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Féminisme - Page 20

  • Inde : des prostituées mineures gonflées aux hormones

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    Les clients des prostituées en Inde les préfèrent vierges et mineures. Selon une croyance tenace, elles les protégeraient ou les guériraient de maladies telles que le Sida.

    Le problème pour les trafiquants et les proxénètes est, qu’à vouloir mettre des filles trop jeunes sur le trottoir ou dans les bordels, ils risquent de lourdes condamnations à des peines de prison.

    Celles-ci peuvent aller de sept ans à la prison à vie, si la fille a moins de 16 ans et de trois à sept ans, si elle est majeure, nous rapporte le quotidien indien Hindustan Times.

    Afin d’éviter la prison, les trafiquants de l’Etat du Karnataka situé dans le sud de l’Inde, ont trouvé la parade : ils nourrissent les mineures qu'ils forcent à la prostitution, avec des hormones qui vont les faire vieillir plus vite : leurs seins poussent, leur taille s’épaissit, elles grossissent et se ramollissent.

    Les oestrogènes, hormones féminines, seront mélangés au lait du petit déjeuner et au bol de riz du déjeuner, avec de temps en temps un soupçon de testostérone, une hormone mâle grâce à laquelle leur voix se transformera et leur visage se recouvrira d’un léger duvet qui cachera leurs traits juvéniles.

    Il semble que le phénomène dépasse les frontières du Karnataka, des cas ont été répertoriés à Bombay.

    La police a pris connaissance de cette pratique.

    En collaboration avec le Comité pour le bien-être des enfants, qui a recueilli plusieurs de ces filles en fuite, elle a ouvert une enquête à Deonar dans la banlieue de Bombay.

    Des vérifications auprès des pharmaciens locaux ont été faites afin de suivre la trace les acheteurs d’hormones.

    http://femmes.blogs.courrierinternational.com/tag/prostitution

  • "Le féminisme pour les nuls" (Caroline Fourest)

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    Une douce OPA s’opère sur le Mouvement de libération des femmes.

    La semaine dernière, Le Parisien et Ouest-France annonçaient « les quarante ans du MLF »… Avec deux ans d’avance.

    Stupeur chez les féministes.

    Seraient-elles guettées par la maladie d’Alzheimer ?

    Serions-nous déjà en 2010 ?

    De l’avis des historiennes comme des militantes, les « années mouvement » remontent à 1970.

    Des féministes étaient bien à l’oeuvre parmi les activistes de Mai-68, mais leurs préoccupations n’étaient la priorité du mois de mai, surtout pas celles de leurs camarades garçons.

    Il faut attendre 1970 pour assister à un mouvement revendiquant la libération des femmes à travers une série de temps forts collectifs : réunion à la faculté de Vincennes, dépôt de gerbe à la femme du « soldat inconnu » et numéro de la revue de Partisan proclamant « Féminisme : année zéro ».

    Mais alors pourquoi cette précipitation et pourquoi certains médias datent subitement l’acte fondateur du MLF un 1er octobre 1968 ?

    Cette date ne correspond à rien… si ce n’est à l’anniversaire d’Antoinette Fouque.

    Aussi comique que cela puisse paraître, cette ancienne députée européenne, fondatrice des Editions des femmes, croit se souvenir avoir abordé la question avec deux amies le jour de son anniversaire en 1968…

    Ce qui en ferait l’une des « fondatrices » du MLF.

    Son service de presse ne ménage pas ses efforts pour le faire savoir.

    Ouest-France l’annonce donc :

    « Il y a quarante ans, Antoinette Fouque créait le MLF. »

    L’époque est décidément propice aux impostures.

    Et pas seulement sur Internet.

    Le seul fait que ce canular médiatique fonctionne en dit long sur la méconnaissance, voire le mépris envers l’histoire du féminisme, jugée secondaire.

    Rappelons cette vérité simple : personne n’a fondé le Mouvement de libération des femmes.

    On ne décrète pas un mouvement social, surtout composé d’une telle multitude de courants et de groupes.

    Antoinette Fouque et son courant n’étaient qu’une composante parmi d’autres de ces « années mouvement » (cf. le livre de référence de Françoise Picq).

    Psychanalyse et Politique, c’était son nom, réunissait surtout des admiratrices, grâce à un mélange particulier de psychanalyse et de politique d’inspiration maoïste.

    Le « culte de la personnalité » tenait parfois lieu de pensée, sur un mode que plusieurs féministes ont décrit comme « sectaire » dans un livre : Chronique d’une imposture.

    Sur le plan des idées, Antoinette Fouque n’a cessé d’attaquer les « positions féministes-universalistes, égalisatrices, assimilatrices, normalisatrices » de Simone de Beauvoir.

    Elle serait plutôt du genre à exalter le droit à la différence et la supériorité de la physiologie féminine, dite « matricielle », sur un mode essentialiste quasi druidique.

    Dans ses textes, elle revendique la « chair vivante, parlante et intelligente des femmes ».

    Le fait que les femmes aient un utérus – présenté comme le « premier lieu d’accueil de l’étranger » – expliquerait leur « personnalité xénophile ».

    Comme si toutes les femmes étaient par nature incapables d’être nationalistes ou xénophobes.

    Même sainte Sarah Palin ?

    Des observateurs saluent sa féminité et son « style non phallique ».

    Pourtant, ce « pitbull avec du rouge à lèvres », comme elle aime à se présenter, tire au fusil sur l’ours blanc d’Alaska et rêve de finir le job en Irak.

    Le féminisme caricatural a toujours eu beaucoup de succès auprès des non-féministes.

    Loin de déconstruire les fondements naturaliste et différentialiste à l’origine de la domination masculine, ce féminisme essentialiste emprunte ses codes et se contente d’inverser les rôles.

    Pas question d’égalité ni de déconstruire le mythe social associé à la différence des sexes.

    Il suffit de remplacer le « sexe fort » par le « sexe faible », le patriarcat par le « matriarcat », et le tour est joué.

    Le grand public applaudit.

    Toute féministe un tant soit peu universaliste, égalitaire ou juste sensée, aurait plutôt envie de pleurer.

    Elles ont d’autant plus de mal à digérer l’OPA d’Antoinette Fouque sur le MLF qu’il ne s’agit pas d’une première tentative.

    En 1979, alors que cette grande prêtresse de la féminitude a jadis refusé de se dire féministe – un affreux concept « égalisateur » -, la voilà qui dépose le sigle « MLF-Mouvement de libération des femmes » à l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle, pour pouvoir l’exploiter sur un mode commercial !

    Depuis, ses admiratrices sont la risée des cercles féministes.

    Mais la mémoire ne vaut que si elle se transmet.

    Or, dans ce domaine, Antoinette Fouque dispose de moyens financiers non négligeables.

    Grâce à cette aptitude commerciale, sa maison d’édition a permis d’éditer des centaines d’auteures qui ont contribué à l’histoire des idées, parfois dans un sens féministe.

    Cela ne fait en rien d’Antoinette Fouque la fondatrice du MLF.

    Que penserions-nous si une poignée d’amis décidaient de se proclamer « fondateurs » de Mai-68 parce qu’ils avaient rêvé de barricades deux ans plus tôt ?

    Une telle imposture ne passerait jamais.

    Tandis que le refus de cette OPA grotesque soulève quelques commentaires amusés, visant à réduire ce débat à une « querelle de filles ».

    Un peu comme si le débat entre droit à la différence et droit à l’indifférence au sein de l’antiracisme était une querelle de « Blacks » ou de « Rebeux » !

    Un tel mépris en dit long sur le chemin qu’il reste à parcourir.

    Le féminisme n’est pas une histoire de « filles », mais l’histoire d’un humanisme révolutionnaire qui a bouleversé le monde, comme peu d’idéaux peuvent se vanter de l’avoir fait.

    Cela mérite que l’on prenne au sérieux son histoire.

    Caroline Fourest

    Article paru dans l’édition du Monde du 10.10.08.http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/10/09/le-feminisme-pour-les-nuls-par-caroline-fourest_1105039_3232.html

    Le Monde du vendredi 10 octobre 2008

  • 8 mars : Journée des femmes

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    Un féminisme gangrené par le relativisme

    par Micheline Carrier

    Aux insoumises de ce monde.

    Comme des otages atteints du syndrome de Stockholm (1), des féministes ont commencé depuis quelque temps à trouver des vertus à l’oppression et aux oppresseurs. Des silences aussi bien que des prises de position illustrent cette forme d’accommodement. Les exemples les plus courants sont ceux de la prostitution et des symboles religieux, par exemple le port du foulard islamique. Parce que quelques-unes l’ont affirmé, on s’est fait accroire que la plupart des femmes prostituées et des femmes portant le foulard islamique ont le choix. C’est commode, on n’a pas à remettre en question les codes patriarcaux profanes ou religieux qui incitent à faire un tel "choix", ni surtout à interpeller ceux qui en tirent profit : pères, frères, conjoints, patrons, collègues, amis, voisins.

    Au Québec, on marche sur des chardons si l’on s’avise de critiquer les valeurs sexistes et les coutumes misogynes de certains groupes ethno-religieux. Critiquer le sexisme des Québécois de souche, d’accord. Mais critiquer publiquement le sexisme des Québécois dont les coutumes et la religion écartent les femmes des lieux publics fréquentés par des hommes, leur imposent de se cacher ou de se raser les cheveux, les placent en retrait dans les lieux de culte ou leur interdisent certaines fonctions publiques, ce serait du racisme. Dénoncer le Vatican, mais pas les imams, les rabbins et les intégristes religieux bien que les uns et les autres voient les femmes comme des êtres à soumettre. On dit agir ainsi au nom de la "tolérance" et du "respect". L’égalité des femmes et des hommes ne concernerait-elle donc pas tous les groupes ethno-culturels qui composent la société québécoise ?

    Pour une féministe, c’est aussi un exercice périlleux de critiquer des positions ou des non-positions d’autres féministes. Plusieurs ont choisi de se taire de peur d’apporter de l’eau au moulin des adversaires, toujours à l’affût des divisions, ou de se faire reprocher leur "manque de solidarité". Quand des récalcitrantes insistent trop, on impose un moratoire ou la censure, comme cela s’est produit pour les débats sur la prostitution et sur l’extrémisme religieux dans des listes de discussions féministes. Tant de luttes menées par des femmes pour le droit de prendre la parole...

    La société entière est gangrenée par un relativisme multiforme, et le féminisme n’y échappe pas. Tous les systèmes de valeurs s’équivaudraient et, si on n’adhère pas à ce credo, c’est qu’on est une fieffée occidentale blanche, colonialiste et peut-être même xénophobe. On tente parfois de se faire accroire que porter le voile islamique (hijab, foulard, burqa) ne signifie pas autre chose que de porter un quelconque vêtement, comme on s’est fait accroire que la prostitution est simplement un “travail comme un autre“ et un mode de vie marginal. C’est un choix, et de quel droit discute-t-on le choix d’autrui ? Certaines "éprouvent" et "pensent" ce que toutes les femmes musulmanes sont censées éprouver et penser face aux critiques du foulard islamique. Elles se sentent "humiliées", "exclues", "rejetées", "jugées"... par procuration. Mais on a la solidarité sélective. Cette belle empathie s’étend-elle autant aux femmes musulmanes qui, au Canada comme dans le monde entier, refusent un symbole religieux qui s’accompagne le plus souvent de la perte de leurs droits fondamentaux, ces femmes qui subissent des menaces en raison de leur insoumission ?

    Tout le monde sait que, chez les musulmans, seules les femmes sont encouragées à "faire le choix" de porter un signe distinctif qui les stigmatise, mais on n’aurait pas le droit de s’interroger publiquement sur le sens et les conséquences de cette "distinction". Il me semble qu’une telle attitude n’a rien de féministe. Il y a plus d’indifférence ou de condescendance que de respect et de tolérance dans le fait d’accepter que des femmes canadiennes, quelle que soit leur origine, - en l’occurrence il s’agit de Canadiennes musulmanes - soient marquées publiquement comme des êtres mineurs et dangereux pour l’autre sexe, qu’elles soient utilisées ("instrumentalisées") comme porte-étendard idéologique et marginalisées par leur propre communauté. Pour démontrer ô combien elles sont tolérantes et solidaires, certaines ont même suggéré de manifester en faveur du droit de porter ce symbole imposé aux femmes musulmanes.

