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Littérature, Philosophie - Page 7

  • "Le crypto-véganisme de Michel Onfray" (blog K&M Les Veganautes)

    À la lecture de Bêtes humaines ? Pour une révolution végane, l’on aurait pu croire à une prochaine conversion de Michel Onfray au véganisme.

    En effet, le voir associé au recueil voulu par Méryl Pinque nous a fait espérer le voir rejoindre le pré carré des philosophes vegan, donc l’extensible territoire vegan de prime abord.

    C’est dans son livre Cosmos écrit entre 2013 et 2014 que Michel Onfray s’étend plus avant sur la question de l’éthique animale. Il y consacre un groupe de chapitres assez longs. « La question se pose de manger les animaux, ou non. Quand je pense, je conclus que non ; quand je mange, je fais comme si je n’avais pas pensé, ni rien conclu. » (pp.232-233). Curieux aveu, totalement contradictoire au vu des considérations sur le sujet auxquelles se livre l’auteur, pour qui au final « l’universalisation de la maxime végane débouche sur la suppression de l’homme. »

    C’est en échangeant nos impressions, nos points d’accords ainsi que nos étonnements quant à la question du véganisme au fil du texte de Michel Onfray, que nous avons dialogué puis décidé de tout coucher par écrit avec le parti pris d’être les plus justes possible dans l’analyse et la critique.

    *

    K. : J’ai décidé d’acheter COSMOS, car en l’ouvrant je suis tombée sur un chapitre important portant sur la question animale (L’animal. Un alter ego dissemblable). Ayant lu BÊTES HUMAINES et bien entendu la préface de Michel Onfray, je me suis dit immédiatement qu’il serait très intéressant de lire cet ouvrage-ci aussi pour aller plus loin dans sa réflexion, étant franchement restée sur ma fin avec cette introduction d’Onfray dans BÊTES HUMAINES.

    Dès le début de la lecture de COSMOS, l’évocation des Inuits mangeant de la chair de phoque, et l’éloge de la culture gitane qui fait du hérisson son animal fétiche au sens païen du terme, en en mangeant mais en ayant pour lui un respect profond d’identification, j’ai compris bien vite que le propos sur la question animale n’aurait pas l’issue que je souhaitais.

    M. : Oui, c’est vrai. Quand on a vu Onfray parler de COSMOS dans une émission littéraire, il n’a absolument pas été question de l’animal au sens large. Le rapport à la terre, au savoir du paganisme, à une forme de rusticité du juste étaient clairement affichés comme les valeurs fondamentales avec pour origine chez lui la transmission paternelle, d’une importance capitale, et émouvante.

    Alors quand tu m’as dit un soir de quoi il est également traité dans le dernier livre d’Onfray, j’ai eu très envie de le lire. A la suite de l’étude du livre de Pinque, nous avions fait la remarque qu’on « ne saurait dire si Onfray est devenu vegan, ou si oui à quel degré d’implication. » — ce qui est un oxymore car on est vegan ou on ne l’est pas en réalité —. En effet, et ce fort du caractère indépendant et libertaire qu’on lui connaît — ainsi que de sa farouche volonté d’incarner une droiture éthique sans morale, profondément pacifique, Onfray accordait alors que « [les vegans] éclairent d’une forte clarté de trop grandes zones d’ombre. » C’était, pensions-nous, sous la plume onfrayenne, un grand honneur, parce que lui ne tergiverse pas. Bien entendu, et c’était sans surprise, nous constations que l’auteur du TRAITÉ D’ATHÉOLOGIE nuançait son enthousiasme quant au véganisme, notamment par rapport aux engagements et propos de certains des penseurs du « mouvement ». Lorsque les vegans assimilent fréquemment l’élevage massif aux camps de concentrations, pour lui ça n’est pas la même chose — même si pour des survivants des camps de concentration ça l’est (Isaac Bashevis Singer) —.

    K. : Nous suivons Michel Onfray depuis pas mal d’années (lectures, émissions TV) et nous sommes habitués à sa rigueur. Quand il a mûri une réflexion il sait être inflexible en vertu de son idée d’une éthique sans faux-semblants. J’ai trouvé que dans cette partie du livre il en manquait cruellement, de rigueur, par omission sans doute. Il nous expose l’éternel argument carniste de la vitamine B12. Malheureusement il oublie de dire que dans l’élevage, les animaux sont justement supplémentés en B12 car ils ne peuvent pas la synthétiser à cause de leur régime alimentaire éloigné de ce qu’ils trouveraient dans les prés et pâturages. Sans cela, les humains qui les mangent seraient en effet carencés. C’est une première erreur plutôt édifiante.

    M. : Oui. D’autant que j’ai noté qu’Onfray fait montre encore une fois d’une connaissance approfondie et d’une volonté, comme dirait Jean-Paul Sartre, d’y voir clair en conscience. Après de nombreux commentateurs de la cause animale, il nous rappelle bien, au sujet de Descartes et de Malbranche qu’ils « […] ont rendu possibles le spécisme en général et la légitimation philosophique des mauvais traitements infligés aux animaux en particulier. » (p.251). On voit bien que Michel Onfray fait partie des intellectuels qui se rendent à l’évidence du pur délire horrifique qui a lieu derrière les murs des abattoirs. Des fermes-usines, du non-sens manifeste de « produire » notre nourriture sous la forme d’êtres sensibles, sentients, qui sont à chaque seconde, par millions, malmenés, maltraités, torturés, massacrés, dans un gigantesque procès de mise à mort mécanisée, complexe et sordide, que les lobbies font tout pour éloigner de la vue des consommateurs/citoyens, des fois que voir la réalité crue engendre un écoeurement durable.

    K. : L’horreur, c’est également l’expérimentation animale. Onfray en parle. Curieusement, il a l’attitude courante d’une personne confrontée au milieu médical. De par son expérience personnelle sans aucun doute, et il accepte par conséquent l’utilisation des animaux de laboratoire aux fins de guérison humaine. C’est l’attitude de la plupart de gens. L’humain d’abord, comme s’il ne pouvait pas y avoir d’autre condition que celle-là, d’autres manières de faire. Mais ça n’est pas une raison pour ne pas remettre en cause ce système qui a montré ses failles. Je pense au scandale des médicaments… Il y a des scientifiques d’envergure qui dénoncent cette « méthodologie » et cette « déontologie » (par exemple : Arthur Kornberg, scientifique et prix Nobel qui a été récompensé pour ses modèles de travaux in vitro sans utilisation animale), et que les progrès technologiques — chimico-informatiques — offrent aujourd’hui des alternatives très fiables au modèle classique des expérimentations sur les bêtes. Je doute que Michel Onfray considère que les expérimentions nazis faites sur les hommes durant la seconde guerre mondiale (donc on ne peut plus tristement proche de l’humain….) aient servi la médecine. Il y a eu beaucoup de n’importe quoi au nom de la science dans le plan d’extermination hitlérien des juifs. Rien ne justifiait cela. Alors l’exploitation d’êtres vivants différents ; en quoi est-elle justifiable ?

    M. : Je suis d’accord. D’autant plus que l’écrivain de COSMOS est loin de manquer de cœur. Lui qui justement, et cela se lit au choix des mots qu’il déploie sous le regard de son lectorat, montre — voire : prouve — la réduction négative qu’a subi l’animal dans le cours des époques. « Que s’est-il passé pour que l’animal vivant, doué d’une âme et d’un souffle, devienne une bête et génère par la suite, au XVIIIe siècle, une série de mots connotés négativement : bestial, bêta, bêbête, bêtise, bêtement, bêtifier, bêtisier, abêtir, embêtir, rabêtir, ou qu’on associe le mot à idiot, inepte, crétin, imbécile, inintelligent, obtus, stupide, con, ou que les contraires soient fin, futé, ingénieux, intelligent, spirituel, subtil ? » (pp.261-262). On ne saurait être plus éloquent à moins d’y ajouter le son et l’image…

    K. : En ce qui concerne le retour à l’état sauvage des animaux issus de l’élevage dans un monde vegan, il me paraît difficile d’envisager un sérieux danger pour l’homme. Effectivement, ces animaux ont subi de nombreuses transformations génétiques au fil du temps afin de les rendre plus productifs aux fins humaines. Elles sont donc bien loin physiologiquement de leurs ascendants. La question même de leur survie dans la Nature se pose clairement sans encadrement par l’Homme. Les vaches par exemple ne peuvent pas vêler seules. Les moutons ont tellement d’excès de peau qu’ils développent des maladies et sont empêchés dans leurs mouvements.

     Et quand à savoir si arrivé au bout du modèle il convient de conserver quelques spécimens de ces animaux d’élevage, pourquoi ne pas faire des fermes pédagogiques où les animaux broutent (tondeuses naturelles) et produisent du fumier pour l’agriculture, sans avoir recours à la mortalité de force, et sans rien leur demander en retour de fait. Donc le raccourci « retour à l’état sauvage des animaux d’élevage et domestiques = danger de disparition de l’Homme » est extrêmement simpliste dans la pensée de quelqu’un comme Michel Onfray.

    Je crois pour ma part qu’il faut au contraire se soucier de la disparition sans possible retour en arrière de 50% des espèces sauvages dans la Nature depuis l’après seconde guerre mondiale. Voilà qui pose problème pour la survie de tous les êtres vivants. Le déséquilibre s’est fait si rapidement que l’écosystème n’aura peut-être pas la possibilité ontologique de réagir. Donc c’est un péril potentiel pour l’Homme.

    M. : C’est ça. C’est là la surprise. Et la contradiction. Page 276, Onfray évoque l’exceptionnel curée athée Jean Meslier et le philosophe Jérémy Bentham. Il dit d’eux qu’ils « ne franchissent pas le fossé entre ce constat et la pratique du végétarisme, voire du végétalisme, sinon, position la plus cohérente, du véganisme. Disons qu’en matière de véganisme ils sont croyants mais pas pratiquants. » Puis il ajoute : « Comme moi. »

    Ce qu’il dit, et c’est là que ça manque totalement d’argumentation, c’est que « la culture agit sur la nature, et la métamorphose depuis que l’homme existe » (p.295). Il déclare presque solennellement que le véganisme est le plus juste des engagements, tout en se contentant d’ajouter qu’il aboutirait, s’il était pratiqué par l’humanité toute entière, à la « précarisation des hommes », leur disparition.

    Force est de constater que, tout comme il ne lâche rien quand il a décidé de s’attaquer à la médiocrité des philosophes et consorts, qui n’ont pas toujours joint le texte et le contexte (l’acte à la parole), que ça soit dans ses ouvrages et dans ses cours à l’Université Populaire de Caen, Michel Onfray prend bien soin d’esquiver le retour de flamme et s’appliquant tel un onguent préventif, un principe de précaution qui consiste à avouer ce qu’il appelle sa « contradiction ». Nous l’évoquions en préambule à notre discussion.

