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Littérature, Philosophie - Page 32

  • Arne Naess (1912 - 2009) : décès du fondateur de la "deep ecology" (par Hicham-Stéphane Afeissa)

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    Dans la préface des mélanges offerts à Arne Naess en 1982 à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire, Ingemund Gullvag et Jon Wetlesen attiraient l’attention sur ce qui constituait, à leurs yeux, la spécificité de la recherche philosophique qu’Arne Naess aura conduite durant des décennies, tout en justifiant par la même occasion le beau titre – In Sceptical Wonder – donné à leur ouvrage d’hommage collectif :

    "Selon le mot bien connu d’Aristote, la philosophie commence avec l’étonnement.

    Il semble toutefois que de nombreux philosophes cessent bien vite de s’étonner, et se soucient plus de certaines réponses, qui leur sont particulières, que des questions qui les ont engendrées.

    Mais il est d’autres philosophes qui réussissent à maintenir en éveil leur étonnement, à interroger les anciennes réponses et à en poser de nouvelles.

    Ceux-là se distinguent par une certaine disposition d’esprit, une inclination au scepticisme, et plus particulièrement au scepticisme de l’école des pyrrhoniens, les zetetaï comme ils aimaient à s’appeler eux-mêmes, c’est-à-dire "ceux qui cherchent" ou encore "ceux qui interrogent"."

    L’homme qui est mort ce lundi 12 janvier 2009 à l’âge de quatre-vingt-seize ans était incontestablement de cette race là – très rare – de philosophes.

    S’étonnera-t-on d’apprendre que lorsqu’il fonda en 1958 une revue interdisciplinaire de philosophie et de recherches en sciences sociales, qu’il dirigera seul pendant plus de quinze ans en la hissant au rang des meilleures revues scientifiques européennes, il songea d’abord à l’intituler Zetetikos, avant d’opter pour Inquiry ?

    Chercheur, Naess l’aura été infatigablement tout au long de sa vie, de la même manière qu’il aura été un célèbre alpiniste ne reculant devant aucune difficulté ni aucune prise de risque
    .

    Né en 1912, le jeune Arne Naess se fera connaître du monde philosophique sans avoir encore rien publié en participant au titre d’auditeur libre aux séminaires du Cercle de Vienne animés par Friedrich Waismann et Moritz Schlick, où le brio de ses interventions lui donnera rapidement la réputation d’être "la nouvelle comète du firmament philosophique"
    .

    Familier de l’empirisme logique pendant plusieurs années, Naess ne reprendra pourtant jamais à son compte les thèses de cette école de pensée.

    C’est bien plutôt contre elle qu’il forgera ses premières armes en élaborant une alternative à l’approche atomiste du langage, défendue par le jeune Wittgenstein et Russell, à laquelle il donnera plus tard le nom d’"empirisme sémantique", voulant désigner par là une étude des multiples manières dont le langage peut servir dans des contextes particuliers .

    Après avoir soutenu sa thèse de doctorat à Vienne en 1936, Arne Naess reprendra la route de sa Norvège natale où il se verra confier, à l’âge de vingt-sept ans, la chaire de philosophie de l’université d’Oslo.

    Il occupera ce poste jusqu’en 1963, devenant ainsi pour longtemps l’unique professeur de philosophie du pays. Comme le note l’un de ses biographes :

    "Le milieu philosophique institutionnel en Norvège après la Seconde Guerre mondiale a été, dans une très large mesure, créé et durablement influencé par un homme et un seul : Arne Naess.

    Les recherches en sciences sociales qui se sont développées dans ce pays après la guerre lui doivent également beaucoup.

    Ses travaux, mais aussi son influence personnelle, ont créé un nouveau climat, favorable aussi bien à la philosophie qu’aux sciences sociales.

    L’on peut bien dire que c’est en fait toute une génération d’étudiants qui, d’une manière ou d’une autre, est redevable à Arne Naess, car c’est lui qui a mis en place et défini le système d’examen exigeant de tous les étudiants, quel que soit leur cursus, qu’ils passent des examens en philosophie (en logique et en histoire de la philosophie).

    Arne Naess est ainsi à l’origine de toute une "culture académique" dont il est difficile d’évaluer le rayonnement si l’on n’a pas reçu une formation au sein de l’institution universitaire norvégienne."

    De ce rayonnement, il est toutefois possible de se faire une idée au regard de la trentaine de livres et des centaines d’articles qu’Arne Naess nous a laissés et qui ont été traduits et publiés en une demi-douzaine de langues
    .

    Spécialiste internationalement reconnu de Spinoza, sur lequel il a beaucoup écrit, il s’est également attelé à la lecture et au commentaire de Kierkegaard, de Wittgenstein, de Carnap, de Heidegger, de Sartre, sans oublier Gandhi dont l’œuvre ne l’a jamais quitté.

    Après s’être intéressé à la philosophie des sciences et avoir côtoyé à cette occasion Karl Popper, Arne Naess s’est orienté vers la philosophie du langage, puis vers la logique et la philosophie de la communication, selon un ordre de progression nécessaire dont il ressaisira ultimement la cohérence en y reconnaissant les étapes progressives par lesquelles se constituait sa propre philosophie d’inspiration sceptique.

    Mais si l’œuvre de Naess n’avait compté que les travaux universitaires que l’on vient d’évoquer, il est plus que douteux que son auteur ait pu devenir cette véritable figure du génie national que pleurent aujourd’hui les Norvégiens et le monde avec eux
    .

    Le paradoxe veut en effet que le travail auquel Arne Naess devra la plus grande part de sa notoriété internationale ait été intégralement élaboré et publié après la cessation de ses activités universitaires en 1969 et, d’une certaine manière, indépendamment d’elles.

    Il faut attendre l’année 1972 pour lire pour la première fois sous sa plume une référence explicite à la doctrine à laquelle son nom restera désormais attaché : l’"écologie profonde" (deep ecology) – entendez : une vaste nébuleuse intellectuelle où se mêlent indistinctement des éléments de spiritualité, des données d’analyse scientifique, des propositions métaphysiques, toute une philosophie de l’environnement que Naess développera patiemment jusqu’à la fin de sa vie, non pas dans la solitude du penseur génial, mais dans la collaboration étroite avec un nombre de plus en plus grand de disciples, d’amis et de collègues qui transformeront la deep ecology en une plateforme de principes d’inspiration expressément pluraliste, et en un mouvement socio-politique d’envergure mondiale .

    De cette longue réflexion et de cette expérience commune sortira notamment, en 1989, son livre le mieux connu, Ecology, Community and Life-style, lequel sera suivi quelques années plus tard par son testament philosophique, Life’s Philosophy. Reason and Feeling in a Deeper World .

    La
    deep ecology aura ainsi permis au philosophe d’exercer une influence s’étendant très au-delà des cercles académiques, à tel point que l’on peut estimer sans exagération qu’Arne Naess aura été au XXe siècle l’un des très rares penseurs de l’écologie à avoir réellement modifié la façon dont, partout dans le monde, les hommes se représentent la nature et la place qu’ils y occupent, et par conséquent la façon dont ils doivent se comporter au sein de leur environnement naturel.

    http://www.nonfiction.fr/article-2064-p1-arne_naess__1912___2009__deces_du_fondateur_de_la_deep_ecology.htm

  • Les fables de Derrida

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    Critique Philosophie. « La Bête et le Souverain », dernier séminaire.