    Burqa "sanctifiée" et féminisme égaré

    Des féministes de l’université Wilfrid-Laurier “ont exprimé à l’unanimité leur frustration devant l’obsession actuelle autour du port du voile islamique et l’islamophobie grandissante“, rapporte Roksana Bahramitash, directrice à la recherche à la Chaire de recherche du Canada en islam, pluralisme et globalisation de l’Université de Montréal. (2) Car, bien entendu, le fait de critiquer le port du foulard islamique serait forcément faire preuve d’islamophobie... Quant à "l’obsession autour du voile islamique", elle découle du fait que ce symbole de la soumission des femmes contredit carrément tous les beaux discours qu’on tient sur l’égalité des sexes dans notre société. Selon celles qui le refusent, le port de ce foulard est souvent le prélude de l’érosion de droits sociaux et politiques. En outre, qu’y a-t-il d’"obsessif" à craindre les intégristes religieux - et non l’ensemble des musulmans - qui se servent de ce symbole pour imposer leurs messages et leurs valeurs à une société qui choisit la laïcité ?

    Et Roksana Bahramitash de proposer un défilé de solidarité pour le port du voile islamique dans les rues de Montréal, à l’occasion de la Journée internationale des femmes. On manifeste déjà pour le droit de choisir "librement" d’être opprimé-es sexuellement (pour la prostitution, sa décriminalisation et celle du proxénétisme), pourquoi ne pas défiler aussi pour le droit de choisir l’oppression religieuse ? Oserai-je demander qui tire avantage de cette belle "ouverture" d’esprit ? Parmi celles qui défileraient dans les rues de Montréal ou de Toronto pour soutenir les porteuses du foulard ou hijab, combien ont déjà manifesté ou signé une pétition contre le harcèlement et les tortures infligés aux femmes qui refusent de le porter dans d’autres pays et même ici ? Ces femmes, qui luttent contre l’extrémisme religieux au prix de leur vie, appellent régulièrement à l’aide les féministes occidentales (3), qui sont trop occupées à démontrer qu’elles ne sont pas racistes.

    J’aurais honte, quant à moi, de participer à une telle mascarade dans les rues. Ce serait trahir toutes ces femmes qui résistent à l’oppression politique et religieuse avec un courage dont je me sentirais incapable. Toutes celles qui sont mortes et qui mourront pour défendre leur liberté. Pas au Moyen Âge, mais dans ce siècle et en cette année même. Plus de 40 femmes tuées pour "violation des règles islamiques", en Irak seulement au cours de l’année 2007. De plus, a-t-on déjà oublié les années sanglantes de l’Algérie quand des femmes ont été égorgées pour ne pas avoir fait le choix de porter le foulard ? Toutes ces femmes qui, au Québec et au Canada même, se taisent car elles ne sentent aucun soutien dans le non-interventionnisme de la plus grande partie du mouvement féministe. Peut-être pourrions-nous nous mettre à l’écoute également du message de Persepolis, ce dessin animé qui raconte en 90 minutes comment les Iraniennes sont revenues au Moyen Âge en moins de 20 ans.

    Farzana Hassan, présidente du Muslim Canadian Congress (à ne pas confondre avec le Canadian Islamic Congress), note que même la burqa est aujourd’hui “sanctifiée“ tant par les forces conservatrices islamistes que par la gauche occidentale qui l’endosse au nom du multiculturalisme. Mais rarement, dit-elle, les antécédents historiques de la burqa sont-ils évoqués au cours des débats. (4) Bien plus, ajouterais-je : il se construit une mythologie romantique et fantasmatique autour du voile, du hijab ou de la burqa, comme il s’en est construit une autour de la prostitution. Et des féministes participent allègrement à la construction et à la propagation des mythes.

    En octobre dernier, des membres d’une liste de discussion féministe pancanadienne évaluaient la possibilité de porter une burqa rose par "solidarité avec nos soeurs musulmanes", à la suite d’une invitation du Canadian Islamic Congress qui suggérait une Journée nationale de la "burqa rose" ("National Pink Hijab Day") pour recueillir des fonds destinés à la recherche sur le cancer du sein. Certaines disaient voir dans la burqa le choix de la "modestie" (un mot proscrit pour les Québécoises et Canadiennes de souche, mais réhabilité pour justifier l’oppression religieuse islamiste) en réaction aux modes occidentales... C’est le discours même des conservateurs et des intégristes. Il y a quelques mois, par exemple, un article du quotidien The Gazette de Montréal affirmait que les femmes voilées étaient de bien meilleures féministes que toutes ces femmes « qui se promènent pratiquement nues dans les rues. » (5) « Comme si, entre la robe de sœur et le bikini, il n’y avait pas de demi-mesure, commente une amie. La Vierge ou la putain ! Un retour au point de départ. C’est à cela aussi que le voile nous ramène. »

    Comment des personnes bien informées peuvent-elles manquer de discernement au point de soutenir la misogynie et la violence que représente le port de la burqa, imposé ou choisi ? Ne perçoivent-elles pas le cynisme d’une initiative qui cherche à donner de la légitimité à l’enfermement des femmes musulmanes dans un vêtement qui les rend littéralement invisibles et qui est la négation même du corps féminin - de la sexualité féminine considérée comme la source du "mal" -, en récupérant une cause populaire (la recherche sur le cancer du sein) qui touche intimement et dramatiquement les femmes dans leur corps et leur sexualité ? Comment peuvent-elles même songer à servir de caution à cette activité, à se laisser manipuler par des gens qui méprisent les femmes au point de vouloir les faire disparaître de leur vue ?

    Tarek Fatah, membre fondateur du Muslim Canadian Congress, a suggéré aux féministes de réserver leur empathie aux femmes qui se battent pour leur liberté et celle d’autrui au risque de leur vie. Il fait partie des musulman-es qui ont le courage d’affirmer publiquement leurs convictions en dépit des menaces (ce sont les opinions de ces femmes et de ces hommes qui fournissent les principales références de cet article). Les propos de Tarek Fatah, qui ne sont ni son premier ni son dernier appel aux féministes canadiennes, méritent réflexion :

    « La burqa n’a rien à voir avec la modestie ou la bigoterie. C’est la pire forme d’assujettissement des femmes, et elle reflète l’idée que des femmes sont des biens meubles. Ce sont les hommes qui ont imposé la burqa comme “instrument“ de modestie. Il est triste et tragique que certaines femmes adhèrent à cette misogynie au nom de l’égalité et des droits des femmes. Aujourd’hui, malheureusement, les porteuses de burqa ont pu convaincre beaucoup de féministes que si une femme choisit d’être une personne de seconde classe, on devrait respecter ce choix.

    « Des pratiques qui incitent et forcent des femmes à se mettre en retrait dans les lieux de prière, poursuit Tarek Fatah, qui les confinent à des sous-sols obscurs ou les isolent dans des endroits murés ne devraient jamais obtenir l’appui de quel que groupe de lutte pour l’égalité que ce soit, encore moins d’un groupe de femmes. Quand Raheel Raza a proposé la première prière musulmane animée par une femme à Toronto, elle a été menacée et traitée d’apostate, pourtant peu de féministes se sont levées pour défendre les droits des femmes musulmanes à diriger une prière musulmane. Maintenant, on parle avec sympathie et empathie des mêmes groupes qui condamnent les femmes musulmanes à la régression. (...). Les femmes du Pakistan, de l’Arabie Saoudite, d’Iran et d’Indonésie se battent contre les conservateurs fondamentalistes qui ont obtenu l’appui de la gauche libérale au Canada ! Les féministes canadiennes devraient s’inspirer de la féministe égyptienne Nawal Saadawi et de la féministe pakistanaise Asma Jahangir et non de la mascarade des "hijabs roses"... », conclut Tarek Fatah. (6)

    On n’a pas entendu de tels porte-parole musulmans à la Commission Bouchard-Taylor. S’il en avait eus, le co-président Gérard Bouchard, qui a affiché sa naïveté, feinte ou réelle, devant les critiques adressées au port du foulard islamique en tant que véhicule idéologique, aurait été mieux instruit d’un phénomène que connaît quiconque suit l’actualité depuis quelques années, et que doit connaître a fortiori un sociologue et historien.

    La condescendance peut être du racisme

    Une attitude condescendante à l’égard des symboles religieux imposés aux femmes musulmanes ne peut en rien aider ces dernières à affirmer leurs droits. Certaines diront peut-être qu’il revient aux femmes musulmanes elles-mêmes de mener leurs propres luttes, un argument qui relève du je-m’en-foutisme, non de la solidarité et du respect de la liberté d’autrui. À tout le moins ne leur rendons pas la tâche plus difficile en banalisant les signes de leur oppression. Quelle serait aujourd’hui, par exemple, la situation des femmes victimes de viol et de violence conjugale si le mouvement féministe ne les avait pas soutenues dans leur combat pour la reconnaissance de leur situation et le respect de leurs droits ?

    Le véritable racisme ne réside-t-il pas dans le fait d’accepter pour des femmes d’autres cultures ce qu’on a combattu pour soi-même pendant des décennies, c’est-à-dire l’oppression religieuse et politique ? C’est ce que laissent entendre deux intellectuelles ontariennes musulmanes, Haideh Moghissi et Shahrzad Mojab : « Tergiverser devant des pratiques culturelles nuisibles, comme le font des gens de la gauche et des féministes, c’est tolérer pour les autres ce qui est intolérable pour "nous". Cette attitude encourage le contrôle patriarcal des femmes qui n’ont pas eu la chance d’être nées blanches et occidentales », disent-elles. (7)

    Dans Internet, une Québécoise musulmane a posé le problème de cette façon : « [...] si l’on est d’accord sur l’universalité des droits des femmes, alors je ne comprends pas cette frilosité à l’attaquer (le voile) au nom d’un relativisme culturel ou de pluralité de points de vue. » Les déclarations de principe ne sont pas toujours suivies d’actions conséquentes. Comme la liberté de choix, l’universalité a connu au fil du temps bien des accommodements. Lire la suite de cet article.

    -  La deuxième partie de cet article est ici : "Un féminisme non interventionnisme face à l’extrémisme religieux".

    Notes

    1. Le syndrome de Stockholm désigne la propension des otages partageant longtemps la vie de leurs geôliers à adopter un peu ou tous les points de vue de ceux-ci.

    2. “Un défilé de solidarité pour le port du voile“, Le Devoir, 31 décembre 2007.

    3. “Le Réseau international de solidarité avec les femmes iraniennes appelle à l’aide“, Sisyphe, le 24 novembre 2007.

    4. “The sanctification of the burka“, October 21, 2007.

    5. Henry Aubin, dans The Gazette, le 19 avril dernier.

    6. PAR-L, Octobre 2007, traduction libre de M. Carrier.

    7. Haideh Moghissi and Shahrzad Mojab, Of "Cultural" Crimes and Denials Aqsa Pervez, Znet, January 08, 2008.

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 2 mars 2008

    Micheline Carrier

    P.S. Voir également la rubrique Femmes du monde. Une section sur les femmes musulmanes et une autre sur le foulard islamique.

    Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2926

  • "Féminisme pro-sexe" = antiféminisme pro-porno

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    L’érotisation de la violence et de la subordination

    QUELQUES ÉLÉMENTS D’HISTOIRE

     

    par Sheila Jeffreys, professeure de science politique

    Un peu d’histoire est parfois utile pour comprendre les courants sociaux contemporains.