    Ainsi est-il capable de formuler consécutivement et sans craindre d’avoir l’air bipolaire et de proférer des contresens : « Et qui peut vouloir abolir la vie d’un vivant ? Au nom de quelle prétendue bonne raison ? » et « Coûteuse pureté des hommes qui s’avérerait ruineuse pour les animaux ! » (pp.302 et 303). Pour ma part, je trouverais plus logique de préférer que des êtres n’existassent point plutôt qu’ils souffrissent mille morts et atrocités pour nos petits plaisirs anthropocentriques.

    K. : J’ai été très intéressée par un long paragraphe sur l’agriculture biodynamique de Rudolph Steiner. Je suis complètement d’accord avec Onfray sur la dénonciation de ce mode de culture non fondée sur l’expérience de la terre mais sur des préceptes ésotériques d’un seul homme qui n’a jamais été paysan. Mais je ne comprends pas pourquoi la pensée magique née d’un allemand au début du XXe siècle pose problème, alors que l’auteur ne porte pas de jugement accusateur sur celle de peuples asiatiques ou africains convoquée par l’ingestion d’aliments animaux (le symbolisme des forces animales soi-disant transmissibles par leurs parties comestibles). Je pense alors au drame perpétuel vécu par ses oursonnes en chine qu’on immobilise pendant des années afin de prélever leur bile. N’est-ce pas aussi inepte voire plus, que des cornes de vaches remplies de fumier pour purifier la terre et garantir la récolte ?

    M. : Il n’y a pas loin de penser que l’acceptation des contradictions que tu soulignes servent implicitement (pour ne pas dire inconsciemment) d’alibi à Michel Onfray pour être lui-même contradictoire.

    K. : Michel Onfray revient souvent sur l’exemple de l’incendie qui questionne si l’on doit sauver son chat plutôt que son frère, voisin, etc. dans cette situation où on aurait un choix égal mais un seul. Pour lui il s’agit d’un leitmotiv dont il se moque. Dans tous les ouvrages des penseurs de la cause animale que j’ai attentivement lus, l’exemple est traité avec plus de subtilité et ne dit jamais de façon catégorique qu’il faut sauver l’animal avant tout, chose que laisse entendre Onfray dans son analyse. Ceci dit, je comprends qu’on puisse vouloir préférer sauver son animal de compagnie au lieu d’un tiers humain, famille ou autre. Car encore eut-il toujours fallu que ce tiers fût bon avec nous. C’est mon avis. Considération dans laquelle les livres sur la cause animale ne vont pas aussi loin, car ils veillent toujours à prendre en compte l’intérêt du vivant quel qu’il soit en écartant la notion de sentiment pur.

    M. : Tout cela donne à réfléchir. D’un autre côté, Michel Onfray conclut son livre avec quelques sentences de cette éthique sans morale qu’il affectionne et préconise, à juste titre. C’est beau quand il écrit : « […] Traiter les animaux en alter ego dissemblables ; Refuser d’être un animal prédateur ; Exclure d’infliger une souffrance à un être vivant ; […] » (p.515) …

    K. : COSMOS est un livre passionnant. J’y ai appris beaucoup. En tant que vegan, je considère les peuples aux cultures ancestrales de respect de la Nature et du vivant (pour quelques rares existants encore) hors propos. Je ne demanderai jamais à un indien d’Amazonie ou à un Inuit de devenir ce que je suis. Néanmoins, il s’agit de prendre en compte le devenir du monde et l’expansion mondiale du modèle capitaliste et de se positionner par rapport à lui. Michel Onfray est catégorique quant à la tauromachie : il est contre. C’est un avis net et tranché. Dommage qu’il n’en soit pas de même sur l’exploitation animale de nos sociétés occidentalisées. C’est un auteur énormément lu. Son dernier opus ne déroge pas à la règle. Et je suis fâchée car ses lecteurs vont être confortés dans leur consommation de viande animale et autres dérivés. Ils se réaliseront croyants mais non pratiquants. Je suis athée et libertaire, ce qui signifie que je ne souscris pas non plus au dogme de l’agro-alimentaire qui broie les hommes comme il broie les poussins.

    M.: De l’abêtissement donc… J’adresse donc mes vœux les plus pieux de bon rétablissement à Monsieur Onfray qui, même s’il l’avoue de lui-même, souffre — un peu — de la peur d’être à la marge, sur ce point tout du moins.

    « Je mange de la viande, mais je vis dans l’univers symbolique du végétarien. Ma contradiction » (p.305). C’est un aveu d’impuissance, ce qui est plus embêtant qu’une simple contradiction. Joindre le geste à la parole, voilà qui satisfait à l’éthique sans morale, à sa droiture.

    *

    En toute fin, arguons que Michel Onfray est presque en adéquation avec sa pensée, et qu’il suffit de peu pour qu’il devienne un parfait épicurien.

    En attendant, son adhérence — refoulée — au véganisme tandis qu’il adhère publiquement à une autre « foi », fait de lui ce qu’on pourra nommer de crypto-vegan.

    K&M

    https://kmlesveganautes.wordpress.com/2015/04/11/le-crypto-veganisme-de-michel-onfray/?blogsub=confirming#subscribe-blog

  • "Pourquoi la burqa est obscène et indécente", par Monia Sanekli

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    La burqa que portent certaines musulmanes n'est pas un simple habit, c'est une ontologie qui porte et transmet un système de valeurs, un mode de vie, un projet de société et une résolution de conquête.

    Par Monia Sanekli*

    Depuis le temps ou le débat s'est déclenché à propos de la burqa, les arguments affluaient mais demeuraient dans la limite du débat sur la laïcité. Or la burqa dans sa réalité culturelle et interculturelle transcende le simple fait divers du conflit politique et religieux. La burqa véhicule en fait des pulsions généalogiques, des valeurs de genres et des significations sublimatoires typiques. La burqa n'est pas un simple habit, c'est une ontologie qui porte et transmet un système de valeurs, un mode de vie, un projet de société et une résolution de conquête.

    Porter la burqa au 7e siècle n'a ni le même sens ni le même dessein que la porter au 21e. Le port de la burqa dévie de son but originaire, ce n'est pas pour des exigences morales ou esthétiques que ceux qui la choisissent et ceux qui l'exigent l'adoptent au 21e siècle mais pour des fins politiques de conquêtes et d'envahissement.

    Aucune femme n'est assez pure et chaste pour prétendre à la vertu supposée de la burqa et aucun homme n'est aussi sexuellement animal et affamé pour s'exciter juste à la vue de cheveux ou sauter sur de simples corps de femmes.

    La burqa fait partie des stratégies du siècle pour la conquête et l'extension territoriale et culturelle et n'a en aucun cas une raison morale ou esthétique.

    Une attention particulière et une observation précise nous dévoileraient la phénoménologie de la burqa.

    Les présupposés de la burqa :

    - La femme est un organe :

    C'est le plus indécent et le plus immoral des présupposés et qui ne diffère en rien des présupposés de toute prostitution ou industrialisation sexuelle. La femme est discréditée dans son être, disqualifiée, rabaissée, dévaluée jusqu'à un niveau encore moindre que l'animal. L'animal de par sa nature ne se résume pas à un organe, tout comme l'être humain, il est un tout, une unité, une totalité d'organes et de besoins.

    Quand on réduit un vivant à une partie consommable de son corps, il perd non seulement la spécificité de son être, son individuation, sa subjectivité et sa dignité. On a l'impression que la porteuse de la burqa n'a ni cœur, ni cerveau, ni poumons, etc. La porteuse de la burqa est un vagin et rien qu'un vagin et le reste du tout est aussi considéré à travers le vagin. Elle n'est même pas un ensemble d'organes mais un amas de viandes à consommer. La porteuse de la burqa est un néant d'être qui porte un exemple de féminité primitive et dégénérée et une ontologie sexuellement moniste, qui détruit la dualité de la vie et la contradiction du vivant pour en faire un monde de masculins, décideurs, preneurs, consommateurs, dominateurs, violeurs et la femme n'est qu'un objet parmi une infinité d'objets possibles.

    Ce monde sexuellement moniste ne serait pas possible, étant donné qu'il n'est pas réel. C'est plutôt un monde fantasmagorique qui rend l'existence de la femme elle-même une menace à ce monde illusoire et psychique.

    Quand la femme existe, la burqa est le meilleur moyen pour la rendre absente, inexistante. «Cachez cet être que je ne veux voir».

    Cacher est au-delà de sous-estimer et rabaisser, c'est aussi et fondamentalement nier. Nier la féminité et la réduire à une fonction où un organe émane de la peur de la dualité originaire de l'être et l'angoisse de savoir que l'être n'est pas un, mais deux, la peur de la contradiction qui nous renvoie à l'autre et de l'être qui n'est pas unique et moniste mais dualiste et diffèrent, originairement masculin/féminin.

    L'être émane de la fertilité de la conjugaison du féminin et masculin qui donne acte à la vie, cet être réel est une menace au vouloir profond de l'homme sexuellement moniste : nier, cacher, extirper le féminin revient à installer une ontologie de l'unique, l'exclusif et l'uniforme. Extraire la féminité de l'être pour le rendre moniste passe par la burqa car la burqa ne renseigne sur rien, on ne sait pas ce qui est dedans. Cacher intégralement le corps de la femme c'est essentiellement un déni de la féminité.

    Dans certaines anciennes civilisations la femme est sacralisée et divinisée, la burqa est une diabolisation de la femme et une falsification de l'être, la femme devient un simple organe et l'être devient uniformément masculin.

    - La femme est un péché:

    La femme est un organe génital, la femme est un péché, elle symbolise la sexualité, or la sexualité est malsaine, donc la femme est malsaine.

    La femme doit porter la burqa parce qu'elle est un péché, sous-entendu que l'homme ne l'est pas. Il n'est pas question ici de péché original, mais spécifiquement féminin. La féminité est non seulement niée mais salie, souillée, avilie, elle est impureté, ignominie, faute. La femme devient l'exutoire et la soupape à tous les maux et les vilenies de l'être. L'homme projette sur la femme ses incapacités, ses impuissances, ses impuretés, ses manies, ses vices, ses perversions pour s'en débarrasser. La cacher avec une burqa c'est aussi pour ne pas se voir lui-même ou pour fuir ses sensations, ses sentiments, soit de désir soit de ressentiments vis-à-vis de la féminité. Il se met dans la tête que ses désirs et ses sentiments sont provoqués par la femme, ce qu'il évite de voir. C'est que ses affections et ses fantasmes lui sont propres et émanent de ses profondes pulsions et n'émanent pas de la femme. Il pose la femme comme cause pour fuir la responsabilité de sa propre causalité. «La femme est un péché, donc je suis la pureté», et en se considérant pureté, il oublie ses vilenies.