    Robert Maggiori

    Jacques Derrida Séminaire. « La Bête et le Souverain ». Volume 1 (2001-2002)

    Edition établie par Michel Lisse, Marie-Louise Mallet et Ginette Michaud. Galilée, 470 pp., 33 euros.

    Il est possible, comme le voulait Heidegger, que le langage soit « la maison de l’Etre ».

    Mais, s’il fallait qualifier par une expression de même type Jacques Derrida, on dirait qu’il est le berger du langage.

    Un berger attentif, scrupuleux - amoureux aussi, et conscient que, de ce qu’il doit « garder », quelque chose lui échappera toujours.

    Cela s’entendrait en deux sens.

    Le premier, théorique, est attesté par le travail de Derrida, qui a consisté à prendre un soin extrême des textes, à les destituer, les désituer, les resituer, les tisser dans les interstices d’autres textes, d’autres idiomes, d’autres traditions - pour que de l’entrelacement naisse quelque chose d’« inouï ».

    Le second, « biographique », témoigne de la façon dont le philosophe veillait à ses propres écrits et ses propos publics, conservait les lettres qu’il envoyait ou recevait, même de quelques mots, rédigeait, à la parenthèse, aux deux points, au tiret, à la virgule près, ses livres évidemment, mais aussi ses cours et ses conférences.

    Mille fois il s’en est expliqué.

    C’est que, lit-on dans Positions, « l’écriture à la lettre ne-veut-rien-dire ».

    Non qu’elle serait traîtresse.

    Mais parce qu’« elle tente de se tenir au point d’essoufflement du vouloir-dire ».

    Ecrire, c’est s’échouer loin de son propre langage, le « déconcerter », le laisser aller seul, sans gardes du corps…

    Mais il faut auparavant, pour cela, « en prendre soin », le « faire tenir » en tenant à lui, de façon intransigeante, amicale, tendre.

    D’une telle « attention », les séminaires sont une illustration exemplaire.

    Manuscrits

    L’édition intégrale des séminaires et cours de Jacques Derrida - dont le premier volume, la Bête et le Souverain, paraît aujourd’hui et qui nécessitera des décennies pour être menée à terme (1), le philosophe laissant « l’équivalent de quelque 14 000 pages imprimées » - est un événement.

    L’entreprise est comparable à la publication posthume des Cours du Collège de France de Foucault et de ses Dits et écrits.

    Dans le cas de Derrida interviennent spécifiquement deux critères : le mode de production des textes et le lieu. Le philosophe, disparu le 9 octobre 2004, a enseigné à la Sorbonne (1960-1964), à l’Ecole normale supérieure (1964-1984), à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess, 1984-2003) et dans plusieurs universités américaines.

    Ses textes, d’une calligraphie difficile, sont manuscrits jusqu’en 1969, tapés à la machine et corrigés à la main jusqu’en 1987 et, ensuite, rédigés à l’ordinateur.

    Dès le début de sa carrière, il avait pris l’habitude de rédiger entièrement ses cours, et les lisait, sans trop improviser.

    Aussi l’édition présente-t-elle « le texte du séminaire, tel qu’il fut écrit par Jacques Derrida, en vue de la parole, de la lecture à voix haute, donc avec certaines marques d’oralité anticipée et quelques tournures familières ».

    De là, une sorte d’« effet Larsen ».

    On y entend de façon très nette sa voix, son débit, la modulation du ton, cette façon de reprendre la phrase, la répéter, la porter, on l’a dit, au « point d’essoufflement du vouloir-dire ».

    Or la précellence que reçoit ici la voix « déphase » le projet philosophique de Derrida, qui, déconstruisant la métaphysique de la présence, conteste, outre le « logocentrisme », le « phonocentrisme », le fait que la voix soit traditionnellement vécue comme quelque chose de présent et d’immédiatement évident, contrairement à l’écrit, qui toujours laisse des écarts ou une « différance » apte à « disséminer » les interprétations.

    Mais, en réalité, on y gagne : si l’on a eu la chance un jour d’écouter parler Derrida, on sera, en « entendant » ici sa voix, saisi par l’émotion, et bouleversé.

    La Bête et le Souverain est le dernier séminaire donné par Derrida à l’Ehess, de l’automne 2001 au printemps 2003.

    Poursuivant les recherches « autour du problème de la peine de la mort », qui l’avaient conduit à étudier « l’histoire politique et onto-théologique » de la souveraineté, le philosophe envisage, pour ce cours, de privilégier « ce qui entrelaçait cette histoire avec celle d’une pensée du vivant (du biologique et du zoologique), plus précisément avec celle du traitement de la vie animale dans tous ses registres (chasse et domestication, histoire politique des parcs et jardins zoologiques, élevage, exploitation industrielle et expérimentale du vivant animal, figures de la "bestialité", de la "bêtise", etc.)».

    Aussi, d’Aristote à Lacan, Deleuze et Guattari, Foucault ou Agamben, en passant par Rousseau, Machiavel, Hobbes, Schmitt - mais aussi Plaute et La Fontaine - explore-t-il les logiques qui organisent «la soumission de la bête (et du vivant) à la souveraineté politique».

    Loups-garous

    Les pensées qui « mènent le monde », suggérait Nietzsche, sont celles « qui viennent sur des pattes de colombe ».

    Mais on pourrait dire aussi qu’elles viennent « à pas de loup », car, dans la Bête et le Souverain, c’est surtout de loups voraces et de loups-garous qu’il s’agit, de souverains affamés comme des loups, de lions rois de la jungle, de rois rusés comme des renards et de princes auxquels on conseille de « bien utiliser la bête », d’être à la fois, sauf à ne rien comprendre à la politique, lion et renard, car le renard ne peut se défendre des loups (mais connaît les filets) ni le lion se défendre des filets (mais fait peur au loup).

    C’est en effet de l’analogie entre, d’une part, « cette espèce d’animalité ou d’être vivant qu’on appelle la "bête", ou qu’on se représente comme bestialité », et, de l’autre, « une souveraineté qu’on se représente le plus souvent comme humaine et divine », que Derrida « déchiffre » ou « laboure » le territoire.

    Il ne se satisfait évidemment pas de l’idée que le social, le politique et, en eux, l’exercice de la souveraineté « ne sont que des manifestations déguisées de la force animale ou des conflits de force pure, dont la zoologie nous livre la vérité, c’est-à-dire au fond la bestialité ou la barbarie ou la cruauté inhumaine ».

    Ni de l’idée inversée, à savoir que, si l’homme politique est encore animal, « l’animal est déjà politique », et que les sociétés animales ont des « organisations raffinées, compliquées, avec des structures de hiérarchie, des attributs d’autorité et pouvoir ».

