous l’indiquez quand on sait par ailleurs que les maladies cardio-vasculaires constituent la première cause de mortalité en France. De même, rappeler comme vous le faites la forte progression de la production mondiale du soja ne plaide pas en faveur de votre thèse car elle traduit au contraire la forte progression de la consommation… de viande, puisque 90% du soja produit dans le monde est utilisé (gaspillé ?) pour l’alimentation animale (source : Arômes Ingrédients Additifs, Avril-Mai 2005, page 20).
En outre, cette part accrue des protéines animales dans l’alimentation mondiale constitue un véritable désastre environnemental, je cite le rapport de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), « un des premiers responsables des problèmes d'environnement », soit une menace autrement plus sérieuse pour les générations futures que les très spéculatifs effets des isoflavones de soja (source : Le Monde, 05.12.06). En admettant qu'il existe un lobby du soja, il devrait se frotter les mains quand on consomme de la viande et du lait de vache, car la consommation animale rapporte beaucoup plus aux producteurs de soja que la consommation humaine.
4) Vous volez au secours de la viande et des produits laitiers en dénonçant les « rumeurs persistantes accusant les produits laitiers de tous les maux ». Je remarque au préalable que vous reprenez à quelque chose près les termes de l’organisme chargé de la promotion des produits laitiers (Cidilait), je cite : « selon certaines rumeurs, le lait serait responsable d’au moins 60 à 70% des troubles rencontrés en médecine générale ». Pourtant, des études scientifiques publiées dans des revues faisant autorité (1 ; 2) mentionnent bel et bien un risque accru (+ 60%) de cancers ovariens chez les femmes consommant des produits laitiers, et ce pour de faibles doses (deux verres de lait par jour).
Plus intéressant encore, cette étude cosignée par Serge Hercberg (3), qui indique un risque accru de cancers prostatiques, toujours lié à la consommation de produits laitiers et à des doses également faibles (un yaourt). Ce même Serge Hercberg préconise par ailleurs via le Plan National Nutrition Santé de consommer 3 laitages par jour : ne discernez-vous pas là une incohérence ? Et que dire lorsque vous vous répandez en louanges (in Que Choisir, janvier 2006) à propos des yaourts : à quels « effets bénéfiques » documentés faites-vous allusion ? Sachez qu’il existe des aliments à base de soja (Sojasun©, Senja©, etc.) apportant également des probiotiques, dont des lactobacilles, tout en protégeant des cancers prostatiques (4) quant à eux : pourquoi cela n’est-il pas rappelé dans votre article ?
D’autre part, chez les nourrissons, de nombreuses études, dont certaines publiées dans le très prestigieux Lancet, établissent un lien entre exposition au lait de vache et le diabète de type 1 (Insulino-dépendant). D’autres études (5 ; 6), dont une publiée dans l’une des revues les plus cotées en neurosciences (Neurology) établissent un lien entre consommation de produits laitiers et un risque accru de la maladie de Parkinson. De son coté, le Pr. Walter Willet, Université de Harvard, considérée cette année encore comme la meilleure université du monde (classification de l’université Jiatong à Shanghaï), déclare : « En l’état des connaissances, il nous paraît irresponsable de faire la promotion des laitages comme on le fait dans de nombreux pays. » Enfin, le Centre international de Recherche sur le Cancer (OMS) a pris officiellement position (Communiqué de Presse, N° 165, OMS, 15 juin 2005) en indiquant, je cite, que l’on constate « une augmentation de 35% du risque de cancer colorectal chez les individus qui consomment les quantités les plus élevées de viande rouge et de préparations carnées, par rapport aux sujets en consommant le moins ». Même C. Bennetau reconnaît, je cite, les « facteurs cancérigènes de la viande », sans le moindre conditionnel (rapport CSHPF, 1996, p. 97).
Considérez-vous que le Lancet, l’American Journal of Clinical Nutrition, Neurology, l’OMS, l’Université de Harvard et le Pr. Willet, voire C. Bennetau, soient des colporteurs de rumeurs, ou bien que leurs mises en garde devraient être prises en considération et portées à la connaissance du grand public, à commencer par une revue défendant les consommateurs ?
5) Vous écrivez que « comparaison n’est pas raison » au sujet des effets bénéfiques du soja observés chez les Asiatiques et extrapolés chez les Occidentaux. Pourtant, tout votre argumentaire consiste à dire que les isoflavones de soja sont dangereuses chez l’homme à partir d’extrapolations portant sur les effets du trèfle chez des brebis, où l’on constate quelques effets, attribués de surcroît à d’autres composés (coumestanes), mais aucun réellement dangereux soit dit en passant. De plus, j’attire votre attention sur le fait que l’essentiel du soja (90%) est utilisé pour l’alimentation animale depuis plusieurs décennies, je vous cite d’ailleurs à ce sujet (in Que Choisir, avril 2000) « Bovins, porcs, poulets, poissons en ont (du soja) aujourd’hui [en fait l’utilisation du soja dans l’alimentation animale remonte bien avant avril 2000 !] au menu ».
Or, à l’exception de quelques effets sur des poissons carnivores (truites et esturgeons, qui ne sont pas dans la nature de gros consommateurs de soja…), aucun effet négatif n’a été rapporté sur les autres animaux (vous avez d’ailleurs oublié les chevaux chez qui le soja n’a aucun effet) comme vous n’auriez probablement pas manqué de le souligner, ni en 2000, ni six ans plus tard, ce qu’atteste notamment la demande toujours plus forte pour le soja destiné à l’alimentation animale (à ce sujet, le forte progression des tonnages en soja que vous citez indique une forte progression de la consommation…de viande !).
Aussi, puisque vous préférez vous baser sur des extrapolations animal/homme plutôt que de prendre en compte les effets constatés chez les Asiatiques depuis des millénaires (que je considère infiniment plus proches de l’homme occidental que les brebis…), pourquoi alors ne prenez-vous pas en considération le cas de ces animaux nourris massivement et sur plusieurs générations avec du soja, et non pas ceux nourris avec du trèfle ou de la luzerne, comme cela serait, me semble-t-il, plus logique ?
De même, le soja est largement utilisé dans les aliments pour animaux de compagnie (chiens), sans que ceux-ci s’en portent plus mal (7). Enfin, les conclusions d’une récente étude publiée dans le très sérieux British Medical Journal (Perel P : “Comparison of treatment effects between animal experiments and clinical trials : systematic review.” BMJ, doi:10.1136/bmj.39048.407928.BE) devraient vous inciter à vous défier des extrapolations et comparaisons homme/animal, je cite : « Les auteurs concluent que les discordances entre les essais chez l’homme et les modèles animaux au fait que les modèles animaux ne reproduisent pas de façon adéquate la pathologie humaine. Ces discordances peuvent avoir une grande importance dans le développement de nouveaux médicaments ou de nouvelles techniques. C’est ainsi qu’on ne retrouve pas forcément en passant chez l’homme les résultats obtenus en pharmacologie animale, ce qui conduit à l’abandon de développements très coûteux. La mise au point de modèles animaux qui soient le reflet de la pathologie humaine est donc primordiale et les communications entre les chercheurs et les cliniciens doivent être améliorées. »
6) Vous écrivez que le soja est « un produit à la mode dont on ne connaît pas grand-chose ». Pourtant, d’une part, en Asie où cette « mode » alimentaire remonte environ à 5.000 avant J.-C., le soja constitue depuis toujours la base alimentaire des Asiatiques, y compris pour plus de 80% des enfants de moins de 18 mois (8 ;9) ,ce qui contredit votre assertion selon laquelle les nourrissons asiatiques sont nourris avec des préparations à base de lait de vache : à ce sujet, merci de me communiquer l’étude sur laquelle vous vous appuyez. D’autre part, la consultation de la base de données utilisée par l’Afssa pour son rapport produit très exactement 33 935 études scientifiques aux mots clé « soy OR soybean ORisoflavones OR phyto-oestrogen ».
D’où ma question : à partir de combien d’années, voire de millénaires, et d’études scientifiques considérerez-vous que l’on pourra statuer sur l’innocuité du soja ?
7) Vous écrivez que les laits infantiles à base de soja (PPS) représentent 2,1% du marché. J’en déduis donc que les laits infantiles à base de lait de vache (PLV) représentent les 97,9% restants, soit l’écrasante majorité. D’autre part, le lait de vache contient, je cite J.M. Besle (Unité de Recherches sur les herbivores, INRA Site de Theix), « des isoflavones (…) sous une forme (= équol) qui pourrait être plus active que dans la plante d’origine » et par ailleurs, le lait de vache contient naturellement différentes hormones, dont des (véritables) oestrogènes « en grande quantité » et par définition 2000 fois plus puissants que les « phytooestrogènes », de l’IGF-1 une hormone de croissance considérée comme dopante par le Comité International Olympique et également impliquée dans les processus de cancérisation (10), de la leptine, impliquée dans le déclenchement des pubertés précoces, mais également des corticoïdes, de l’ocytocine (également cancérogène), etc.