    Voici une entrevue réalisée en décembre 1986 par Claudie Lesselier avec l’historienne et professeure de science politique américaine, Sheila Jeffreys. Cette entrevue met en lumière certaines conséquences négatives de la "révolution sexuelle" sur les femmes qu’elle prétendait libérer. Elle met également en perspective certains courants sociaux actuels, par exemple, le courant queer qui a récupéré d’une certaine manière cette "révolution sexuelle". Enfin, elle explique que la gauche, en situant l’exploitation sexuelle dans le cadre de la liberté d’expression, porte la responsabilité de l’échec relatif de la lutte contre différentes formes de cette exploitation (pornographie, prostitution, violence). Aujourd’hui comme il y a 20 ans, une partie de cette gauche accuse systématiquement de censure et de puritanisme les féministes qui refusent de participer à l’érotisation de la subordination des femmes et de la violence. (Sisyphe)

    ENTREVUE

    Claudie Lesselier - Dans quelles circonstances as-tu fait les recherches qui ont permis l’écriture de The Spinster And Her Enemies (1) ?

    Sheila Jeffreys - Je militais dans les campagnes contre la pornographie, à Londres, des années 1975 à 1978, et à cette étape-là j’ai décidé de faire une recherche sur les violences sexuelles contre les petites filles, car à ce moment là peu de choses avaient été faites, c’était une question relativement nouvelle. J’ai décidé, donc, de faire une recherche sur ces violences à notre époque, et une amie m’a invitée à Bradford et m’a fait obtenir une bourse. Or je ne suis pas sociologue, mais historienne, et ce n’était pas mon domaine privilégié. Mais je suis allée dans une bibliothèque, à Londres, la Fawcet Library, où se trouvent les documents des campagnes menées par les femmes à la fin du XIXe siècle, en particulier contre les Contagious Disease Acts. C’était une année après le début de ma recherche. Quand j’ai commencé à étudier ces documents, j’ai découvert, à mon complet étonnement, qu’il y avait eu une campagne pendant cinquante ans contre la violence sexuelle à l’égard des petites filles, de 1870 à 1920 environ, et je me suis finalement spécialisée dans l’histoire de cette période.

    Les féministes du XIXe siècle et la sexualité

    Lorsque je faisais ma maîtrise en histoire contemporaine, je n’avais aucune idée qu’une telle campagne avait existé, aucun livre n’en parlait, les historiens qui écrivent sur le mouvement des femmes à la fin du XIXe siècle ne mentionnent jamais les campagnes à propos de la sexualité, même les féministes qui compilent des anthologies ne les mentionnent pas, et je trouve que cela est très significatif. Ce qu’on nous avait enseigné, c’était que les militantes féministes de cette époque étaient prudes, anti-sexe, mais quand j’ai pris connaissance de leur argumentation au sujet de la violence sexuelle contre les enfants, je me suis rendu compte qu’elle était semblable à celle que les féministes développent aujourd’hui. J’étais folle de joie et totalement stupéfaite de toutes ces découvertes…

    Mais après avoir découvert ces immenses campagnes pour élever l’âge du consentement, obtenir une législation sur l’inceste, etc., ma question était alors de comprendre pourquoi tout cela s’était arrêté dans les années vingt, et pourquoi il y avait eu cinquante ans de silence jusqu’à ce que les féministes de la deuxième vague soulèvent à nouveau ces questions. Donc, de l’étude de ces mouvements contre les violences sexuelles à l’égard des petites filles, je suis passée à la question de savoir quelle était la pensée féministe de l’époque sur la sexualité. Il fallait comprendre cela pour vraiment comprendre leur travail contre les violences sexuelles, et ce n’était pas très aisé.

    J’ai trouvé le travail d’Elisabeth Wolstenholme Elmy et de Frances Swiney, dont je parle dans le deuxième chapitre de mon livre, et dont les historiens n’avaient pas parlé. J’ai découvert qu’elles avaient eu une analyse théorique de la sexualité. Il me fallait ensuite expliquer la disparition de cette théorie, ainsi que celle de ces campagnes contre la violence sexuelle. J’ai commencé à me pencher sur le développement de la sexologie, la « science du sexe » comme ils disent, au début du XXe siècle, sur l’œuvre de Havelock Ellis et des autres. Une fois de plus j’ai été très étonnée. Je n’avais absolument aucune idée de ce que ces hommes disaient, particulièrement dans les années vingt, car à cette époque les sexologues étaient beaucoup plus clairs qu’ils ne le sont aujourd’hui, par exemple ceux qui écrivaient sur la frigidité, qui fut inventée comme maladie dans les années vingt. Ils étaient incroyablement clairs, comme Stekel, un des psychanalystes freudiens que je mentionne dans mon livre, qui disait que pour une femme, être amenée au plaisir sexuel par un homme, c’était reconnaître qu’elle était conquise, que ce plaisir sexuel soumet les femmes non seulement dans leur sexualité mais dans l’ensemble de leur vie. C’était si incroyablement clair que je n’arrivais pas à comprendre pourquoi les historiennes féministes n’avaient pas davantage tenu compte de tous ces documents.

    Les "réformateurs sexuels" socialistes et le ressac antiféministe

    La première partie de mon livre The Spinster And Her Enemies traite des idées des militantes féministes, qui avaient une analyse très cohérente de la sexualité, voyant l’assujettissement sexuel des femmes comme la base de la domination masculine, et cela à travers notamment une étude des campagnes contre les violences sexuelles à l’égard des petites filles.

    La seconde partie traite du « backlash » contre les féministes, qui est l’œuvre des « réformateurs sexuels » qui ont systématiquement sapé les idées féministes dans le domaine de la sexualité. Dans chacune de leurs œuvres, ils attaquaient très violemment les féministes comme des « haïsseuses d’hommes », des célibataires, des lesbiennes, toutes les catégories de femmes qui les effrayaient, et c’est très clair que leurs écrits sur les femmes et sur la sexualité étaient une réaction directe contre ce que disaient les féministes.

    C.L. - Peut-on comparer ce « backlash » avec ce qui se passe aujourd’hui et, d’autre part n’y a-t-il pas eu aussi des causes internes à la crise du premier mouvement féministe ?

    S.J. - À la fin de la première vague du mouvement féministe il y a eu évidemment la Première Guerre mondiale, et c’est très différent de ce qui se passe maintenant. La colère incroyable des féministes contre la violence sexuelle n’a pas été ressentie et exprimée avec la même intensité après la guerre, y compris par les mêmes femmes, le niveau de colère n’est plus le même et je crois qu’il faut admettre que la Première Guerre mondiale a interrompu le mouvement et influencé la forme qu’il a prise ensuite. Mais à part cela, je pense que l’impact des « réformateurs sexuels » fut énorme et c’est quelque chose qui n’a pas été suffisamment pris en considération.

    Nous devons comprendre - et je pense que c’est une des choses les plus difficiles pour les féministes en général - que la gauche a eu un impact énorme sur le déclin du féminisme à cette époque. Les « réformateurs sexuels » se considéraient eux-mêmes comme des socialistes, il y avait eu une complète communauté d’intérêts entre eux et ceux qui se considéraient comme les plus progressistes à gauche. La critique du féminisme, la tentative de le détruire, sont venues des mêmes gens et des mêmes sources. Je sais que c’est une question embarrassante aujourd’hui pour beaucoup de féministes qui veulent éviter une telle analyse de l’histoire de la gauche - mais je pense qu’une chose qui doit être écrite, c’est une histoire du lien entre anti-féminisme et socialisme depuis plus d’un siècle, en termes de l’ensemble du mouvement et de la théorie socialiste, pas seulement en ce qui concerne les syndicats ou le Parti travailliste, une démonstration non seulement de la façon dont ils ont ignoré les femmes mais dont ils ont été directement anti-féministes.

    Sado-masochisme et autres avatars libertaires

    Nous voyons aujourd’hui le même type de divergence d’intérêts autour de la sexualité. La gauche soutient les « réformateurs sexuels » et la tradition sexologique s’enthousiasme pour l’œuvre d’Havelock Ellis et autres sexologues, qui étaient incroyablement anti-femmes et anti-féministes. Ces théories, qui considèrent la sexologie comme une tradition libératrice, dans l’intérêt des femmes, de tous les gens, et de la révolution socialiste, viennent surtout des auteurs homosexuels de gauche, comme Jeffrey Weeks dans ce pays.

    Cette tradition sexologique est prise en main par la « gauche libertaire » qui travaille à promouvoir, aux USA et en Grande-Bretagne, les joies de l’érotisation de la domination et de l’assujettissement. Ce sont par exemple aux USA les lesbiennes qui se nomment « lesbiennes sadomasochistes » et ici les mêmes tendances qui soutiennent le S/M, les relations Butch-femme et l’érotisation de la domination et de la soumission sous toutes leurs formes. Gayle Rubin, qui défend activement tout cela, tient à se situer dans ce qu’elle appelle la « tradition pro-sexe » d’Havelock Ellis, qu’elle oppose à ce qu’elle appelle les « avatars sexuels » du féminisme radical à cette époque et, aujourd’hui, analysés comme faisant partie de la « tradition anti-sexe ».

    « Tradition pro-sexe » contre « tradition anti-sexe », pour elle les choses sont très claires. Ainsi la « gauche libertaire » s’attaque aux femmes comme Andrea Dworkin et aux militantes féministes contre la pornographie comme étant « anti-sexe », « censurantes », ne comprenant pas que l’intérêt sexuel des femmes serait d’avoir davantage d’orgasmes, d’érotiser leur propre subordination, de prendre plaisir à leur oppression, dans la pornographie, la prostitution et toutes les autres formes de subordination érotisée.

    Cela décrit très bien selon moi la tradition des « réformateurs sexuels » et des sexologues depuis un siècle : ce sont eux qui érotisent la subordination des femmes, les entraînent, les forment et les encouragent à prendre plaisir à leur propre subordination. Ce n’est que très récemment que nous avons été incitées à prendre plaisir à la pornographie - la représentation de cette subordination - mais au début du siècle on a appris aux femmes à prendre plaisir à un état évident de soumission dans l’hétérosexualité. L’affirmation « pro-sexe » de la « gauche libertaire » c’est en fait l’érotisation de la subordination.

    Et actuellement à gauche tout le monde semble se placer dans cette perspective.

    Prenons par exemple Sheila Rowbotham, une historienne féministe anglaise, hétérosexuelle, qui a fait beaucoup de bon travail au début du mouvement ici, en montrant que « le personnel est politique » et comment l’oppression commence dans nos vies personnelles, dans nos lits et dans nos cuisines… Maintenant, au contraire, elle dit que la sexualité est tout à fait séparée.

    Dans un article écrit pour la Journée internationale des femmes en 1984, intitulé « Passion Off its Piedestal », elle écrit que les féministes, particulièrement les lesbiennes féministes, et aussi les hétéros, ont désespérément combattu pour des relations égalitaires dans la sexualité et que ce n’est en fait pas possible parce que « le désir n’est pas démocrate ». Elle écrit que, lorsque les hommes et les femmes ont essayé d’avoir des relations égalitaires, la passion et le désir ont disparu, citant une thérapeute américaine qui fait de la thérapie avec des hommes et des femmes pour qui le désir a disparu parce qu’ils avaient essayé d’avoir des rapports égalitaires.

    Le sexe comme rapport de domination "inévitable"

    La conclusion de Sheila Rowbotham est que, puisque « le désir n’est pas démocrate », nous devons accepter que le désir ait à voir avec l’humiliation, l’extase, la cruauté, sauter du haut d’une falaise, la violence. Elle dit que le désir c’est ça, et qu’il faut accepter ça, sinon on perd l’excitation sexuelle. Et c’est important, car elle a été une féministe connue et représentative du courant dominant de la gauche, mais elle n’est pas la seule : des socialistes-féministes hétéros, des lesbiennesféministes, aujourd’hui aux USA et en Grande-Bretagne, disent la même chose.