    Le souverain et la bête ont le pouvoir de « faire la loi ».

    Mais dans tous les sens de l’expression.

    Aussi, ce qu’ils partagent, et ce qui les rapproche de cette autre figure qu’est le criminel, est-il de faire leur propre loi, d’être hors-la-loi ou au-dessus des lois.

    Alors qu’ils paraissent aux antipodes l’un de l’autre, le souverain, le criminel et la bête manifestent « une sorte d’obscure et fascinante complicité, voire une inquiétante attraction mutuelle, une inquiétante familiarité ».

    Ce n’est là que le point de départ des analyses déconstructives de Jacques Derrida.

    Quand on sait la façon dont, tel un berger, il « prend soin » des mots, des textes, des intertextes, des contextes, des traces et des marges, on doit renoncer à en donner une synthèse.

    « A pas de loup. Imaginez un séminaire qui commencerait ainsi, à pas de loup : " Nous l’allons montrer tout à l’heure. " Quoi ? Qu’allons-nous montrer tout à l’heure ? Eh bien, "Nous l’allons montrer tout à l’heure ". »

    La Fontaine, qui écrivait des fables, le disait tout de suite : que « la raison du plus fort est toujours la meilleure ».

    Mais un séminaire n’est pas une fable.

    Il doit « ensemencer », pour faire savoir d’où sourdent les souffrances, d’où viennent « le bruit des armes, le vacarme des explosions et des tueries, les mises à mort de militaires et de civils, les actes dits de guerre ou de terrorisme, de guerre civile ou internationale», où se nichent la bestialité et la bêtise.

    Aussi procède-t-il à pas de loup, lentement, précautionneusement, avant d’arriver à… A quoi ? « Nous l’allons montrer tout à l’heure. »

    (1) Outre les éditeurs de ce premier volume, participent à l’entreprise : Geoffroy Bennington, Marc Crépon, Marguerite Derrida, Thomas Dutoit et Peggy Kamuf.

    http://www.liberation.fr/livres/0101267468-les-fables-de-derrida

  • Victor Hugo, "A un homme partant à la chasse"

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    Oui, l'homme est responsable et rendra compte un jour.
    Sur cette terre où l'ombre et l'aurore ont leur tour,
    Tremble de tout abus de pouvoir sur la bête.

    Te figures-tu donc être un tel but final,
    Que tu puisses sans peur devenir infernal,
    Vorace, sensuel, voluptueux, féroce,
    Echiner le baudet, exténuer la rosse,
    En lui crevant les yeux engraisser l'ortolan,
    Et massacrer les bois trois ou quatre fois l'an ?

    Ce gai chasseur, armant son fusil ou son piège,
    Confine à l'assassin et touche au sacrilège,
    Penser, voilà ton but ; vivre, voilà ton droit,

    Tuer pour jouir, non.

    Crois-tu donc que ce soit
    Pour donner meilleur goût à la caille rôtie
    Que le soleil ajoute une aigrette à l'ortie,
    Peint la mûre ou rougit la graine du sorbier ?

    Dieu qui fait les oiseaux ne fait pas le gibier.

    Victor Hugo

  • Josef Winkler, "Langue maternelle"

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    Les larmes des animaux

    par Baptiste Liger

    Sans doute Josef Winkler a-t-il longtemps ressassé cette définition de l'humanité, signée de son compatriote Thomas Bernhard : « Un gigantesque Etat qui, soyons sincères, à chaque réveil nous donne la nausée. »

    A l'image de la « nobélisée » Elfriede Jelinek (La Pianiste) ou d'un Peter Handke, Winkler s'ancre en effet dans la tradition, noire et hargneuse, d'une littérature qui répond par la violence des mots aux trop insouciants chants tyroliens.

    S'il est encore méconnu dans l'Hexagone, ce quinquagénaire est considéré dans le monde germa nique comme un écrivain de première importance (il a reçu pour l'ensemble de son oeuvre le prix Büchner 2008, le Goncourt allemand).

    Pour trouver son équivalent en France, imaginez un mélange entre les livres de terroir d'un Richard Millet, le côté « paria » de Jean Genet, les ambivalences sexuello-religieuses de Julien Green et un style d'écorché vif à la Louis Calaferte.

    C'est ce que l'on ressent à la lecture de sa magnifique - mais tétanisante - Langue maternelle.

    Deuxième volet d'une trilogie autobiographique dans laquelle Winkler évoque son enfance et sa région natale - la Carinthie, dont, pour l'anecdote, Jörg Haider fut un temps gouverneur... - ce texte, tendu comme un arc, pourrait être symbolisé par l'un de ses thèmes principaux : la corde.

    On s'en sert ici pour extraire les veaux du ventre de leur mère, pour fouetter un gamin récalcitrant, pour se pendre, aussi.

    Sans véritable « histoire », ce récit agence avec fluidité toute une série de motifs récurrents: un monde paysan sur le déclin, un père brutal, la dictature du catholicisme (le village de Winkler fut conçu en forme de crucifix!), des grands-parents décédés (la première femme que Winkler vit nue n'était autre que sa grand-mère, lors de la toilette funéraire...), des masques mortuaires, une poupée gonflable, etc.

    Mais les passages les plus forts de Langue maternelle sont ceux où l'écrivain évoque, d'une écriture acérée, la souffrance des bêtes : des grenouilles qu'on écrase, des têtes de poulet qui pourrissent sur le tas de fumier, un poisson éviscéré sur un étal, un cochon qu'on tente d'abattre et qui s'enfuit, un couteau enfoncé dans la gorge.

    « Je voudrais, écrit Winkler, que les animaux puissent acheter avec de l'argent de la viande humaine dans les boucheries de même que les hommes achètent de la viande animale. »

    http://livres.lexpress.fr/critique.asp/idC=14389/idTC=3/idR=10/idG=8

    Langue maternelle
    Josef Winkler
    éd. Verdier
    Trad. de l'allemand (Autriche) par Bernard Banoun
    316 pages - 15,8 €

  • Jacques Derrida, "La bête et le souverain" (séminaire)

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    Information publiée le samedi 1 novembre 2008 par Marc Escola

    SÉMINAIRE. LA BÊTE ET LE SOUVERAIN : VOLUME 1, 2001-2002 de Jacques Derrida. Galilée, 480 p., 33 €

    Jacques Derrida a consacré, on le sait, une grande partie de sa vie à l'enseignement : à la Sorbonne d'abord, puis durant une vingtaine d'années à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm et enfin, de 1984 à sa mort, à l'École des hautes études en sciences sociales, ainsi que dans plusieurs universités dans le monde entier (aux Etats-Unis régulièrement).

    Très vite ouvert au public, son séminaire a rassemblé un auditoire vaste et plurinational.

    Si plusieurs de ses livres prennent leur point de départ dans le travail qu'il y conduisait, celui-ci demeure cependant une part originale et inédite de son oeuvre.

    Nous inaugurons donc avec le présent volume une vaste entreprise : la publication de ces séminaires.