De plus, chez les nourrissons nourris aux laits infantiles à base de lait de vache, on retrouve de plus grandes quantités d’équol plasmatiques que chez les nourrissons nourris au lait infantile à base de soja (11). De plus, on ne trouve pas de forme actives (aglycones) d’isoflavones dans le plasma des nourrissons nourris aux PPS (12), à l’inverse des enfants nourris aux PLV. Si comme vous le laissez entendre, les phyto-oestrogènes sont « néfastes » et « pervers », ne serait-il pas alors plus judicieux de votre part de proclamer « pas de lait de vache dans le biberon » et de se préoccuper davantage des quantités réellement absorbées plutôt que des quantités ingérées ? De plus, le lait humain (13) contient naturellement des phyto-oestrogènes : allez-vous saisir la DGCCRF afin que les femmes allaitantes soient également soumises à une déclaration obligatoire des teneurs en phyto-oestrogènes de leur lait ?
8) Ne voyez-vous pas une incompatibilité à dénoncer dans le même élan le « lobby du soja » ce qui, selon C. Bennetau, conduit à « gonfler les effets bénéfiques » du soja (in Que Choisir, avril 2000) et à interviewer cette même Catherine Bennetau, qui a fait financer ses travaux respectivement par deux entreprises agroalimentaires qui fabriquent des produits à base de soja (dont Arkopharma©) et mène une autre étude avec Danone© (14) ?
Pour l’anecdote, en avril 2000, toujours dans votre propre revue, C. Bennetau se présentait en victime du « lobby du soja », je cite : « lorsque l’on souhaite travailler sur les effets pervers du soja, il est quasiment impossible de trouver des crédits ». En ce qui concerne les « troublantes incertitudes » de C. Bennetau sur le soja, celles-ci renvoient à l’étude effectuée par le Dr Brian Strom (15). Pourtant, les conclusions de cette étude sont les suivantes, je cite : « la consommation de préparations pour nourrissons à base de soja n’a pas de conséquences sur la santé ni sur la reproduction ». Aussi, interrogé au sujet de l’interprétation faite par C. Bennetau de son étude, il n’est guère étonnant que B. Strom déclare, je cite à nouveau : « Le Pr. Bennetau n’a pas compris nos résultats » et ajoute : « Rien ne nous permet de déconseiller l’utilisation de préparations de soja chez les enfants » (interview complète disponible surwww.lanutrition.fr).
Le fait que C. Bennetau se permette, volontairement ou pas, une telle contrevérité ne devrait-il pas vous « inciter à la prudence », non pas tant vis-à-vis du soja, mais plutôt vis-à-vis de ses déclarations ? Ce d’autant plus que pour C. Bennetau « on aurait dû recueillir des données plus précises comme la concentration du liquide séminal en spermatozoïdes ». Or, de telles études ont été menées et concluent à une absence d’effet sur ce marqueur biologique précis (16), ni d’ailleurs sur les taux de testostérone. Toujours à partir d’extrapolations animal/homme, C. Bennetau laisse entendre que le soja peut « induire des perturbations du système reproducteur ». Mais, là encore, ni chez le nourrissons (17), ni chez l’adulte (18), de tels effets ont été observés, et ce pour les deux sexes.
Autre troublante omission relevée : C. Bennetau semble ignorer, ou ne vous relate pas, que lors de la grossesse le foetus synthétise des protéines particulières (alpha-foetoprotéines) destinées à le protéger… des oestrogènes maternels, et qui agissent également sur les isoflavones de sorte que, même si ces dernières présentaient un quelconque danger, elles ne pourraient de toute façon agir sur le foetus. Et comme il fallait s’y attendre, cette récente étude (19) publiée par le National Cancer Institute américain (difficile de passer à coté pourtant, surtout quand comme C. Bennetau on se présente comme une « spécialiste mondiale dephyto-oestrogènes ») qui indique que consommer du soja dans l’enfance réduit de 58% le risque de survenue ultérieure de cancer du sein.
9) Sur la base de vos propres mesures, 200 g de tofu, quantité selon vous à partir de laquelle s’observe « un effet bénéfique léger sur le cholestérol », apportent plus de 115 mg d’isoflavones. Par conséquent, il est impossible d’atteindre l’effet bénéfique sans « exploser » le plafond de votre propre « dose d’isoflavones à ne pas dépasser ». Aussi, comment expliquez-vous que 200 g de tofu produisent en même temps « un effet bénéfique léger sur le cholestérol (sanguin) » tout en favorisant des « effets néfastes pour les vaisseaux sanguins » ?
10) Vous écrivez que les PPS dépassent la dose limite fixée à 1 μg/l pour les substances oestrogéniques. Or, sur la base d’analyses effectuées sur le lait de vache par le Laboratoire d'Etude des Résidus et Contaminants dans les Aliments (Ecole Vétérinaire de Nantes) (publiées dans Food Chemistry, 87, (2004) 275-281), les teneurs en phyto-oestrogènes atteignent jusqu’à 400 μg/l (moyenne 120 μg/l), auxquels il faut encore ajouter les oestrogènes et les différents Polluants Organiques Persistants (dioxines, PCBs, phtalates, etc.) qui se concentrent dans le lait et qui exercent un pouvoir oestrogénique autrement plus puissant que les phyto-oestrogènes. J’attire à nouveau votre attention sur le fait que parmi les phyto-oestrogènes accumulés dans le lait de vache, on trouve une prépondérance d’équol, un phyto-oestrogène environ 10 fois plus oestrogénique que les isoflavones natives : comme vous dites, « les chiffres parlent d’eux-mêmes ». Aussi, allez-vous également saisir la DGCCRF pour interdire les préparations pour nourrissons à base de lait de vache, sachant que ces préparations contiennent plus de 50% de lait, alors que celles à base de soja contiennent seulement 14% de protéines de soja purifiées (isolat) ?...
Tant que vous y êtes, réclamez également l’interdiction des farines infantiles car les céréales peuvent contenir jusqu’à 7640 μg/kg de phyto-oestrogènes (lignanes). Reste que si votre demande aboutissait, elle conduirait mécaniquement à une interdiction des PLV (laits infantiles à base de lait de vache) pour les mêmes raisons, à savoir un « excès » de PO, et comme seules les PLV et les PPS (laits infantiles à base de soja) sont autorisées, avec quoi va-t-on nourrir les enfants qui ne sont pas allaités au sein ? Et encore, dans ce dernier cas, cela sera possible sous réserve que le lait maternel ne contienne pas de PO, auquel cas il faudra interdire aux femmes allaitantes de consommer des fruits et des légumes… et surtout des produits laitiers ! Je suis impatient de connaître la suite que donnera la DGCCRF à votre saisine.
11) Toujours au sujet des hormones et phyto-oestrogènes présents ailleurs que dans le soja, en avril 2000 vous posiez la question de savoir « si les phyto-oestrogènes qu’ils [les animaux d’élevage] ingèrent se retrouvent (…) dans nos aliments ». En ce qui concerne les produitslaitiers, je vous réponds donc sans l’ombre d’un doute que tel est bien le cas. Mais dès lors, quelle(s) conclusion(s) en tirez-vous et quelles actions comptez-vous mener ? Suggérerez-vous d’étiqueter les teneurs en phyto-oestrogènes (PO) dans les produits laitiers comme vous l’exigez pour le soja, et seulement pour le soja ? Au demeurant, cela serait très pertinent car si le PNNS ne recommande pas de consommer du soja, en revanche, il incite fortement à la consommation de produits laitiers à raison d’un minimum de 3 par jour.
Vous écrivez « Evitez aussi de les [steaks de soja] cumuler avec d’autres sources d’isoflavones ». Mais précisément, comment suivre un tel conseil si les consommateurs ne connaissent pas, d’une part les sources alimentaires d’isoflavones et, d’autre part, leur teneur ? Là encore, vous incitez implicitement à une extension de l’étiquetage des PO à l’ensemble des aliments. A ce sujet, je doute fort que l’industrie laitière, entre autres, goûte la plaisanterie, quand on sait qu’elle est récemment parvenue à faire enterrer le projet d’étiquetage des acides gras trans (cf. Revue Laitière Française, juin 2005, p. 6), molécules pourtant unanimement reconnues comme athérogènes et pro-oxydantes. Les acides gras trans, un autre sujet sur lequel « tout le monde s’assoit dessus », les associations de consommateurs comprises, alors qu’ils ne peuvent certainement pas se prévaloir, c’est le moins qu’on puisse dire, d’ « un effet bénéfique sur le cholestérol », fut-il « léger »…
Dans le même ordre d’idée, les programmes de recherche européens Eden et Credo (12 mai 2005, Prague) tirent eux aussi le signal d’alarme au sujet de l’eau du robinet, que je n’ose appeler « potable », en dénonçant je cite « les milliers de substances hormonales » qu’elle contient (pesticides, détergents, médicaments, etc. NB : le soja n’est pas mentionné). Là encore, les deux multinationales qui détiennent le monopole de la distribution de l’eau en France vont sûrement soutenir avec enthousiasme votre saisine auprès de la DGCCRF. Bien que ne disposant pas de chiffres précis, je suis absolument certain qu’en France on consomme autrement plus d’eau que de « lait » de soja. Vous remarquerez à ce sujet que les PPS étant reconstituées avec environ 1 dose de poudre pour 10 doses d’eau, si des effets hormonaux sont un jour constatés chez les nourrissons, il y a de fortes chances qu’ils soient attribuables… à l’eau ! D’ailleurs, dans son rapport (rapport CSHPF, 1996, p. 101), même C. Bennetau indiquait qu’« il me paraît souhaitable de mettre en place des contrôles sur les matières premières susceptibles d’apporter des phyto-oestrogènes » et de citer notamment, outre le soja bien entendu, « les produits carnés et laitiers » : qu’en est-il de cette louable intention dix ans plus tard ? Plus généralement, pourquoi ne vous intéressez-vous pas aux (véritables) composants hormonaux (dont l'oestradiol 17 bêta, le plus puissant oestrogène naturel connu) contenus dans le lait de vache, et pourquoi pas dans l’eau, pourtant infiniment plus consommés que le soja ?
