Ils viennent d'Europe de l'est, malades, et avec de faux documents.
C'est devenu le troisième commerce illégal au monde, après la drogue et les armes.
Dans une jardinerie de Saint-Gaudens, un vendeur tente d'écouler ses chiens.
Ils ont le poil terne et l'œil vitreux.
Mais s'il paye en liquide le client a droit à une réduction.
Cet argument imparable, on le retrouve sur les trottoirs toulousains. *
Là, ce sont des chiots que l'on vend sous le manteau.
Une scène courante à Paris, qui commence à s'installer dans les grandes villes de province.
Le plus souvent, les bêtes viennent d'Europe de l'Est, munis de faux papiers d'identités.
Ils arrivent de Roumanie, de République Tchèque, de Slovaquie, via la Belgique, l'Espagne ou les Pays-Bas.
Pour les trouver, il n'est même pas besoin de descendre dans la rue.
Un clic sur internet suffit, comme de répondre à une petite annonce, ou même de pousser la porte d'une animalerie : beaucoup n'hésitent pas à vendre ces animaux entrés illégalement en France.
Problème : leur santé est plus que douteuse, et il arrive fréquemment qu'ils tombent malades quelques jours seulement après l'achat.
Brigitte Piquetpellorce, responsable de la cellule anti-trafic de la SPA, est allée dans les pays de l'est.
Elle y a vu des animaux élevés en batterie, des femelles reproductrices enchaînant portée sur portée.
« On voit ça aussi en France », précise la responsable de la SPA, citant Francis Duprat, cet éleveur du Comminges (31), dont l'affaire n'a pas encore été jugée.
Il aurait notamment fait venir des chiens de Slovaquie.
Les élevages d'Europe de l'est sont doublement rentables.
Une première fois pour les éleveurs, qui vendent un Chihuahua, très en vogue, jusqu'à 350 €.
Une aubaine dans ces pays, qui rapporte nettement plus qu'un salaire à l'usine.
L'opération est rentable une deuxième fois, pour le revendeur français, qui peut espérer toucher jusqu'à 3000€ pour le même animal.
Ces derniers, qui multiplient leur mise par dix, touchent carrément le jackpot.
Les animaux arrivent en France munis de faux papiers.
« Je me suis présentée comme une acheteuse potentielle en Slovaquie, on m'a même proposé un stock de fausses puces d'identité françaises » raconte encore Brigitte Piquetpellorce.
On s'aperçoit souvent par la suite que ces bêtes souffrent de toutes sortes de troubles du comportement.
Séparés trop tôt de leur mère, bringuebalés des jours entiers dans des camionnettes à travers l'Europe, ils sont devenus des chiens mordeurs, hyperactifs…
Le plus grave est sans doute que ces chiens sont le plus souvent malades.
Et dans leurs pays d'origine, la rage n'a pas été éradiquée.
« Ma plus grande crainte est qu'un jour un enfant se fasse mordre et attrape la rage » s'alarme une responsable de la fondation Brigitte Bardot.
Une interpellation qui a valeur d'avertissement pour les pouvoirs publics.
« Les services vétérinaires ne font pas leur travail »
Quelles images vous ont marqué, dans les élevages que vous avez visités ?
Des hangars, de véritables usines de reproduction, ouverts à tous vents.
N'importe quel renard pouvait entrer et mordre les chiots, qui ont souvent les yeux collés par le pus.
Je revois aussi leur nourriture collée dans le fond des gamelles…
Et je me souviens être entrée dans un élevage en Slovaquie qui sentait tellement fort l'ammoniaque que j'ai dû sortir.
Pourtant je ne suis pas une petite nature.
Les pays de l'est sont donc à l'origine de la filière ?
Pas uniquement !
On trouve de ces élevages en France aussi.
Je dirais que c'est 80 % de la filière qui est pourrie.
Seulement, c'est encore moins cher d'aller chercher les animaux dans les pays de l'est.
Comment luttez-vous contre le trafic ?
Nous sommes saisis de plaintes, on va sur le terrain.
Puis on dépose plainte.
Si ça concerne des élevages à l'étranger, les animaux sont le plus souvent saisis.
Dans le cas d'élevages français, les plaintes sont souvent classées sans suite.
Pourquoi ?
Les services vétérinaires ne font pas leur travail en amont.