    A partir de 1991, à l'EHESS, sous le titre général " Questions de responsabilité ", il a abordé les questions du secret, du témoignage, de l'hostilité et l'hospitalité, du parjure et du pardon, de la peine de mort.

    Enfin, de 2001 à 2003, il a donné ce qui devait être, non la conclusion, mais l'ultime étape de ce séminaire, sous le titre " La bête et le souverain ".

    Nous en publions ici la première partie : l'année 2001-2002.

    Dans ce séminaire, Jacques Derrida poursuit, selon ses propres mots, une recherche sur la "souveraineté", "l'histoire politique et onto-théologique de son concept et de ses figures ", recherche présente depuis longtemps dans plusieurs de ses livres, en particulier dans Spectres de Marx (1993), Politiques de l'amitié (1994) et Voyous (2003).

    Cette recherche sur la souveraineté croise un autre grand motif de sa réflexion : le traitement, tant théorique que pratique, de l'animal, de ce que, au nom d'un "propre de l'homme" de plus en plus problématique, on nomme abusivement, au singulier général, " l'animal ", depuis l'aube de la philosophie, et jusqu'à nos jours encore.

    Partant de la célèbre fable de La Fontaine, « Le loup et l'agneau », en laquelle se rassemble toute une longue tradition de pensée sur les rapports de la force et du droit, de la force et de la justice, en amont comme en aval, dans une analyse minutieuse des textes de Machiavel, Hobbes, Rousseau, comme de Schmitt, Lacan, Deleuze, Valéry ou Celan, Jacques Derrida tente "une sorte de taxinomie des figures animales du politique" et de la souveraineté, explorant ainsi les logiques qui tantôt organisent la soumission de la bête (et du vivant) à la souveraineté politique, tantôt dévoilent une analogie troublante entre la bête et le souverain, comme entre le souverain et Dieu, qui ont en partage le lieu d'une certaine extériorité au regard de la " loi " et du " droit ".

    * * *

    On pouvait lire dans Le Monde des livres du 30/10/8 un article sur cet ouvrage :

    Derrida, ce poisson torpille

    par Stéphane Legrand

    LE MONDE DES LIVRES | 30.10.08 | 11h48 • Mis à jour le 30.10.08 | 11h48

    "Ne pas se laisser tromper par le caractère apparemment anecdotique de l'événement - "encore un livre de Jacques Derrida, un livre de plus..."

    Depuis un certain temps déjà, le public s'était habitué à la parution régulière de ses oeuvres : les brèves retranscriptions d'une conférence (Eperons, en 1978) ou d'un discours (Fichus, en 2002), aussi bien que les livres copieux et labyrinthiques (Politiques de l'amitié, en 1994, ou encore, plus récemment, L'Animal que donc je suis, publié à titre posthume en 2006).

    Ses ouvrages étaient certes reçus avec l'attention due à un philosophe majeur, dont l'influence internationale est considérable, mais on n'était pas sans noter un certain ronronnement dans cet accueil : toujours le même respect, de plus en plus silencieux peut-être, sinon religieux, de la part des "professionnels de la philosophie", toujours le même psittacisme ampoulé des clones et des clercs ; toujours les mêmes âneries haineuses émanant de jaloux ou d'incompétents.

    Comme si on croyait désormais savoir à quoi s'attendre, avoir finalement "digéré" cet auteur, avoir absorbé l'effet traumatique qu'il suscita tout d'abord.

    Oui, encore un livre de Derrida, un de plus...

    Mais le texte qui paraît sous le titre Séminaire. La bête et le souverain. Volume I (2001-2002) pourrait bien nous réveiller de cet assoupissement rassuré, et redonner tout son tranchant et sa puissance éruptive à la pensée de ce poisson torpille - pour reprendre l'une des comparaisons animalières dont Platon avait gratifié Socrate, qui lui non plus n'avait pas son pareil pour tétaniser la bêtise.

    Car il ne s'agit pas d'un "livre de plus", mais de la première étape d'un vaste projet de publication aux éditions Galilée : celle de l'intégralité des séminaires et cours de Jacques Derrida (1930-2004), dispensés à la Sorbonne (1960-1964), à l'ENS de la rue d'Ulm (1964-1984), puis à l'EHESS (1984-2003), soit quarante-trois volumes dont la publication devrait s'étendre sur une quarantaine d'années.

    Un pareil projet donne corps, par sa simple existence, à certains des concepts majeurs de Derrida, il les réfléchit ou les met en abyme. D'abord parce qu'il a beaucoup à voir avec les thèmes de l'héritage, de la dette, du deuil et de la survie : car il s'agit, selon la belle expression de l'éditrice Cécile Bourguignon, d'un "projet qui empêche que la maison (Galilée) meure, sinon même qui l'interdit".

    SINUOSITÉ LABYRINTHIQUE

    Or que son oeuvre, que les traces de sa parole, en l'absence même de leur auteur, maintiennent en vie, et en même temps obligent moralement à survivre la maison même qui, à son tour, leur donne vie, voilà sans nul doute une circonstance qui aurait plu à Derrida - en admettant, mais allez savoir, qu'il ne l'ait pas lui-même envisagée, voire programmée...

    Car ces textes "supplémentaires" que sont les séminaires, qui tantôt annoncent, tantôt font écho, tantôt prolongent des réflexions menées sous une forme plus achevée dans tel livre ou telle conférence, contribueront de manière décisive à faire apparaître les contours propres à la pensée derridienne, dans la sinuosité labyrinthique qui la caractérise : une pensée qui procède moins selon le fil continu de déductions obéissant à un "ordre des raisons" que par le réarrangement permanent d'un tissu serré de thèmes, de concepts et de gloses.

    Une part considérable du texte de ce séminaire pourrait en effet être tirée presque directement de la masse des écrits déjà disponibles du philosophe, mais justement : c'est dans l'invention d'un nouveau cheminement à travers eux, d'une manière nouvelle de procéder avec eux à des opérations de greffes et de boutures que ça pense ici, que l'on devine à l'oeuvre et au travail cette chose qui se fait rare de nos jours - une pensée vivante.

    Et ce jusque dans les percées que risque Derrida vers une réflexion sur l'actualité immédiate, le 11-Septembre bien sûr, mais aussi des objets plus triviaux, dont l'analyse peut s'avérer hilarante (tels développements sur la rituelle visite de nos politiciens au Salon de l'agriculture ou sur les postmodernes "magasins de bien-être" mêlant bouddhisme zen et sex-toys customisés...) ou empreinte de la touchante naïveté de l'intellectuel absolu qu'il était : non, la célèbre émission de marionnettes diffusée par Canal+, sur laquelle il s'attarde un moment, ne s'intitule pas "le Bébête Show"...

    Le séminaire lui-même porte sur la notion de souveraineté, envisagée dans ses rapports avec la pensée du vivant.

    Ce qui conduit Derrida à s'adresser aux pensées contemporaines de la "biopolitique".

    Notamment chez Michel Foucault et Giorgio Agamben, avec lequel il n'est pas tendre (curieusement, Antonio Negri n'est pas même mentionné).

    Il s'intéresse plus particulièrement au thème de l'animal comme bête - bestialité et bêtise.