    La burqa est l'exutoire et le sinapisme de l'homme. Elle installe un rapport de pouvoir de l'homme faible et uniforme signifié par le déni de la féminité et la désinvolture de soi. La femme devient le bouc émissaire de l'homme faible et irresponsable qui, hors la femme, n'a aucune autre possibilité ou capacité pour s'affirmer, c'est ce qui fait que seul l'homme ordinaire et plébéien s'y attache.

    Les fonctions de la burqa:

    - Tromper : la burqa est une astuce et un stratagème de tromperie. On trompe l'autre sur ce qu'on est, qui on est, et ce qu'on veut réellement.

    La burqa permet de tromper car la burquée est insoupçonnable, non identifiable, en dehors du doute, indéchiffrable. Ce masque de la tromperie et de la non transparence dépasse l'agir de la morale sexuelle en un agir global car dès le moment qu'on porte la burqa toutes sortes de déviations deviennent possibles, du mensonge, au vol, au crime et toutes les extravagances de délinquance deviennent accessibles. La burquée, ou le burqué jouie d'un préjugé favorable lié à l'inconscient collectif de la vertu religieuse.

    A partir d'un habit ordinaire on peut intuitionner approximativement la différence entre les individus. On peut reconnaitre le profil psychologique, social ou moral de tout un chacun et décider des différentes interconnections possibles. Avec la burqua on voile tout, pas seulement le physique, mais essentiellement le psychique et le moral. Vous ne pouvez jamais deviner qui est sous la burqa et pas seulement quoi.

    Les rapports humains sont généralement basés sur la sympathie ou la première impression assimilée à travers les signes du visage, la gestuelle, et la posture. La rencontre avec la burqa est pure tromperie car elle masque tout, soit le visage, soit la gestuelle, soit la posture, c'est une dénégation de l'autre dans le confort de l'observateur non observé.

    - Cacher: mais ce serait évident que la burqa cache, mais ce qui n'est pas évident, c'est que veut cacher la burqa. Au-delà des prétentions de vertus sexuelles et derrière la volonté de cacher le corps, qui est en réalité neutre et anonyme, on veut déguiser les vices en vertus, les malaises et les angoisses en valeurs morales, le désir de prédation en volonté angélique.

    En plus clair, la burquée et ses prédicateurs donnent à leurs obsessions sexuelles, leur fixation perverse, leurs vilenies, le nom de vertus. Ils veulent donner à leur excès, et leur panique et leur angoisse le nom de morale. Ils veulent donner à leur chasse de proies et victimes le nom d'angélisme vertueux. La burqa cache certainement mais pas autant le corps que leur péché au corps qui n'est que péché de domination.

    Dominer un individu c'est lui ôter le contrôle sur son corps. Les prédicateurs de la burqa veulent s'emparer du corps de la féminité afin de le contrôler et contrôler toute la société avec. Ceci est donc ce que cache vraiment la burqa, c'est la volonté de prédations de ses prédicateurs.

    La burqa installe l'uniformité masculine, la prédation des corps et la falsification des systèmes de valeurs et des modes de vie.

    Agresser: par un superbe paradoxe, la burqa exhibe en cachant. Il y a de l'exhibitionnisme manifeste dans le port de la burqa, exhiber une religion, exhiber une apparence de morale, exhiber un érotisme malsain, exhiber soi-même, exhiber une attitude agressive vis-à-vis de l'autre en se plaçant dans la position de l'observateur non observé , et «je te vois , tu ne me vois pas»; «je peux contrôler tes réactions, tu ne peux pas contrôler mes réactions»; «je te connais, tu ne me connais pas»; «je sais qui tu es, tu ne sais pas qui je suis»; «je reconnais ton visage, tu ne reconnais pas le mien»; «tu es à ma portée, je ne suis pas à ta portée».

    Le port de la burqua exprime une violence morale extrême vis-à-vis de l'autre.

    Les fins de la burqa

    La burqa renvoie à des fins prononcées et des fins non prononcées, des fins manifestes et d'autres déguisées, elle est le symbole du double discours et l'illustration parfaite de la «takkiya» (le mensonge justifié par des considérations religieuses, NDLR) qui consiste à cacher ses véritables intentions.

    La burquée chaste et vertueuse de prêche et d'apparence est cependant disponible et prête à toutes les extravagances sexuelles, des différentes sortes de mariages illicites, de prostitution, de proxénétisme, de vente et achat de petites filles, de jihad nikah, ou le combat par la baise.

    Les fins prononcées sont dites pour ne pas être faites et en réalité elles sont prêchées uniquement pour cacher et déguiser les fins non prononcées. On prêche la vertu pour mieux exercer le vice. Tout est possible sous la burqa. Ce décalage entre le dit et le non-dit, l'apparence et la réalité, le mensonge et la vérité n'est pas caché.

    Tout observateur bien averti, surtout avec l'avènement du printemps arabe, peut facilement déceler cet énorme décalage. Tout lecteur assidu des textes et des faits historiques peut facilement noter ce décalage, ou voit de très près l'obscénité morale et les perversions sexuelles concomitantes au port de la burqa.

    La burqa est une perversion morale relevant de l'obscénité et dénotant, au-delà de l'apparence, une tendance à tout pervertir sur son passage, la morale, le psychique, le social et le politique. C'est un vrai stratège de domination et de conquête.

    Professeure agrégée chercheur en philosophie.

    http://www.kapitalis.com/tribune/18487-tribune-pourquoi-la-burqa-est-obscene-et-indecente.html

  • Parution le 11 mars 2015 de "Bêtes humaines ? Pour une révolution végane" (éditions Autrement)

    https://scontent-fra.xx.fbcdn.net/hphotos-xfp1/v/t1.0-9/1422513_1020910377937647_5578655865541559465_n.jpg?oh=75a64903e5a99d878355fc1b3318a023&oe=55B19440Parution le 11 mars 2015 aux éditions Autrement de Bêtes humaines ? Pour une révolution végane, tout premier essai entièrement consacré au véganisme abolitionniste publié par une maison d'édition française.

    Présentation :

    Plus cohérents et radicaux que les végétariens et autres défenseurs du bien-être animal, les végans abolitionnistes prônent une véritable révolution visant à mettre fin à l’exploitation des animaux nonhumains et à considérer ceux-ci comme nos égaux en vertu de leur conscience et de leur sensibilité.

    S’inspirant du courant immédiatiste en vigueur dans les États-Unis du XIXe siècle qui exigeait l’abolition immédiate de la traite des Noirs et la reconnaissance de leur égalité civile et politique, ils rejettent les principes du gradualisme (politique des « petits pas »). Hostiles aux discours bien-pensants et aux campagnes visant à améliorer le quotidien des personnes animales victimes de l’esclavage, les auteurs de cet ouvrage crient haut et fort leur refus de l’animal-objet et de son exploitation par les humains. Ils soulignent que le problème réside non pas dans la manière d’utiliser les animaux, mais dans le fait de les utiliser.

    Élevage, production de viande, de lait, de fourrure, de laine, de cuir, de miel, de soie, etc., « spectacles » aquatiques, chasse, pêche, corridas, zoos, déportation, emprisonnement, vivisection, manipulation génétique, domestication, confiscation, destruction et pollution des territoires… : autant de crimes spécistes auxquels nous collaborons collectivement et devant lesquels nous fermons les yeux depuis toujours.

    N’ayant pas besoin de produits d’origine animale pour vivre, nous réduisons en esclavage et massacrons les animaux par simple futilité. L’unique raison qui fait que nous exploitons et tuons plusieurs centaines de milliards d’animaux terrestres et marins chaque année est que nous en aimons le goût.

    Ce manifeste bouleverse nos valeurs et pointe du doigt la bonne conscience derrière laquelle se retranchent les adeptes du bio et d’une consommation soi-disant éthique de l’autre animal. Sans détours ni concessions, les auteurs affirment qu’il n’existe pas d’exploitation « humaine » d’autrui, pas plus qu’il n’existe de torture ou de meurtre « humain ».

    Ils dénoncent l’anthropolâtrie millénaire et battent en brèche notre prétendue supériorité morale infirmée par la manière dont nous traitons les autres créatures qui partagent avec nous la Terre — créatures que nous avons asservies, réduites à l’état de moyens au service de nos propres fins. Pour réveiller les consciences, ils n’hésitent pas à qualifier notre comportement de génocidaire, citant la fameuse phrase d’Isaac B. Singer, lauréat du Nobel de littérature : « Quand il s’agit d’animaux, tous les hommes se comportent comme des nazis. »

    Écrivains, philosophes, juristes et avocats s’accordent ici pour redonner une voix à ces victimes silencieuses qui, comme nous, ont droit à la vie et au respect.  

    Cet ouvrage constitue une tribune pour les hommes et les femmes œuvrant intellectuellement, pratiquement, pacifiquement pour la cause animale.

    Œuvrer pour les animaux, cela signifie mettre fin à leur exploitation, et non la réglementer ; cela signifie procéder à leur émancipation, et non pas aménager leur esclavage. Cela signifie travailler à un monde plus juste qui engloberait dans la communauté des égaux l’ensemble des êtres doués de sentience, en vertu de cette sentience même. De tels objectifs ne peuvent être atteints qu’à travers l’adoption d’un mode de vie végan, application pratique de la théorie abolitionniste et principe moral fondamental. Il se veut encore un outil puissant pour amener d’autres personnes à réfléchir sur la libération animale et ses implications.

    Enfin, il espère contribuer humblement à conjurer le cercle de violence que nous avons initié et dont nous sommes tragiquement prisonniers.

    Bêtes humaines ? Pour une révolution végane (dir. Méryl Pinque) est paru aux éditions Autrement le 11 mars 2015 dans la collection « Universités populaires & Cie ».*

    Avec, par ordre alphabétique, les contributions de : Gary L. Francione, Valéry Giroux, Patrick Llored, Méryl Pinque et Gary Steiner.

    Quatrième de couverture éditeur :

    Mettre fin à la domination de l'homme sur l'animal : tel est l'objectif du mouvement végan. À l'heure où les consciences s'éveillent face à la cruauté des pratiques observées dans les élevages et les abattoirs et où le nombre de végétariens ne cesse de croître, la philosophie végane, la plus radicale d'entre toutes, semble se faire une place dans nos sociétés contemporaines.

    Opposés à la consommation d'animaux et de tout produit issu de leur exploitation (lait, oeufs, miel mais aussi cuir, soie, fourrure ou laine), à leur emploi dans la recherche scientifique, aux zoos, aux corridas ainsi qu'à toute forme de domestication, les défenseurs de la cause végane bouleversent et dérangent nos habitudes. Un débat nécessaire et passionnant qui ne laissera personne indifférent.