Ils ne contrôlent pas, ou préviennent 15 jours à l'avance, ce qui laisse le temps aux éleveurs de prendre leurs dispositions.
Donc ils ont toujours tendance à minimiser les faits.
Avec la Brigade nationale des enquêtes vétérinaires et phytosanitaires qui intervient pour les élevages à l'étranger, c'est différent.
Les choses avancent.
Comme avec les gendarmes ou les douanes.
Dans des les rayons de revendeurs toulousains
Animaleries : l'origine n'est pas toujours contrôlée
Derrière une vitre, trois souris blanches se courent après sur une roue d'exercice.
Un peu plus loin, des hamsters se reposent.
Tout autour, les piaillements des oiseaux donnent à la boutique une atmosphère agréable.
Nous sommes dans une animalerie du centre ville de Toulouse.
Il n'est pas encore 11 heures, et l'unique client plaisante avec le patron.
Alors que nous interrogeons ce dernier sur l'origine de ses animaux, son visage s'assombrit.
« Je ne peux rien dire, affirme-t-il. C'est à cause de la concurrence. »
Il finira par nous révéler qu'il se fournit chez des grossistes, « tout ce qu'il y a de plus légaux ».
En Belgique, principalement.
Mais en refusant tout net de nous montrer le nom de ses fournisseurs.
Filières louches ?
Pas forcément, pour un autre professionnel, qui concède tout de même que la Belgique est considérée comme une plaque tournante du trafic d'animaux.
Animaux de la région
Autre animalerie, autre histoire.
A Portet-sur-Garonne, au sud de la Ville rose.
Amazonie est une grande boutique.
On y trouve des rongeurs, des oiseaux, mais aussi des chiots.
Cette enseigne avait fait l'objet d'un scandale il y a quelques années, alors qu'elle achetait des animaux à l'éleveur du Comminges Francis Duprat.
Ce dernier est de nouveau mis en examen depuis 2008, pour avoir importé des chiens en mauvais état de l'Europe de l'est, et plus particulièrement de Slovaquie.
Chez Amazonie, il semble qu'on a retenu la leçon.
Alors que nous nous présentons comme des clients, le responsable s'empresse de nous montrer la provenance de ses chiots, sur leurs papiers d'identité.
Toulouse, Castelnaudary : des animaux de la région.
Un peu plus loin, une éleveuse qui arrive tout droit de Saint-Gaudens lui apporte de jeunes labradors.
Tout est en règle.
Mais bien sûr tout a un prix.
« En vivre ? C'est impossible, s'amuse l'éleveuse. C'est une passion. »
Pour elle, les animaux venus de l'est ne peuvent lui faire de tort : les clients sont libres de choisir, en connaissance de cause.
S'ils veulent des animaux de qualité, ils doivent se les procurer chez des éleveurs français.
Malgré ces garanties, Jocelyne, une cliente de 63 ans, n'est pas convaincue.
« Si je veux acheter un chien, je ne viendrai pas dans une animalerie. Il y a toujours le risque de trafic. Je préfère aller chez un éleveur directement.
BB : « Ne soyez pas complices »
Brigitte Bardot réagit en exclusivité dans La Dépêche du Midi.
« Les animaux ne sont pas une marchandise que l'on produit, transporte et vend comme une vulgaire « denrée périssable »…
Ce triste commerce des animaux, souvent totalement illégal, provoque la souffrance et trop souvent la mort de milliers de chiens, de chats, d'oiseaux, de reptiles, et autres N.A.C. (nouveaux animaux de compagnie, ndlr) pour alimenter les animaleries, hélas de plus en plus nombreuses, et qui vendent n'importe quoi à n'importe qui.
C'est un commerce juteux et souvent ignoble, dont les animaux sont une fois de plus les victimes silencieuses.
De grâce, ne soyez pas les complices de ce trafic, n'achetez pas de chien ou de chat, il y en a tellement dans les refuges…
Et surtout, ne vous laissez pas tenter par la nouvelle mode des N.A.C.
La place d'un animal sauvage, si petit soit il, n'est pas dans une maison, un appartement et encore moins dans une minuscule cage !
Le considérer comme un animal domestique est une grave erreur.
Par snobisme, caprice ou ignorance, vous le privez de sa liberté et le condamnez à une existence misérable !
http://www.ladepeche.fr/article/2010/02/13/776447-Animaux-le-trafic-de-la-honte.html