    Ce qu’on nous apprend, en fait, c’est que le sexe est inévitablement un rapport de domination et de soumission, de soumission des femmes et de domination des hommes bien sûr, cela ne peut guère être autrement ! Les sexologues ont toujours su que le plaisir sexuel des femmes dans la soumission et la reddition n’était pas seulement le problème de ce qui se passait au lit, mais affectait leur capacité d’être forte, de combattre, de défier les décisions des hommes dans l’ensemble de leur vie et non seulement avec cet homme-là.

    Et cela est encouragé maintenant dans des magazines comme MS et Cosmopolita aux USA ; il y a eu un article dans Cosmopolitan l’année dernière qui disait que maintenant les femmes avaient obtenu l’égalité, salaire égal, droit à l’emploi, mais qu’elles ne devaient pas oublier que dans la sexualité elles veulent être pourchassées et se rendre - et si les femmes se rendent dans la sexualité elles se rendent ailleurs aussi, c’est très clair.

    L’article de MS Magazine en juin dernier - et c’est supposé être un magazine féministe - disait que les femmes ne doivent pas s’inquiéter à propos du fait qu’elles doivent se rendre pour éprouver du plaisir dans la sexualité car il n’y a pas de honte à avoir, ce n’est pas à l’homme qu’elles se rendent, mais à la Nature avec un N majuscule et à elles-mêmes. C’est ce que pourraient dire aussi les lesbiennes S/M, qu’elles ne se rendent pas à quelqu’un mais à elles-mêmes et à leurs amantes. C’est toujours les femmes qui doivent se rendre, MS Magazine ne dit pas que les hommes doivent en faire autant, vis-à-vis d’eux mêmes, de la Nature ou de quoi que ce soit… Telle est maintenant la forme de sexualité qui est acceptée par celles qui se nomment féministes, des deux côtés de l’Atlantique, principalement des socialistes-féministes, mais aussi des féministes libérales. Les féministes radicales tentent de poursuivre le combat.

    C.L. : Peux-tu en opposition à cela développer tes analyses sur la construction de la sexualité historiquement et aujourd’hui ?

    S.J. : La manière dont j’appréhende la sexualité est assez semblable à celle des féministes de la fin du XIXe siècle, qui ont perçu beaucoup de choses sur l’oppression sexuelle, l’appropriation du corps des femmes par les hommes comme base du patriarcat, du pouvoir des hommes. Je considère en effet que l’oppression sexuelle et la possession du corps des femmes est absolument fondamentale pour la suprématie masculine. Nous avons bien sûr à faire une analyse plus complexe, car un problème auquel nos sœurs à la fin du XIXe siècle n’étaient pas confrontées est le fait que, depuis cent ans, nous avons été formées à prendre goût à notre oppression, à y prendre plaisir. À la fin du XIXe siècle, les militantes féministes en général ne voyaient pas de plaisir dans les relations sexuelles avec les hommes ; si elles en avaient, elles considéraient que le coït était quelque chose à subir, pas quelque chose d’agréable, elles étaient très conscientes de la domination et de la soumission qui y étaient impliquées, que c’était une relation de pouvoir. C’est pour cela que, par exemple, elles ont pu faire totalement cause commune avec les prostituées, car elles reconnaissaient que les prostituées avaient aussi à se soumettre à quelque chose qu’elles n’aimaient pas, qui était une forme d’exploitation, un rapport de domination et d’assujettissement.

    Maintenant que c’est beaucoup plus compliqué, car les femmes hétérosexuelles ont été formées à jouir de leur oppression, à y prendre ce qu’on appelle du « plaisir » – je voudrais trouver un autre mot pour décrire cela. Maintenant c’est devenu plus difficile pour le mouvement féministe de faire cause commune avec les prostituées, car les prostituées soulèvent le voile, montrent trop clairement ce qu’est vraiment l’hétérosexualité, les femmes hétérosexuelles qui ont été éduquées à jouir de leur oppression ne peuvent pas supporter de voir trop clairement ce qui se passe là, c’est embarrassant, difficile. Aujourd’hui on a davantage de séparation entre les prostituées et les femmes hétérosexuelles dans le féminisme. Le problème central est à mon avis cet entraînement à trouver du plaisir sexuel positif dans notre propre dégradation.

    Je voudrais dire quelque chose sur la campagne contre la violence sexuelle masculine dans le mouvement féministe contemporain : je pense que ce qui se passe c’est que les campagnes massives contre la pornographie, le viol, les violences sexuelles contre les petites filles, qui ont été menées dans les années soixante-dix aux USA et en Grande-Bretagne, ont eu beaucoup de succès et ont rendu très claire la relation de pouvoir et d’exploitation qui se passe dans ces domaines. En réponse à cela, on a connu une violente réaction de la gauche, qui véritablement haïssait les campagnes féministes contre la violence masculine, et cette réaction a consisté, chaque fois que les féministes soulevaient un problème, ou plutôt transformaient quelque chose en problème, dans le fait de dire que ce n’était pas un problème mais quelque chose de bien : par exemple les féministes ont analysé les abus sexuels contre les enfants comme un problème, la gauche, spécialement les homos, ont soutenu la pédophilie, c’est-à-dire que l’abus sexuel contre les enfants a été redéfini par la gauche libertaire comme la « sexualité intergénérationnelle ». L’abus sexuel est devenu pédophilie. D’autres exemples : face à l’analyse féministe de la division sexuelle des rôles, la gauche soutient le transsexualisme, qui est une stéréotypisation évidente des rôles sexuels ; face aux campagnes féministes contre le viol, la gauche soutient le sadomasochisme et les fantasmes sadomasochistes ; face aux campagnes féministes contre la pornographie, la gauche soutient l’érotisme… Tout ce que les féministes ont fait a été confronté à une réaction de la gauche pour le miner.

    Il faut cependant penser davantage en termes de pourquoi les lesbiennes et les féministes elles-mêmes ont eu des difficultés, et pourquoi la force de ces campagnes est retombée car, ces dernières années, ce n’est pas seulement à cause de l’impact de la réaction de gauche, mais aussi parce que nous avons fait très peu d’analyses de notre propre sexualité, de la façon dont elle a été construite autour du sadomasochisme. Les questions des fantasmes sexuels, de l’érotique lesbienne ont donc été soulevées par la gauche libertaire. Et il y a eu un minage terrible de l’énergie féministe. Beaucoup de ces lesbiennes qui étaient descendues dans la rue et militaient activement contre le viol et les violences sexuelles il y a quelques années ne peuvent plus le faire maintenant car elles se sentent impliquées, elles ont été contraintes à penser qu’une part de leur sexualité était construite autour du plaisir pris à leur propre dégradation, même si elles ne le disent pas en ces termes, que peut-être le masochisme était quelque chose de bien…

    Et cela a terriblement miné la lutte, car comment par exemple combattre la pornographie, si on est encouragées à croire que la pornographie est une chose merveilleuse et que les lesbiennes doivent en faire pour elles-mêmes ? Il y eut une lettre dans MS Magazine l’année dernière où une lesbienne écrivait qu’elle s’opposait à la pornographie masculine sadomasochiste à propos des femmes, mais que la pornographie lesbienne sadomasochiste était tout à fait différente ; elle ne pouvait pourtant pas expliquer en quoi consistait cette différence… Le problème, c’est qu’il n’y a précisément pas de différence.

    Quand je présente des montages-diapos sur la pornographie lesbienne, je demande si telle image a été produite par un homme ou une femme, et personne ne connaît la réponse, parce que l’optique et les valeurs sont les mêmes… Ainsi la création de la pornographie lesbienne et l’encouragement des lesbiennes à y prendre plaisir ont détruit les campagnes contre la pornographie. On ne peut pas continuer… Il me semble donc que la prochaine étape de la lutte doit être de réellement et sérieusement prendre en considération notre propre sexualité et ce qui se passe dans nos têtes. Nous sommes maintenant face à une campagne massive, financée par les producteurs de pornographie, pour encourager les femmes à utiliser des prostituées lesbiennes (cela arrive déjà aux USA) à téléphoner à des « sex-lines » lesbiennes, à regarder des strip-teases lesbiens, à consommer de la pornographie lesbienne ; les lesbiennes sont encouragées à participer à l’industrie du sexe et à utiliser des lesbiennes dans la prostitution et la pornographie. Et c’est une défaite totale de notre tentative de transformer la construction de la sexualité et de protéger les femmes de la violence sexuelle.

    C.L. : Dans le domaine de la recherche, sur quoi travailles-tu maintenant ?

    S.J. : Je travaille à un livre intitulé Anti-climax : Women’s Experiences of the Sexual Revolution, 1945-1985, une sorte de second volume qui prolonge mon premier livre. Je veux étudier cette prétendue « révolution sexuelle » des années soixante-dix et ses valeurs ; je vais reprendre toute l’histoire de la « réforme sexuelle », de la sexologie et du mouvement pour la liberté sexuelle jusqu’aujourd’hui et étudier les erreurs d’analyse que le mouvement féministe contemporain a faites sur la sexualité sous l’influence de ce « mouvement pour la liberté sexuelle ». Il me semble qu’au début du mouvement féministe il y avait une contradiction aiguë : les sexologues, nous le comprenons maintenant, ont travaillé à promouvoir le supposé « plaisir sexuel » pour les femmes dans la relation avec les hommes, et en particulier l’orgasme, parce qu’ils pensaient que cela subordonnerait les femmes non seulement dans cette relation sexuelle mais dans leur vie entière. Or les féministes, à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, ont choisi comme but ultime du féminisme plus d’orgasmes pour les femmes avec les hommes. Il y a là un problème évident puisque ces orgasmes avec les hommes sont supposés nous subordonner, comment peuvent-ils devenir le but principal des féministes ?

    Ce que je suggère, c’est que les féministes ont largement adopté les arguments de sexologues et de réformateurs sexuels, à cette époque, par exemple des femmes comme Betty Dodson, qui a écrit Liberating masturbation, accepte tout simplement tous les vieux arguments de la sexologie… Quand les féministes ont commencé à lutter contre la violence sexuelle, les deux choses se sont développées en parallèle : le mouvement pour érotiser les femmes dans l’hétérosexualité était un courant important dans le féminisme, même si je pense que cela voulait dire érotiser la subordination des femmes ; et parallèlement se développaient les campagnes contre la pornographie et la violence sexuelle masculine. Aucune connexion n’avait été effectuée entre la violence sexuelle dont il était question dans ces campagnes et nos sexualités personnelles.

    Cette connexion a commencé à apparaître seulement récemment, quand on a vu la divergence complète de ces deux tendances : nous assistons à l’érotisation de la dégradation, de la dépendance, de la prostitution, et les campagnes contre la violence sexuelle masculine arrivent à un terme. Je dois donc chercher comment tout cela s’est passé ; il y a actuellement peu de travail féministe à propos de la « révolution sexuelle » des années soixante. Et ce retour en arrière donne des résultats surprenants…

    Quand j’étais moi-même une jeune « hippie » à la fin des années soixante, je n’avais absolument pas la moindre idée que cette « liberté sexuelle » qui se développait autour de moi c’était la haine des femmes et la haine de la sexualité, et que c’est cela qui était en jeu à l’époque. Ce que je veux donc faire, c’est réétudier les magazines contre-culturels de cette époque, qui montrent la haine des femmes la plus horrifiante, et la haine du sexe, toujours associé à la défécation, à la pénétration des femmes, à la haine et au mépris des femmes âgées – et nous savons que les femmes âgées sont une cible de viol notamment pour les jeunes garçons. Les valeurs de ce soi-disant « mouvement de libération sexuelle » étaient basées sur la haine des femmes et une terreur absolue de la sexualité, toutes les valeurs de la gauche libertaire maintenant.

