Le 8 septembre, Isabelle Durant, vice-présidente du Parlement européen, eurodéputée du Groupe des Verts/ALE (Alliance Libre Européenne), avait déposé trois amendements visant à limiter les tests sur les animaux.
Ils furent tous rejetés.
Le jour même a eu lieu le vote (approuvé, lui, en dix minutes…) concernant la révision de la directive 86/609 du 24 novembre 1986 sur la « protection » (guillemets indispensables) des animaux qui subissent de multiples expériences, douloureuses et mortelles, dans le silence des labos.
À en croire les médias, « unanimes » et tout autant naïfs, ou feignant de l’être, les avancées seraient considérables.
On se dit, ça y est, l’étape suivante, qui mettra fin, pour de bon cette fois, à l’expérimentation animale, est proche.
Moins d’animaux, moins d’expériences, moins de peur, moins de douleur ?
Vu de près, et il faut se donner la peine de lire entre les lignes, c’est beaucoup moins joyeux.
Interdiction annoncée des expériences sur les grands singes — chimpanzés, gorilles, orang-outans - … mais pas totale.
Car, dès qu’on gratte un peu : une « clause de sauvegarde » la contredit, dès lors qu’il s’agit de « sauver l’humanité ».
André Ménache, vétérinaire, directeur d’Antidote Europe, me cite l’article 55 de la révision :
« Lorsqu’un État membre a des motifs valables d’estimer qu’une action est essentielle aux fins de la conservation de l’espèce ou du fait de l’apparition imprévue, chez l’homme, d’une affection clinique invalidante ou potentiellement mortelle, il peut autoriser l’utilisation de grands singes. »
On « estimera »…
Quant aux primates, leur utilisation sera restreinte, mais à peine.
Pour le Dr Ménache, c’est une aberration :
« Une grande majorité de citoyens de l’Union européenne est contre presque toutes les expériences sur les primates.
Qui plus est, le résultat d’un sondage officiel de l’UE en 2005 a montré que 82 % des citoyens pensent que nous avons le devoir de protéger les droits des animaux à n’importe quel prix.
Cinq ans plus tard, ce triste vote concernant la révision de la directive n’a pas encore réussi à traduire ce clair consensus de la société en une loi. »
Chats, chiens et autres espèces, on continue.
Utilisation maximale des méthodes de substitution — mais néanmoins considérées comme des « initiatives facultatives » — partout où elles sont possibles, « douleur et souffrance […] réduites au minimum » — il se situe où, le minimum ?
Pour John Dalli, commissaire européen :
« Cette nouvelle loi européenne a l’ambition de mettre l’UE “à la pointe dans la protection animale” » — il la voit où, « la pointe » ?
Au contraire, pour One Voice (www.onevoice-ear.org), cette directive « marque un grand pas en arrière pour la recherche européenne.
C’est une source d’inquiétude quant au sort des [12] millions d’animaux sacrifiés [chaque année].
Le public européen serait choqué de connaître le détail des expériences et le degré de douleur qui seront toujours autorisés ».
Pour André Ménache, le plus choquant, dans cette directive, « est le fait qu’elle se moque du public et de la souffrance animale.
Mais il faut comprendre et connaître la loi européenne.
Cette directive est plutôt ciblée sur la recherche fondamentale, c'est-à-dire qu’elle concerne des projets n’apportant aucun bénéfice direct à la santé humaine.
En réalité, les chances que l’homme puisse bénéficier de ces études découlant de l’animal sont extrêmement faibles.
De plus, il n’y a aucune exigence juridique qui oblige les chercheurs à utiliser des animaux en recherche fondamentale.
La société laisse au chercheur individuel la possibilité de décider ou non d’utiliser des animaux ou des méthodes non animales.
Cependant, les chercheurs qui utilisent des animaux ont bénéficié d’une immunité quasi totale, les dispensant d’explications envers le public et les protégeant des récusations scientifiques.
Il faut se demander : les chercheurs utilisant des animaux ont-ils vraiment été honnêtes ?
N’auraient-ils pas pu surévaluer l’importance de leurs travaux afin de conserver leurs subventions et la faveur du public ? »
À quel moment les méthodes alternatives sont-elles appliquées à la place de celles utilisant des animaux, qui décide, et pourquoi n’avance-t-on pas plus vite dans la recherche et l’application de ces méthodes ?
« Selon la Commission européenne, seules les méthodes alternatives qui ont subi la validation peuvent remplacer les tests sur animaux.
Le responsable de ce travail est le CEVMA, Centre européen pour la validation des méthodes alternatives, qui existe depuis 1992.
Jusqu'à présent, ils n'ont validé qu'environ trente méthodes alternatives.
Mais attention !
La plupart de ces méthodes prétendument “alternatives” utilisent quand même souvent des animaux ou leurs cellules.
C’est-à-dire que, pour la Commission européenne, une méthode qui utilise et qui tue quinze animaux au lieu de vingt est considérée comme “méthode alternative”!
Le public a été donc dupé encore une fois, en croyant que méthode alternative = méthode non animale.
Pas du tout !
Cela signifie que le CEVMA n’applique que 2 R sur les 3 R (Remplacement, Réduction, Raffinement, en ignorant presque le Remplacement), alors que pour nous la seule méthode valable est justement le Remplacement.
Les comités d'éthique universitaires font confiance à leurs chercheurs pour utiliser des méthodes de substitution, mais ils n'insistent pas trop non plus.
Prenons l’exemple d'un chercheur qui a pratiqué des essais sur les singes pendant vingt ans.
Il ne va pas commencer à utiliser les méthodes d'imagerie non invasives chez l’homme, puisqu'il connaît seulement les singes…
À moins que l’opinion publique ne l’oblige à changer ses mauvaises habitudes. »
Le terme « méthodes substitutives » est-il plus juste que « méthodes alternatives » ?
« C’est tout de même préférable d’employer “méthodes substitutives”, mais le mieux est encore de parler de “méthodes non animales”. »
• www.antidote-europe.org
• Photo: Adrien Evangelista
Luce Lapin
19 septembre 2010
lucelapin@charliehebdo.fr
• À LIRE dans «Les Puces» du journal (Charlie Hebdo du 22 septembre).
Dans les cages d’expérimentation, des jouets pour le « matériel de laboratoire » : entre deux séances de « festivités », le chien ira chercher la baballe.
La bonne conscience des vivisecteurs, on n’en veut pas !
http://www.charliehebdo.fr/vivisection