12) Véronique Coxam indique que les isoflavones ne donnent pas de résultats probants dans la prévention de l’ostéoporose. Dont acte. Mais je suis néanmoins très surpris par cette déclaration car la même V. Coxam écrivait récemment (2003) : « Les phyto-oestrogènes méritent une mention spéciale [je cite…] parce que des données émergentes indiquent (…) qu’ils peuvent empêcher la perte osseuse » (20). Au sujet des effets hypocholestérolémiants du soja, elle s’enflamme littéralement en déclarant : « c’est désormais un fait scientifique reconnu ! » (in Consom’Action 2004, N°24, p. 7). Et enfin, V. Coxam rappelle dans le propos liminaire d’une de ses publications que « les phyto-oestrogènes sont des composés naturels avec des effets anticancéreux » (« Phytoestrogens arenatural compounds with anticancer effects ») (21). Quand on sait que les maladies cardio-vasculaires et les cancers constituent en France les deux premières causes de mortalité, pourquoi ces informations ne sont-elles pas portées à la connaissance de vos lecteurs ?...
Vous noterez que ces propriétés anti-cancéreuses du soja, pour prendre cet exemple, ne sont pas attribuables au « lobby du soja » (ni au seul soja, citons des aliments aussi courants que les crucifères, les pommes, les tomates, les fraises, etc.) mais à V. Coxam elle-même pour qui, visiblement, les connaissances sur le sujet ne sont pas « insuffisantes ». Pour votre information, la FDA envisage d’étendre l’allégation portant sur les effets préventifs du soja contre les maladies cardio-vasculaires à la prévention des cancers. Enfin, un peptide extrait du soja (Lunasin™) est en cours d’évaluation pour un traitement extrêmement prometteur des cancers (il présenterait une efficacité équivalente aux chimiothérapies mais sans le moindre effet secondaire) (22).
13) Vous écrivez que « les aliments à base de soja consommés en Asie et en Europe sont différents. Les Asiatiques mangent essentiellement du tofu (jus de soja caillé), du miso ou dunatto, alors que les Européens préfèrent, selon les pays, les produits céréaliers, les substituts de viande ou encore, comme en France, le lait (tonyu) ou les desserts à base de soja ».
a) Les termes « lait de soja » et « tonyu » ou « jus de soja » désignent exactement le même aliment. Donc, opposer la consommation de tofu des Asiatiques et la consommation de « lait » de soja des Français ne semble pas pertinent puisque précisément le tofu n’est autre que du tonyu caillé, de surcroît plus concentré en isoflavones comme l’indiquent… vos propres mesures ! Ce qui ne vous empêche pas par ailleurs d’affirmer « qu’un Français particulièrement friand de produits à base de soja en avale davantage que la moyenne des Asiatiques » (je serais là aussi très curieux de connaître vos sources) ;
b) Les Européens consomment également du miso, du natto et du tofu (vous avez testé du tofu commercialisé en France, j’en déduis qu’il doit y avoir quelques amateurs français pour ce genre de produit) et il suffit de vous rendre dans des magasins bio pour vous rendre compte de la diversité de l’offre pour l’ensemble de ces produits ;
c) Les « substituts de viande » ne sont autres que des steaks de tofu aromatisé et donc ne diffèrent guère fondamentalement du tofu des Asiatiques : prenez donc la peine de lire l’étiquette des produits que vous avez vous-même testés, à savoir les « steaks » de soja Croque Tofu© Curry et Pavot (idem Gerblé©) qui contiennent essentiellement du tofu, comme leur nom le suggère assez fortement me semble-t-il : Ingrédients : tofu frais 65%, etc.
d) Vous ne vous êtes visiblement pas aperçue que sur les huit aliments à base de soja testés par Que Choisir, trois sont fermentés (« yaourt » et « crème fraîche » Sojasun©, « yaourt » Senja©) et ce avec les mêmes ferments que pour le natto et le miso (Lactobacillus sp.), un autre n’est que du tofu (Bjorg©), 2 autres sont à base de tofu (steaks Gerblé© et Soy©), soit 75% de produits directement équivalents à ceux consommés selon vos dires, par les Asiatiques !
e) Si l’on considère les desserts qui ne sont rien d’autre que du « jus de soja », ingrédient servant à fabriquer le tofu des Asiatiques, gélifié avec des extraits d’algues (par ailleurs très consommées par les Asiatiques…), cela porte l’équivalence à 100% ! Comment pouvez-vous donc affirmer que les formes alimentaires de soja consommées par les Asiatiques diffèrent significativement de celles des Occidentaux et modifient de ce fait les effets oestrogéniques ? Je n’ai rien trouvé dans la littérature à ce sujet, si ce n’est des études qui indiquent une meilleure absorption des formes actives des isoflavones (aglycones) (23) accumulées… dans le lait de vache !
14) D’après vos analyses, le tofu, forme de soja consommée préférentiellement par les Asiatiques, apporte 57,6 mg d’isoflavones/100g, tandis que le « lait » de soja (Bjorg©) et les desserts (Bjorg© également), consommés selon vous préférentiellement par les Français, en apportent respectivement 18,88 mg/100g, soit trois fois moins, et 6,96 mg/100g, soit huit fois moins : comment expliquez-vous alors que les Français amateurs de soja « avalent » davantage d’isoflavones que les Asiatiques ? D’ailleurs, vous écrivez que les tofus contiennent de grandes quantités d’isoflavones (« on passe à la vitesse supérieure avec les tofus ») et comme (je vous cite à nouveau) « les Asiatiques mangent essentiellement du tofu », comment expliquez-vous alors « qu’un Français particulièrement friand de produits à base de soja en avale davantage (d’isoflavones) que la moyenne des Asiatiques » ?
J’ajoute que votre assertion selon laquelle un Français amateur de soja « avale » davantage d’isoflavones est fortement contredite par C. Bennetau pour qui, au contraire, les Occidentaux en général « avalent » moins d’isoflavones que les Asiatiques, je cite : « « Le contenu en isoflavones des aliments à base de soja, mais de style occidental, est considérablement plus faible » (Rapport C. Bennetau remis au CSHPF, Les Phyto-oestrogènes, 1996, p. 47).
15) Vous écrivez que « des scientifiques n’excluent pas que le métabolisme des ces populations (asiatiques) se soit, au fil des siècles, adapté à cette situation (consommation d’isoflavones) ». Pouvez-vous me citer au moins deux scientifiques qui adhèrent à cette hypothèse ? Sachez qu’elle est totalement battue en brèche notamment par l’étude « Okinawa » qui attribue essentiellement au soja la longévité et la bonne santé des habitants et exclut le facteur génétique. Je rapporte les propos d’un des auteurs de l’étude (Dr Bradley Willcox) : « Une bonne alimentation et une bonne hygiène de vie peuvent faire d’un individu qui n’a pas forcément les meilleurs gènes un centenaire ».
Par ailleurs, C. Bennetau, à ma connaissance seule tenante de cette hypothèse (« Il se peut fort bien que dans les populations asiatiques se soit produite une sélection », in Que Choisir, avril 2000), a terminé très récemment une étude pour tenter de mettre en évidence le facteur génétique, ce en quoi elle a, sans surprise (24), totalement échoué. Dans votre article d’octobre 2006, vous appelez avec C. Bennetau à ce que « des études plus poussées » soient menées pour évaluer les effets du soja. Or, lorsque ces études sont réalisées, vous ne le prenez pas en compte : dès lors, à quoi bon émettre de telles doléances ?
16) Vous attribuez la plus faible mortalité des femmes asiatiques à une introduction plus récente de la pilule contraceptive en Asie qu’en Occident. Or, précisément, ce type de contraception ne constitue pas un facteur de risque au moins en ce qui concerne le cancer du sein comme l’indique l’étude (Marchbanks et al., NEJM 346:2025-2032, Jun 27, 2002) publiée en 2002 dans le New England Journal of Medicine, la plus importante revue médicale nord-américaine, ce qui rend cette thèse peu crédible. Par ailleurs, cette étude a été également citée dans La Recherche (« La pilule innocentée »). Aussi suis-je très étonné que ni vous, ni C. Bennetau, ni M. Gerber ne l’aient relevée et continuent à propager cette idée fausse. D’autre part, la pilule contraceptive protège contre les cancers ovariens : par conséquent, on devrait observer un taux plus faible chez les Occidentales, ce qui n’est pas le cas. Ceci s’explique surtout par :
- un effet protecteur du soja, consommé par les Asiatiques, contre ce type de cancer (entre autres !) (25) ;
- un possible effet inducteur du galactose contenu dans les produits laitiers, davantage consommés par les Occidentales (26).