    C’est clair quand on regarde l’œuvre de quelqu’un comme Jeffrey Weeks, qui est un défenseur du sexe domination/soumission qu’il appelle « heavy duty sex » et qu’il oppose à ce qu’il appelle la sexualité « bambi », que pratiquent certains autres homos (affection, caresses, etc.) et il méprise totalement l’idée que la sexualité puisse être liée à l’affection, à l’amour, à la douceur, à la tendresse… Il y a eu un numéro spécial de Gay News il y a quelques années sur ce sujet où il dit clairement qu’il a abandonné les idées de la libération homosexuelle et du féminisme qui cherchaient à créer d’autres valeurs et une égalité dans la sexualité. Ces valeurs sont aussi abandonnées par le féminisme qui méprise ce qu’il nomme « vanilla sex » ou « anti-sex » : n’est-ce pas intéressant que parler d’égalité dans la sexualité soit nommé anti-sexe ? Cela montre que pour la gauche libertaire le sexe est seulement la relation domination-assujettissement, ils n’ont pas de modèle alternatif et ne peuvent en imaginer d’autres.

    C.L. : Quelle peut donc être l’alternative à cette campagne et à ces modèles ?

    S.J. : Il y a un certain nombre de lesbiennes à Londres, je ne suis certes pas la seule, qui savent qu’un moyen de s’en sortir est de faire des réunions régulières de réflexion et de recherche sur la sexualité et la construction sociale de notre sexualité et d’avancer à partir de là. Par exemple on a fait des montages-diapos sur la pornographie et l’érotique lesbiennes ; je fais des débats sur la construction de la sexualité des femmes et des lesbiennes autour du masochisme : comment on peut faire avec ça, se changer nous-mêmes et avancer, qu’est-ce que pourrait être aujourd’hui une sexualité lesbienne positive ? Je pense que c’est actuellement un travail décisif, car nous savons que chez un très grand nombre de lesbiennes il y a de la culpabilité, de l’anxiété, de la peur, associées à la façon dont elles voient que leur propre sexualité est construite. C’est un immense secret que les lesbiennes n’ont pas encore discuté entre elles, cette façon dont leur sexualité et leur vie émotionnelle ont été construites autour du sadomasochisme. Je pense que c’est la grande barrière que nous avons à briser et je pense qu’après cela nous pourrons aller de l’avant. Pour l’instant, ce sont les libertaires et les S/M qui disent être les seuls à parler de la sexualité, mais dans un certain cadre, et en fait ils ne parlent que de techniques et d’emploi du matériel… Donc il nous faut traverser cette barrière, briser ce tabou qui est ce qui se passe dans nos têtes sur la sexualité, et parler ensemble. C’est dur… Il y a quelques années à Londres s’est tenue la « Conference on lesbian sex and sexual practice ». Il y a eu huit cents lesbiennes à cette conférence. Un des problèmes a été le fait qu’on se connaît les unes les autres, et que c’est difficile d’être avec d’autres femmes dans un atelier et de dire des choses telles que « quand je suis au lit avec une amante je fantasme sur le fait d’être avec une autre personne… », le fait d’avoir des fantasmes de ce type est difficile à dire, surtout en présence d’une autre femme qui peut être son amante… Mais cet immense domaine de secret doit être traversé, car c’est là que nous sommes piégées, et ce sont les hommes qui nous y piègent, vraiment.

    Interview réalisée en décembre 1986 par Claudie Lesselier. Transcription et traduction C. Lesselier et Caroline Kunstenaar. Bulletin de l’ARCL, n° 5, juin 1987.

    (1) Sheila Jeffreys. The Spinster And Her Enemies, Feminism and Sexuality. 1880-1930, Pandora Press, Londres, 1985.

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 17 avril 2004.

    Sheila Jeffreys, professeure de science politique

    Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=1063 -

  • Gary Francione : "Féminisme postmoderne et bien-être animal : en parfaite harmonie"

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    Récemment, un débat a été présenté sur les excellents et toujours stimulants Vegan Freak Forums, opposant ceux qui sont généralement appelés les « féministes postmodernes » et les « féministes radicaux ». Les féministes postmodernes reconnaissent que le choix des femmes de se chosifier elles-mêmes, au plan sexuel, peut représenter un geste d’affirmation et ne doit pas être systématiquement interprété de manière négative.

    Ces féministes sont souvent pro-pornographie ou, à tout le moins, ils ne sont pas anti-pornographie. Les féministes radicaux sont plus enclins à rejeter la chosification des femmes qui, selon eux, est nécessairement problématique. Ils sont généralement anti-pornographie et s’opposent tout particulièrement à la pornographie dans laquelle les femmes sont dépeintes comme des victimes de violence ou de traitement abusifs. Ils considèrent les stéréotypes liés au genre comme des dangers autant pour les femmes que pour les hommes et cherchent à éliminer ces stéréotypes. Les féministes postmodernes soutiennent souvent que les stéréotypes « féminins » peuvent aider les femmes à s’affirmer.

    Ce débat présente certains parallèles intéressants et importants avec le débat opposant l’abolition de l’exploitation animale et l’amélioration du bien-être des animaux. En fait, le féminisme postmoderne et le welfarisme relèvent de la même théorie, appliquée dans différents contextes.

    I. Chosification « heureuse » :

    La position du féminisme postmoderne a l’effet de rendre les gens plus confortables vis-à-vis l’exploitation des femmes. Si une femme décide de devenir un travailleur sexuel, cela est perçu comme le résultat d’un choix autonome que les féministes devraient supporter.

    Le féminisme postmoderne refuse de poser quelque jugement normatif négatif que ce soit à propos de cette institution fondée sur l’exploitation ou de la manière dont elle affecte les femmes provenant de classes socio-économiques défavorisées, qui n’ont pas les privilèges des féministes postmodernes, qui sont, pour la plupart d’entre elles, des caucasiennes de classe moyenne et bien éduquées.

    Considérant le sceau d’approbation estampillé par les féministes postmodernes sur l’acte consistant à se chosifier soi-même, il est facile de comprendre la réaction des hommes lorsque la question de la pornographie ou d’autres formes d’exploitation est soulevée : « Qu’y a-t-il de mal à cela ? Les féministes disent que c’est acceptable ».

    La semaine dernière, une féministe postmoderne m’a dit, sur le forum de Vegan Freak, que j’étais anti-féministe en raison de mes « commentaires exprimant du dédain » à l’égard des bars de danseuses nues. Quiconque a pris connaissance de cet échange en se demandant s’il devait ou non fréquenter ce genre d’endroit s’est vu encouragé à le faire par quelqu’un qui se qualifie lui-même de « féministe » - quelqu’un qui prétend être diplômé en études féminines, rien de moins.

    En fait, le message est clair : tenir un bar d’effeuilleuses est une manière de démontrer que l’on respecte la décision des femmes de s’adonner à ce type d’activités. Il n’est pas seulement correct de fréquenter de tels bars; il s’agit même d’un geste que les féministes devraient poser. Remarquable.

    Je voudrais mettre l’emphase sur le fait que personne ne cherche à critiquer ou à juger les femmes prises individuellement qui prennent la décision de s’auto-chosifier. La question est plutôt de déterminer si ceux qui s’opposent au sexisme devraient également s’opposer à ces institutions fondées sur l’exploitation. Les féministes postmodernes répondent par la négative; les féministes radicales répondent par l’affirmative.

    Il n’est pas surprenant que PETA adopte l’approche postmoderne du féminisme et encourage les femmes à poser, « pour les animaux », des gestes d’exploitation. Depuis quelques décennies, PETA nous offre des acrobaties sexistes allant de « Je préfère être nue plutôt que de [remplir l’espace] » au « discours sur l’état de l’Union, nu », offrant un striptease complet.

    On peut toujours compter sur les féministes postmodernes pour participer avec enthousiasme aux activités de PETA que les féministes radicales condamnent en rappelant qu’un mouvement qui s’oppose à l’instrumentalisation des non humains devrait également s’opposer à l’instrumentalisation des humains.

    Et nous pouvons voir que le raisonnement qui se trouve derrière l’approche postmoderne est directement repris dans le contexte de l’éthique animale, avec des résultats dévastateurs. Nous avons Peter Singer, PETA, HSUS et à peu près tous les groupes majeurs de protection des animaux qui prétendent représenter la position en faveur des « droits des animaux » en soutenant que l’exploitation animale peut être moralement défendable si la manière dont nous traitons les animaux est « humaine ».

    Nous pouvons être des « omnivores consciencieux » et nous permettre le « luxe » de consommer des produits d’origine animale tant que nous mangeons des non humains ayant été tués dans des abattoirs approuvés par le récipiendaire d’un prix PETA, Temple Grandin ou ayant été vendus chez Whole Foods, magasins qui, selon PETA, respectent des critères strictes par rapport au bien-être animal ou à la production d’œufs provenant d’élevage « sans cage », etc.

    Considérant le sceau d’approbation offert par Singer, PETA, etc., il est facile de comprendre pourquoi, lorsque nous faisons la promotion du véganisme, nous nous faisons souvent répondre : « Qu’est-ce qu’il y a de mal à manger de la viande (oeufs, fromage, etc.) ? Les défenseurs des droits des animaux disent qu’il est correct de le faire. ».

    PETA affirme que McDonald’s est un « précurseur » puisqu’il réforme les normes relatives au bien-être animal dans le domaine de la restauration rapide et l’icône Jane Goodall fait partie des célébrités qui appuient les produits laitiers Stonyfield. Le mouvement pour le bien-être animal rend les gens plus à l’aise face à l’exploitation des animaux, tout comme les féministes postmodernes rendent les gens plus à l’aise de participer à l’exploitation des femmes.

    Vous pouvez être « féministe » tout en profitant d’une danse-contact dans un bar; vous pouvez être un « défenseur des droits des animaux » tout en mangeant des œufs de « poules en liberté » ou de la viande approuvée par les organisations de protection des animaux.

    En somme, les féministes postmodernes ont créé une forme de chosification « heureuse » pour les femmes, comme les welfaristes ont créé le phénomène de la viande et autres produits animaux « heureux ». Les féministes postmodernes se permettent souvent d’ignorer le fait que les femmes impliquées dans l’industrie du sexe sont violées, qu’elles sont battues et qu’elles sont toxicomanes, tout comme les welfaristes se permettent d’ignorer le fait que les produits - incluant ceux qui sont produits dans les circonstances les plus « humaines » - impliquent d’horribles souffrances pour les animaux. Et les deux groupes ignorent que l’instrumentalisation des femmes et des animaux, peu importe la manière dont ils sont traités, est contestable par nature.

    Autant la position du féminisme postmoderne que celle du néo-welfarisme sont associées à l’idéologie du statu quo. Elles renforcent toutes les deux la situation actuelle où les animaux sont des propriétés et où les femmes sont des choses dont le statut de personne est réduit à quelques parties de corps et à quelques images de corps que nous fétichisons. Elles mettent toutes les deux des petits autocollants d’approbation sur des messages essentiellement très conservateurs et réactionnaires.

    Je dois relever une autre relation directe entre au moins certains féministes et les welfaristes. Les premiers ont quelques fois affirmé rejeter les droits des animaux parce que ceux-ci seraient « patriarchaux » et parce qu’il vaudrait mieux adopter la perspective de l’« éthique de la sollicitude » pour définir nos obligations à l’endroit des non humains.

    Ces féministes nient l’existence de règles universelles qui nous interdiraient d’utiliser les animaux en toutes circonstances; la moralité de l’utilisation des animaux devrait plutôt être évaluée en fonction des particularités de chaque situation afin de vérifier si certaines valeurs liées à la sollicitude ont été respectées.

    Il est intéressant de remarquer qu’aucun féministe, à ma connaissance, soutient que la moralité d’un viol dépend d’une éthique de la sollicitude; tous les féministes affirment justement que le viol ne peut jamais être justifié. Mais cela n’est pas différent de l’affirmation du droit des femmes à ne pas être violées. Les féministes sont donc en faveur d’un type de protection offert par les droits lorsque les individus concernés sont des êtres humains, mais pas lorsqu’ils sont des non humains.