    Méryl Pinque, qui dirige cet ouvrage, est écrivaine et fut porte-parole de 2008 à 2014 de l'association Vegan.fr pour la promotion du véganisme abolitionniste. Elle a collaboré à plusieurs revues littéraires et universitaires.

    Avec les contributions des grands spécialistes internationaux de la cause animale : Gary L. Francione (professeur de droit et de philosophie), Valéry Giroux (juriste et philosophe), Patrick Llored (philosophe) et Gary Steiner (philosophe).

    ***

    Explications sur le titre regrettable "Bêtes humaines" imposé par le directeur de collection : https://www.facebook.com/mouvementvegan/posts/919273654749401


    "Bêtes humaines est un titre spéciste et anthropomorphique.

    "Bêtes" est déjà un terme péjoratif ou rendu tel par l'usage.

    Le fait de lui accoler l'épithète "humaines" achève de le rendre tout à fait injurieux pour les animaux, comme si ceux-ci ne devaient mériter des droits qu'en étant comparés ou rapprochés des humains.

    Imagine-t-on une féministe écrire un livre intitulé : "Femmes masculines", ou un antiraciste un essai titré "Nègres blancs" ?...

    Il eût été juste que nous ayons pu dès le début de l'ouvrage nous dédouaner de la responsabilité d'un titre qui nous fut imposé, qui trahit les victimes, la philosophie du livre et nos convictions les plus essentielles.

    Il a donc fallu que je rajoute à la dernière minute, le titre final nous ayant été soumis très tardivement, un paragraphe au début de mon introduction, destiné à déconstruire ce titre spécieux et sémantiquement douteux.

    Fort heureusement, nous avons obtenu le droit de faire ajouter un point d'interrogation à la fin (point d'interrogation destiné à remettre en cause sa pertinence) ainsi que le sous-titre : Pour une révolution végane."

  • Sivens : MM. Hollande et Valls ouvrent la voie au fascisme

    Hervé Kempf (Reporterre)

    L’affaire de Sivens est tout sauf anecdotique : pour la première fois, le gouvernement y a déployé une tactique de répression propre aux régimes fascistes.


    La méthode suivie par le gouvernement pour en finir avec l’affaire de Sivens est nouvelle et extrêmement grave.

    Dès septembre 2014, le ministère de l’Intérieur avait laissé la gendarmerie exercer une pression violente, souvent illégale, à l’encontre des zadistes du Testet. Cela n’avait pas suffi à décourager les opposants au barrage, renforcés par le mouvement de solidarité qui se développait dans la région. La tension est montée jusqu’au 26 octobre, lorsque la gendarmerie tua un jeune manifestant, Rémi Fraisse. Un tel événement est – jusqu’à présent - exceptionnel en France. Il ne suscitait pourtant pas une indignation unanime. Une large partie des médias relayait la communication gouvernementale mettant en avant la violence qu’exerceraient les opposants aux grands projets inutiles. Xavier Beulin, président de la FNSEA et du groupe agro-industriel Avril-Sofiproteol, qualifiait les zadistes de « djihadistes verts », ce qui dans un contexte où la France est en guerre contre l’Etat islamique, revient à un appel au meurtre.

    L’homicide de Rémi Fraisse était d’autant plus absurde que le ministère de l’Ecologie publiait un rapport d’expertise confirmant l’essentiel des arguments développés depuis des années contre le projet de barrage : coûteux, inutile, impactant sur l’environnement, fondé sur des études médiocres et trompeuses. Peu après, la Commission européenne engageait une procédure d’infraction contre le projet au titre de la directive sur l’eau.

    Mais localement, les élus PS et autres ne voulaient pas céder, non plus que les instances de la Chambre d’agriculture et de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles). La ministre de l’Ecologie élaborait un compromis écartant les propositions d’alternatives mises en avant par les opposants : on ferait soit un plus petit barrage, soit divers réservoirs dans la vallée du Tescou. Et sur le terrain, légitimée par la provocation de Xavier Beulin, la FDSEA organisait des groupes d’agriculteurs pour mener en décembre près de la Zad une opération « Manche de pioche » dont le nom dit tout.

    Elle répétait l’opération en janvier, jusqu’à organiser en février un blocus de la zone. Les agressions et injures se multipliaient de la part de ces agriculteurs chauffés à blanc contre les « peluts » (chevelus, en occitan), alias zadistes, mais aussi contre les locaux opposés au barrage et contre des journalistes. Fin février, ces milices – au sens précis d’organisation paramilitaire – bloquaient les routes, armées de bâtons, de manches de pioche ou de barres de fer, et commettaient de nombreuses agressions, pare-brises cassés, pneus crevés, menaces, sous l’œil indifférent des gendarmes bien présents dans le secteur.

    Elles ont agi comme des supplétifs de la police : chargés d’accomplir les basses besognes de tension et d’effroi, soit pour provoquer des réactions violentes qui justifieraient l’action des forces légales de répression, soit pour changer le rapport de forces et affaiblir la capacité de résistance et de solidarité des opposants. La tactique a fonctionné, et l’évacuation de la Zad, menée par dix fois plus de gendarmes que de zadistes, s’est opérée le 6 mars sans heurts.

    L’affaire est loin d’être close, mais la tactique répressive employée par le gouvernement, allié avec le représentant affairiste de l’agriculture productiviste et surfant sur le torrent d’injures déversées par l’extrême-droite sur les réseaux sociaux à l’encontre des zadistes et autres écologistes – tel ce sondage lancé par Valeurs actuelles, et parlant des « fascistes verts ».

    Tout ceci, comme l’expression de Xavier Beulin, résonne avec la stigmatisation de l’ « islamo-fascisme » de Manuel Valls, pour associer les écologistes – car les zadistes font partie du mouvement écologique – aux « terroristes islamistes », contre qui, on le sait, le permis de tuer est officiel. C’est ce qu’a bien compris un tweet : « Comment un Etat peut aller tuer des centaines d’islamistes en Afrique, et se laisser dicter sa loi par une poignée de dégénérés ? »

    On glisse vite des zadistes aux jeunes Français indésirables, comme ce commentaire après la phrase de Manuel Valls annonçant le 5 mars que « l’ordre républicain » - qui ne concerne pas, donc, les miliciens de la FNSEA – doit s’imposer sur la Zad : « Ben mon colon il serait temps ! Mais c’est embêtant parce que aux prochaines émeutes des "jeunes" nantis du 93 il va falloir enfin appliquer aussi l’ordre républicain ».

    La tactique de MM. Valls et Hollande est délibérée. Elle ouvre la porte à la répétition de ce type d’actes : des groupes sociaux savent maintenant que, pourvu qu’ils ciblent l’écologie et les jeunes alternatifs tout en glorifiant la police, ils ont le champ libre. Elle s’appuie sur les sentiments d’extrême-droite qui montent dans ce pays. Et suscitera en retour des réactions de même nature, impliquant une répression encore plus stricte.

    Je ne sais la qualifier autrement que de pré-fasciste : utlisant les méthodes mêmes du fascisme (des milices supplétives d’un Etat autoritaire) et stimulant la xénophobie et la haine des alternatives. L’essentiel est que rien ne soit mis en cause de l’ordre capitaliste : c’est ce que révèle l’analyse du journal des affaires Les Echos : « Sivens (…) a été choisi par Manuel Valls pour faire valoir (…) la fermeté de son gouvernement face à toutes les résistances au changement ».

    Les choses sont claires : un projet coûteux, pourri de conflits d’intérêt, financé par le public pour des intérêts privés, détruisant l’environnement, c’est « le changement ».

    D’aucuns persistent encore à croire que le gouvernement de MM. Hollande et Valls est « de gauche ». Il ne l’est pas. C’est pire : il ouvre, à peine dissimulé, la voie au fascisme.


    Lire aussi : EDITO - L’alliance ou le fascisme


  • Un pavé dans le silence : "Introduction aux droits des animaux" de Gary L. Francione (Âge d'Homme, janvier 2015)

    Un classique de la littérature sur les droits des animaux vient de paraître à l'Âge d'Homme, et aucun - je dis bien AUCUN - critique ou journaliste n'en a parlé dans les médias.

    Est-ce la preuve de l'impéritie de la profession critique et journalistique ?

    Certainement.

    Il est absolument honteux de constater que les piètres livres de "célébrités" médiatiques telles que Franz-Olivier Giebert soient plébiscités et longuement présentés dans les colonnes des journaux et au cours d'innombrables émissions de télévision et de radio, et que le classique de Gary L. Francione, l'un des théoriciens des droits des animaux les plus mondialement connus et respectés, inventeur de la théorie végane abolitionniste (la seule en vérité qui garantisse aux animaux leurs droits fondamentaux et la fin de leur exploitation), paraisse dans le silence le plus total.

    Trop révolutionnaire pour être cité ?

    Ou tout simplement écrit par quelqu'un qui n'est pas connu d'un landerneau médiatique ignare et paresseux ?...

    Gary L. Francione, Introduction aux droits des animaux

    Parution : Âge d'Homme, Collection V, janvier 2015.

    390 p.

    http://www.lagedhomme.com/boutique/fiche_produit.cfm?ref=978-2-8251-4470-1&type=47&code_lg=lg_fr&num=0

  • "Nos amis pour la vie" : les produits laitiers ou les animaux, des êtres sensibles, conscients, de chair et de sang ?...

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    Les humains exploitent et tuent chaque année 60 milliards d'animaux terrestres et des trillions d'animaux marins non parce qu'ils ont besoin de produits d'origine animale pour vivre, mais parce qu'ils en aiment le goût. Aussi n'exploitent-ils et ne tuent-ils que par futilité.
     
    Qu'est-ce qui est le plus important ?
    La vie d'un animal, son bonheur, son bien-être, ou bien notre estomac ?
    Ayons enfin le sens des priorités.
    Ne soyons pas ridicules.
     
    Le texte ci-dessous est de Nicolas Steffen.
    A lire, à méditer, et à partager.
     
    ***
     
    Une vache produit-elle du lait naturellement tout au long de sa vie ?
    Comment expliquer la quantité astronomique de yaourts, lait, chocolat au lait, beurre et fromages que l’on trouve dans les supermarchés des pays industrialisés, alors que l’on voit si peu de vaches laitières dans les prés et pâturages ?
    Que sait-on au juste de la vie de ces vaches, en dehors des images bucoliques et verdoyantes véhiculées par la publicité et les livres pour enfants ?
     
    J’espère que vous consacrerez les dix minutes nécessaires à la lecture de ce document. Fruit de plusieurs heures de lecture, il est constitué de divers témoignages de vétérinaires, ouvriers, écrivains, historiens, journalistes et scientifiques. Cet enchaînement d’extraits reconstitue la vie d’une vache destinée à la production de lait ; il devrait répondre aux questions qui m’ont été adressées ces derniers temps.
     
