Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Colloque INRA-EHESS : "Comment penser le comportement animal" ?

    52830624e58a30eaf6930c4089706a4e.jpg

    COMMENT PENSER LE COMPORTEMENT ANIMAL ?

    Colloque INRA-EHESS


    Résumé

    Colloque INRA/EHESS, sous la responsabilité de Florence BURGAT, philosophe, directeur de recherche à l’INRA, Paris organisé en deux sessions : les 21 et 22 janvier 2008 à l’EHESS, et les 2 et 3 avril 2008 à l’INRA Paris.

    Dire qu’un animal se comporte à l’égard de ce qui l’entoure, qu’est-ce à dire ? Le comportement serait constitué par un type de manifestations qui n’appartiendraient qu’à certains vivants et formerait un flux continu et spontané dont l’étude segmentée détruirait la nature propre. Pourtant, ce sont de brèves séquences comportementales isolées de l’ensemble dans lequel elles s’inscrivent, plongées en outre dans l’univers du laboratoire, que l’on choisit le plus souvent d’étudier. Mais a-t-on encore affaire à un comportement ? Ne l'a-t-on pas ainsi réduit à l'un des éléments qui le composent : les mécanismes physiologiques, le programme génétique, les opérations cognitives, etc. ? A l'opposé de cette perspective, le comportement est compris par les approches phénoménologiques comme l'expression d'une liberté, une relation dialectique avec le milieu, quelque chose " qui se détache de l'ordre de l'en-soi ", selon les termes de Maurice Merleau-Ponty (La Structure du comportement, p. 136). Les liens qui se font jour entre la conception philosophique de l'animal et ses conditions d'observation sont étroits et réciproques.

    Après avoir éclairé les fondements théoriques de ces options, nous aurons à nous interroger sur les raisons de la prédominance des études de laboratoire et des courants de l'éthologie qui en sont issus. On se demandera quel type de bénéfices peut être tiré d'une telle production de connaissances, bénéfices que le choix des espèces à propos desquelles ce type d'observation est conduit est certainement de nature à éclairer. Les enjeux de notre interrogation sont donc aussi moraux et politiques. Il y va en effet des conditions de vie de millions de mammifères et d'oiseaux destinés à  la consommation, dans la mesure où c'est à la biologie du comportement et aux critères physiologiques qu'est confiée la détermination de leurs " besoins éthologiques ".

    Un travail de réflexion sur l'objet que l'on se donne est à construire ; travail épistémologique d'une part, réflexion sur la part idéologique qui peut entrer dans l'étude d'autre part. Une fois ce pas franchi, la question portant cette fois sur les conditions de possibilité de la connaissance du comportement animal apparaît plus clairement. Comment, dès lors, élaborer une éthologie plus juste, tant du point de vue de la compréhension du comportement que de celui des besoins, au sens large, des animaux placés sous la domination de l'homme ?

    ________________________________ 

    Première session : 21-22 janvier 2008 : EHESS, Amphithéâtre, 105 bd Raspail, 75006 Paris

    Lundi 21 janvier 2008

    Ouverture du colloque par Danièle Hervieu-Léger, Présidente de l’EHESS.

    I. Vie et comportement

    Président : Heinz Wismann

    • André Pichot (épistémologue et historien des sciences, chercheur au CNRS, Nancy) : Le comportement et la vie
    • Jean-François Nordmann (philosophe, directeur de programme au Collège international de philosophie et enseignant en classes préparatoires, Paris) :
      Le renversement opéré par Kurt Golstein et par Erwin Straus : le réflexe comme comportement.
    • Pause
    • Elisabeth de Fontenay (philosophe, maître de conférences honoraire de l’université de Paris I) : Ceux que l’animal ne regarde pas.
    • Xavier Guchet (philosophe, maître de conférences à l’université de Paris I) :
      La technicité animale à la lumière de la pensée de Gilbert Simondon
    • Discussion générale

    Mardi 22 janvier 2008

    II. Le problème des conditions d’observation des animaux

    Président : Joseph Bonnemaire

    • Bernard Hubert (écologue, directeur de recherche à l’INRA et directeur d’études à l’EHESS, Paris) : Le comportement animal peut-il nous aider à concevoir un autre regard sur la notion de ressources ?
    • Marion Vicart (doctorante en sociologie, EHESS, Paris) : Le chien : pour une approche socio-éthologique.
    • Robert Dantzer (docteur-Vétérinaire, docteur es-Sciences, psychobiologiste, Professeur de psychoneuroimmunologie à l'université de l'Illinois à Urbana-Champaign) : La parcellisation du comportement, un détour nécessaire pour les sciences du comportement ?
    • Déjeuner