    Tous les féministes ne défendent pas cette position, mais certains d’entre eux qui s’affichent eux-mêmes comme défenseurs des animaux ainsi que certains welfaristes ont affirmé adopter l’approche de l’éthique de la sollicitude comme alternative à l’approche des droits des animaux. (J’ai consacré un chapitre à la relation entre le droit animal et l’éthique de la sollicitude dans mon livre à venir, Animals as Persons: Essays on the Abolition of Animal Exploitation.)

    II. Les règles entourant les discours permis :

    Il y a également un parallèle entre les règles portant sur le discours, souvent imposées par les féministes postmodernes et par les welfaristes. Les deux groupes ont tendance à percevoir toute critique de leur position comme inacceptable. Les féministes postmodernes accusent les féministes radicales d’être « patriarchaux », « oppressifs », « abusifs », « affaiblissants », etc., si les derniers ne sont pas d’accord avec l’approche selon laquelle « l’auto-chosification constitue du féminisme ».

    Les welfaristes perçoivent toute critique des réformes liées au bien-être comme « diffamatoires », « fractionnelles » et « dommageables pour les animaux ». Autant les féministes postmodernes que les welfaristes en appellent fréquemment à l’« unité de mouvement », ce qui est le code signifiant que ceux qui ne sont pas d’accord doivent cesser d’être en désaccord et appuyer la position du féminisme postmoderne et celle du welfarisme.

    Les efforts fournis par les féministes radicales ou par les abolitionnistes pour offrir un discours étayé sur ces questions sont rejetés sous prétexte qu’ils sont futiles, « intellectuellement » élitistes ou trop « académiques », et qu’ils ne font que nuire aux efforts visant à libérer les femmes et les non humains.

    Ce type de discours reflète les tactiques de la droite réactionnaire. Toute dissidence est automatiquement « démonisée » et les efforts pour permettre une discussion raisonnée sont rejetés en faveur des slogans et autres formes de rhétorique vide qui ne fait rien d’autre que de maintenir l’idéologie de l’exploitation dominante.

    Il est dommage, bien que non surprenant, que de telles tactiques aient trouvé preneurs dans des mouvements sociaux soi-disant progressistes.

    Gary L. Francione

    © 2007 Gary L. Francione

    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2007/12/05/feminisme-postmoderne-et-bien-etre-animal-en-parfaite-harmonie/

  • Tuerie de Virginia Tech : la célébrité au bout du fusil

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    par Élaine Audet

    Lundi, le 16 avril 2007, le monde apprenait avec stupeur qu’un nouveau massacre de masse venait d’avoir lieu dans une institution scolaire américaine, l’Université de Virginia Tech. Le tueur de 23 ans a abattu 14 femmes et 18 hommes avant de s’enlever la vie. Comme lors d’événements similaires récents, on a eu droit aux mêmes questions en boucle sur les causes d’une telle tragédie : tireur fou, loi laxiste sur les armes feu, culte et culture de la violence, schizophrénie paranoïde, etc. Bien que toutes appropriées, aucune de ces causes présumées ne répond à toutes les questions ni ne permet de mettre sur pied un plan efficace de prévention face à l’épidémie de fusillades en milieu scolaire.

    L’emprise du vedettariat médiatique et toutes les "stars académies" de ce monde font foi que le premier critère de réussite et de reconnaissance à notre époque n’est plus le travail, mais l’image. Ceux et celles qui ne correspondent pas aux critères esthétiques et athlétiques dominants sont rejeté-es par le système. On continue à élever les garçons en respectant les stéréotypes sexistes de virilité masculine et de passivité féminine, quoi qu’on en dise. Jamais pourtant les femmes et les hommes n’ont partagé autant d’intérêts. Les unes et les autres sont victimes d’un même système mercantile qui fait des humains de simples consommateurs consommés.

    Le livre Stiffed, The Betrayal of the American Man (Tétanisé, la trahison de l’homme américain) de Susan Faludi (1) offre une grille d’analyse des plus pertinentes pour comprendre la trajectoire du tueur de Virginia Tech. D’entrée de jeu, la féministe américaine prend acte de la détresse et de la colère grandissante de certains hommes qui s’estiment lésés par le système et constate qu’aujourd’hui « être loyal envers l’entreprise et travailler dur ne garantit plus de conserver son poste ou d’être apprécié à sa juste valeur ».

    Selon l’auteure, dans une telle culture déterminée par la primauté de l’image, le prestige n’est plus fonction du mérite mais de l’apparence. Seules en bénéficient quelques vedettes des médias, du spectacle et du sport. Tous ceux qui n’ont ni leur beauté, ni leur minceur, ni leur force, ni leur séduction ont l’impression de ne plus être dignes de vivre. C’est alors qu’on leur vend mille et une recettes pour devenir le reflet de leurs idoles. Quand ils constatent l’inanité de ces promesses, ils se procurent des armes à feu au magasin du coin, comme le tueur de Virginia Tech, et tirent sur ceux et celles qui, croient-ils, les empêchent de vivre. Et les médias leur donnent raison de penser que la célébrité est, en dernier recours, au bout du fusil en donnant à leur acte haineux le plus de visibilité possible.

    Les jeunes, poursuit Faludi, se sentent trahis par leurs pères qui devaient leur transmettre les postes de commande et les privilèges socio-économiques qui semblaient inhérents à la condition masculine. Au lieu du pouvoir, ils ont reçu pour tout héritage une culture axée sur la consommation et l’argent, fondée sur l’image du « gagnant ». Nombre d’entre eux éprouvent du ressentiment face à l’ascension irrésistible des femmes qui, à leurs yeux, se ferait à leur détriment. Ce que ne manque pas de contredire Faludi qui montre, exemples à l’appui, que les femmes arrivent à peine à avoir accès à la cave de l’édifice à plusieurs étages du pouvoir dont les hommes détiennent toujours les clés, même si certains ont chuté au rez-de-chaussée !

    Une enquête intitulée, "De la moquerie au harcèlement : le climat dans les écoles américaines", menée par Harris Interactive en 2005 (2), constate que 65% des jeunes disent avoir été harcelé-es verbalement ou physiquement agressé-es l’année précédente. Les trois principales causes évoquées par plus de 3 000 étudiant-es interrogé-es sont l’apparence (39%), l’orientation sexuelle (33%) et les stéréotypes sexuels (28%). Ceux et celles qui ne correspondent pas aux critères dominants de beauté, d’hétérosexualité, de virilité et de féminité deviennent fragilisé-es, développent souvent un délire de persécution, réel ou imaginaire, et des idées de vengeance suicidaire.

    Toutefois, comme l’observe finement le journaliste québécois Jean-Claude Leclerc : "Nul ne devient une « bombe à retardement » du jour au lendemain. On ne tue pas ses proches ou de purs inconnus sous le coup d’une peine d’amour, d’un échec aux examens, d’un refus d’emploi, ou même d’un excès d’indignation. Il faut que les mécanismes intimes de l’apprentissage, comme le contrôle des émotions, l’interaction sociale, l’interprétation des événements, aient été déformés au point de faire perdre toute identité propre ou de n’en concevoir une qu’en rejet de son milieu." (3)

    Le dénominateur commun

    En 1998, suite au fémicide dans une école de Jonesboro en Arkansas où deux garçons de 11 et 13 ans tuent quatre filles et leur professeure, Allan G. Johnson (4) tente de répondre à Bill Clinton qui se demande « s’il y a un dénominateur commun qui permettrait d’expliquer semblables violences. » Pour Johnson, le dénominateur commun de toutes ces tragédies réside dans le fait que les auteurs en sont tous des hommes. Johnson reconnaît qu’au départ filles et garçons naissent innocents et non-violents, mais il n’en demeure pas moins que, même si l’incidence majeure de la violence masculine est prouvée universellement, elle n’est toujours pas reconnue et assumée par la majorité des hommes qui continuent à montrer du doigt ce qu’ils appellent des exceptions pathologiques, de Hitler à Cho Seung-Hui en passant par Marc Lépine.

    Le contrôle reste encore la valeur masculine et patriarcale la plus importante dans notre société. « Personne ne me laissera tomber », aurait dit un des jeunes tueurs de Jonesboro que l’une des fillettes abattues avait repoussé. Dès leur plus tendre enfance, la capacité d’exercer le contrôle, plus particulièrement sur les femmes, conditionne la socialisation des garçons et leur reconnaissance sociale. La culture patriarcale n’a jamais cessé de cautionner le recours à la force comme une valeur virile et valorisante, comme on peut le constater dans le cas des militaires envoyés en Irak ou en Afghanistan et de la banalisation de la violence conjugale, du viol ou de la marchandisation du corps des femmes et des filles très majoritairement par des hommes.

    Il y a sûrement à Virginia Tech, comme ailleurs dans la société, des femmes asociales, laides, complexées, violentes, revanchardes, paranoïaques, victimes de sexisme, de racisme, d’homophobie, mais elles ne décident pas pour autant de tirer sur tout ce qui bouge et de se mettre une balle dans le crâne pour résoudre leurs problèmes. On peut donc se demander pourquoi on n’élève pas les garçons comme les filles puisque l’histoire démontre que les femmes ont rarement recours à la guerre ou à la violence pour résoudre les conflits ? Même si tous les hommes ne deviennent pas des tueurs, ne faut-il pas se questionner sur la forme d’éducation donnée aux garçons, qui continue à être très complaisante sur le sexisme, le militarisme et le recours à la prostitution comme des valeurs viriles incontournables. Avec toujours en toile de fond le vieil adage attendri : "Les garçons seront toujours des garçons !"

    L’angle mort des rapports sociaux hommes-femmes

    Comme à l’École polytechnique de Montréal en 1989, il a fallu attendre longtemps pour comprendre que, dans le cas de Virginia Tech, la première "victime" était une femme que le tueur a abattue dans son dortoir, en tuant au passage un étudiant venu à son secours, avant de procéder, deux heures plus tard, dans un autre édifice à la fusillade meurtrière que l’on sait. Les policiers ont considéré que ce double meurtre résultait d’une "simple querelle domestique" et ils n’ont pas jugé nécessaire de déclencher des mesures d’urgence. C’est cependant ce qu’ils n’ont pas hésité à faire quand deux agents de sécurité ont été abattus, en août 2006, sur ce même campus.

    Les autorités policières et universitaires n’ont pas jugé importants non plus les nombreux cris d’alarme sur le comportement inquiétant de Cho Seung-Hui, lancés par au moins cinq de ses professeures, dont la poète Nikki Giovanni, qui avait dû l’exclure de sa classe à la suite des plaintes de harcèlement de sept de ses étudiantes qui refusaient d’assister à son cours si Cho était présent. Pour sa part, l’ancienne doyenne de la faculté d’anglais, Lucinda Roy, a tenté de l’aider en lui donnant des cours particuliers, tout en lui suggérant de consulter un psychiatre et en faisant suivre à la police de l’université et au service de support aux étudiant-es un dossier sur l’inquiétude que soulevaient les écrits violents et le comportement agressif de cet étudiant. Ces plaintes documentées de harcèlement envers des étudiantes n’ont pas été davantage prises au sérieux que le meurtre d’Emily Hilscher qui a inauguré la tuerie.

    À part de rares exceptions (5), il existe un angle mort, une tache aveugle, en ce qui concerne la responsabilité des rapports hommes-femmes, pour expliquer les tueries récurrentes en milieu scolaire. Au lieu de s’apitoyer sur la perte de leur masculinité et de leurs privilèges causée, selon eux, par la montée des valeurs féministes, il faut espérer que les hommes réalisent, comme le suggère Susan Faludi, que "l’essentiel ne consiste pas à se demander comment préserver leur masculinité, mais comment devenir plus humain".