    L'importance de ces figures du souverain et de la bête qui se répondent en miroir, et de la logique perverse qui les relie, tient à ce qu'elles nous servent, directement ou par le biais du réseau de métaphores qu'elles mobilisent, à la fois à penser les limites extérieures à l'ordre humain et à dire quelque chose de ce qui est le plus propre à l'homme.

    D'un côté, en cela qu'ils "partagent un commun être-hors-la-loi, la bête (...) et le souverain se ressemblent de façon troublante". Et de l'autre, "le social, le politique, et en eux la valeur de la souveraineté ne sont que des manifestations déguisées de la force animale".

    De même, les hommes ne peuvent penser leur propre identité que comme une forme de souveraineté de soi sur soi, et seul un homme peut être bestial ou bête.

    Ainsi est-ce la question fondamentale des limites que Derrida, comme souvent, soulève et fait trembler : limites que nous croyons à tort assurées et décidées entre l'homme et l'animal, entre la loi et le hors-la-loi, entre la bêtise et l'intelligence, entre le langage et le silence, entre le droit et la force, entre le vivant et le mort...

    Limites dans l'enclos desquelles notre volonté de savoir enferme ceux dont nous prétendons prendre soin (animaux, fous, malades ou marginaux), mais dont elle est aussi captive.

    Cette volonté de savoir, il nous faut donc apprendre à la "déconstruire", si nous voulons, selon la célèbre formule de Foucault, "affranchir la pensée de ce qu'elle pense silencieusement et lui permettre de penser autrement"."

    ——————————————————————

    Le philosophe et ses fidèles

    La publication des séminaires et cours de Jacques Derrida est menée par une équipe de "fidèles" du philosophe.

    Parmi eux, Michel Lisse, Marie-Louise Mallet et Ginette Michaud ont pris en charge l'établissement du premier volume ; Thomas Dutois et Marc Crépon travaillent déjà sur le prochain, consacré à la peine de mort ; Geoffrey Bennington coordonne entre autres choses les traductions américaines.

    En effet, ce chantier est d'autant plus impressionnant que la traduction des textes en anglais devrait paraître de manière quasi simultanée chez Chicago Press, de longue date des "compagnons de route de Galilée", pour reprendre la formule de Michel Delorme, qui dirige la maison d'édition où sont publiés la plupart des livres de Derrida.

    Marguerite Derrida, la veuve du philosophe, prête main-forte à cette équipe, ce qui devrait s'avérer précieux dans le cas des premiers cours, intégralement manuscrits, dans la mesure où l'écriture manuelle de Derrida est difficile à déchiffrer.

    http://www.fabula.org/actualites/article26595.php

  • "Le féminisme pour les nuls" (Caroline Fourest)

    http://img.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L350xH357/Caroline-fourest-46221.jpg

    Une douce OPA s’opère sur le Mouvement de libération des femmes.

    La semaine dernière, Le Parisien et Ouest-France annonçaient « les quarante ans du MLF »… Avec deux ans d’avance.

    Stupeur chez les féministes.

    Seraient-elles guettées par la maladie d’Alzheimer ?

    Serions-nous déjà en 2010 ?

    De l’avis des historiennes comme des militantes, les « années mouvement » remontent à 1970.

    Des féministes étaient bien à l’oeuvre parmi les activistes de Mai-68, mais leurs préoccupations n’étaient la priorité du mois de mai, surtout pas celles de leurs camarades garçons.

    Il faut attendre 1970 pour assister à un mouvement revendiquant la libération des femmes à travers une série de temps forts collectifs : réunion à la faculté de Vincennes, dépôt de gerbe à la femme du « soldat inconnu » et numéro de la revue de Partisan proclamant « Féminisme : année zéro ».

    Mais alors pourquoi cette précipitation et pourquoi certains médias datent subitement l’acte fondateur du MLF un 1er octobre 1968 ?

    Cette date ne correspond à rien… si ce n’est à l’anniversaire d’Antoinette Fouque.

    Aussi comique que cela puisse paraître, cette ancienne députée européenne, fondatrice des Editions des femmes, croit se souvenir avoir abordé la question avec deux amies le jour de son anniversaire en 1968…

    Ce qui en ferait l’une des « fondatrices » du MLF.

    Son service de presse ne ménage pas ses efforts pour le faire savoir.

    Ouest-France l’annonce donc :

    « Il y a quarante ans, Antoinette Fouque créait le MLF. »

    L’époque est décidément propice aux impostures.

    Et pas seulement sur Internet.

    Le seul fait que ce canular médiatique fonctionne en dit long sur la méconnaissance, voire le mépris envers l’histoire du féminisme, jugée secondaire.

    Rappelons cette vérité simple : personne n’a fondé le Mouvement de libération des femmes.

    On ne décrète pas un mouvement social, surtout composé d’une telle multitude de courants et de groupes.

    Antoinette Fouque et son courant n’étaient qu’une composante parmi d’autres de ces « années mouvement » (cf. le livre de référence de Françoise Picq).

    Psychanalyse et Politique, c’était son nom, réunissait surtout des admiratrices, grâce à un mélange particulier de psychanalyse et de politique d’inspiration maoïste.

    Le « culte de la personnalité » tenait parfois lieu de pensée, sur un mode que plusieurs féministes ont décrit comme « sectaire » dans un livre : Chronique d’une imposture.

    Sur le plan des idées, Antoinette Fouque n’a cessé d’attaquer les « positions féministes-universalistes, égalisatrices, assimilatrices, normalisatrices » de Simone de Beauvoir.

    Elle serait plutôt du genre à exalter le droit à la différence et la supériorité de la physiologie féminine, dite « matricielle », sur un mode essentialiste quasi druidique.

    Dans ses textes, elle revendique la « chair vivante, parlante et intelligente des femmes ».

    Le fait que les femmes aient un utérus – présenté comme le « premier lieu d’accueil de l’étranger » – expliquerait leur « personnalité xénophile ».

    Comme si toutes les femmes étaient par nature incapables d’être nationalistes ou xénophobes.

    Même sainte Sarah Palin ?

    Des observateurs saluent sa féminité et son « style non phallique ».

    Pourtant, ce « pitbull avec du rouge à lèvres », comme elle aime à se présenter, tire au fusil sur l’ours blanc d’Alaska et rêve de finir le job en Irak.

    Le féminisme caricatural a toujours eu beaucoup de succès auprès des non-féministes.

    Loin de déconstruire les fondements naturaliste et différentialiste à l’origine de la domination masculine, ce féminisme essentialiste emprunte ses codes et se contente d’inverser les rôles.

    Pas question d’égalité ni de déconstruire le mythe social associé à la différence des sexes.

    Il suffit de remplacer le « sexe fort » par le « sexe faible », le patriarcat par le « matriarcat », et le tour est joué.

    Le grand public applaudit.

    Toute féministe un tant soit peu universaliste, égalitaire ou juste sensée, aurait plutôt envie de pleurer.

    Elles ont d’autant plus de mal à digérer l’OPA d’Antoinette Fouque sur le MLF qu’il ne s’agit pas d’une première tentative.