    III. Controverses autour de la notion de comportement

    Président : Bernard Hubert

    • Philippe Devienne (docteur vétérinaire et docteur en philosophie de l’université de Paris IV) : Le comportement douloureux chez l’animal : entre symptômes et critères.
    • Frédéric Joulian (éthologue et anthropologue, maître de conférences à l’EHESS, Marseille) : Nature du comportement et évolution.
    • François Calatayud (éthologue, chargé de recherche, INRA, Toulouse) :
    • Du comportement « fait de Nature » au discours de l'éthologiste. Réflexions sur la place de la subjectivité en éthologie.
    • Discussion générale

    Seconde session : 2-3 avril 2008 : INRA, Amphithéâtre, 147 rue de l’Université, 75007 Paris

    Pré-programme

    Mercredi 2 avril 2008 (après-midi : 14h – 18h)

    Ouverture du colloque par Guy Riba, directeur général délégué de l’INRA

    I. Vie et comportement

    Georges Thinès (psychologue et philosophe, professeur honoraire de l’université de Louvain) : Perspectives phénoménologiques dans l’étude du comportement animal.

    Jacques Dewitte (philosophe, Berlin) : Qu'est qu'un comportement ? Réflexions à partir d'une relecture de Maurice Merleau-Ponty.

    II. Le comportement animal : perspectives historiques et critiques

    Véronique Servais (psychologue, maître de conférences, Institut des Sciences Humaines et Sociales, Université de Liège) : Le rôle de l’anthropomorphisme dans la constitution de l’étude du comportement animal à la fin du XIXème siècle.

    Jenny Litzelmann (doctorante en philosophie, université de Paris I et université de Genève) : Redéfinition des notions d’instinct, d’inné et d’acquis chez Konrad Lorenz.

    Jeudi 3 avril 2008 (toute la journée)

    III. Le problème des conditions d’observation des animaux

    Marion Thomas (historienne des sciences, maître de conférences à l’université Louis Pasteur, Strasbourg) : Entre laboratoire et terrain, les recherches en éthologie et psychologie animale au début du XXe siècle.

    Isabelle Veissier (biologiste, directeur de recherche, INRA, Theix, co-animatrice du réseau AGRI-Bien-être animal) : Le « bien-être animal » : approches théoriques et critères d’évaluation.

    Michel Meuret (écozootechnicien, directeur de recherche, INRA Ecodéveloppement, Avignon) : Faire pâturer des troupeaux sur milieux naturels nécessite un apprentissage croisé du bétail, des éleveurs et des scientifiques.

    Patrick Duncan, [titre à préciser]

    III. Controverses autour de la notion de comportement

    Jean-Pierre Marguénaud (juriste, Professeur à la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Limoges OMIJ) : Le comportement des animaux à la lumière du droit positif.

    Enrique Utria (doctorant en philosophie, université de Rouen) : Être « sujet d’une vie » : un concept central de la pensée de Tom Regan.

    http://calenda.revues.org/nouvelle9657.html

  • Paris : manifestation ordinaire contre Sanofi-Aventis

    d38253c606a3f9a7a34649bf26850094.jpg

    Jeudi le 17/01/2008; Sanofi Aventis, Paris

    En ce moment, Sanofi-Aventis soutient une campagne d'affichage pour la liberté d'expression, en collaboration avec "Reporters Sans Frontières". Étrangement, ces reporters font l'impasse sur le massacre d'animaux perpétré tous les jours par Sanofi et sur les dizaines de milliers d'humains qui sont chaque année victimes de leurs intérêts. Et quand 5 militants viennent aux portes du siège international de Sanofi pour leur balancer cette vérité en pleine face, cette liberté semble ne jamais avoir existé. C'est ce que nous ont fait comprendre les autorités en mettant tout simplement fin à la manifestation au bout de 20 minutes.