    Notes>

    1. Susan Faludi, Stiffed, The Betrayal of the American Man, New York, William Morrow Co., 1999 et Élaine Audet, "D’une lune à l’autre", l’aut’journal, N° 184 - novembre 1999.
    2. Lire ici.
    3. Jean-Claude Leclerc, "Le drame de Virginia Tech - Peut-on résoudre l’énigme des crimes insensés ?", Le Devoir, 23 avril 2007.
    4. Allan G. Johnson, The Common Element et Élaine Audet, "Place aux hommes !", l’aut’journal, décembre 1998.
    5. Jennifer L Pozner, From Jonesboro to Virginia Tech - sexism is fatal, but media miss the story ; James Ridgeway, "Mass Murderers and Women : What We’re Still Not Getting About Virginia Tech", Mother Jones, 20 avril 2007.

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 24 avril 2007.
    http://sisyphe.org/sisypheinfo/article.php3?id_article=99

  • International Women's Day

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  • "La grande tribu des hommes petits : retour sur le meurtre de Sohane Benziane" (Méryl Pinque)

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    LA GRANDE TRIBU DES HOMMES PETITS :

    retour sur le meurtre de Sohane Benziane

     

    « Vos femmes sont pour vous un champ de labour : allez à votre champ comme vous le voudrez. » (II, 223)

    «  Les hommes sont supérieurs aux femmes [...]. Vous réprimanderez celles dont vous avez à craindre la désobéissance ; vous les relèguerez dans des lits à part, vous les battrez. » (IV, 38)

    « Abaissez un voile sur leur visage. » (XXXIII, 57)

    Le Coran


    « Le poil est une trace, un marqueur, un symbole. De notre passé d'homme des cavernes, de notre bestialité, de notre virilité. De la différence des sexes. Il nous rappelle que la virilité va de pair avec la violence, que l'homme est un prédateur sexuel, un conquérant. »

    Éric Zemmour


    « Ben quoi, ils ont juste cramé une fille. »

    Un jeune des cités


    « La "proclamation phallique" est un signe de désarroi, d'anxiété et d'incertitude. Alors que toutes les valeurs s'effondrent, jouir est une certitude qui vous reste. [...] Plus l'intelligence se sent impuissante à résoudre et à s'imposer, et plus le coït devient l’ersatz de solution. »

    Romain Gary

     

    Le 5 octobre 2002, un jeune homme aux mains calcinées se présentait aux portes de l’hôpital Pitié-Salpêtrière.

    Parmi les infirmières de garde présentes ce jour-là, il en fut une, admirablement perspicace, qui ne tarda pas à établir le rapprochement entre ce patient et le criminel dont toute la presse parlait depuis vingt-quatre heures, qui se serait brûlé la veille en immolant - banal plaisir tôt voué au frelatage, le point d’inévitabilité éjaculatoire étant sans cesse différé sous l’action conjuguée de la pornographie et de l’ultraviolence omniprésentes - une jeune fille dans un local à poubelles de Vitry-sur-Seine.

    Ayant fourni son signalement à la police, l’infirmière fut accusée de délation par sa hiérarchie et sommée de comparaître devant le Conseil de service pour non respect du secret professionnel.

    Le jour même où Sohane Benziane fut brûlée vive, un autre crime, raciste celui-là, avait lieu à Dunkerque, mobilisant cette fois l’ensemble de la classe politique.

    Les « délateurs » furent, ici, chaudement félicités. Quant à notre infirmière, elle s’en sortit sans autre dommage, mais cette anecdote reste emblématique du malaise national.

    Ainsi la France condamna-t-elle, unanime, Joël Damman, le meurtrier de Mohamed Meghara, fauché, comme Sohane, en pleine jeunesse, à dix-sept ans.

    Rien de plus normal, dira-t-on, que cette saine réaction devant l’abject.

    L’on était cependant en droit d’attendre, au nom de nos beaux principes républicains, de notre attachement viscéral au Bien, de notre foi inébranlable en notre insurpassable espèce, laquelle, n’en doutons pas, finira par triompher d’elle-même et renaître de ses cendres puisque, selon l’unique formule sacrée ornant les frontispices de nos cités, elle le vaut bien, au moins autant de vert courroux, de fraternelle communion, de franc sursaut civilisateur de la part de ces nobles âmes en révolte, de ces vigilances du cœur armé, de ces chœurs pathétiques si prompts à s’émouvoir, face au meurtrier de Sohane, j’ai nommé Jamal Derrar, alias « Nono », digne fleuron de certaine mâle jeunesse des quartiers dont on attend tout désormais, y compris qu’ils nous consument, qu’ils revirilisent, ensemencent et peuplent la France à venir d’un même puissant et solide coup de reins.

    Nono, un homme un vrai, le sauveur de ces messieurs en débandade, le messie zemmourien, que l’on ne saurait élire tout à fait mais sur lequel on louche, quand même, avec envie, dans nos solitudes d’homoncules frustrés, parce que ce sera toujours, bêtement, de pouvoir qu’il s’agira.

    Nono, qui savait se faire respecter des femmes forcément inférieures, là-bas, sur les rivages des banlieues proches et lointaines, aussi magnifiques, barbares et fascinantes que les jungles d’émeraude de Kurtz, à la force du vit, de l’allumette et du poing.

    Nono, la résurgence d’un très vieux fantasme, un rêve de pierre, de sperme et de sang, un berserk ressuscité poussé à l’ombre des barres grises, un mec qui avait « des couilles » enfin, puisque tout semble se réduire à ça.

    Bref, un dur, qui détenait peut-être, allez savoir, intact, le principe de cette virilité fabuleuse toujours-déjà menacée, sans cesse à prouver, à reconduire, à valider en un mouvement perpétuel de surenchère, jusqu’à remettre au goût du jour de vieux usages perdus, par exemple, la condamnation des femmes au bûcher[1].

    Nono, ou l’islam au secours du mâle occidental. Foi de Malek Chebel :

    « Je suis toujours surpris par la force de conviction des chrétiens convertis à l’islam. Qu’est-ce qu’ils y trouvent ? Une virilité et une sécurité qu’il n’y a plus dans le christianisme[2]. »

    Mais cela, pour qui maîtrise son sujet – et je me targue de le connaître assez bien - n’est hélas qu’évidence.

    Et Sohane dans tout cela ?

    Le spectacle qu’offrit la France au lendemain du drame est éloquent.

    Robert Badinter, d’abord, qui ne trouva rien de mieux que d’opérer devant Alain Duhamel une gradation abjecte des meurtres qui venaient d’être commis (mais il faut dire qu’il est, avec Élisabeth déroutée[3], à bonne école), jugeant, après avoir évoqué l’assassinat de la jeune fille, « plus important encore » le crime raciste, sans seulement voir, puisque enfin l’on est tenu désormais d’ajouter quelque épithète consacrée, qu’il faut encore mettre celle-ci partout, et qualifier donc le meurtre de Sohane de sexiste, comme le souligna avec force l’avocat général  Jean-Paul Content.

    Jean-Pierre Raffarin, ensuite, alors Premier ministre, auteur d’un vibrant hommage à la mémoire du jeune Meghara suivi d’une minute de silence à la mosquée de Dunkerque, pendant que Sarkozy réunissait autour de lui les principaux représentants de la communauté musulmane.

    C’est en vain que l’on attendit, pour Sohane, pareil déploiement de sympathie.

    Le petit monde médiatique enfin, qui ne s’en sortit pas mieux : un journal télévisé de l’époque consacra dix minutes à l’agression du maire de Paris[4], cinq à Meghara, trente secondes à Benziane.

    Certes, et c’est terrible à dire, la valeur d’une femme reste toujours moindre que la valeur d’un homme, y compris dans notre bel Occident démocratique pétri de principes humanisants.

    « Ce n’est rien, ce n’est qu’une femme qui se noie », pouvait écrire ainsi La Fontaine, dont l’amende honorable (« ce sexe vaut bien que nous le regrettions, puisqu'il fait notre joie ») fleure plus encore cette misogynie bon teint qui s’épanouit partout.

    Les plus grands esprits, lorsqu’ils se mettent à parler des femmes, ou, pis, de la femme, en bien ou en mal d’ailleurs, comme s’il s’agissait de quelque espèce à part, vile ou idéale, à la lisière de l’humanité toujours, où l’une serait peu ou prou la copie conforme de l’autre (il est vrai que Pygmalion fabrique Galatée à la chaîne), excepté quelques différences anatomiques extensivement détaillées, deviennent ces non-esprits creux, vulgaires et radoteurs, ces parfaits clones dénués du plus petit atome d’intelligence, condamnés aux poncifs, aux théorèmes vaseux et aux plaisanteries de caserne.

    Pourtant ces matamores pathétiques, qui ont aujourd’hui pour nom Eric Zemmour ou Alain Soral (je ne cite que les plus médiatiques d’entre eux) sont sûrs de remporter, comme hier, tous les suffrages.

    Zemmour. Soral.

    Les mâles alpha.

    Les frères ennemis.

    Nos glorieux hommes de demain.

    La particule et l’antiparticule élémentaires, dont j’attends avec quelle impatience qu’elles s’autodétruisent lors de ces Ragnarök ultimes que l’Occident féminisé ne leur permet plus de mener, sinon le long des pages ineptes du Figaro Madame, des méandres de leurs cervelles délirantes et des tréfonds abyssaux de la sitosphère.

    De fameux agitateurs ma foi, de fiers brasseurs de bière surie, des amateurs de pissat d’âne bâté dont la vertu ne dépasse seulement pas le demi-nanomètre carré.

    Des lutteurs de foire dûment récompensés, parions-le, par trois douzaines de houris pour services rendus à la Virilité chancelante.

    Comparer le féminisme au totalitarisme, quel flair et quelle bravoure.

    Hitler et Staline doivent s’en frotter les mains, à l’heure qu’il est.

    Ainsi que tous les Derrar de la terre, et l’on sait combien ils sont nombreux.

    N’en doutons plus : le devoir de mémoire est bel et bien passé à la trappe, avec quelques autres principes substantiels, et la reductio ad hitlerum n’est donc plus seulement l’apanage de la gauche boboïsante.

    Rien ne semble devoir effrayer ces cuistres passés maîtres dans l'art de la forfaiture et du raccourci médiatique dès qu’ils abordent, la peur au bas-ventre, le dossier femmes, et surtout pas le ridicule, s’égosillant comme coqs en déroute sur leurs tas de fientes androestampillées, forts d’une souveraineté que je qualifierais, puisque je n’ai jamais dédaigné d’employer quelque mot rare, fût-ce pour qualifier l’ordinaire, d’achondroplasique.

    C’est contre de telles mauvaises fois, qui partout pullulent, que les meilleures volontés finissent toujours par buter, et qui s’avance les bras chargés de roses doit s’attendre à s’en voir fouetter le visage avec les épines, à rendre compte de chaque bonté exactement, perlée, fourbie par l’âme.

    La force, c’est de ne point lâcher les roses et de continuer sa route, mais en ayant désormais, fichée au coin du cœur, la conscience de son échec à créer des liens avec et entre les hommes.

    On ne pacifie pas tout un monde en guerre simplement parce que, brave petit soldat, on a décidé un jour de passer outre et de croire à nouveau, de tendre la main à l’ennemi imbécile, après l’avoir combattu, dans un pieux désir de fraternité.

    Seulement il est bien vrai que nous sommes seule à désirer la paix, que nous n’avons qu’une seule enfance et que le monde meurt avec elle.

    Etrange impression que la mienne, tandis que je rédige ces lignes, celle de me soustraire une seconde fois, de retourner à ma vie fantomatique et comme superposée, au lieu que j’avais désiré renaître par la grâce d’une enfance seconde, luxueuse et illusoire, et de même qu’il n’y a point tout à fait de hasard en ce monde, de même les idées s’enchaînant les unes aux autres finissent-elles par trouver leur cohérence et leur lieu d’élection.

    Me voici donc apparemment aussi éloignée de mon sujet que l’austère Sedna du soleil, et cependant je me trouve aussi proche du soleil qu’on peut l’être, puisque la vérité a toujours le tragique éclat du feu.

    Aussi vois-je, aggravés encore par la parfaite lucidité du soir, les hommes franchir les arceaux du temps avec le même front débile, et cette odieuse constance, autrement dit cet arrêt au cœur même du mouvement apparent, est bien le signe de quelque damnation irrémédiable.