    En 1979, alors que cette grande prêtresse de la féminitude a jadis refusé de se dire féministe – un affreux concept « égalisateur » -, la voilà qui dépose le sigle « MLF-Mouvement de libération des femmes » à l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle, pour pouvoir l’exploiter sur un mode commercial !

    Depuis, ses admiratrices sont la risée des cercles féministes.

    Mais la mémoire ne vaut que si elle se transmet.

    Or, dans ce domaine, Antoinette Fouque dispose de moyens financiers non négligeables.

    Grâce à cette aptitude commerciale, sa maison d’édition a permis d’éditer des centaines d’auteures qui ont contribué à l’histoire des idées, parfois dans un sens féministe.

    Cela ne fait en rien d’Antoinette Fouque la fondatrice du MLF.

    Que penserions-nous si une poignée d’amis décidaient de se proclamer « fondateurs » de Mai-68 parce qu’ils avaient rêvé de barricades deux ans plus tôt ?

    Une telle imposture ne passerait jamais.

    Tandis que le refus de cette OPA grotesque soulève quelques commentaires amusés, visant à réduire ce débat à une « querelle de filles ».

    Un peu comme si le débat entre droit à la différence et droit à l’indifférence au sein de l’antiracisme était une querelle de « Blacks » ou de « Rebeux » !

    Un tel mépris en dit long sur le chemin qu’il reste à parcourir.

    Le féminisme n’est pas une histoire de « filles », mais l’histoire d’un humanisme révolutionnaire qui a bouleversé le monde, comme peu d’idéaux peuvent se vanter de l’avoir fait.

    Cela mérite que l’on prenne au sérieux son histoire.

    Caroline Fourest

    Article paru dans l’édition du Monde du 10.10.08.http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/10/09/le-feminisme-pour-les-nuls-par-caroline-fourest_1105039_3232.html

    Le Monde du vendredi 10 octobre 2008

  • Le Clézio : le dernier grand écrivain français remporte le Nobel

    http://www.pileface.com/sollers/IMG/jpg/Le_Clezio_300x383.jpg

    Le dernier grand écrivain français (avec Michel Tournier) reçoit le prix Nobel.

    Ce n'est que justice, et les auteurs mondains à la Sollers peuvent aller se rhabiller : leur intelligence ne vaut pas le pur génie intemporel, généreux, cosmopolite et vagabond de celui que l'Académie suédoise honore aujourd'hui.

    * * *

    Le Nobel de littérature à Le Clézio, "explorateur de l'humanité"

    STOCKHOLM (AFP) — L'écrivain français Jean-Marie Gustave Le Clézio a reçu jeudi la consécration du Nobel de littérature pour une oeuvre dominée par les thèmes du voyage, de l'exil et de la nostalgie des mondes primitifs.

    L'Académie suédoise" a expliqué dans ses attendus avoir récompensé avec Le Clézio "l'écrivain de la rupture, de l'aventure poétique et de l'extase sensuelle, l'explorateur d'une humanité au-delà et en-dessous de la civilisation régnante".

    Le Clézio, 68 ans, était considéré depuis des années comme un lauréat potentiel et son nom circulait avec insistance cette fois-ci dans les cercles littéraires suédois.

    L'Académie suédoise n'a pas donné d'autres raisons à son choix mais il est évident que l'auteur de "Désert" avait de nombreux appuis parmi des académiciens sensibles à son idéalisme et ses critiques de la civilisation matérialiste.

    Connu en Suède où plusieurs de ses romans sont traduits, J.M.G. Le Clézio avait reçu en juin dernier le prix littéraire suédois Stig Dagerman qui lui sera remis le 25 octobre à Stockholm. Le romancier refera le voyage le 10 décembre pour venir chercher son Nobel.

    "Je suis très ému et très touché", a-t-il dit dans une interview en français à la radio publique suédoise. "C'est un grand honneur pour moi", a-t-il ajouté.

    Les derniers lauréats français sont l'écrivain d'origine chinoise Gao Xingjian en 2000 et Claude Simon, grande figure du Nouveau roman, en 1985.

    Né le 13 avril 1940 à Nice, dans le sud de la France, d'une famille émigrée à l'Ile Maurice au 18e siècle, Jean-Marie Le Clézio est considéré comme un des maîtres de la littérature francophone contemporaine. Son écriture est classique, simple mais raffinée, colorée.

    Il a reçu entre autres le prix Renaudot en 1963 pour son ouvrage "Le procès-verbal". Il était alors âgé de 23 ans.

    Influencé au début par le nouveau roman, Le Clézio va évoluer vers une littérature plus spirituelle avec une attirance pour les thèmes du paradis perdu.

    "Le point central de l'oeuvre de l'écrivain se déplace de plus en plus en direction d'une exploration du monde de l'enfance et de sa propre histoire familiale", note l'Académie dans son communiqué.

    Il évoque notamment la figure de son père, un médecin de brousse anglais, dans l'Africain (2004). Son ouvrage précédent, Révolution (2003), traitait des grands thèmes de son oeuvre, l'exil, le conflit des cultures et les ruptures de la jeunesse.

    Le romancier a beaucoup voyagé depuis sa jeunesse, Etats-Unis, Thaïlande en tant que coopérant, Mexique et a été employé dans les années 70 par l'Institut d'Amérique latine en Amérique centrale.

    J.M.G Le Clézio a notamment écrit "La fièvre", "L'extase matérielle", "Terra amata", "Le livre des fuites", "La guerre", "Désert" (peut-être son chef d'oeuvre), "Le chercheur d'or", "Onitsha", "Etoile errante", "Le poisson d'or", "Révolutions", "Ourania" et, en 2008, "Ritournelle de la faim".

    Marié et père de deux filles, il vit à Albuquerque dans l'Ouest des Etats-Unis mais vient souvent à Nice et dans sa maison bretonne de la baie de Douarnenez.

    Ce nomade n'est pas un ermite. Il est notamment membre du jury d'un des prix littéraires les plus célèbres en France, le Renaudot.

    En couronnant Le Clézio, le Nobel de littérature a confirmé sa prédilection pour la littérature européenne. Au cours des 20 dernières années, les écrivains européens dominent largement et c'est à la romancière britannique Doris Lessing que le prix avait été décerné l'année dernière.

    http://afp.google.com/article/ALeqM5ia0XByNsMlXnDtpxDnH7CtHN3JTg

  • Florence Burgat : "La barbarie invisible envers les animaux"

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    Le 21 mai 2008, des hommes armés et cagoulés issus d’une troupe d’élite de la police autrichienne, investissaient brutalement des bureaux d’associations et des domiciles privés de défenseurs des droits des animaux, saisissant le matériel (ordinateurs, documents, brochures) et arrêtant dix militants.

    Neuf d’entre eux, parmi lesquels des dirigeants de plusieurs associations, ont été maintenus en détention préventive et viennent d'être relâchés le 2 septembre.

    Que leur est-il reproché ?