    A peine commencé, nous étions déjà sous la menace de 4 fourgons et 1 car, comme si la décision de nous museler avait déjà été prise. Ignorant allègrement notre autorisation de manifester, le commissaire, qui s'était même déplacé pour l'occasion, nous a une seule fois sommé de couper nos mégaphones sans aucune autre raison que l'agacement provoqué par ces mois de campagne.

    Etant dans nos droits, nous avons gardé notre liberté d'expression. C'est ce qui nous a valu un aller au commissariat pour "cris et vociférations sur la voie publique", sous le regard surpris d'un journaliste intéressé par notre combat autant que par les intérêts de Sanofi.

    Nous savons que nous agaçons et dérangeons puisque Sanofi a déjà dit à la Préfecture qu'ils ne voulaient "plus nous voir ni nous entendre" et qu'il y eut une tentative pour nous placer à trois pâtés de maison du bâtiment de Sanofi (trop ridicule pour fonctionner).

    Ils semblent avoir décidé de se débarrasser de nous une fois pour toutes, mais le récent scandale concernant le Rimonabant (interdit à la vente aux USA et bientôt en France), et dont les animaux sont les premières victimes, révèle une fois de plus pourquoi nous serons toujours là.

    http://www.contrevivisection.org/actualites/2008/Januari_2008/FR17_01.htm

  • Conférence-débat à l'ISPP : "Nourrir l'humanité avec humanité"

    c05f4789e8721943ecd00a7d42951a11.jpg

    Le développement de produits d’origine animale (lait, viande, œufs) pour nourrir l’humanité atteint aujourd’hui une ampleur sans précédent. Son impact sur le bien-être animal et l’environnement soulève des questions éthiques qui sont au cœur de nombreux débats actuels. Quels sont les systèmes d’élevage les plus équitables pour les animaux, les hommes, la planète ? Pouvons-nous maintenir durablement les pratiques ordinaires de l’élevage industriel ?

    Une conférence-débat sur cette thématique, organisée par Tribune Pour l’Animal, sera présentée par Dominic Hofbauer (PMAF) le jeudi 17 janvier 2008 à 19h15 à l’Institut de Sciences Politiques de Paris, salle 11, 27 rue Saint-Guillaume, Paris 7e.

    Entrée sur inscription auprès de education@pmaf.org (dans la limite des places disponibles).

  • Luce Lapin commente "Un éternel Tréblinka" de Charles Patterson

    ac6c316af23c17f2b1c23aa0cf335849.jpg

    « Les Puces » de Luce Lapin n°813

    Charlie Hebdo du 16 janvier 2008 (p.14)

    ***

    La condition animale : « Un éternel Treblinka » ?

    Qui d’autre qu’Élisabeth de Fontenay pouvait analyser avec autant d’intelligence, de justesse et de sensibilité ce livre de Charles Patterson sur l’abattage des animaux de boucherie (éd. Calmann-Lévy) dont le titre peut, et veut, certainement volontairement, choquer, sans pour autant pouvoir accuser l’auteur d’antisémitisme ?

    Dans sa critique livrée au journal Le Monde le 11 janvier dernier (à consulter dans son entier sur le site http://www.lemonde.fr), la philosophe explique « qu’il ne s’agit pas là d’une outrance irresponsable », et que Patterson, « chapitre après chapitre », nous force à une prise de conscience de « cette violence banale, légale […], que sa technicité industrielle et son obnubilation par le profit rendent doublement inhumaine : vis-à-vis des bêtes qu’on transporte, qu’on parque, puis qu’on abat », et, précision capitale, « vis-à-vis des hommes qu’on exerce à l’insensibilité ». Quant au rapprochement entre les camps nazis et les abattoirs, Mme de Fontenay en explique ainsi la probable justification : « C’est dans les Union Stock Yards, gigantesque réseau de parcs à bestiaux et d’abattoirs, installés au sud de Chicago, qu’Henry Ford en 1922 eut la révélation de la chaîne de production dont il fit le modèle d’organisation du travail […]. Or c’est le même homme qui fut à l’époque l’instigateur de textes antijuifs virulents et le propagateur du pamphlet antisémite Les Protocoles des sages de Sion. Au commencement du pire, il y aurait donc eu comme une connexion entre l’antisémitisme génocidaire et la division du travail d’abattage. De Chicago à Treblinka, la conséquence serait implacable. »

    Chaque jour, rien qu’en France, 3 millions d’animaux (mammifères, oiseaux), soit plus de 1 milliard par an, sont tués dans les abattoirs, et plusieurs tonnes de poissons meurent asphyxiés dans les filets.