La littérature scientifique (limitée ici à quelques études…) réfute sans ambiguïté votre hypothèse : sur quoi vous êtes-vous appuyée ? Enfin, si les « amateurs de soja souvent ont du mal à admettre les effets néfastes du soja », c’est peut-être tout simplement parce qu’ils n’en constatent pas et qui est mieux placé qu’un amateur de soja pour constater ses hypothétiques effets néfastes ? A ce sujet, les fumeurs que je connais n’éprouvent pas, hélas pour eux, de difficulté à mesurer au quotidien les effets néfastes du tabac, et ce bien avant la survenue de l’accident fatal.
D’autre part, on ne peut exclure à la consultation de revues scientifiques et médicales sérieuses l’hypothèse selon laquelle ces « effets néfastes » n’existent peut-être pas ailleurs que dans Que Choisir, car les études scientifiques mettent précisément en évidence un meilleur état de santé général des consommateurs de soja occidentaux (27).
Autre contradiction relevée lorsque vous écrivez que « les nourrisson asiatiques reçoivent des préparations à base de lait de vache », à l’instar donc des nourrissons occidentaux (> 97% selon vos dires). Or, un peu plus loin, on peut lire que « les habitudes alimentaire (entre Occidentaux et Asiatiques) (…) sont très éloignées ». Au demeurant, entre autres études, celle publiée dans l’American Journal of Clinical Nutrition en 1998 (8) réfute totalement l’idée selon laquelle les nourrissons asiatiques sont nourris avec des préparations à base de lait de vache et indique au contraire une large prévalence du soja.
Enfin, vous indiquez pour réfuter les effets protecteurs du soja que « le profil hormonal des femmes (asiatiques et occidentales) n’a rien à voir » en raison d’une utilisation plus ancienne et plus généralisée de la pilule contraceptive chez les Occidentales, à l’inverse des Asiatiques. Mais cette thèse est également réfutée par le fait que les effets protecteurs du soja s’observent de la même façon chez les individus de sexe masculin (28) qui n’utilisent pourtant pas ce type de contraception. Ainsi, le taux de cancers prostatiques est jusqu’à dix fois moins élevé chez les Asiatiques que chez les Occidentaux (29).
17) Vous indiquez que vous allez saisir la DGCCRF au sujet des préparations pour nourrissons à base de soja (PPS). Or, je vous rappelle que la DGCCRF a déjà saisi l’Afssa qui dans son rapport (2005) indiquait que « chez les nourrissons nourris avec des préparations 1 (laits infantiles) pour nourrissons à base de soja (PPS), il n’a pas été observé jusqu’à présent de troubles particuliers. ». J’attire votre attention sur le fait que, comme son nom l’indique, la DGCCRF a vocation à réprimer les fraudes. Or, les PPS sont parfaitement légales et conformes en tous points aux législations française et européenne en vigueur. Je suis d’ailleurs très surpris lorsque M. Gerber déclare dans votre revue (octobre 2006) qu’ « une seule étude, aux Etats-Unis, a tenté de cerner les éventuels effets d’une alimentation au lait de soja dans l’enfance ». Pourtant, en consultant la même base de données que celle utilisée par l’Afssa, on obtient pas moins de 1327 études aux mots clé « soy OR soybean OR isoflavones OR phyto-oestrogens AND infant », parmi lesquelles deux études très représentatives (30 ; 15) qui furent publiées respectivement trois et quatre ans avant le rapport de l’Afssa.
En ce qui me concerne, je ne parviens pas à comprendre comment ces deux études, publiées dans des revues aussi incontournables que le Journal of American Medical Association et le Journal of Nutrition, sans compter le supplément spécialement publié sur le sujet en décembre 1998 par l’American Journal of Clinical Nutrition, véritable institution en la matière, ont pu échapper à la vingtaine de membres de l’Afssa alors qu’elles étaient disponibles depuis plusieurs années dans la banque de données utilisée par l’Afssa. Quoiqu’il en soit, espérez-vous une nouvelle saisine de l’Afssa qui conclurait « bien que depuis 2005, de nouvelles études (30) et quatorze experts américains indépendants réunis par le National Toxicology Program (31) confirment l’innocuité du soja chez les nourrissons, nous allons néanmoins interdire les PPS, et ce à l’encontre des nombreuses données scientifiques disponibles, simplement afin de donner suite à une campagne de presse » ?
18) L’Afssa pourra même ajouter « bien que le lait de vache provoque chez les nourrissons :
- des lésions de l’ADN potentiellement cancérogènes (32 ; 33) ;
- le diabète de type 1 (34) ;
- l’hématémèse (35) ;
- l’asthme (36) ;
- l’obésité (due notamment à la présence de leptine dans le lait de vache (mais pas dans le soja…), une véritable hormone qui n’a pas l’air de beaucoup vous émouvoir, également mise en cause dans la survenue des pubertés précoces : intéressant lorsque l’on sait que vous accusiez précisément le soja de tels effets en avril 2000) (37) ;
- des allergies (premier allergène alimentaire chez les nourrissons) ;
- des intolérances au lactose, et soit très vraisemblablement impliqué dans :
- la mort subite du nourrisson (implication de la bêta-lactoglobuline du lait de vache, une protéine totalement absente du lait humain… et du soja) (38) ;
- la sclérose en plaque (39) ;
- la transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (40) (ce qui au passage pourrait expliquer l’énigme de la contamination des animaux dits « naïfs »…) ;
- les pertes sanguines intestinales (41) ;
- la maladie de Crohn (42) (une « rumeur » colportée par le Lancet…) ;
Bien entendu, vous avez parfaitement le droit de contester la validité de ces travaux, bien qu’issus de la même base de données de l’Afssa. Dans ce cas, je vous invite à adresser directement vos objections aux auteurs et/ou aux revues scientifiques et médicales cités à cet égard, en prenant bien soin de mentionner, comme c’est l’usage, les biais méthodologiques que vous aurez décelés, condition nécessaire pour que vos objections soient prises en compte. Dans le cas contraire, ne pensez-vous pas qu’il y ait là, sur la base de vos propres objections faites au soja, matière à « un droit d’inventaire », voire un « bannissement » du lait de vache ?
19) Vous ironisez sur le slogan publicitaire de Sojasun© « si c’est du soja, vous avez le droit » qui, au demeurant, n’a rien de mensonger, le soja n’étant pas inscrit à ce jour sur la liste des produits stupéfiants. En revanche, l’industrie laitière ne se prive pas de communiquer sur les très hypothétiques effets santé de ses produits : Nestlé vante ses yaourts qui font maigrir alors que de leur côté, les études scientifiques indiquent au contraire un effet obésigène (43), y compris pour les produits laitiers à 0 % de MG. Pourquoi une association de consommateurs comme la vôtre ne dénonce-t-elle pas avec force cette publicité mensongère ?
20) Pourquoi ne faites-vous pas appel lors de vos interviews à des scientifiques ayant étudié le soja chez l’homme et/ou à des toxicologues ? M. Gerber n’a jamais étudié le soja, ni chez l’homme, ni chez l’animal. V. Coxam a étudié essentiellement les effets du soja chez le rat et n’a jamais mis en évidence le moindre effet secondaire. La seule étude conduite chez l’homme indique une variabilité dans la production d’équol chez l’homme : y a-t-il là motif à susciter une inquiétude particulière ? C. Bennetau de son côté a participé (elle ne les a pas conduites) à seulement deux études chez l’homme (avec Danone, citée précédemment, et V. Coxam, soit deux études en tout et pour tout à elles deux réunies, et ce sur l’ensemble de leur carrière !) dont une qui conclut que le soja augmente la population intestinale en bactéries symbiotiques (Lactobacillus sp.) (14), soit effet bénéfique (appelé « prébiotique » et observé avec la plupart des aliments d’origine végétale au demeurant) ! Là encore, j’y vois pour ma part plutôt une incitation à consommer du soja... Vous reconnaissez d’ailleurs vous-même les effets bénéfiques des Lactobacilles. Aussi, sur la base des études menées chez l’homme par les personnes que vous interviewez, considérez-vous qu’il y ait réellement matière à vouer le soja aux gémonies ?
21) Vous écrivez que « plusieurs travaux scientifiques suggèrent que les isoflavones pourraient affecter l’immunité ». Pourtant, après consultation des données disponibles on constate qu’elles indiquent un renforcement du système immunitaire par le soja (44), au même titre que l’ensemble des fruits et légumes (45 ; 46), inutile donc de vitupérer à nouveau contre le supposé « lobby du soja ». Néanmoins, pouvez-vous me communiquer au moins une référence correspondant à « plusieurs travaux » ?