    Les prévenus ne se sont pas vus imputer des délits commis individuellement ; ils sont accusés d’appartenir à une « organisation criminelle » nommée Front de libération animale (ALF).

    Le dossier constitué par l’accusation comprend la liste des délits attribués à l’ALF sur le territoire autrichien au cours des dernières années, sans qu’aucun élément ne vienne étayer l’implication des prévenus dans ces délits.

    Quels sont ces délits ?

    Il s’agit de sept attaques à la bombe puante, sept bris de vitrines, trois cas de graffitis, deux détériorations de biens (un mirador d’affût et une volière à faisans vide), deux sauvetages d’animaux (cochons et faisans) sans dégâts matériels et une lettre de menace.

    Etant donné le caractère mineur de ces délits, quand bien même des preuves auraient été réunies pour les imputer aux prévenus, il est difficile de comprendre pourquoi on ne les a pas laissés en liberté jusqu’à leur jugement.

    Cet état de fait s’explique par le recours à une loi extraordinaire : l’article 278a du code pénal autrichien.

    Cet article (prévu pour lutter contre le terrorisme, la mafia, le trafic d’êtres humains) permet de prolonger la détention préventive jusqu’à deux ans et de limiter l’accès des prévenus et des avocats au dossier les concernant.

    Signalons parmi les réactions exprimées face à cette affaire, dès le mois de juin, l’inquiétude d’Amnesty International Autriche face à l’utilisation abusive de l’article 278a, et les réserves ou la désapprobation de parlementaires sociaux démocrates et verts autrichiens.

    Si un recours en appel a donc tout récemment abouti à la libération des militants emprisonnés, l’accusation portée contre eux de former une « organisation criminelle » n’a pas été levée.

    Comment expliquer un coup de filet si brutal contre un milieu qu’on se contentait autrefois de marginaliser par le mépris, en le ridiculisant et le caricaturant à l’envi ?

    C’est que depuis une quinzaine d’années, le mouvement de la défense animale s’est structuré et professionnalisé, internationalisé aussi, s’emparant de la question de l’exploitation des animaux (boucherie, chasse, pêche, expérimentation, corrida, cirques et zoos, fourrure) pour en mettre la réalité au grand jour, réfléchir aux fondements théoriques de cette exploitation et en interroger la légitimité.

    Cette réalité révèle que nous sommes assis sur une couche de barbarie invisible, rationalisée, propre, dont ne nous sont livrés que les produits finis — fétichisme somme toute véniel de nantis, rien de plus, rien de grave.

    Ne sommes-nous pas forts d’un humanisme bien pensant qui nous prémunit du pire ?

    Notre tranquillité de consommateur, notre sentiment de ne participer à rien d’indigne pouvaient cependant s’en trouver ébranlés.

    L’élevage et l’abattage industriels, en particulier, étaient montrés, certaines productions, comme le foie gras, décrites dans la factualité de leur processus.

    Il y a, certes, un grand pas à franchir entre la mauvaise conscience naissante et le passage à l’acte de s’abstenir d’acheter désormais tel ou tel produit.

    De là à porter atteinte aux filières industrielles de la viande, la route semblait interminable.

    Pourtant, le mouvement autrichien a atteint le seuil où il nuit sensiblement aux intérêts liés aux productions animales : la moitié des exploitations de poules pondeuses ont fermé à la suite de l’interdiction des cages.

    Parmi les mesures les plus spectaculaires récemment obtenues dans ce pays, citons en 2005 : l’interdiction des spectacles de cirques avec des animaux sauvages (et interdiction de la simple détention de tels animaux par les cirques, même s’ils ne sont pas utilisés dans les représentations), l’interdiction des élevages d’animaux pour leur fourrure, l’interdiction des élevages en batterie de poules pondeuses.

    En 2006, l’interdiction de l’expérimentation sur les grands singes et en 2008, l’interdiction de l’élevage de lapins en cages.

    Avant même l’entrée en vigueur de cette dernière mesure (2012), les associations ont obtenu de grandes chaînes de distribution (Merkur, Adeg, Spar) qu’elles cessent de commercialiser des lapins élevés en batterie.

    À la revendication d’une protection des animaux au cours des utilisations dont ils sont l’objet (méthode d’abattage plus indolore, interdiction des pièges à mâchoires, agrandissement des cages…) afin de leur éviter les « souffrances inutiles » et sans que soit remis en cause de principe de leur utilisation, fit suite une réflexion morale et politique sur les « droits des animaux », ruinant ainsi leur statut de moyens au service des fins de l’homme.

    Cette affaire est préoccupante à bien des égards : des militants n’ayant en rien porté atteinte à des personnes et menant campagne pour défendre des intérêts qui ne sont pas les leurs sont jetés en prison ; c’est la liberté de pensée et d’expression qui se trouve menacée.

    L’immense masse muette des animaux qui sont enfermés, engraissés, gavés, mutilés, « vivisectionnés », piégés, égorgés voit ses avocats privés de parole et de liberté.

    Qui a intérêt à criminaliser la protection animale ?

    Florence Burgat, philosophe, directeur de recherche à l'INRA.

    Dernier ouvrage paru : Liberté et inquiétude de la vie animale, Paris, Kimé, 2006

    http://philosophie.blogs.liberation.fr/noudelmann/2008/09/la-barbarie-inv.html

  • Californie : que faire de la Proposition 2 ? (Gary Francione)

    http://msnbcmedia4.msn.com/j/msnbc/Components/Photos/070125/070125_gestation_hmed_1p.hmedium.jpg

    Chères collègues et chers collègues :

    On me demande très souvent si je pense que les défenseurs des animaux de la Californie devraient voter pour la Proposition 2, puisqu’elle est déjà soumise au vote.

    Tout bien considéré, je pense que les défenseurs des animaux devraient voter contre la Proposition 2 (ou, au moins, s’abstenir de voter à son sujet). Je fonde mon opinion sur trois raisons :

    • premièrement, la Proposition 2 ne fera rien pour réduire la souffrance animale à court terme. La Proposition 2, si elle prend un jour effet, ne le fera pas avant 2015.

      La Proposition 2 prévoit de nombreuses exceptions et conditions, et même si elle devait un jour prendre effet - et être même appliquée -, cela n’entraînerait aucune réduction significative de la souffrance animale.

    • deuxièmement, la Proposition 2, si elle finit par passer, ne fera que rendre le public plus confortable à propos de l’exploitation animale et causera l’augmentation de l’exploitation.

      Les animaux continueront d'être torturés ; la seule différence sera que la torture portera le saut d’approbation de la Humane Society of the United State, de la Farm Sanctuary et d’autres corporations de protection des animaux, qui font la promotion de la Proposition 2.

      On dit qu’approximativement 100 organisations fermières appuient la Proposition 2. Pourquoi est-ce le cas ?

      La réponse est simple. Ces producteurs croient que la Proposition 2 les aidera à être plus « performants ». Et ce sera le cas.

    • troisièmement, il est important que les défenseurs des animaux envoient un message clair à la Humane Society of the United States, à la Farm Sanctuary et à d’autres groupes quant à l’importance de cesser de faire la promotion de mesures telles que la Proposition 2.