    PRODUITS LAITIERS – POURQUOI NOUS ALLONS NOUS EN PASSER
     
    Obtenir du lait
     
    "De nombreux adultes ignorent probablement la réalité de la production laitière : la séparation des vaches et de leurs petits, l’abattage des veaux mâles, les taux de mammites, boiteries et autres affections des vaches. Ce manque ou cette négation de connaissance critique permet d’ignorer plus facilement le fait que la production laitière constitue véritablement un vol, de la part des êtres humains, du lait des vaches."
     
    Matthew Cole, sociologue britannique, dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    "Dans notre système agro-alimentaire, les vaches ont deux fonctions : fournir du lait ou de la viande. Suite à un processus de sélection artificielle, les vaches sont de nos jours spécialisées pour répondre à l’une ou l’autre des ces demandes. Les vaches dites allaitantes servent à produire de la viande. Ce sont d’elles que viennent les steaks. Quant aux vaches laitières, elles servent, comme leur nom l’indique, à la production du lait. Une fois leur service terminé, ces vaches laitières partent aussi à l’abattoir, mais leur viande, de moins bonne qualité, est vendue sous forme de steak haché, par exemple."
     
    Thomas Lepeltier, La révolution végétarienne
     
    "Première insémination des génisses à l’âge de 15 mois. Gestation pendant neuf mois.
    Les veaux sont ensuite séparés de leur mère, dans les 24 heures après leur naissance.
    Le lait de la vache ne sera jamais pour son veau.
    Trois mois après la mise bas, la vache sera réinséminée.
    L’éleveur conserve les femelles pour le renouvellement du troupeau.
    Quant aux mâles, ce sont les « surplus » de la production laitière."
     
    Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    La séparation
     
    « Pour qu'une femelle mammifère donne du lait, il faut qu'elle soit enceinte.
    Un long manche en fer enfoncé dans leur vagin pour leur injecter du sperme de taureau, parfois ils emploient leur main nue, et après qu'elle donne naissance, ses bébés lui sont volés. C'est le pire cri que j’aie jamais entendu, et j'ai été en première loge pour les entendre.
    Quand j'ai commencé à entendre parler de tout ça il y a 15 ans, j'étais comme tout le monde, je ne pensais pas que c'était si terrible, je pensais que tout le monde exagérait. Mais contrairement à tous les autres qui chassent ça de leur esprit et le mettent de côté, j'ai été voir ce qui se passait, j'ai passé 6 semaines dans un abattoir de cochons en 1993, je suis rentré par effraction dans des laboratoires de recherches animales, dans des fermes à fourrures, j'ai été dans les coulisses de chaque cirque, chaque rodéo au Michigan. Le cri le plus horrible que je n'aie jamais entendu : une mère vache dans une laiterie, elle crie et mugit de tous ses poumons, jour après jour, pour son bébé volé, pour qu'on le lui rende. »
     
    Gary Yourovsky, Extrait de la conférence « Le discours le plus important de votre vie »
     
    "Les veaux. Donc, au bout d’un jour ou deux, le cachot. La mère peut meugler sans presque s’arrêter pendant quarante-huit heures. Elle cherche le petit qu’elle a porté dans son corps. Faut-il être stupide ! La séparation la stresse gravement. Elle lui fait un mal qu’aucun instrument n’est capable de mesurer. Un veau est passé, simplement. Dans la nature, le sevrage se fait en douceur, sur un temps étonnamment long. Un veau peut téter sa mère jusqu’à l’âge de huit mois."
     
    Fabrice Nicolino, Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde
     
    "Des études canadiennes ont mis en évidence la détresse et le traumatisme des vaches quand on les sépare de leur veau le lendemain même de la naissance et qu’on les mène aussitôt dans la salle de traite. Comme le note Boris Cyrulnik : « En procédant de la sorte, on vide le monde de la mère et du tout jeune animal, et l’on provoque une souffrance très intense, un vrai désespoir. Ce ne sont pas les voies nociceptives qui sont cette fois stimulées, mais bien la représentation. Tous deux sont privés de ce qui faisait sens pour eux. »
     
    Matthieu Ricard, Plaidoyer pour les animaux
     
    « La séparation du veau est l’incident potentiellement le plus douloureux dans la vie de la vache laitière. »
    « Des exemples de vaches qui se sont échappées et ont parcouru plusieurs kilomètres pour retrouver leur propre veau, après qu’il fut vendu à une autre ferme. »
     
    John Webster, Université de Bristol, spécialiste du comportement de l’animal domestique, dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    "Sur une exploitation laitière, une vache avait mis bas pour la cinquième fois de sa vie. Son veau lui fut comme d’habitude retiré, mais au lieu de continuer à produire des dizaines de litres de lait par jour, cette fois son pis restait presque vide. On découvrit finalement que la vache avait donné naissance à des jumeaux et que, par un « choix de Sophie », elle avait livré un de ses veaux à l’éleveur et caché l’autre dans un bois en bordure de prairie. Chaque jour et chaque nuit, elle retrouvait et nourrissait son petit, le seul qu’elle ait jamais pu garder auprès d’elle – et qui lui fut ensuite retiré sans pitié."
     
    D’après le témoignage de Holly Cheever, vétérinaire, dans Désobéir pour les animaux
     
    "Le veau. Reste le veau. Il a été privé de l’affection dont tous les enfants mammifères ont besoin. Ce peut être soit un mâle, soit une femelle. Dans le premier cas, il va être conduit dans un centre d’engraissement où il passera sa très courte vie enfermé, dans une stalle individuelle ou collective, où il aura très peu de place pour se déplacer et où il n’aura rien à faire de ses journées. Son alimentation sera calculée pour qu’il soit anémique, afin que sa viande soit blanche. Enfin, au bout de six mois, il sera conduit à l’abattoir.
    Si le veau est une femelle, elle risque de vivre le même cauchemar que sa mère. Mais si sa croissance n’est pas assez rapide, ou simplement s’il y a déjà trop de femelles, elle subira le même sort que les veaux mâles. Bref, de nos jours, la vache qui rit, cela n’existe pas, sauf dans les spots publicitaires."
     
    Thomas Lepeltier, La révolution végétarienne
     
    "Les veaux souffrent d’être séparés de leur mère et sont enfermés dans des boxes qui les empêchent d’adopter leur position naturelle de sommeil, la tête sous le flanc. Les boxes sont aussi trop étroits pour permettre au veau de se tourner ou de se lécher. Leur aliments sont délibérément appauvris en fer, car les consommateurs apprécient la viande « pâle » dont la couleur est due au fait que les animaux ont été volontairement anémiés."
     
    Matthieu Ricard, Plaidoyer pour les animaux
     
    "Pendant vos cours et/ou vos stages, vous a-t-on appris quel est l’âge considéré le moins « douloureux » pour castrer et écorner les veaux ?
    Nous n’avons pas vu de castration de veaux. Il a été évoqué une fois qu’on les castrait à vif avec une grosse pince : on serre le cordon testiculaire très très fort pendant une minute et cela suffit. Le taurillon est coincé dans une cage de contention, il subit ainsi cette barbarie sans pouvoir se défendre. La souffrance n’est absolument pas prise en compte car ils estimaient que « une minute c’est pas long ! », « on va pas endormir une bête pour une minute ! », « ils s’en remettent ! »…
     
    Les veaux sont écornés à une semaine/quinze jours. On leur applique un fer chauffé à 400° c sur la tête à l’endroit présumé où les cornes pousseront plus tard. On brûle le cartilage et la peau avec. Certains éleveurs font ça avec de l’acide, d’autres laissent pousser les cornes et les coupent à la scie plus tard. Ils sont très rarement endormis car « on va pas endormir tous les veaux juste pour ça!», « ils sont jeunes, dans deux jours ils ne s’en souviendront plus », « ça leur fait pas si mal »… Les éleveurs ont bonne conscience. Ils se disent que les animaux sont jeunes, et oublieront très vite cette souffrance. La douleur animale n’est donc jamais prise en compte."
     
    Une étudiante en BTS Productions Animales, dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    "Un ouvrier américain raconte que, pour tuer les veaux plus vite, on en met huit ou neuf ensemble dans l'enclos d'abattage. "Dès qu'ils entrent, tu commences à tirer; les veaux sautent, ils se montent les uns sur les autres. Tu ne sais plus lesquels ont été touchés et lesquels non, et tu oublies ceux qui sont au fond. " Ils sont suspendus vivants et partent sur le convoyeur en se tordant et en criant. "Les bébés - ceux qui n'ont que deux ou trois semaines - , ça me fait mal de les tuer, alors je les laisse passer. " Pourtant, il ne rend pas service à ces petits veaux en les "laissant passer", car ça veut dire qu'ils seront tout à fait conscients quand l'ouvrier, plus loin sur la chaîne, les suspendra, les saignera, les découpera."
     
    D'après Gail Eisnitz, Slaughterhouse, dans Charles Patterson, Un éternel Treblinka
     
    En Angleterre, le docteur Alan Long a qualifié ce qui se passe dans les abattoirs, où il se rend régulièrement en tant que chercheur, d’entreprise « implacable, impitoyable et sans remords ». Certains ouvriers lui ont confié que le plus dur dans leur travail était de tuer les agneaux et les veaux, parce que « ce ne sont que des bébés ».
     
    « C’est un moment poignant, dit le docteur Long, quand un petit veau affolé, qu’on vient d’arracher à sa mère, se met à téter les doigts du boucher dans l’espoir d’en tirer du lait, et ne reçoit que de la méchanceté humaine. »
     
    Matthieu Ricard, Plaidoyer pour les animaux
     
    Vie d’une vache laitière
     
    "Ensuite, il va falloir que la vache soit traite sans relâche pour que le maximum de lait lui soit soutiré. Pour faciliter cette opération et la rentabiliser, les vaches passent de moins en moins de temps en pâturage. Leur élevage se fait de façon croissante en stabulation individuelle (les animaux sont séparés les uns des autres par des barreaux) où elles ont très peu de possibilité de se mouvoir."
     
    Thomas Lepeltier, La révolution végétarienne
     
    « Selon moi, une vache à viande est bien plus heureuse car elle vit toute l’année au pré ; contrairement à la vache laitière qui vit sur du béton, enfermée dans un bâtiment. »
    Une étudiante en formation BTS Productions Animales, dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    "Alors qu’une vache allaitante produit environ 4 litres de lait par jour (ce qui est suffisant pour son veau), les éleveurs ont réussi à obtenir des vaches laitières qu’elles en produisent en moyenne 30 litres par jour, avec des pics de 60 litres. Leurs pis débordant de lait sont donc très lourds et trop volumineux, ce qui provoque un écartement des membres postérieurs, des lésions au niveau des pieds, des boiteries et autres problèmes fonctionnels. Soumises à ce calvaire pendant quelques années, les vaches finissent rapidement par être épuisées et par voir leur production de lait diminuer. Comme seule l’hyper-productivité est intéressante pour l’industrie, les vaches laitières sont en général envoyées à l’abattoir quand elles ont entre 4 et 5 ans. Ce voyage est encore plus éprouvant que pour leurs cousines allaitantes, puisque les vaches laitières ont bien souvent du mal à se déplacer, quand elles arrivent encore à se tenir debout. Il faut donc les frapper et les traîner par des treuils pour les conduire dans les camions, les en faire sortir et les amener au poste d’abattage. Ensuite, c’est le massacre habituel."
     
