Ainsi, Eric Zemmour a entrepris de faire interdire mon film La Domination masculine, nous adressant, par voie d’huissier, ses exigences de déprogrammation immédiate des cinémas, sous peine d’être attaqués par ses soins.
Eric Zemmour est le chroniqueur présent tous les samedis soir dans l’émission de Ruquier sur France 2 (« On n’est pas couchés »).
Il apparaît furtivement dans mon film, dans une archive de la télévision suisse où il décrit sa vision de la sexualité des hommes pour le moins surprenante.
C’est lui aussi qui m’a traité de « Voyou, escroc, terroriste médiatique » chez Tadéi sur France 3 (en mon absence évidemment).
Passé le premier fou rire, il nous faut analyser sa demande.
Les réponses à ses arguments, nous les gardons évidemment pour le tribunal au cas où Zemmour déciderait d’ester en justice puisque nous avons décidé de ne pas lui répondre.
Mais pour le reste…
Tout d’abord, mes amis diront que je suis incorrigible, je voudrais lui trouver des circonstances atténuantes.
Zemmour s’exprime évidemment dans la souffrance.
On ne peut exprimer tant de haine et de colère sans qu’il en soit ainsi.
En ce qui concerne les femmes, sa blessure narcissique fondatrice ressemble à celles des nombreux masculinistes que j’ai rencontrés.
Un sentiment de ne pas occuper la place qu’ils méritent.
En l’occurrence, Zemmour aurait rêvé d’être un grand intellectuel et il est chroniquer à la télé, envoyé spécial du Figaro dans le VIIIe arrondissement.
Il se voyait énarque et a échoué à plusieurs reprises au concours d’entrée de l’ENA, se voyant doublé par bon nombre de femmes.
Et comme toujours dans ces cas-là, l'observation est simple: dans une situation non mixte de pouvoir, chaque fois que des femmes prennent enfin des positions, les hommes qui les suivent reculent d’autant.
Il faut accepter ce fait comme étant juste, nécessaire et souhaitable.
Ce que Zemmour n’a pas encore réussi à faire, préférant, plutôt que de s’en prendre à ses limites, voire à sa médiocrité, chercher un bouc émissaire : les femmes qui feraient mieux de garder leur place.
Il théorise ainsi à souhait ce qui lui sert à justifier sa haine des femmes qui réussissent, surtout en politique.
Son livre Le premier sexe (sic) se conclut par une déclaration très claire à ce sujet :
« L’équilibre subtil entre hommes et femmes, entre virilité dominante et féminité influente, a été brisé par l’abdication des hommes blancs du XXe siècle qui ont mis à terre leur sceptre patriarcal. »
Ou bien (page 95) :
« Dans le monde d’autrefois, les règles étaient clairement définies : la femme a droit au respect, mais souvent aussi à la frustration ; l’homme a droit au plaisir, mais il a des devoirs envers la jeune fille qu’il séduit (…) Globalement, ces règles sont à peu près respectées jusqu’aux années 1950. Elles sont à la fois inhibitrices et rassurantes. Ce monde est mort et enterré. (…) Les hommes n’ont plus le pouvoir sur rien dans la famille et ils se défaussent des responsabilités qui allaient avec. »
Il est nécessaire de préciser à la lecture de l’ouvrage, que Zemmour ne s’exprime pas au second degré.
Il défend vraiment le principe d’une « virilité dominante » et d’une « féminité influente ».
On sait ce que tout cela veut dire.
Le bon temps d’avant 1950, où les femmes n’avaient pas le droit de vote (sauf sur l’oreiller)…
Pour ne prendre qu’un exemple dans le même opuscule, il explique comment les femmes ne peuvent réussir en politique que par la promotion canapé.
Penser qu’elles gravissent les échelons par leur talent ne lui est pas venu à l’esprit .
« Les femmes devaient passer par le lit du roi pour avoir de l’influence. On pourrait compter sur les doigts d’une main les femmes politiques, de stature nationale, qui ne soient pas passées dans les bras de Giscard, Mitterrand, Chirac. » (p81)
Celles-ci doivent apprécier…
Sa vision de la sexualité et du désir est plutôt surprenante, il nous assène ainsi (p 67 à 69) :
« C’est l’inégalité qui était le moteur traditionnel du désir. La machine séculaire du désir entre l’homme et la femme reposait sur l’admiration de la femme pour celui qui a ce qu’elle n’a pas entre les jambes.
(…)
La prostitution (est) devenue un des moyens qu’ont trouvé les hommes pour retrouver une supériorité – et donc leur désir - dans la société du respect et de l’égalité. Pour la même raison, d’autres vont en Thaïlande ou à Cuba. Ces hommes occidentaux, beaucoup d’Allemands et d’Américains qui viennent de contrées où les féministes ont été particulièrement virulentes, fuient les femmes blanches, leurs égales, trop respectables, qu’ils n’osent pas désirer.
(…)
Exactement comme les hommes du XIXè siècle se rendaient au bordel, baiser des putains ou des courtisanes, tandis qu’ils « respectaient » leur femme sanctifiée par la religion catholique. »
La norme masculine archaïque est donc en permanence réaffirmée par Zemmour de façon caricaturale, quitte à faire rire de lui. (p 82 et 86)
« Si Capet (Louis XVI) est condamné à mort, c’est parce qu’il a subi l’influence de l’Autrichienne et des émigrés efféminés, qu’il n’a pas été le père que l’on attendait, qu’il n’a pas été l’homme viril que l’on espérait.
Les baby-boomers (…), cette génération veut abandonner la pulsion de mort qui est le propre de la virilité depuis des millénaires. Ils veulent être du côté de la vie, du côté des femmes. Mais c’est cette pulsion de mort qui depuis toujours structure la loi et les interdits. »
[...]
Les blessures de Zemmour devraient donc se soigner ailleurs que sous les projecteurs.
Mais comme elles provoquent de bons scores d’audience, des producteurs de télévision continueront sans doute de les valoriser longtemps. En se pinçant le nez.
En attendant, La Domination masculine reste à l’affiche à moins qu’une décision de justice ne vienne le déprogrammer.
Note : pour ceux qui veulent vérifier ces citations que l’on a peine à croire, les numéros des pages correspondent à l’édition en poche, chez « J’ai lu ».
Patrick Jean
http://patricjean.blogspot.com/