22) Je suis également très surpris de constater qu’à aucun moment, ni en avril 2000, ni en octobre 2006, vous ne rappeliez que le soja compte parmi les rares sources d’acides gras essentiels oméga-3, et pas davantage que :
- le statut en oméga-3 de la population française, et ses conséquences sanitaires, sont des plus préoccupants puisque l’on consomme 0,5 à 0,7 grammes par jour pour 2 à 3 grammes requis ;
- les sources alimentaires d’oméga-3 se comptent littéralement sur les doigts d’une main (huile de colza, soja, noix, mâche,…) ;
- l’importance fondamentale des oméga-3 dans la prévention de la maladie d’Alzheimer, de certains cancers et surtout des maladies cardio-vasculaires, comme l’ont si brillamment démontré Serge Renaud et Michel de Lorgeril, les « inventeurs » du régime crétois.
Dès lors, comment expliquez-vous que le terme « d’oméga-3 » ne soit même pas mentionné une seule fois dans deux articles consacrés au soja compte tenu de l’importance fondamentale de ces acides gras ?
Plus étonnant encore, dans un autre n° de Que Choisir (mars 2002), vous reprochez cette fois-ci au soja de contenir « trop d’acides gras insaturés » (page 31). De toute ma carrière de scientifique, jamais je n’avais entendu une telle objection, surtout pour une source d’oméga 3 ! Par curiosité, demandez à Serge Renaud s’il pense que le soja contient « trop d’insaturés »... Cette objection est d’autant plus singulière que vous vantez dans ce même numéro les mérites de l’huile de colza (ô combien justifiés en l’occurrence...), pourtant infiniment plus riche en AG insaturés que le dessert au soja testé. A ce sujet, j’ai en mémoire la violente campagne de presse menée par vos confrères de 50 Millions de Consommateurs à l’époque qui réclamait, et obtint, la tête de l’huile de colza au prétexte qu’elle était dangereuse pour le coeur et ce sur la base d’expériences réalisées chez le rat chez lequel elle provoque des lésions cardiaques (au même titre que l’huile de maïs, de tournesol, etc. : petit détail « oublié » à l’époque par les détracteurs du colza…) et ce bien qu’aucune étude n’ait démontré à l’époque le moindre danger chez l’homme et, cela va sans dire, également par la suite. Vos confrères ont désormais bonne mine lorsque l’on sait qu’aux Etats-Unis cette huile peut officiellement revendiquer ses effets protecteurs… contre les maladies cardio-vasculaires !
Cette campagne anti-colza aboutit à une surconsommation d’huile de tournesol en France, absolument désastreuse en termes sanitaires (augmentation du risque cardio-vasculaire, Alzheimer, cancer, etc.). Reste que cette lamentable affaire n’empêche pas votre confrère de vous emboîter le pas et de réclamer désormais, toujours aussi péremptoire, la tête du soja... Dans ce même n° de mars 2002, je constate que les produits laitiers échappent miraculeusement à une évaluation de leurs teneurs en Acides Gras trans au prétexte, pour le moins inattendu, que vous ignorez si les acides gras trans naturels ont des effets similaires aux AG trans industriels, il fallait y penser ! A ce sujet, questionnez n’importe quel lipochimiste, il vous confirmera que l’acide élaïdique (AG trans du lait… ou des huiles hydrogénées) est tout aussi athérogène que ses homologues industriels.
23) Outre le lait de vache, la viande et l’eau déjà cités, les cosmétiques pour bébés (à l’exception des cosmétiques bio) constituent également une fenêtre d’exposition aux oestrogènes de synthèse (parabènes, cyclosiloxanes, etc.) (47) dont l’implication dans la survenue de cancers hormono-dépendants fait l’objet de fortes suspicions (48) et qui, en tout état de cause, sont autrement plus puissants que les isoflavones.
A ce sujet, il n’est jamais rappelé dans vos articles que lors d’exposition à des oestrogènes forts, les PO peuvent atténuer leurs effets (effet anti-oestrogénique), ce qui explique notamment leurs effets anticancérogènes. Sachant que par ailleurs la diffusion de ces oestrogènes de synthèse par contact dermique est plus importante que par voie digestive, que cette exposition concerne la quasitotalité des nourrissons (à l’exception des rares bébés qui bénéficient des soins corporels bio), pourquoi ces risques, pourtant dûment documentés, ne sont-ils jamais mentionnés dans vos articles ? De son côté, l’ONG Greenpeace par exemple y consacre un guide complet (guide Cosmetox) : pourquoi une telle différence d’appréciation ?
24) En avril 2000, vous écriviez : « les nourrissons ne devraient pas être nourris au lait de soja ». En octobre 2006, le conditionnel disparaît et la sentence tombe sans appel : « pas de soja chez les nourrissons ». On peut donc logiquement supposer qu’entre-temps des études mettant en évidence la dangerosité du soja sont apparues, contredisant au passage celles déjà disponibles en avril 2000. Or, en fait, les plus grandes revues scientifiques, dont des revues aussi prestigieuses que le Journal of Nutrition (49) et le Journal of American Medical Association (15), ont publié de nouvelles études confirmant la totale innocuité du soja chez les nourrissons, y compris à long terme, ce qu’admettait d’ailleurs clairement l’Afssa en 2005 (« chez les nourrissons nourris avec des préparations (laits infantiles) pour nourrissons à base de soja (PPS), il n’a pas été observé jusqu’à présent de troubles particuliers. »).
De plus, je crois pouvoir avancer que si la moindre étude avait suggéré un quelconque effet délétère chez l’homme, vous n’auriez pas manqué de la mentionner dans votre article. Aussi, comment expliquez-vous que la production de nouvelles études concordantes quant à l’innocuité des PPS chez les nourrissons vous conduise paradoxalement à surenchérir dans vos mises en garde contre le soja ?
Par ailleurs, vous critiquez vivement le commerce équitable (« Max Havelaar® : une marque qui veut se faire label », Que Choisir n° 436, avril 2006.), mais ne trouvez rien à redire au fait que Nestlé ait recours à l’esclavage des enfants dans ses plantations de cacao en Côte d’Ivoire (sources : ONG Global Exchange et Esclavage Encore, « Le goût amer du chocolat ») : le commerce équitable, même critiquable, n’est-il pas à tout prendre préférable à l’esclavage ? Et une nouvelle fois, pourquoi une telle indulgence vis-à-vis de Nestlé ?
Beaucoup moins indulgente que vous, la fondation britannique Breakthrough Breast Cancer qui finance des travaux de recherches sur le cancer a refusé une subvention de Nestlé au motif que « Nestlé met en danger la vie des mères et des enfants en bas âge en encourageant la vente de lait pour bébé en poudre dans les pays en voie de développement » (50). De plus, vos articles figurent en bonne place sur le site Internet (51) des fabricants de pesticides et d’OGM (UIPP) qui se délecte de vos diatribes contre l’agriculture biologique dont le marché et les produits sont selon vous respectivement « gangrené par la fraude » et « parfaitement déséquilibrés tout en arborant le logo AB » : je n’ose vous demander ce que vous pensez du soja bio issu du commerce équitable (52).
25) Pour conclure, j’éprouve la plus grande perplexité en constatant qu’un des membres de l’UFC, Robert Bréont, participe ès qualités, aux côtés de Silvy Auboiron (Danone), Léon Guéguen (INRA, Jouy-en-Josas) et membre du comité scientifique (sic) de Candia, Olivier Picot (Maison du lait), à une conférence destinée à promouvoir les produits laitiers (8 et 9 juin 2006, Les 8èmes entretiens de nutrition, Débat : « Les produits laitiers au coeur d’une polémique ? ») organisée par l’IFN, fondation financée par l’industrie laitière (Danone, Nestlé, fromageries Bel, Unilever, Kraft, Centre interprofessionnel de documentation et d'information laitières). L’UFC est-elle bien dans son rôle en participant à de telles opérations promotionnelles ?
Restant à votre disposition pour toutes informations complémentaires et dans l’attente de vous lire, veuillez agréer, Madame, mes salutations distinguées.
Hervé Berbille
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Références :
(1) Cramer DW et al. Galactose consumption and metabolism in relation to the risk of ovarian cancer. Lancet. 1989 Jul 8;2(8654):66-71.
(2) Larsson SC et al. Milk and lactose intakes and ovarian cancer risk in the Swedish Mammography Cohort. American Journal of Clinical Nutrition. 2004 Nov ; 80(5):1353-7.)
(3) Kesse E, Bertrais S, Astorg P, Jaouen A, Arnault N, Galan P, Hercberg S. Dairy products, calcium and phosphorus intake, and the risk of prostate cancer: results of the French prospective SU.VI.MAX (Supplementation en Vitamines et Mineraux Antioxydants) study. Br J Nutr. 2006 Mar;95(3):539-45.
(4) Sonoda T et al. A case-control study of diet and prostate cancer in Japan: possible protective effect of traditional Japanese diet. Cancer Sci. 2004 Mar;95(3):238-42.)
(5) Park M et al. Consumption of milk and calcium in midlife and the future risk of Parkinson disease. Neurology. 2005 Mar 22;64(6):1047-51.
(6) Chade AR et al. Nongenetic causes of Parkinson's disease. J Neural Transm Suppl. 2006;(70):147-51.