    Thomas Lepeltier, La révolutions végétarienne
     
    « La principale maltraitance, subie par les « vaches laitières », est leur continuelle gestation. (…) Les gestations à répétition et la production d’énormes quantités de lait sont épuisantes pour l’organisme de la vache. Par conséquent, tous les éleveurs sont confrontés au problème des « vaches couchées » (downer cows). De nombreuses fois, nous avons été témoins du fait qu’au lieu d’être euthanasiées, ces vaches sont soit laissées dans l’étable où elles finissent par mourir, soit chargées sur un camion et emmenées à l’abattoir. »
     
    Sophie Greger, enquêtrice au sein de Animals’ Angels, dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    « Toutes les vaches sont piquées aux hormones. La seringue n’a jamais été changée pendant toute la semaine où j’ai fait la traite. Le fermier les pique directement dans le trayon (le trou du pis) pour que le lait vienne plus vite. »
     
    Une étudiante en BTS Productions Animales, dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    En France, environ 70% de la viande de bœuf provient des vaches laitières de réforme, c’est-à-dire des vaches envoyées à l’abattoir quand elles ne sont plus considérées comme rentables dans un élevage laitier : trop « vieilles », difficulté à être fécondées, ou subissant des mammites à répétition.
     
    Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    « Après plusieurs années de production de lait, lorqu’elles arrivent en vaches de réforme… elles arrivaient, et elles arrivent encore dans de… très mauvais états. »
     
    Docteur vétérinaire Jean-Pierre Kieffer, président de l’OABA, dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    "Les conditions de vie en élevage bio ou en extensif sont globalement moins mauvaise qu’en intensif. Cependant, les vaches et les veaux sont toujours séparés précocement, les poussins mâles sont broyés ou gazés pour la production d’œufs, les porcelets castrés à vif et un nombre excessif d’animaux sont élevés ensemble : en bio, le nombre de poules pondeuses peut aller par exemple jusqu’à 3000 individus dans le même bâtiment. Quant aux abattoirs bio, ils n’existent pas."
     
    Dans Désobéir pour les animaux
     
    Dans les abattoirs
     
    "Il faut savoir que pour amener les animaux de la stabulation au poste d’abattage, il y a un couloir, souvent mal adapté, avec des angles, des parois trop larges, l’animal peut alors se retourner. Et pour faire avancer les animaux parcequ’ils sont effrayés, il y a l’utilisation de la pile électrique. Cette utilisation est réglementée, on ne doit pas l’utiliser sur certaines parties du corps qui entrent dans la consommation. Ensuite, les animaux arrivent au poste d’abattage."
     
    Docteur vétérinaire Jean-Pierre Kieffer, président de l’OABA, dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    Dès que l’animal a posé un sabot sur la rampe, son destin est scellé. Quand il ressort de la rampe et se retrouve dans l’usine, il est immédiatement « zappé » par un pistolet pneumatique qui lui envoie une balle jaune dans le crâne. Après, il « tombe à genoux, les yeux vitreux », un ouvrier accroche un de ses sabots arrière à une chaîne, une poulie soulève alors « la bête comateuse » de la plate-forme et elle se débat, la tête en bas, balancée au-dessus de la salle d’abattage où « des hommes couverts de sang attendent avec de longs couteaux de couper la gorge de l’animal et de lui trancher la veine jugulaire ».
     
    Jimmy M. Skaggs, dans Charles Patterson, Un éternel Treblinka
     
    Comme les autre bêtes de rente, elles doivent d’abord être étourdies. En ce qui les concerne, l’opération consiste à leur pérforer le crâne. Là encore, l’intention est bonne. Mais, comme toujours, les bêtes ne sont pas dociles. Elles bougent et se débattent. Quant aux personnes en charge de l’opération, elle ne sont pas toujours à la hauteur de leur tâche. En plus, elles n’ont pas le temps de faire soigneusement leur travail. Résultat : de nombreuses vaches, simplement sonnées, restent conscientes ou reprennent rapidement conscience. Or voilà que commence l’opération de dépeçage. On suspend donc à un crochet ces vaches toujours conscientes par une patte de derrière et on leur tranche la gorge pour qu’elles se vident de leur sang. Imaginez ce que doit être pour une vache de plus de 500 kg que d’être soulevée par une patte arrière : le crochet lui arrache la peau, sa hanche est à peu près sûre d’être démise et, psychologiquement, la situation doit être terrifiante. En tout cas, c’est au cours de ce processus qu’elles sont sensées mourir. Mais, dans l’industrie, on ne peut pas se permettre d’attendre longtemps. Alors, quand de nombreuses bêtes sont encore conscientes, on se met à les dépecer, en commençant par couper les pattes de devant. Les vaches toujours suspendues par une patte arrière, se débattent tant qu’elles peuvent. Mais leur destin est scellé. Le couteau du boucher continue son œuvre.
     
    Thomas Lepeltier, La Révolution végétarienne
     
    "Ensuite, cette vache, qui a produit pendant un certain temps, ne va pas mourir dans le pré et être enterrée comme un animal domestique. Elle va partir à l’abattoir. Elle a une période de production, ensuite une période de consommation. Elle va être consommée et cette vache abattue sans étourdissement… Surtout les vaches laitières sont beaucoup plus longues à mourir de la saignée ! J’ai vu des petites vaches laitières, des petites Holstein très maigres, qui saignaient beaucoup moins vite. … Les vaches de réforme peuvent demander 5 à 7 minutes avant de mourir. Imaginez une vache qui fait 500 kg, suspendue par une patte, la gorge tranchée, et attendre 5 minutes avant de mourir. Elle risque même de se retrouver… « habillée » - c’est un terme que les abattoirs emploient lorsqu’ils commencent à retirer la peau. Donc on risque de commencer à retirer la peau sur un animal qui n’est pas complètement mort…"
     
    Docteur vétérinaire Jean-Pierre Kieffer, président de l’OABA, dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    La chaîne d’abattage est un lieu où les bruits atteignent aisément 110 décibels, soit davantage que le fracas d’un concert. Le crissement des couteaux et des scies fendeuses se mêle à celui des vérins soutenant les plates-formes et des outils pneumatiques. L’on travaille sous le jet de lances à eau sans lesquelles les ouvriers disparaîtraient sous les déjections. Il faut chaque matin se réhabituer à l’odeur du chlore, à l’odeur de l’urine, à l’odeur de la merde, à l’odeur du sang. N’oublions surtout pas, car c’est lié, l’obsession sanitaire, sans laquelle l’édifice s’effondre immanquablement.
     
    Fabrice Nicolino, Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde
     
    "Un homme, Danny, revient de son déjeuner. Il donne trois ou quatre coups de pied violents à la vache blessée pour la faire lever, mais elle ne peut pas. Il se penche dans le box métallique et tente de l’assommer de son pistolet pneumatique, puis lui tire une balle de douze centimètres dans la tête.
    Danny attache une chaîne à l’une des pattes arrière de la vache et la soulève. Mais la vache n’est pas morte. Elle lutte, ses pattes s’agitent tandis qu’elle s’élève, la tête en bas. Sue remarque que certaines vaches sont totalement assommées mais d’autres pas du tout. « Elles se débattent comme des folles pendant que Danny leur tranche la gorge. » Danny parle à celles qui sont encore conscientes : « Allez, ma fille, sois gentille ! » Sue regarde le sang gicler « comme si tous les êtres vivants étaient des récipients mous qui n’attendaient que d’être percés ». Danny s’approche de la porte et fait avancer les vaches suivantes à coups de bâton électrique. Les vaches terrifiées résistent et donnent des coups de sabots. Tandis qu’il les force à pénétrer dans l’enclos où elles vont être assommées, Danny répète d’une voix chantante : « Allez, ma fille ! »
     
    D’après le témoignage de l’artiste peintre Sue Coe, dans Matthieu Ricard, Plaidoyer pour les animaux
     
    "J’ai entendu dire que des vaches arrivent à l’abattoir alors qu’elles attendent un petit. L’avez-vous également constaté ?
    - Oui, c’est une pratique courante, chez les éleveurs. En fait, une vache pleine est plus lourde, elle rapporte ainsi plus d’argent à l’éleveur."
     
    Une élève de deuxième année à l’Ecole Nationale Vétérinaire D’Alfort.
    Dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    Un ouvrier témoigne :
     
    « Une génisse de trois ans est arrivée dans la zone de tuerie. Et elle était en train de vêler, juste là, le veau était à moitié sorti. Je savais qu’elle allait mourir, alors j’ai tiré le veau. Bon sang, mon patron était fou de rage. (…) Ces veaux, ils les appellent des « avortons ». Ils se servent du sang pour la recherche sur le cancer. Et il le voulait, ce veau. »
     
    « Quand il y en a qui se réveillent, explique un employé de la chaîne, on a l’impression qu’elles cherchent à grimper le long des murs. » Quand les vaches arrivent au niveau des coupeurs, les coupeurs de pattes n’ont pas le temps d’attendre que leur collègue vienne assommer de nouveau la vache. Donc, ils leur coupent simplement le bas des pattes avec les pinces : « Les bêtes deviennent folles, elle donnent des coups de pied dans tous les sens. »
     
    Jonathan Foer, Faut-il manger les animaux ?
     
    « J’aimerais ajouter que, sur le problème des abattoirs… c’est un énorme problème, et le public n’est pas informé ! Il tient également à vous de les informer. »
    Docteur vétérinaire Jean-Pierre Kieffer, président de l’OABA, dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    « Je me souviendrai toujours de cette vache qui louchait. Comme j’aurais voulu la sauver ! Mais ce n’était pas possible. D’autant plus que la législation spécifie bien que tout animal entré dans un abattoir ne peut en ressortir vivant… »
     
    Jean-Luc Daub, ancien enquêteur dans les abattoirs, dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    Les personnes en charge de l’opération
     
    « J’ai reçu un jour, chez ma logeuse, un ouvrier de l’abattoir. Or elle le connaissait depuis plus de vingt ans, mais elle ignorait qu’il faisait ce travail. Il ne lui avait jamais dit. Certains ne le disent pas à leur propre femme. Je crois que ces gens intériorisent une sorte de condamnation morale a priori, jamais exprimée, de leur activité. »
     
    Témoignage de Séverin Muller, sociologue
     
    Séverin Muller a bien raison d’insister sur cette dimension sociale. L’immense majorité des ouvriers d’abattoir sont des… ouvriers, souvent d’origine rurale, peu cultivés et ne disposant d’aucun relais dans la société pour faire entendre leur point de vue et défendre leur intérêts. (…) Mais le grand massacre, dans ces conditions indignes, ne cache-t-il pas des mystères plus profonds encore ? D’où vient cette volonté du corps social de faire accomplir la tuerie par les plus pauvres, les mal-aimés de la vie, payés comme il se doit à un prix dérisoire ?
    Comme il serait facile de concentrer le regard sur les tueurs patentés qui oeuvrent en notre nom collectif !
     