      Si la HSUS est réellement préoccupée par la souffrance animale, alors elle devrait peut-être utiliser une partie de ses $223 millions en biens et $124 millions en revenus à l’éducation au véganisme.

      Le véganisme réduit la demande de produits animaux et aide à changer les mentalités en nous éloignant de l’impression qu’il est moralement acceptable d’utiliser des animaux, du moment que nous le faisons « humainement ».

      Cela n’entraînera rien d’autre que la perpétuation et même l’augmentation de l’utilisation d’animaux. Il est temps que les défenseurs des animaux disent simplement « non » à cela.

    Il est temps d’exiger davantage des organisations qui prétendent représenter les idéaux des défenseurs des animaux que des campagnes faciles qui font les grands titres et remplissent leurs coffres, mais qui ne font rien pour offrir une protection significative aux intérêts des animaux et rien du tout pour ébranler le statut de propriété des animaux.

    L’éducation créative et pacifique au véganisme est la meilleure façon de diminuer la souffrance et la mort d’animaux à court terme et à long terme.

    Augmenter le véganisme est la seule manière d’atteindre l’abolition de l’exploitation animale.

    Des efforts comme la Proposition 2, qui rendent la consommation d’animaux plus acceptable, ne feront que renforcer le spécisme et l’idée qu’il est moralement acceptable de consommer des nonhumains, tant et aussi longtemps que nous le faisons de manière « humaine ».

    La décision de voter en faveur de la Proposition 2 ou non ne requiert pas des défenseurs des animaux qu’ils choisissent entre plus ou moins d’animaux qui souffrent.

    Elle représente plutôt un choix entre continuer à faire la promotion du mouvement pour la « viande heureuse », qui dirige les choses dans la mauvaise direction, ou se concentrer sur ce qui représente une véritable défense des animaux et qui pourrait entraîner un réel changement.

    Les défenseurs des animaux ne devraient pas voter pour la Proposition 2.

    Gary L. Francione
    © 2008 Gary L. Francione

    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2008/09/02/que-faire-de-la-proposition-2/

  • Livre : "La Fin de l'exception humaine", Jean-Marie Schaeffer (Gallimard)

    http://perseides.hautetfort.com/media/02/02/199399263.jpg

    Jean-Marie Schaeffer La Fin de l'exception humaine
    Gallimard - NRF Essais 2007 / 21.50 € - 140.83 ffr.446 pages
    ISBN : 978-2-07-074999-7
    FORMAT : 14,0cm x 20,5cm

    L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

    Le livre de Jean-Marie Schaeffer, chercheur au CNRS, enseignant à l'EHESS, se veut ambitieux.

    Ses travaux s’inspirent des outils de l’analyse structurale, des sciences cognitives et de la philosophie analytique.

    Il s'en prend à ce qu'il appelle la Thèse de l'exception humaine.

    Que dit-elle ?

    Elle affirme que l'homme fait exception parmi les êtres de la terre.

    Cette exception serait due au fait que, dans son essence, l'homme possède une dimension ontologique qui transcende la réalité des autres formes de vie et sa propre « naturalité ».

    La thèse revêt trois formes majeures.

    Premièrement, elle refuse de rendre l'identité de l'homme à la vie biologique.

    L'homme serait un sujet autonome et fondateur de son propre être (philosophies du XXe siècle comme la phénoménologie, le néo-kantisme, l'existentialisme).

    La seconde situe le lieu de la transcendance dans le social : l'homme est « non naturel », ou « anti-naturel ».

    La troisième soutient que c'est la culture qui constitue l'identité de l'être humain, et que la transcendance culturelle s'oppose à la fois à la nature et au social.

    La thèse joue donc de l'opposition entre « nature » et « culture » et postule une rupture ontique à l'intérieur de l'ordre du vivant.

    Selon elle, le monde des êtres vivants est constitué de deux classes disjointes, les formes de vie animales d'un côté, l'homme de l'autre.

    Cette rupture ontique n'oppose pas seulement deux domaines du vivant, celui de l'humain et celui de l'animalité, mais redouble cette dualité à l'intérieur de la conception de l'homme lui-même : corps/âme, rationalité/affectivité, nécessité/liberté, nature/culture, instinct/moralité, etc.

    La thèse implique une interprétation particulière du dualisme ontologique, c'est-à-dire de la croyance en l'existence de deux plans de l'être, un plan matériel et un plan dit spirituel.

    Elle implique aussi une conception gnoséocentrique de l'être humain, en affirmant que ce qu'il y a d'exclusivement humain dans l'homme, c'est la connaissance (connaissance épistémique ou connaissance éthique).

    Jean-Marie Schaeffer s'en prend à Descartes, à son opposition âme/corps : si l'homme seul est « esprit », c'est parce qu'il se définit comme être pensant.

    La pensée cartésienne accorde le privilège à la conscience autoréflexive sur toute autre modalité cognitive : le postulat de la rupture ontique adossé à une définition gnoséocentrique de l'homme va servir à légitimer le dualisme ontologique.

    Descartes n'est pas seulement mis en cause mais aussi Husserl même si la philosophe a critiqué le gnoséocentrisme scientiste du XIXe siècle.

    Si Descartes admettait l'unité de statut ontique, du corps humain et des animaux, il affirmait que l'essence de l'être humain ne résidait pas dans sa corporéité, mais dans sa pensée, et que les animaux n'étaient que pure corporéité.

    Cette rupture était fondée sur l'établissement d'une dichotomie ontologique donnée en amont de toute incarnation ontique c'est-à-dire que Descartes avait posé la détermination ontologique du cogito comme pure nécessité de pensée en amont de toute détermination ontique non seulement de la corporéité mais aussi de l'âme.

    Pour l'auteur, l’espèce humaine s’intègre dans la continuité du vivant et une approche externaliste de l’homme est fondatrice.

    Jean-Marie Schaeffer bat en brèche l’explication monocausale de la nature humaine.

    Pour lui, l'unique description sérieuse concernant la provenance et la nature de l'être humain est celle de la biologie de l'évolution.

    Celle-ci implique une naturalisation de l'identité humaine : l'homme n'apparaît pas simplement comme un être qui a un aspect biologique, elle implique une historisation de l'identité humaine.

    Elle rapatrie l'être humain dans l'histoire de la vie sur terre.

    La notion d'espèce humaine n'y fonctionne pas comme un type qui déterminerait l'évolution, mais comme la résultante de l'histoire reproductive des individus.

    Nous voilà dans une conception non finaliste : l'évolution n'est pas guidée par une téléologie transcendante ou immanente, mais s'explique en termes de causalité « ordinaire » et de téléonomie (de systèmes auto-organisationnels).

    L'essai est technique et érudit.

    Il nécessite du temps pour saisir l’argumentation et les concepts (philosophiques et biologiques).

    C'est un livre sérieux et exigeant, ardu dans sa démonstration mais tentant d'argumenter le plus rigoureusement possible.

    [...]

    Yannick Rolandeau

    http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=76&srid=0&ida=9294