(7) Cerundolo R et al. Identification and concentration of soy phytoestrogens in commercial dog foods. Am J Vet Res. 2004 May;65(5):592-6.).
(8) Quak SH, Tan SP. Use of soy-protein formulas and soyfood for feeding infants and children in Asia. Am J Clin Nutr. 1998 Dec;68(6 Suppl):1444S-1446S.
(9) Messina M. Modern applications for an ancient bean: soybeans and the prevention and treatment of chronic disease. J Nutr. 1995 Mar;125(3 Suppl):567S-569S.
(10) Probst-Hensch et al. (2003). Determinants of Circulating Insulin-like Growth Factor I and Insulin-like Growth Factor Binding Protein 3 Concentrations in a Cohort of Singapore Men and Women. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 12: 739-746.
(11) Setchell KD et al. Exposure of infants to phyto-oestrogens from soy-based infant formula. Lancet. 1997 Jul 5;350(9070):23-7.
(12) Huggett AC et al. Phyto-oestrogens in soy-based infant formula. Lancet. 1997 Sep 13;350(9080):815-6
(13) Slavin JL. Phytoestrogens in breast milk--another advantage of breast-feeding? Clin Chem. 1996 Jun;42(6 Pt 1):841-2.
(14) Isoflavones and Functional Foods Alter the Dominant Intestinal Microbiota in Postmenopausal Women. Thomas Clavel*,, Matteo Fallani*, Patricia Lepage*, Florence Levenez*, Jacinthe Mathey**, Violaine Rochet*, Michèle Sérézat*, Malène Sutren*, Gemma Henderson, Catherine Bennetau-Pelissero, Françoise Tondu, Michael Blaut, Joël Doré*,2 and Véronique Coxam** * Institut National de la Recherche Agronomique, Unité d’Ecologie et de Physiologie du Système Digestif, Jouyen- Josas, France; German Institute of Human Nutrition Potsdam-Rehbruecke, Department of Gastrointestinal Microbiology, Nuthetal, Germany; ** Groupe Ostéoporose, U3M, INRA Theix, Saint Genès-Champanelle,
France; Unité Micronutriments, Reproduction, Santé, ENITA de Bordeaux, Gradignan, France; and Danone Vitapole, Nutrition and Health Research, Palaiseau, France(15) Strom BL et al. Exposure to soy-based formula in infancy and endocrinological and reproductive outcomes in young adulthood. JAMA. 2001 Aug 15;286(7):807-14.
(16) Mitchell JH et al, Effect of a phytoestrogen food supplement on reproductive health in normal males, Clin Sc 2001;100:613-618.
(17) Australia New Zealand Food Authority, Phytoestrogens - an assessment of the potential risks to infants associated with exposure to soy-based infant formula, March 1999.
(18) Kurzer MS, Hormonal effects of soy in premenopausal women and men, J Nutr 2002;132:570S-573S.
(19) Larissa Korde, National Cancer Institute, Frontiers in Cancer Prevention Research.
(20) Coxam V. Prevention of osteopaenia by phyto-oestrogens: animal studies. Br J Nutr. 2003 Jun;89 Suppl 1:S75-85.
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Martin Amis : le dernier des Mohicans
C’est l’écrivain britannique le plus haï. Alors qu’il publie en France un étincelant roman, Chien jaune, et un recueil d’essais où il règle des comptes, Guerre au cliché, Martin Amis est accusé, en Grande-Bretagne, d’être hostile à l’islam. Dans l’entretien exclusif qu’il a accordé à Didier Jacob, il se justifie.
De notre envoyé spécial à Londres
L’intelligence, une invention anglaise ? A lire Martin Amis, ce n’est même plus une question ; c’est l’évidence même. Faites une descente chez le premier libraire, ouvrez l’un des deux livres qu’il publie ces jours-ci. Il y a d’abord l’essai au titre sollersien, Guerre au cliché, qui réunit quelques-uns des articles les plus dévastateurs qu’Amis ait publiés dans la presse britannique. Dans le sulfurique, c’est même ce qu’on fait de mieux.
Amis, qui voue un culte à Saul Bellow et à James Joyce, tient par exemple que Don Quichotte « souffre d’un assez gros défaut : celui d’une illisibilité totale ». Et, pour en finir avec le supposé chef-d’œuvre de Cervantès, il ajoute : « Le géant a un gigantesque problème de poids ; et il est vieux ; et il est gâteux. » Amis ne règle pas ses comptes : il règle son compte au genre humain. John Updike ? « Un nageur olympique dans une baignoire. » Philip Roth ? « Malgré la bêtise croissante des romans de Philip Roth depuis Portnoy et son complexe (1969), la qualité de son écriture n’a cessé de s’améliorer. » Norman Mailer ? « Mailer pense avec les pieds sur terre et écrit tout ce qui lui passe par la tête. Sa prose est émaillée de changements de vitesse, de changements de décor, de cris de ralliement venus du parterre autour du ring : non, oui, OK, frappe comme ça, méfie-toi par là, regarde plus loin, bien, mal, améliore l’expression. »
On laisse au lecteur le soin d’imaginer ce qu’Amis met à Sagan, Crichton, Warhol ou encore Thatcher (« Femmes ! mais est-ce qu’elle en est vraiment une ? »). Une chose est sûre : ils dérouillent.
Un seul individu, à notre connaissance, est cependant capable d’égaler Amis essayiste : c’est Amis romancier. Dans Chien jaune, il décrit une Angleterre au quarante-huitième dessous : un journaliste tocard, Clint Smoker, amant merdique qui habite dans une demi-maison « saturée de pornographie », travaille dans un tabloïd bas de gamme, et cherche à piéger un sportif au bout du rouleau et à le photographier tandis qu’il couche avec une sous-call-girl et cogne sur une ex-petite amie. Ancien acteur, fils de gangster dont il a hérité de la sauvagerie, Xan Meo, lui, reçoit un jour un coup de matraque sur la tête, et il ne s’en remet pas : il devient fou de sexe, veut coucher avec sa femme et avec toutes les autres femmes. Pendant ce temps,on fait chanter Henry England, le roi d’Angleterre : sa fille, la princesse Victoria, a été filmée nue dans sa baignoire et la vidéo commence à circuler sur internet. England n’est pas en reste : il couche avec la fille de l’ambassadeur de Chine, une arrière-petite-fille de concubine impériale.
Chien jaune ? C’est la société britannique mise à nue par ses vicelards, même.L’auteur le plus haï du Royaume-Uni s’était exilé, pendant quelques années, en Amérique du Sud. Il vient de se réinstaller à Londres, au premier étage d’une jolie maison, près de Notting Hill. Intérieur paisible. Œuvres d’art, livres. On attendait un bulldog ; c’est un homme doux, affable, mais qui a toujours le doigt sur la formule. Il vient de publier, dans la presse anglaise, un article sur « l’horreurisme ». Et a été accusé en retour, dans le New Statesman, de considérer l’islam comme un danger pour la civilisation occidentale. Explications (lire l’intégralité de l’entretien dans le blog de Didier Jacob cette semaine).
Le Nouvel Observateur. – Comment votre roman, Chien jaune, a-t-il été accueilli en Grande-Bretagne ?
Martin Amis. – D’une façon très hostile. Je n’ai pas souvenir qu’un livre, dans l’histoire littéraire récente, ait suscité des réactions aussi violentes. Et je ne parle pas seulement de la presse, mais de n’importe quelle personne armée d’un stylo. Ils faisaient tous la queue pour me démolir.
N. O. – Vous ne viviez plus en Grande-Bretagne alors ?
M. Amis. – Je viens de m’y installer de nouveau. J’ai trouvé le pays encore plus mal en point aujourd’hui. On n’y comprend plus la plaisanterie. Pourquoi cette déchéance ? Je me demande si les Anglais n’aiment pas au fond se rabaisser. Il y a une raison historique à cela. Nous avons perdu notre influence, après la Seconde Guerre mondiale, mais nous ne nous sommes jamais considérés comme une nation humiliée. Du coup, ces blessures demeurent, dans l’inconscient de la nation. L’ascension et la chute des peuples provoquent de grands traumatismes.
N. O. – La France aussi n’a-t-elle pas été humiliée ?
M. Amis. – Ça a été même pire. Les Français ont eu à récrire la réalité de la collaboration et à en faire une histoire de la Résistance. Il n’est pas très facile de se débrouiller avec Pétain, Vichy, la déportation de 70 000 juifs… La France doit donc se relever de plus d’humiliation encore.
N. O. – Vous n’avez jamais entretenu de très bonnes relations, ni avec la presse ni avec vos compatriotes.
M. Amis. – C’est vrai. Cela vient peut-être de mon père [l’écrivain Kingsley Amis]. Je suis une sorte de prince Charles ! Mais j’ai publié, dernièrement, un livre qui a été mieux accueilli. Je peux donc dire que la Grande-Bretagne m’aime à nouveau. La vérité, c’est que je ne suis pas en phase avec l’idéologie dominante, qui se nourrit de mots en isme : le « démocratisme », l’égalitarisme, le politiquement correct, une notion d’ailleurs française, à l’origine. Merci beaucoup à la France pour cette heureuse contribution ! Rien ne peut s’opposer, en tout cas, à ce rouleau compresseur idéologique. La démocratie universellement célébrée, comme un ragoût éternellement cuit et recuit. La seule chose qui pourrait nous sauver serait un crash financier. Car ce démocratisme est une idéologie de riches, une idéologie des bons moments. Jamais ce type de discours n’aurait pu se développer pendant la Grande Dépression. On se berce d’illusions. On vit dans un monde de faux-semblants.