    Fabrice Nicolino, Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde
     
     
    "Tuer des jeunes peut parfois poser problème aux ouvriers des abattoirs. "Il est intéressant de voir, dit un observateur anglais, ce qui touche encore le coeur calleux - de par le travail qu'ils font ou que le consommateur leur demande de faire - des ouvriers des abattoirs. Pour l'un, ce sont les chèvres. "Elles pleurent comme des bébés". Pour un vétéran de l'eviscération, c'est de porter des veaux de trois jours jusqu'à l'abattage et de leur détruire le cerveau d'une balle."
     
    Andrew Tyler, dans Charles Patterson, Un éternel Treblinka
     
    "D’après une étudiante vétérinaire, Christine M. Haupt, qui relate son expérience de stagiaire dans un abattoir, ce sont les consommateurs qui contribuent à entretenir ce système et sont donc, en fin de compte, responsables : « Il me vient à penser que – à part quelques exceptions – les personnes qui travaillent ici ne réagissent pas de façon inhumaine, elles sont tout simplement devenues indifférentes, comme moi aussi avec le temps. C’est de l’autoprotection. Non, les vrais inhumains sont ceux qui ordonnent quotidiennement ces meurtres de masse et qui, à cause de leur voracité pour la viande, condamnent les animaux à une vie misérable et à une lamentable fin, et forcent d’autres humains à accomplir un travail dégradant qui les transforme et êtres grossiers. Moi-même, je deviens progressivement un petit rouage de ce monstrueux automatisme de la mort. »
     
    Matthieu Ricard, Plaidoyer pour les animaux
     
    "Le docteur Long aime discuter avec les ouvriers, pendant leurs pauses. « J’ai souvent traîné avec l’équipe des assommeurs dans leur salle quand, couverts de sang et de sueur, ils se reposent de la tuerie. J’ai tenté d’en apprendre autant que j’ai pu et d’obtenir leur point de vue. Ils ont parfois des remarques révélatrices comme : « Enfin c’est légal, non ? »
    Et je pense que ces remarques laissent entendre qu’ils sont peut-être un peu surpris eux-mêmes. »
     
    Charles Patterson, Un éternel Treblinka
     
    En finir avec l’exploitation animale
     
    Ecoutons la grande primatologue Jane Goodall : « Ce qui me choque le plus, c’est que les gens paraissent presque schizophrènes dès lors que vous évoquez les conditions terribles qui règnent dans les élevages intensifs, l’entassement cruel d’êtres sensibles dans des espaces minuscules – des conditions tellement horribles que l’on est obligé de leur administrer sans cesse des antibiotiques pour les garder en vie, sinon ils se laisseraient mourir. Je décris souvent le cauchemar du transport – s’ils tombent pendant le transport, on les hisse par une jambe, qui se casse – et des abattoirs où tant d’animaux ne sont même pas étourdis avant d’être écorchés vifs ou plongés dans l’eau bouillante. C’est évidemment atrocement douloureux. Lorsque je raconte tout ceci aux gens, ils répondent souvent : « Oh, s’il vous plaît, ne m’en parlez pas, je suis trop sensible et j’adore les animaux. » Et je me dis : Mais qu’est-ce qui a bien pu dérailler dans ce cerveau ?!
     
    Matthieu Ricard, Plaidoyer pour les animaux
     
    "Les mauvais traitements à l’égard des animaux restent, eux, le plus souvent, ignorés, tolérés, voire approuvés. Pourquoi ignorés ? Parce que l’écrasante majorité de ces mauvais traitements sont infligés aux animaux loin des regards, dans les entreprises de prodution industrielle et dans les abattoirs. Et l’industrie agroalimentaire exerce une censure tacite mais hermétique, s’assurant qu’aucune image choquante ne sorte de ses enceintes de torture."
     
    Matthieu Ricard, Plaidoyer pour les animaux
     
    "A de rares exceptions près (celle du documentaire L’adieu au steak, par exemple, qui a été diffusé par Arte), on ne montre jamais à la télévision ce qui se passe tous les jours dans ces lieux. Des documentaires remarquables, tels que Terriens, Food Inc. et LoveMEATender, réalisés au prix de grandes difficultés, ne sont jamais diffusés sur les chaînes publiques. (…) Ce n’est pas que les médias et la télévision répugnent à montrer des images susceptibles de heurter les âmes sensibles. Ils diffusent continuellement des images de guerre, d’attentats et de catastrophes naturelles dans le but d’informer et, dans certains cas, d’éveiller notre compassion et de nous inciter à venir en aide aux victimes.
    Dans les pays riches (…) le sort de ceux que nous mangeons est dissimulé avec force précautions. Tous est fait pour que le consommateur soit maintenu dans l’ignorance. (…)
    Les industriels en question affirment n’avoir aucune raison d’avoir honte des leurs activités. Mais s’ils avaient l’esprit en paix, pourquoi feraient-ils tant d’efforts pour les dissimuler ? Ils savent fort bien que la demande des consommateurs baisserait spectaculairement si ces derniers voyaient ce qui se passe dans les élevages de masse et dans les abattoirs.
    Il n’est donc guère surprenant que les responsables de ces entreprises interdisent systématiquement l’accès de leurs locaux aux journalistes et aux autres personnes qui veulent les visiter, et veillent à ce que leurs usines soient gardées comme des camps militaires hautement sécurisés."
     
    Matthieu Ricard, Plaidoyer pour les animaux
     
    « La cruauté incontestable associée à la production de produits laitiers fait comprendre que le lacto-végétarisme n’est qu’à mi-chemin entre la consommation de viande et une alimentation réellement humaine et civilisée. »
     
    Donald Watson, co-fondateur de la Vegan Society, dans Michelle Julien, La vache à lait, Notre consommation, leur martyre
     
    « Je pense très profondément que les gens qui ont une sensibilité, qui réfléchissent aux choses, doivent en arriver à la conclusion qu’il est impossible d’être bon, d’être pacifique si on tue des animaux. Qu’on ne peut pas se dire épris de justice si on s’empare d’une créature plus faible que soi pour la torturer et la tuer. »
     
    Isaac Bashevis Singer (prix Nobel de littérature en 1978), dans Charles Patterson, Un éternel Treblinka
     
    ***
    Ne dites plus que vous aimez les animaux si vous consommez des produits d'origine animale.
  • "Le dieu pétrole dévore le Canada", Nancy Huston (Le Monde)

    Je suis chez moi, et hors de moi. En encourageant le développement à outrance des industries pétrolières de l'Alberta, Stephen Harper, le premier ministre canadien, met l'humanité en péril. L'humanité de ma province natale, et l'humanité tout court.

    Pour l'instant, peu de Français le savent : l'extraction du bitume des sables dans l'ouest du Canada est l'entreprise humaine la plus importante de la Terre. Le potentiel pétrolier de ces sables est estimé à 2 500 milliards de barils, assez pour nous nourrir en or noir, au rythme insensé où nous le consommons, pendant encore deux siècles et demi.

    La façon de nommer ce site vous oblige déjà à vous en montrer solidaire : la majorité des Albertains a adopté le terme officiel de sables pétroliers ; seuls les écolos persistent à les appeler sables bitumineux. Mais ce que l'on extrait des sables, grâce à différentes techniques coûteuses en énergie et polluantes, est bel est bien du bitume ; pour transformer en pétrole cette substance gluante, puante et corrosive, il faut l'acheminer jusqu'à des raffineries en Chine, au Texas ou au Québec par des oléoducs follement chers et forcément fuyants.

    UN DÉLIRE DE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL

    Utilisées par les Amérindiens pour colmater leurs canoës, appréciées dès la découverte de ces terres par les Européens au XVIIIe siècle, exploitées à une échelle modeste dès les années 1970, ces vastes réserves ont déclenché depuis 2000 un délire de développement industriel. Des dizaines de compagnies s'arrachent des parts du gâteau. La population de Fort McMurray, son épicentre, a décuplé en quinze ans, et ce sans compter les dizaines de milliers d'hommes concentrés dans des camps de travail.

    « Vous avez entendu parler des effets de la crise de 2008 au Canada ? », nous demande le jeune Marocain qui, dans un centre commercial à Fort McMurray, tient avec quelques amis libanais le… Havana Café. Il pose devant une photo du Che et fait mine d'allumer un cigare cubain. « Pas de crise ici ! » Lui-même vit à « Fort McMoney » depuis sept ans et ne se voit pas rentrer de sitôt : comment trouver au Maroc un emploi rémunéré 14 euros de l'heure ?

    Pendant l'hiver aussi rigoureux qu'interminable sous ces latitudes (de septembre à avril), la température descend souvent à – 50 oC. Nous sommes au mois de juin, un des rares mois à peu près cléments de l'année, ce sont des jours de semaine, en pleine période scolaire… Or les rues de Fort McMurray restent désertes. Cent enfants naissent ici chaque mois, mais ils voyagent apparemment en voiture comme tout le monde, car on a beau sillonner la ville, on ne voit ni poussette ni vélo, encore moins de jeunes piétons…

    La comparaison avec la ruée vers l'or est galvaudée, mais juste : les gens viennent de loin pour vite s'enrichir. Tous les accoutrements de l'humanité sont là, mais il manque son essence : un certain don pour vivre ensemble. Certes, on peut trouver partout en Amérique du Nord, se jouxtant dans un même centre commercial, de mauvais restaurants chinois, mexicains, italiens, des supermarchés, stations d'essence et laveries automatiques ; le problème, c'est qu'ici, outre les maisons plus ou moins cossues, à pelouse parfaite et à garage géant, la ville semble ne comporter que des centres d'achat, émaillés de quelques hôtels et banques. Un « centre culturel » vient d'être échafaudé sur une île au milieu de la rivière Athabasca qui sillonne la région ; toutes les distractions y sont réunies : terrains de foot, piscines, bibliothèques, gymnases, pistes d'athlétisme…

    « BIG IS BEAUTIFUL »

    L'omniprésence de mots positifs souligne cette absence grave de communauté. Be Unique (« soyez unique ») ! hurlent des panneaux d'affichage. Moineaux ! Aurores boréales ! Les mots bucoliques compensent la destruction massive de la nature. Sommet ! Quête ! Eden pur ! Les noms de marque exaltants démentent la bassesse irréparable de ce qui se passe ici, un viol de la terre qui empoisonne l'eau et l'air de manière irréversible. La nourriture est grasse et sucrée, indigérable… et coûteuse. Atmosphère ! Feeling ! La malbaise est à l'image de la malbouffe, ce que reflète le taux record de syphilis à Fort McMurray. Comme partout où les hommes se trouvent en surnombre et seuls, les femmes économiquement désavantagées viennent à la rescousse : l'annuaire propose dix pages de services d'escorte ; un site Internet contient deux mille petites annonces d'hommes, précisant brutalement les prestations sexuelles recherchées ; les couloirs de l'université sont vides, les librairies aussi ; en revanche, la boîte de nuit où les « girls » se succèdent comme strip-teaseuses, avant de s'éclipser avec les clients pour une brève étreinte tarifée, est le seul lieu où, chaque soir, il y a foule.