    C’est néanmoins désespérément sereine (et cela confirme la ténuité de ma présence) que je referme cette courte parenthèse incandescente, et que je m’en vais poser une seconde explication à l’odieuse hiérarchie des meurtres à l’œuvre.

    Il faut y voir, bien sûr, l’influence pernicieuse de la tribu dominante des petits hommes (mais les petits hommes ne sont-ils pas partout ?) et de leurs innombrables sacculines régnant en maîtres et censeurs sur la parole vraie, condamnée dès lors à l’in-pace ainsi que ceux qui la profèrent, qui adjoignent à force de sentences moralisatrices de relativiser tout crime dont l’auteur est un jeune habitant des cités, reléguant le principe de responsabilité dans quelque obscur cul-de-basse-fosse, quand « être homme, c’est précisément être responsable[5] ».

    La France multiculturaliste, pétrie de jésuitisme et de naïveté fausse, est atteinte d’un haut mal : le déni du réel, entraînant à son tour l’euphémisme généralisé.

    C’est ainsi qu’un crime devient une incivilité, qu’un homicide volontaire se transmue, au mieux, comme dans l’affaire qui nous occupe, en « actes de torture et de barbarie ayant entraîné la mort sans intention de la donner », au pire en fait divers.

    C’est ainsi que, doucement, l’on donne raison au pire, et qu’après les voitures, on laisse brûler les femmes, sans que cela génère autre chose que de lénitifs rapports dans les médias, lesquels, comme l’AFP, prennent soin de ne pas mentionner la religion des assassins, alors que l’islam et sa haine des femmes sont précisément au cœur de telles affaires[6].

    On ouvre des tribunes aux barbares parce qu’on préfère perdre du terrain que d’affronter la réalité en face.

    Et l’on sait où mène ce genre d’aveuglement volontaire : à ce pire, justement, dont personne ne veut, à cette entière récupération du problème par une certaine droite extrême dénuée de toute subtilité.

    Tant que nous nous dissimulerons la vérité pour mieux continuer de dormir dans le meilleur des mondes possibles, ceux d’en face en profiteront pour aller toujours plus loin.

    De même que nous souffrons du syndrome du colonisateur, les banlieues souffrent du complexe du colonisé.

    Ce sont là deux folies parallèles, qui sont la folie même de la France.

    On objectera que Derrar, le 8 avril dernier, écopa de vingt-cinq années de réclusion pour son acte abominable, soit sensiblement la même peine que Joël Damman.

    Certes, mais outre que ce n’est point là cette perpétuité absolue que pareil crime eût méritée, ce fut bien le vent de la peur qui souffla sur la France au lendemain du drame.

    Il parut alors plus prudent, plus stratégique, plus politiquement correct à la classe dirigeante de mettre l’accent sur l’affaire Meghara, puisque enfin, disons-le tout net, le meurtrier avait pour prénom Joël et non Jamal, au risque, conscient, soupesé, accepté, de relativiser l’affaire Benziane, afin d’éviter tout nouvel incident - euphémisme cher à l’époque - dans des banlieues toujours à cran.

    Preuve supplémentaire, s’il était besoin, les trois années de patience qu’il fallut à la famille et aux associations féministes pour obtenir du maire (communiste) de Vitry qu’une stèle soit érigée à la mémoire de la victime.

    Une stèle qui sera profanée, non pas une, non pas deux, mais plusieurs fois, avec l’odieuse régularité d’une horloge, sans que cela soulève d’indignation particulière.

    Le mot d’ordre, ensuite, fut de ne point transformer Derrar en bouc émissaire.

    Aussi ce dernier n’a-t-il, à en croire la Cour, jamais eu l’intention d’assassiner Sohane.

    Seulement, à moins que ce jeune homme – dont personne ne doutera de la démoniaque candeur - ignorât tout encore des vertus combustibles de l’essence, que peut-on bien vouloir faire avec un briquet allumé près d’une fille préalablement arrosée d’un semblable liquide ?

    Parler avec elle ?

    Mais peut-être est-ce la nouvelle façon de faire la cour aux femmes, dans les banlieues, auquel cas nous serions, n’en déplaise aux cuistres, en pleine hypervirilisation française.

    Chaque homme tue ce qu’il aime, c’est bien connu.

    Le mal à l’œuvre, dans cette affaire, était autant dans le local à ordures, dansant son rituel de mort un briquet à la main, que partout autour.

    Il était autant en Derrar qu’en Tony Rocca, 23 ans, alias « Pyro » en référence à son amour des engins explosifs, un amour qui lui valut la perte de deux doigts et, détail touchant, d’un testicule.

    Rocca, petite frappe au nom tout droit sorti du ghetto italien d’East Harlem, qui maintint la porte du local fermée afin que l’autre puisse tranquillement achever son « truc de ouf » (sic) et qui, contrairement à Derrar, ne baissa nullement la tête lors du procès, mais ne cessa d’adresser des clins d’œil à sa bande.

    Le mal était en chacun de ces imbéciles hurlants, acéphales, qui, lors de la reconstitution du meurtre certain 25 mars 2003, et avec le lyrisme qu’on leur connaît, acclamèrent les bourreaux aux cris de « Pyro, Nono, on vous aime », « Nono poto pour toujours », « Nono à jamais », ou encore (légère variante) : « T'inquiète pas, on va pas t'oublier ».

    Le mal était enfin du côté de tous ceux qui ne dirent rien.

    Détail surréaliste : le sacrifice de Sohane eut lieu cité « Balzac ».

    C’est donc là-bas que nous n’oublierons pas que la France fut grande - littérairement parlant - et qu’elle donna au monde des noms illustres dont elle ne fait plus rien, jusqu’à les recycler dans des barres d’immeubles où croît l’engeance violente qui va définitivement la mettre à bas.

    Jamal Derrar, comme tous ses frères, grandit dans le mépris de l’autre sexe.

    Un mépris savamment distillé par la culture islamique (l’islam n’est-il pas « la religion masculine par excellence », dixit Chebel ?) et, indirectement, la société française, y compris par ceux qui s’érigent en sauveurs des valeurs occidentales tout en pactisant avec l’ennemi sur le dos des femmes : il est vrai que ce mépris-là reste la chose la mieux partagée du monde.

    Derrar reçut donc une éducation machiste avalisée par deux Frances pourtant farouchement antagonistes, et ces Frances-là, qui se donnent mutuellement les leçons de morale qu’elles n’appliquent pas elles-mêmes, ont le sang de Sohane sur les mains.

    J’attends, pour ma part, l’avènement d’une troisième France, une France éthique qui obéirait enfin à ses principes républicains.

    De cet éternel défaut de civilisation Sohane a payé le prix fort, elle qui mourut autant de fois qu’on salit sa mémoire.

    Qu’on s’en souvienne, lorsqu’un jour nos pas nous mèneront à Vitry-sur-Seine, et qu’alors nous foulerons le gazon pauvre qui entoure la stèle commémorative, pas très loin de cet anonyme et sinistre bâtiment « H » où mourut la jeune fille.

    Qu’on s’en souvienne, lorsque des fleurs cent fois profanées surgira la voix suppliciée, et qu’elle demandera : « Comment ce pays a-t-elle pu laisser pareille chose advenir ? »

    Que Zemmour, Soral et tous les petits hommes qui leur ressemblent s’en souviennent, au crépuscule de leur vie, s’ils sont jamais capables du moindre honneur.

    Quant à votre serviteur, elle s’en va tranquillement reprendre, après quelque candeur délibérée où elle avait posé ce si léger fardeau à ses pieds, ses vieilles hardes de misanthrope (je n’écris point misandre), abandonnant à la place quelque autre faix plus lourd qu’elle avait cru pouvoir supporter, le temps d’une confiance, parce qu’il faut bien parfois faire halte et boire, réinventer ce monde en le rêvant, bref, croire à la vertu des dialogues transversaux, même s’ils échouent toujours, pour rejoindre son propre chemin d’étoiles et de poussière, des brassées de roses entrenouées aux veines, et les yeux grands ouverts.


    Méryl Pinque (2006)

     


    [1] La dernière « sorcière » fut brûlée en terre d’Occident en 1695.

    [2] Le Point, 22 septembre 2005.

    [3] Élisabeth Badinter commit en 2003 Fausse route, piètre livre tissé d’incohérences volontaires, dénué parfaitement de rigueur analytique, monument de mauvaise foi mâtinée de malveillance à l’égard d’un féminisme qu’elle dénature pour mieux l’invalider.

    [4] On se souvient que Delanoë reçut un coup de couteau lors de la très festivissime « Nuit blanche » du 5 au 6 octobre.

    [5] Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes.

    [6] « Une jeune femme a été hospitalisée dans un état jugé très sérieux dimanche après avoir été brûlée vive par son ancien ami à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), a rapporté la police lundi. Selon les premiers éléments de l’enquête de la brigade criminelle, la jeune femme, âgée d’une vingtaine d’années, a été aspergée d’essence par le suspect dans une rue non loin de chez elle. Il a mis le feu et pris la fuite se brûlant au bras, selon des témoins. Le suspect, qui a agi par ‘dépit amoureux’, a été identifié et devait être interpellé ‘sans délai’, selon la source. La jeune femme a été admise à l’hôpital dans un état jugé très grave, a-t-on indiqué lundi. » AFP, 14 novembre 2005.

    La jeune femme en question est bien sûr Shéhérazade, 18 ans, brûlée vive le 13 novembre 2005 par un Pakistanais dont elle avait refusé les avances.

    On admirera avec quel art consommé le journaliste « noie le poisson », transmuant un meurtre sexiste en banale querelle amoureuse.

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  • Massacre de Polytechnique

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     Commémoration à Paris, le mercredi 6 décembre 2006 à 19h, du massacre antiféministe de la Polytechnique à Montréal.

    Le 6 décembre 1989, un homme, Marc Lépine, fit irruption dans l'École Polytechnique de Montréal, armé d'un fusil-mitrailleur. Il pénétra dans une salle de cours, en fit sortir les hommes, hurla : " Je hais les féministes" et tira, tuant quatorze femmes, puis se suicida.

    On trouva sur lui un tract antiféministe ainsi qu'une liste de femmes connues qu'il voulait également assassiner. Au Québec et dans tout le Canada, cet événement marqua les esprits, et aida à prendre encore davanatage conscience de l'ampleur de la violence contre les femmes. Depuis lors, des féministes, à travers le monde portent sur leur vêtement un ruban blanc, qui témoigne de leur engagement contre la violence machiste et pour la paix entre êtres humains, femmes et hommes.

    Nous, "Encore féministes", nous le portons aussi. Comme chaque année. nous nous rassemblerons à Paris, le mercredi 6 décembre à 19h précises, place du Québec, à Saint-Germain-des-Prés. Nous disposerons nos banderoles, ornées de la phrase de Benoîte Groult : "LE FÉMINISME N'A JAMAIS TUÉ PERSONNE - LE MACHISME TUE TOUS LES JOURS". Nous dirons notre refus de la haine et de la violence machistes. À l'appel du nom des quatorze mortes, quatorze femmes déposeront des fleurs. Avec le concours de la chorale féministe les Voix rebelles, nous chanterons l'Hymne des femmes. 

    Nous vous invitons à vous joindre à nous, vêtu-e-s de noir, pour cette commémoration, et à diffuser cette information autour de vous. La cérémonie commence à 19h et dure moins d'une demi-heure : prière d'arriver à l'heure ! Ensuite, nous nous retrouverons pour dîner ensemble au Relais Odéon, 132 boulevard Saint-Germain. Nous préparerons la cérémonie le dimanche 3 décembre, de 15h à 18h, chez Carr's, pub irlandais, 1 rue du Mont-Thabor 75001 Paris, métro Tuileries.

    Réseau "Encore féministes"

    http://encorefeministes.free.fr/