    • Élisabeth de Fontenay est signataire de la pétition du CRAC (Comité radicalement anticorrida) pour l’abolition de la corrida, et a écrit dernièrement dans Le Libé des philosophes (Libération du 8 novembre 2007) sur l’Apologie de la corrida : retour sur une maltraitance festive. Elle est l’auteure du Silence des bêtes, la philosophie à l’épreuve de l’animalité (Fayard, 1998).

    Animauzine, vite !

    Inscrivez-vous ! Depuis 2003, la cause animale a un site : http://www.animauzine.net, créé par des militants actifs, dont Sébastien Arsac, président de Stop Gavage et de L214— eh oui, on les retrouve tous partout, et c’est une (très) bonne chose. On peut y échanger des infos et lire des textes — dont quelques « Puces » par-ci par-là, vous n’en serez pas étonnés. Il existe sur le Net énormément de cyberespaces (sites, forums, listes de discussion, blogs...), et Animauzine en est une porte d’accès. J’espère vivement qu’il deviendra une référence en matière de protection animale. Ses fondateurs le méritent largement. Un grand bravo, notamment à toi, Sébastien.

    Luce Lapin

    lucelapin@charliehebdo.fr

  • Chiquilín ou la repentance du bourreau

    247384835bb25e6428e29c3209f4b03c.jpg

    Repentance et corrida : l'horreur d'une barbarie festive

    Après avoir voué toute sa vie à la corrida et avoir tué plus de 500 taureaux au cours de sa carrière, Chiquilín, alias Rafael Jiménez González, torero de Cordoue, est en plein repentir et parle de l'amour dont peuvent témoigner nos amis « les bêtes ».

    « Désormais, je ne puis supporter d’assister à une mise à mort, les animaux ressentent la douleur et souffrent comme nous, les taureaux nous regardent comme avec un air de gentillesse. Maintenant j’ai pitié d’eux et je ne serai plus capable de tuer un taureau. Il m’en a coûté de porter mes dernières estocades quand j’ai compris la bonté de l’animal. Une fois, un taureau qui me tenait au sol, me regarda puis m’épargna. J’ai vu des taureaux pleurer. C’est une chienne que j’ai depuis huit ans et qui m’a incité à un nouveau regard vis-à-vis des animaux. Avant, j’allais à la chasse très souvent, mais maintenant je suis incapable de tuer une mouche. L’autre jour, un grillon m’a empêché de dormir une partie de la nuit, jusqu’à ce que je me lève et le découvre dans un pot de fleur. Je l’ai observé et je l’ai sorti. Il s’est passé quelque chose de très curieux dans mon rapport avec tous les animaux. »

    (D’après un article dans le journal espagnol ABC du 28 octobre 2007)

    La tauromachie : une barbarie festive

    « Il m’a toujours semblé que lorsque le taureau était tué, une part même d’humanité périssait avec l’animal. » Angelo Rinaldi

    La puissance du taureau a toujours fasciné l'homme et bien des cultures ont sublimé le sacrifice du noble animal, mi-bœuf, mi-fauve, selon des rites collectifs ou initiatiques. Transfuge contemporain des jeux du cirque, la corrida moderne doit ses fondements aux divertissements taurins médiévaux, organisés pour divertir la noblesse espagnole. Bien qu’en appelant à des critères strictement païens, cette boucherie sanguinaire fait bon ménage avec le christianisme affiché par l’Espagne la plus conservatrice.