    Le maître mot à Fort McMoney est big. Oublié le small is beautiful (« le beau est dans le petit ») des années 1970. Désormais, big is beautiful. Les camions, grues et autres engins sont les symboles sacrés de l'humanité inhumaine qui circule ici. Ils s'affichent sur les calendriers, dans les bureaux et magasins, véritables icônes religieuses et sexuelles qui remplacent tant la Vierge Marie que la pin-up. Ils incarnent tous les fantasmes de puissance. Le mâle humain sans les faiblesses de l'humanité. L'écologie, c'est pour les femmelettes. Grosses cylindrées, plastiques, ordures non triées, après nous le déluge.

    How big is it ? (« c'est grand comment ? ») demande, en une litanie lancinante, le film diffusé au « Centre de découverte des sables pétroliers » de Fort McMurray. On vous souffle la question : du coup, vous désirez la réponse, et ne songez pas à poser d'autres questions. Les camions fabriqués pour cette industrie sont les plus grands du monde, grands comme un immeuble de deux étages, si grands qu'il faut les assembler sur place, car les autoroutes ne peuvent les supporter, ils écrasent un pick-up sans même s'en apercevoir… How big is it ? Difficile de ne pas penser aux concours de garçons dans les vestiaires. Le nec plus ultra, c'est le camion 797-LNG. En grimpant dans le car touristique pour visiter les installations pétrolières, on se surprend à espérer qu'on va pouvoir en apercevoir au moins un. Un peu comme la baleine blanche que recherche le capitaine Achab dans Moby Dick.

    Deux heures après la fin de la visite, nous montons dans un avion qui nous conduit à Fort Chipewyan, village amérindien à l'embouchure du fleuve Athabasca où se déversent les déchets des compagnies pétrolières. Nous survolons l'ensemble des installations, qui couvrent un territoire grand comme l'Etat de la Floride. Nous voyons des bassins de rétention d'eaux polluées, cent fois plus grands que ceux que l'on nous avait montrés pendant la visite, cette fois sans le moindre épouvantail ni canon pour empêcher les oiseaux de venir s'y intoxiquer.

    Arrivés à Fort Chipewyan, nous trouvons un village silencieux, beau et moribond. Les poissons sont difformes, cancers et maladies respiratoires font des ravages. Mais tous les hommes travaillent ou ont travaillé pour les compagnies pétrolières, car il n'y a pas d'autre employeur.

    L'AVENIR DE L'HUMANITÉ EN JEU

    A chaque instant du périple touristique, je pensais aux « villages Potemkine » en carton-pâte, montrés à l'impératrice Catherine II pendant sa visite de la Crimée en 1787, pour lui dissimuler la pauvreté du pays. Je pense aux usines modèles présentées à Sartre et à Beauvoir pendant leurs visites de l'Union soviétique dans les années 1950, pour émousser leur curiosité au sujet des goulags. Je pensais à Terezin, le camp modèle près de Prague, où l'on amenait les visiteurs de la Croix-Rouge pour les rassurer quant au sort des juifs, des Polonais et des communistes déportés par les nazis.

    On pourrait estimer exagéré, voire absurde de comparer l'exploitation des sables bitumineux albertains aux scandales du régime tsariste dans la Russie du XIXe siècle, sans parler des projets d'extermination nazis ou soviétiques. Mais ce n'est pas exagéré, car c'est bel et bien l'avenir de l'espèce humaine sur Terre qui se joue ici. Cette exploitation pétrolière en Alberta est déjà responsable des deux tiers des émissions de gaz à effet de serre de tout le Canada, et son expansion est incessante.

    C'est à cause d'elles que le Canada refuse de signer le protocole de Kyoto, à cause d'elles que M. Harper insiste pour supprimer, d'une directive européenne, la clause exigeant que les raffineurs rapportent les niveaux de CO2 émis par leur production (107 g pour les sables bitumineux, par contraste avec 93,2 pour le brut conventionnel). Selon toutes les prévisions sérieuses, si le président Obama approuve la construction de l'oléoduc Keystone XL qui doit relier l'Alberta au Texas et qui rencontre une vive opposition, la quantité de gaz à effet de serre lâchée dans l'atmosphère fera grimper la température de la Terre d'encore un demi-degré. Mais M. Obama lui-même a été élu grâce au dieu pétrole, et on ne lui permettra jamais de l'oublier.

    « Quand les gens perdent leur énergie créative, dit l'ami métis québecois qui m'accompagne dans ce voyage, ils préfèrent se laisser manipuler. » C'est ce que je constate en ce moment dans mon Alberta natal, jour après jour. Et c'est gravissime.

    Nancy Huston

    Ecrivaine

    En savoir plus sur : http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/06/14/le-dieu-petrole-devore-le-canada-par-nancy-huston_4438049_3232.html#SeXHcVRu6LTFxMPB.99
  • "Ce que « phobie » veut dire", par Olivier Rolin (Le Monde des Livres)

    Olivier Rolin.

    Ma voix, je le crains, sera quelque peu discordante dans le concert. Le besoin de se rassurer est immense. Je le comprends, mais je crois qu’il est vain. Ces odes qui montent de partout à l’unité nationale, à « nos valeurs » qui l’emporteront : je les trouve sympathiques, j’aimerais les partager, mais je n’y arrive pas.

    J’ai été ému, et le mot est faible, par la foule énorme, calme, accueillante, patriote au sens généreux du terme, au sein de laquelle je me trouvais dimanche 11 janvier. Ce peuple évoque celui des Trois Glorieuses que commémore la colonne de la Bastille, celui de la Commune, de la Libération, de Mai 1968, du 1er mai 2002, mais je crains qu’il n’ait que peu de chose à voir avec celui dont sont issus le « gang des barbares », les Merah, les Nemmouche, les violeurs de Créteil, les Kouachi, les Coulibaly.

    Un écrivain n’a pas plus de légitimité que quiconque à analyser à chaud les drames qui laissent la société sidérée (il peut a posteriori en tirer des fictions – si j’étais un vrai romancier, je m’occuperais de ce personnage effarant d’Hayat Boumeddiene, mi-héroïne à quatre sous de téléréalité, mi-mante religieuse à arbalète). Il peut en revanche s’intéresser au sens des mots qui prétendent dire les événements.

    « Islamophobie » est de ceux-là, il paraît que c’est un grand péché. Un peu de philologie élémentaire est peut-être utile. Phobos, en grec, veut dire « crainte », pas « haine » (misos). Si ce mot a un sens, ce n’est donc pas celui de « haine des musulmans », qui serait déplorable en effet, mais celui de « crainte de l’islam ». Alors, ce serait une grande faute d’avoir peur de l’islam ? J’aimerais qu’on m’explique pourquoi. Au nom de « nos valeurs », justement.

    J’entends, je lis partout que les Kouachi, les Coulibaly, « n’ont rien à voir avec l’islam ». Et Boko Haram, qui répand une ignoble terreur dans le nord du Nigeria, non plus ? Ni les égorgeurs du « califat » de Mossoul, ni leurs sinistres rivaux d’Al-Qaida, ni les talibans qui tirent sur les petites filles pour leur interdire l’école ? Ni les juges mauritaniens qui viennent de condamner à mort pour blasphème et apostasie un homme coupable d’avoir critiqué une décision de Mahomet ? Ni les assassins par lapidation d’un couple d’amoureux, crime qui a décidé Abderrahmane Sissako à faire son beau film, Timbuktu ?

    J’aimerais qu’on me dise où, dans quel pays, l’islam établi respecte les libertés d’opinion, d’expression, de croyance, où il admet qu’une femme est l’égale d’un homme. La charia n’a rien à voir avec l’islam ?

    Les croyants pacifiques, je voudrais qu’on ne doute pas un instant du respect que j’ai pour eux, d’autant plus grand qu’il leur est, j’imagine, difficile de se tenir à l’écart de cette folie mondialisée. Et j’aimerais passionnément croire qu’ils seront, que nous serons ensemble les plus forts.

    Mais, si l’on croit que les mots ont un sens, il faut cesser de dire que la terreur au nom d’Allah n’est le fait que d’une minorité infime sans rapport avec l’islam. Les propos les plus sensés que j’aie lus ces jours derniers, ce sont ceux d’un éducateur sénégalais dans Libération. « Le refus des amalgames, dit-il, c’est très bien. Mais la fracture au sein de la société est telle que je la crois irréversible. Je côtoie des jeunes qui sortent de prison (…). Leur discours est haineux vis-à-vis de la France et de ses valeurs. Le combat séculaire pour la tolérance et la liberté est menacé par ces brebis égarées. Elles sont plus nombreuses que beaucoup semblent l’imaginer. »

    Il y a quand même eu, paraît-il, des milliers de tweets « Je suis Kouachi ».

    Une chose encore, non des moins graves : Ilan Halimi était juif, les enfants tués par Merah l’étaient, comme ceux que visait Nemmouche, comme le jeune couple attaqué à Créteil, comme les morts de la porte de Vincennes. L’antisémitisme est toujours abominable. Il est peut-être plus insupportable encore dans le pays qui a été celui de l’affaire Dreyfus et de la rafle du Vel’ d’Hiv (entre autres).

    Quand je lis que des milliers de juifs français émigrent vers Israël parce qu’ils ne se sentent plus en sécurité ici, j’ai l’impression de relire, sur un palimpseste sinistre, les pages les plus sombres de l’histoire de mon pays. Je voudrais bien savoir si les juifs de France n’ont pas peur de l’islam. Moi, en tout cas, j’ai peur d’un certain islam. Mais je n’ai pas peur de le dire.

    Olivier Rolin

    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/livres/article/2015/01/14/ce-que-phobie-veut-dire-par-olivier-rolin_4556229_3260.html#vmPGRgIPxVVJxzGC.99