N. O. – On vient de vous accuser, dans un journal britannique, de détester l’islam. Qu’en est-il exactement ?
M. Amis. – Une chose est sûre, c’est que les gens, ici, font des courbettes au Pakistan et à l’islam de manière éhontée. Nous en avons tellement peur. L’été dernier, des gens dans la rue, issus des classes moyennes blanches, défilaient avec des banderoles où on pouvait lire : « Nous sommes tous du Hezbollah. » C’était leur réaction à la guerre au Liban, une réaction qui tournait notoirement à l’antisémitisme. Eh bien qu’ils en profitent tant qu’ils le peuvent, parce que le leader du Hezbollah a dit clairement ce qu’il comptait faire de nous. Nous éliminer. Tout comme les djihadistes. Pour ajouter à tous ses charmes, l’islamisme est également impérialiste. Il veut dominer le monde. Mais il y a encore des gens qui ont si peur d’offenser, et qui sont si naïfs, qu’ils s’interrogent sur les raisons de cet impérialisme. La réponse est simple, mais peu de gens ici sont encore parvenus à cette conclusion. C’est que nous avons affaire ici à quelque chose qui n’obéit pas à la raison. Il ne s’agit même pas de se venger d’un crime passé. L’islamisme est millénariste, apocalyptique, totalitaire. Et ça, les gens ne s’y font pas. Ils sont si habitués à penser qu’ils ont tort, parce qu’ils sont blancs, ou britanniques. Et ils ont peur.
N. O. – Mais que reprochez-vous à l’islam ?
M. Amis. – Ce qui est magnifique avec l’islam, c’est sa sévérité. Les autres religions se contentent de demander à leurs fidèles d’aller prier une ou deux fois par semaine. Et c’est bon. L’islam, c’est autre chose. L’islam vous suit partout, au salon, à la cuisine, dans la chambre à coucher. Vous n’êtes jamais seul avec l’islam. Vous devez tourner le dos à La Mecque quand vous déféquez. C’est une religion très peu souriante.
N. O. – Votre roman, Chien jaune, montre une Grande-Bretagne saturée de pornographie.
M. Amis. – Le sujet du livre, c’est « l’obscénification » de la vie ordinaire. La pornographie est maintenant à la surface. Les esprits sont devenus tellement plus sales que par le passé. Et pourtant je pense que l’ère de la pornographie n’a même pas commencé. Il n’est pas absurde de dire que l’éducation sexuelle de nos enfants est maintenant prise en charge par la San Fernando Valley [où l’industrie pornographique prospère aux Etats-Unis].
N. O. – Vous vous sentez meilleur écrivain aujourd’hui qu’à vos débuts ?
M. Amis. – Sans doute. Je perds moins de temps. Autrefois, je pouvais passer des heures à me heurter à un mur sans pouvoir trouver de solution. A présent, je m’assois dans un fauteuil, et je lis un livre. Quand au bout de quelques heures, ou de quelques jours, mes pieds m’emmènent d’eux-mêmes à mon bureau, c’est que je suis enfin prêt. Les écrivains expérimentés savent comment utiliser leur énergie sans la dilapider bêtement.
N. O. – Vous travaillez à un nouveau roman ?
M. Amis. – J’écris un roman très autobiographique, un peu à la manière de Saul Bellow. Nous étions très amis. Bellow a porté le genre à un degré que nul n’avait encore réussi à atteindre. C’est la première fois qu’on touchait à ce point à l’universel en portraiturant des personnes individuelles. J’écris donc un roman sur un écrivain qui écrivait des romans. Ça montre que l’école postmoderne n’est pas complètement morte.
N. O. – Il me semble que le postmoderne n’est pas très apprécié en Grande-Bretagne…
M. Amis. – C’est vrai. Il y a donc des chances que je sois de nouveau détesté ici…
Chien jaune, par Martin Amis, traduit de l’anglais par Bernard Hoepffner, Gallimard, 504 p., 22,50 euros. Egalement chez le même éditeur, Guerre au cliché, traduit de l’anglais par Frédéric Maurin, 510 p., 27,50 euros. Né le 25 août 1949 à Cardiff, Martin Amis a été rédacteur en chef de l’hebdomadaire New Statesman. Il a publié une quinzaine de livres dont London Fields, L’Information, Expérience. Il écrit régulièrement des articles dans la presse britannique.
Didier Jacob
Le Nouvel Observateur - 2200 - 04/01/2007
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Soutien à Robert Redeker
Pétition de soutien en faveur de Redeker :
http://www.petitionredeker.info/index.php?petition=2&pour_voir=oui&lettre=16
Le texte par quoi le scandale arriva :
Voici le texte intégral du philosophe et enseignant Robert Redeker * publié sous forme de tribune dans Le Figaro du 19 septembre 2006 sous le titre "Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ?".
« Les réactions suscitées par l’analyse de Benoît XVI sur l’islam et la violence s’inscrivent dans la tentative menée par cet islam d’étouffer ce que l’Occident a de plus précieux qui n’existe dans aucun pays musulman : la liberté de penser et de s’exprimer.
L’islam essaie d’imposer à l’Europe ses règles : ouverture des piscines à certaines heures exclusivement aux femmes, interdiction de caricaturer cette religion, exigence d’un traitement diététique particulier des enfants musulmans dans les cantines, combat pour le port du voile à l’école, accusation d’islamophobie contre les esprits libres.
Comment expliquer l’interdiction du string à Paris-Plages, cet été ? Étrange fut l’argument avancé : risque de «troubles à l’ordre public». Cela signifiait-il que des bandes de jeunes frustrés risquaient de devenir violents à l’affichage de la beauté ? Ou bien craignait-on des manifestations islamistes, via des brigades de la vertu, aux abords de Paris-Plages ?
Pourtant, la non-interdiction du port du voile dans la rue est, du fait de la réprobation que ce soutien à l’oppression contre les femmes suscite, plus propre à « troubler l’ordre public » que le string. Il n’est pas déplacé de penser que cette interdiction traduit une islamisation des esprits en France, une soumission plus ou moins consciente aux diktats de l’islam.
Ou, à tout le moins, qu’elle résulte de l’insidieuse pression musulmane sur les esprits. Islamisation des esprits : ceux-là même qui s’élevaient contre l’inauguration d’un Parvis Jean-Paul-II à Paris ne s’opposent pas à la construction de mosquées. L’islam tente d’obliger l’Europe à se plier à sa vision de l’homme.
Comme jadis avec le communisme, l’Occident se retrouve sous surveillance idéologique. L’islam se présente, à l’image du défunt communisme, comme une alternative au monde occidental. À l’instar du communisme d’autrefois, l’islam, pour conquérir les esprits, joue sur une corde sensible.
Il se targue d’une légitimité qui trouble la conscience occidentale, attentive à autrui : être la voix des pauvres de la planète. Hier, la voix des pauvres prétendait venir de Moscou, aujourd’hui elle viendrait de La Mecque ! Aujourd’hui à nouveau, des intellectuels incarnent cet oeil du Coran, comme ils incarnaient l’oeil de Moscou hier. Ils excommunient pour islamophobie, comme hier pour anticommunisme.
Dans l’ouverture à autrui, propre à l’Occident, se manifeste une sécularisation du christianisme, dont le fond se résume ainsi : l’autre doit toujours passer avant moi. L’Occidental, héritier du christianisme, est l’être qui met son âme à découvert.
Il prend le risque de passer pour faible. À l’identique de feu le communisme, l’islam tient la générosité, l’ouverture d’esprit, la tolérance, la douceur, la liberté de la femme et des moeurs, les valeurs démocratiques, pour des marques de décadence.
Ce sont des faiblesses qu’il veut exploiter au moyen « d’idiots utiles », les bonnes consciences imbues de bons sentiments, afin d’imposer l’ordre coranique au monde occidental lui-même.
Le Coran est un livre d’inouïe violence. Maxime Rodinson énonce, dans l’Encyclopédia Universalis, quelques vérités aussi importantes que taboues en France. D’une part, « Muhammad révéla à Médine des qualités insoupçonnées de dirigeant politique et de chef militaire (...) Il recourut à la guerre privée, institution courante en Arabie (...) Muhammad envoya bientôt des petits groupes de ses partisans attaquer les caravanes mekkoises, punissant ainsi ses incrédules compatriotes et du même coup acquérant un riche butin ».
D’autre part, « Muhammad profita de ce succès pour éliminer de Médine, en la faisant massacrer, la dernière tribu juive qui y restait, les Qurayza, qu’il accusait d’un comportement suspect ».