    De nos jours, on compte un torero tué pour 33 000 taureaux. Le risque de périr dans l’arène est donc quasiment nul pour le bourreau. À titre d’exemple comparatif, l’éventualité pour un patient de succomber à une anesthésie générale est de 1 pour 8000… Le taureau, quant à lui, n’a aucune chance, c’est clair. En Espagne, un cachet de 200 000 euros n’est pas exceptionnel pour un torero de renom. Depuis le XVIIIe siècle, et pour des millions taureaux mis à mort, les chiffres de la nécrologie tauromachique ne révèlent que 55 matadors, 111 novilleros, 59 picadors et 120 bandilleros tués dans l’arène. Quant au cheval, compagnon d’infortune du taureau, le caparaçon ne protégeant pas l’abdomen, il fini souvent éventré. Les yeux bandés, entre un mors sévère et des éperons acérés, la plus belle « conquête » de l’homme (l’expression révèle l’état d’esprit !) supporte un purgatoire. Ces chiffres tant disparates sont expliqués tant par le formatage des animaux, que par le panel de manigances qui président au combat. Vierge de toute intervention dans son patrimoine génétique, le taureau sauvage pèse plus de 600 kg et sa puissance le rend inabordable. Dès la fin du XIXe siècle, des élevages spécialisés parviennent à produire une race plus inoffensive et ne pesant que 400 kg. L’apprentissage au combat consiste à faire endurer au jeune animal une série de tests sélectifs et souvent cruels. Les taureaux « recalés » deviendront souffre-douleur pour l’entraînement des candidats matadors, ou prendront le chemin des fêtes populaires barbares. Les plus dignes subiront la préparation cosmétique susceptible d’épargner les hommes qui feront semblant de les affronter. Tout d’abord, le rite de l’afeitado qui veut que l’on scie 5 à 10 cm de corne. La mutilation qui dure une demi-heure consiste à repousser la matière innervée (telle celle d’une dent) vers sa racine et à reconstituer la pointe en résine synthétique qui sera poncée, puis vernie. Les sabots sont limés et incisés afin d’y encastrer entre les onglons des coins de bois. Le « grand jour » du combat arrivé, les yeux du taureau sont enduits de vaseline afin de lui faire perdre le sens de l’orientation, puis on lui administre tranquillisants, paralysants et hypnotisants. La brûlure causée par l’essence de térébenthine dont on enduit ses pattes fait qu’il n’aura de cesse de s’agiter. Des aiguilles dans les testicules l’empêcheront de se coucher, du coton au fond des narines lui rendra la respiration pénible, on lui inflige des coups de planche sur l’échine et les reins, plusieurs dizaines de fois on lui bombarde les reins de sacs de sable de 100 kg. Le reste n’est plus que l’épouvantable torture qui pendant vingt minutes va mettre en émoi les pires instincts d’un public aussi fat que de mauvaise éducation.

    La fanfare fait retentir son minable paso doble, la cuadrilla des « poupées aux costumes de papier » (Francis Cabrel) fait crânement son entrée dans les arènes, « Un peu de sable du soleil et des planches / Un peu de sang pour faire un peu de boue. » (Jacques Brel), le spectacle affligeant peut commencer ! Le protocole est quasiment toujours le même : les peones affolent, essoufflent et fatiguent l’animal. Les deux picadors le lardent de leurs longues piques plantées entre les quatrième et septième vertèbres dorsales, afin de toucher les muscles du cou, puis entre les quatrième et sixième vertèbres cervicales pour sectionner les ligaments de la nuque. Chaque pique pénètre à 15 cm jusqu’à huit fois de suite. C’est un travail d’artiste-boucher… L’animal gardant la tête baissée donne une impression de bravoure et les spectateurs l’imaginent prêt à charger, alors qu’il est déjà à moitié décapité. Arrivent ces harpons de 5 cm que sont les banderilles. L’objectif est de laisser le sang s’évacuer et d’empêcher une hémorragie interne mettant une fin précoce au « beau » spectacle. Quand les trois paires de banderilles sont plantées et que le bain de sang est à son comble, arrive le tercio, le dernier acte, celui de la mort du loyal animal. Une faena de muleta habile et raffinée annonce la mort prochaine. Avec des poses efféminées que l’Église réprouve (!), le matador porte l’estocade. Le premier coup est la plupart du temps raté et l’épée mal plantée dans le garrot ne fait que transpercer un poumon ou ressort par les flancs. Les taureaux peuvent recevoir jusqu’à dix coups d’épées avant de « mordre la poussière ». Un peon lui assénera le coup de grâce, un poignard planté dans la nuque sectionnant la moelle épinière. Encore secoué de spasmes, le corps du taureau est tiré par un attelage, précédé d’un tour de piste en cas de corrida « réussie ». Sous une pluie de fleurs, la « danseuse » exhibe fièrement les oreilles et la queue coupées. En transes, le public d’aficionados est en complet délire. Le raffinement de l’ « humanerie » est à son apogée. Six taureaux se succèdent ainsi lors de chaque lidia (corrida). « Ah! / Est-ce qu'en tombant à terre / Les toros rêvent d'un enfer / Où brûleraient hommes et toreros défunts ? » (Jacques Brel)

    Les corridas en Espagne, au Portugal et en France

    Dans les années 1960, il y avait en Espagne 400 corridas par an. Leur nombre actuel évolue autour de 1 600 ! Ceux qui pensaient qu’il s’agissait d’un spectacle franquiste, à savoir instrumentalisé par le dictateur pour amuser les foules frustrées, ont eu tout faux. La barbarie la plus primitive triomphe encore dans la jeune démocratie et les citoyens libres d’aujourd’hui n’ont rien gagné en dignité et en conscience par rapport aux sujets opprimés d’hier. Mais il est rapporté qu’aujourd’hui seul un quart de la population espagnole resterait fidèle à l’innommable fête. La majorité des Ministres du gouvernement Zapatero serait disposée à édulcorer la « fête nationale » en interdisant la mise à mort par estocade en public. L’Espagne suivrait alors l’exemple du Portugal où, au terme de la corrida, le taureau est tué hors plaza. On baisse d’un cran dans l’horreur. Le combat du gouvernement socialiste en faveur du statut des animaux, depuis si longtemps persécutés dans ce pays, s’est déjà illustré par l’adhésion, non transformée, au projet Grands singes, par la prohibition des combats de coqs et de chiens, par le durcissement des peines de prison à l’encontre des bourreaux d’animaux. La tradition taurine n’est pas partout dans la Péninsule aussi bien ancrée : Barcelone s’est autoproclamée ville antitaurine depuis 2004. Mais les Catalans sont-ils Espagnols ? Moins que les Nîmois, semble-t-il !

    La Francene compte guère plus de 5 000 énergumènes amateurs de corrida, essentiellement dans les villes dites taurines du Sud-Ouest, là où, selon Claude Nougaro, l’Espagne « pousse un peu sa corne ». Bien qu’interdite par la Loi Grammont depuis 1850, pour combler le déficit de ses activités coupables, la filière « tauro-machiste » profiterait indûment des subventions agricoles européennes à destination des bovins mâles et des vaches allaitantes. Les élevages français de taureaux destinés aux corridas présentant l’avantage de ne pas être identifiés comme tels, l’estimation des subventions ainsi « détournées » n’est pas facile à calculer. Selon l’Anti Bullfighting Committee Belgium, elle atteindrait 2 millions d’euros.

    L'abandon et les tortures chez les chiens de chasse

    L'indignation légitime contre la corrida espagnole ne doit pas servir à cacher d'autres pratiques et traditions qui ne sont pas davantage à l'honneur d'un État de notre communauté. Un secteur traditionnel de chasseurs espagnols, les galgueros, pratique la chasse avec lévriers. D'autres lévriers courent dans des épreuves non officielles avec des paris engagés. Après ses jeunes années (deux-trois ans), le galgo cesse d'être « utile » et en aucun cas les propriétaires n'envisagent d'assurer à leur compagnon une retraite heureuse. Qui plus est lorsque le brave chien a « déshonoré son maître » par son inaptitude à courser le lièvre ou par un mauvais score lors des compétitions. Nous sommes au pays de l'honneur ! Absolument dépréciés en Espagne, nullement considérés comme chiens de compagnie, les lévriers sont relégués au rang de matériel jetable, ils sont bons à éliminer quand jugés... en fin de course. Même les refuges ne peuvent les proposer à l'adoption et s'ils les recueillent, c'est en qualité d'anti-chambre de la mort. Alors, les « utilisateurs » de galgos les fusillent, les brûlent, les mutilent avant de s'en débarrasser sur une décharge, les pendent, les balancent dans des puits ou les abandonnent massivement (10 000 abandons annuels). Il est difficile de comprendre que l'on puisse abandonner son chien, mais qu'on lui impose des tortures raffinées et des sévices sadiques auparavant relève alors d'une psychopathie collective, pour ne pas dire toute nationale. Et pourtant, d'innombrables lévriers sont retrouvés éborgnés, pendus les pattes frôlant à peine le sol afin que la mort tarde, ou agonisant sur des bords d'autoroutes avec une patte volontairement brisée. Telle est, en Espagne, la mort cauchemardesque des lévriers, ces non-chiens dont la courte vie peuplée de brutalités « inhumaines » aura été un pénible purgatoire. Ici, d’étranges hommes ont promulgué l’apartheid dans le monde canin.