Enfin, « après la mort de Khadidja, il épousa une veuve, bonne ménagère, Sawda, et aussi la petite Aisha, qui avait à peine une dizaine d’années. Ses penchants érotiques, longtemps contenus, devaient lui faire contracter concurremment une dizaine de mariages ».
Exaltation de la violence : chef de guerre impitoyable, pillard, massacreur de juifs et polygame, tel se révèle Mahomet à travers le Coran.
De fait, l’Église catholique n’est pas exempte de reproches. Son histoire est jonchée de pages noires, sur lesquelles elle a fait repentance. L’Inquisition, la chasse aux sorcières, l’exécution des philosophes Bruno et Vanini, ces mal-pensants épicuriens, celle, en plein XVIIIe siècle, du chevalier de La Barre pour impiété, ne plaident pas en sa faveur.
Mais ce qui différencie le christianisme de l’islam apparaît : il est toujours possible de retourner les valeurs évangéliques, la douce personne de Jésus contre les dérives de l’Église.
Aucune des fautes de l’Église ne plonge ses racines dans l’Évangile. Jésus est non-violent. Le retour à Jésus est un recours contre les excès de l’institution ecclésiale. Le recours à Mahomet, au contraire, renforce la haine et la violence. Jésus est un maître d’amour, Mahomet un maître de haine.
La lapidation de Satan, chaque année à La Mecque, n’est pas qu’un phénomène superstitieux. Elle ne met pas seulement en scène une foule hystérisée flirtant avec la barbarie. Sa portée est anthropologique. Voilà en effet un rite, auquel chaque musulman est invité à se soumettre, inscrivant la violence comme un devoir sacré au coeur du croyant.
Cette lapidation, s’accompagnant annuellement de la mort par piétinement de quelques fidèles, parfois de plusieurs centaines, est un rituel qui couve la violence archaïque.
Au lieu d’éliminer cette violence archaïque, à l’imitation du judaïsme et du christianisme, en la neutralisant (le judaïsme commence par le refus du sacrifice humain, c’est-à-dire l’entrée dans la civilisation, le christianisme transforme le sacrifice en eucharistie), l’islam lui confectionne un nid, où elle croîtra au chaud.Quand le judaïsme et le christianisme sont des religions dont les rites conjurent la violence, la délégitiment, l’islam est une religion qui, dans son texte sacré même, autant que dans certains de ses rites banals, exalte violence et haine.
Haine et violence habitent le livre dans lequel tout musulman est éduqué, le Coran. Comme aux temps de la guerre froide, violence et intimidation sont les voies utilisées par une idéologie à vocation hégémonique, l’islam, pour poser sa chape de plomb sur le monde.
Benoît XVI en souffre la cruelle expérience. Comme en ces temps-là, il faut appeler l’Occident «le monde libre» par rapport à au monde musulman, et comme en ces temps-là les adversaires de ce «monde libre», fonctionnaires zélés de l’oeil du Coran, pullulent en son sein. »
* Robert Redeker est philosophe. professeur au lycée Pierre-Paul-Riquet à Saint-Orens de Gammeville. Prochain ouvrage à paraître: "Dépression et philosophie" (éditions Pleins Feux).
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Animal mon prochain
De loin, le meilleur article du dossier du Nouvel Observateur consacré aux animaux (Nouvel Observateur, n° 2200) :
« Nos frères d'en bas », par Jacques Julliard
Le XXIe siècle pourrait bien être à la fois celui de la réhabilitation de l'animal et celui de son extinction.
Au train actuel de la disparition des espèces ou de leur réduction à quelques échantillons protégés, l'homme ne tardera pas à se trouver seul avec des saumons d'élevage et des poulets en batterie dans une nature inerte où la disparition des abeilles et autres insectes fera de la pollinisation un problème redoutable.
Certes, les derniers spécimens des espèces sauvages seront respectés, mais à la manière des Indiens de l'Oklahoma naguère : parqués dans des réserves, neutralisés, folklorisés. Descartes et le système industriel auront eu raison d'eux.
L'homme, privé de la compagnie de ses « frères inférieurs » (Michelet), de ses « frères d'en bas » (Clemenceau), de ces « enfants muets de la terre » dont parlent les Orientaux, découvrira trop tard que l'animal ne lui est pas seulement nécessaire pour son alimentation ou pour son travail, mais qu'il est une dimension essentielle de son imaginaire, sans laquelle il est condamné à un solipsisme de l'espèce voisin de la folie.
L'homme coupé de l'animal est comme un couple de tourterelles dans une cage, qui après s'être bécotées en viennent à se battre à mort en transperçant la boîte crânienne de leur partenaire. Ainsi, la reconnaissance de l'homme par l'homme passe par la reconnaissance de l'animal par l'homme.
Significative est la fureur que suscite chez certains toute marque de pitié envers les bêtes ou de solidarité à leur égard ; oui, significative d'une sorte de mauvaise conscience enfouie sous les couches imperméables de la raison raisonnante. Celle qui ne manque jamais de vous dire que Hitler était végétarien, ou encore qu'il est plaisant de s'apitoyer sur un agneau ou un cochon quand les enfants du Bangladesh ou du Mali meurent de faim.
Comme si la compassion, cette « pitié suprême », était dans le coeur de l'homme une denrée en quantité limitée, en sorte que tout ce qui est donné à l'un serait enlevé à l'autre.
Il y a deux fondements, qui souvent se confondent, à cette exceptionnalité dans la nature dont l'homme se prévaut. Le premier, religieux, est fondé sur le fait qu'il est la seule créature formée à l'image de Dieu ; le second, philosophique, est qu'il est le seul être doué de raison : anthropomorphisme dans le premier cas, anthropocentrisme dans l'autre.
Laissons de côté le premier, qui ne concerne qu'une minorité. Mais il n'y a rien de plus contraire à la raison que cette arrogance de la raison. Ou, pour le dire autrement, il n'y a pas de fondement rationnel, ni même raisonnable, à l'idée que la raison soit le seul fondement possible de la dignité d'un être vivant.
Tel est pourtant le crime de l'humanisme envers la nature. Sans aller jusqu'aux excès de la théorie des animaux-machines de Descartes et de Malebranche, théorie foncièrement intellectualiste, pur défi à l'esprit d'expérimentation, la plupart des philosophes occidentaux ont fondé, de Rousseau à Kant et à Nietzsche, cette fameuse exceptionnalité de l'homme au sein de la nature sur ce que Rousseau a nommé sa « perfectibilité ».
Ce que d'aucuns ont rapporté à la station verticale, d'autre à la maîtrise du langage, il le rattache à cette capacité unique, véritable critère distinctif de l'espèce, de s'améliorer grâce à l'apprentissage et à la transmission de ses acquis culturels. Ennemi des effets du progrès, il n'en fait pas moins de lui le propre de l'homme. D'où, malgré les apparences, le pessimisme quasi pascalien de Jean-Jacques...
On s'est longtemps demandé si les bêtes avaient une âme. On se demande aujourd'hui si elles ont des droits. Il y a en effet deux raisons de respecter l'animal : au nom de l'humanité ou au nom de l'animalité.
Dans le premier cas, c'est par égard pour nous-mêmes et pour notre propre espèce que nous nous abstiendrons de lui infliger de mauvais traitements ; dans le second, c'est au nom même de ce qu'ils sont.
Dans le premier cas, nous restons dans le cadre de l'humanisme avec ses deux variantes, la barbare et la bienveillante. Dans le second, c'est au prix d'une relativisation de la place de l'homme dans la nature que nous réintégrons l'animal. Ici, le naturalisme est plus « humain » que l'humanisme, comme en témoignent à des titres divers les visions d'Aristote, de Montaigne, de Maupertuis, de Condillac, de Schopenhauer.
Viendra le moment où l'abominable malentendu qui fait de l'homme un loup pour l'animal sera remis en cause en raison d'une mutation de notre rapport au vivant, fondée sur les progrès de la sensibilité, la prise de conscience de l'écologie, les découvertes de la science que nous présentons dans ce dossier.
L'animal n'est pas que nature, il est aussi culture ! On découvrira alors que l'espécisme, cet impérialisme de l'espèce, est à la base du racisme, cet impérialisme de la race. Ce que Balzac (« Une passion dans le désert »), Hugo (« le Crapaud »), Nerval (« Vers dorés ») ont intuitivement compris, Claude Lévi-Strauss le dit d'une forte et prophétique manière :
« L'homme occidental [...], en s'arrogeant le droit de séparer radicalement l'humanité de l'animalité [...], ouvrait un cycle maudit, et la même frontière, constamment reculée, servirait à écarter des hommes d'autres hommes et à revendiquer au profit de minorités toujours plus restreintes le privilège d'un humanisme corrompu (1). »
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(1) Cité dans l'indispensable grand livre d'Elisabeth de Fontenay, Le Silence des bêtes, Fayard, 1998. A compléter avec l'anthologie Des animaux et des hommes, par Luc Ferry et Claudine Germé, le Livre de Poche, 1994 ; Les animaux ont une histoire, par Robert Delort, Seuil, 1984 ; et Liberté et inquiétude de la vie animale, par Florence Burgat, Kimé, 2006.
Jacques Julliard