    Michel Tarrier

    http://www.notre-planete.info/actualites/actu_1504_repentance_corrida.php

  • Le Monde : Elisabeth de Fontenay commente "Un éternel Tréblinka" de l'historien américain Charles Patterson

    4d7668142bac623de73c58ac782bf1d7.jpg

    Critique

    Charles Patterson : l'abattage, un laboratoire de la barbarie

    LE MONDE DES LIVRES | 10.01.08 | 13h00


    Des Etats-Unis nous vient un livre qui semble arriver à point nommé pour conforter tous ceux qui dénoncent le principe même d'un droit des animaux et pensent que les thèses de la "libération animale" devaient immanquablement conduire à des dérapages scandaleux. Comment ne pas être en effet choqué par ce titre, Un éternel Treblinka, que l'historien américain Charles Patterson a osé donner à un livre sur la condition animale ?

    Pourtant, chapitre après chapitre, on comprend qu'il ne s'agit pas là d'une outrance irresponsable : sans nous faire grâce du moindre détail, l'auteur nous oblige à accompagner l'effroyable parcours qui aboutit à la tuerie des animaux de boucherie, ce processus qui s'effectue à la fois en marge et au coeur des sociétés industrielles. Il veut obliger nos contemporains à prendre connaissance de cette violence banale, légale que des directives encadrent, certes, mais que sa technicité industrielle et son obnubilation par le profit rendent doublement inhumaine : vis-à-vis des bêtes qu'on transporte, qu'on parque, puis qu'on abat, et vis-à-vis des hommes qu'on exerce à l'insensibilité.

    COMMENCEMENT DU PIRE

    De ce processus industriel, Patterson propose une genèse surprenante qu'étayent quelques rappels historiques. C'est dans les Union Stock Yards, gigantesque réseau de parcs à bestiaux et d'abattoirs, installés au sud de Chicago, reliés par des centaines de kilomètres de voies ferrées, qu'Henry Ford en 1922 eut la révélation de la chaîne de production dont il fit le modèle d'organisation du travail, auquel il a attaché son nom. Or c'est le même homme qui fut à l'époque l'instigateur de textes antijuifs virulents et le propagateur du pamphlet antisémite Les Protocoles des sages de Sion. Au commencement du pire, il y aurait donc eu comme une connexion entre l'antisémitisme génocidaire et la division du travail d'abattage. De Chicago à Treblinka, la conséquence serait implacable.

    Patterson dénonce en outre la mise en pratique par les Américains, dans l'entre-deux-guerres, de l'hygiène raciale et de ce qu'on nommait "l'eugénisme des familles", qui reproduisait les techniques de sélection ayant cours dans l'élevage des animaux, et qui fit de féroces disciples chez les nazis. En un mot, la rationalisation de la zootechnie et de l'abattage devait nécessairement aboutir à une "anthropotechnie" exterminatrice, celle-là même que les hitlériens menèrent à bien. Entre les procédés mis en oeuvre dans le traitement des animaux et celui d'hommes préalablement animalisés, il y aurait une rigoureuse similitude.

    Si l'argumentation peut sembler forcée, c'est qu'elle prétend à la scientificité et qu'elle pèche le plus souvent par naïveté conceptuelle. La lecture de descriptions atroces, inoubliables, aurait pu suffire : ces récits pèsent plus lourd que toute démonstration, ils parlent d'eux-mêmes et emportent une sorte d'intime conviction, celle dont Patterson a recueilli le témoignage auprès de nombreux juifs marqués par l'extermination. Tous disent qu'ils ont un jour ressenti la certitude d'une communauté de sort entre les victimes de ce génocide et les animaux de boucherie conduits à la mort.

    On peut ne pas être d'accord avec cette manière emphatiquement analogique de dénoncer les pratiques de transport et d'abattage. Et pourtant, on aurait tort de reprocher à Patterson de banaliser la destruction des juifs d'Europe. Il s'est instruit à Yad Vashem et il ne cesse d'affirmer l'unicité de ce meurtre de masse. Sa dénonciation s'ancre dans l'oeuvre d'Isaac Bashevis Singer, dont les livres, entièrement consacrés à décrire la singularité juive d'Europe centrale, sont en même temps hantés par le calvaire infligé aux bêtes destinées à l'alimentation. "Pour ces créatures, tous les humains sont des nazis ; pour les animaux, c'est un éternel Treblinka", écrit I.B. Singer : c'est donc une partie de cette phrase qui constitue le titre du livre de Patterson. Et il ne faudrait pas oublier que beaucoup d'auteurs juifs d'après 1945 ont osé la comparaison : Adorno et Horkheimer, Derrida, Canetti, Grossman, Gary, entre autres, ont été obsédés par la douleur animale et par sa proximité avec la souffrance des persécutions par les nazis.

    Que faut-il faire pour que nous devenions moins inhumains avec les bêtes ? Le radicalisme de la réponse végétarienne préconisée par Patterson ne saurait convenir à tous. Mais il nous appartient à tous d'inventer une politique humaniste du vivant non humain.


    UN ÉTERNEL TREBLINKA (ETERNAL TREBLINKA) de Charles Patterson. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Dominique Letellier. Calmann-Lévy , 334 p., 20,50 €.

    Elisabeth de Fontenay

  • La phrase du jour : Albert Schweitzer

    3a630f7b74020074fb2af427a5a54a53.jpg

    « Que l'éthique, dès lors que l'on reconnaît le principe de l'amour, échappe à toute réglementation, on serait tenté de se le dissimuler, s'il était vrai que ce principe ne s'applique qu'aux hommes. Mais si l'on s'accorde à l'étendre à toutes les créatures, on admettra du même coup que l'éthique n'a pas de limites et on ne pourra plus se refuser à l'évidence que, de par son essence, elle nous charge de responsabilités et de devoirs sans fin. »

    Albert Schweitzer

  • Charles Patterson : parution d'"Un éternel Treblinka" en France

    794e1855b83be4b0d9e5b7d87b6d1eed.jpg

    La souffrance des animaux, leur sensibilité d’êtres vivants, est un des plus vieux tabous de l’homme. Dans ce livre iconoclaste – que certains considéreront même comme scandaleux –, mais courageux et novateur, l’historien américain Charles Patterson s’intéresse au douloureux rapport entre l’homme et l’animal depuis la création du monde. 

    Il soutient la thèse selon laquelle l’oppression des animaux sert de modèle à toute forme d’oppression, et la « bestialisation » de l’opprimé est une étape obligée sur le chemin de son anéantissement. Après avoir décrit l’adoption du travail à la chaîne dans les abattoirs de Chicago, il note que Henry Ford s’en inspira pour la fabrication de ses automobiles. Ce dernier, antisémite virulent et gros contributeur au parti nazi dans les années 30, fut même remercié par Hitler dans Mein Kampf. Quelques années plus tard, on devait retrouver cette organisation du « travail » dans les camps d’extermination nazis, où des méthodes étrangement similaires furent mises en œuvre pour tétaniser les victimes, leur faire perdre leurs repères et découper en tâches simples et répétitives le meurtre de masse de façon à banaliser le geste des assassins. 

    Un tel rapprochement est lui-même tabou, étant entendu une fois pour toutes que la Shoah est unique. Pourtant, l’auteur yiddish et prix Nobel de littérature Isaac Bashevis Singer (qui a écrit, dans une nouvelle dont le titre de ce livre est tiré, « pour ces créatures, tous les humains sont des nazis ») fut le premier à oser la comparaison entre le sort réservé aux animaux d’élevage et celui que les hommes ont fait subir à leurs semblables pendant la Shoah. 

    S’inspirant de son combat, Patterson dénonce la façon dont l’homme s’est imposé comme « l’espèce des seigneurs », s’arrogeant le droit d’exterminer ou de réduire à l’esclavage les autres espèces, et conclut son essai par un hommage aux défenseurs de la cause animale, y compris Isaac Bashevis Singer lui-même.

    « Le livre de Charles Patterson pèsera lourd pour redresser les torts terribles que les hommes, au fil de l’histoire, ont infligés aux animaux. Je vous incite vivement à le lire et à réfléchir à son important message. » Jane Goodall, primatologue.

    « Le défi moral posé par Un éternel Treblinka en fait un livre indispensable pour celui qui cherche à explorer la leçon universelle de la Shoah. » Maariv, journal israélien.

    http://www.editions-calmann-levy.com/livre/titre-292860-Un-eternel-Treblinka.html