Alain Delon s'engage ici pour la première fois de sa vie dans une campagne politique suisse.
Et si la star franco-suisse donne de la voix, c'est en faveur des avocats pour animaux.
Jamais Alain Delon ne s'était mêlé d'une campagne politique suisse.
Jusqu'à aujourd'hui.
Car la légende du cinéma veut souligner ici tout le bien qu'il pense de l'instauration d'avocats pour animaux, qui sera soumise au vote des Suisses le 7 mars.
Hier, l'acteur a promis de donner son nom et son image à la Société vaudoise pour la protection des animaux, qui lancera une campagne d'affiches la semaine prochaine.
Alain Delon nous a reçus hier au Lausanne-Palace, en exclusivité, pour peser dans la campagne.
Binational Français et Suisse, il nous explique les raisons de cet engagement, nous parle à coeur ouvert de son amour des chiens.
Et peut-être de sa méfiance des hommes.
Alain Delon, avez-vous déjà voté en Suisse ?
Jamais.
Mais je voterai pour la première fois pour les avocats pour les animaux.
Je veux dire ici que je suis résolument pour et inciter la population à aller voter oui.
Pourquoi vous engagez-vous aujourd'hui ?
Parce que je suis convaincu que, dans certaines situations, il faut prendre la défense d'un animal.
Il faut comprendre que si on est capable de torturer un chien ou un autre animal, on est capable de torturer un être humain.
J'espère aussi que la Suisse va servir de modèle, et que la France suivra.
N'y a-t-il pas d'autres thèmes politiques plus importants ?
Oui, les Suisses votent sur des thèmes civilement plus importants.
Reste qu'il ne s'agit pas ici d'une question légère. Jusqu'à présent, des avocats ont défendu des familles d'animaux agressés.
Mais jamais les victimes elles-mêmes.
Or les animaux ont droit à une défense.
Quel argument mettriez-vous en avant pour convaincre les Suisses ?
Je ne vois simplement pas qui peut être contre ce projet.
Qui ?
Je vais vous dire une chose simple: je ne vois pas pourquoi la bête qui crève n'aurait pas d'avocat. P
our moi, celui qui fait souffrir les animaux est pire qu'une bête.
C'est lui l'animal.
Pour certains, la création d'avocats pour animaux pourrait engorger la justice.
Ben voyons !
Il n'y a pas autant d'animaux maltraités que de délits ou autres meurtres horribles, qui couvrent chaque jour les pages des journaux.
Soyons sérieux : il n'y a pas de bonnes raisons de s'opposer au projet.
En quoi un avocat pour animaux peut-il déranger?
Mais l'humain ne doit-il pas passer avant l'animal ?
Mais l'humain passe déjà avant : il a des avocats.
Même l'inhumain passe avant !
Des pourritures comme des Fourniret ou des Dutroux sont défendues.
Les violeurs ou tueurs d'enfants sont défendus.
Et s'ils n'ont pas d'avocat, la loi leur en donne un d'office.
Souvenez-vous de « Mambo » (ndlr : chien brûlé vif par deux jeunes en août dans les Pyrénées-Orientales).
J'avais envoyé mon vétérinaire, qui a pu le sauver.
Mais ce chien aurait dû avoir droit à un avocat et, pour la première fois, le procureur a exigé que le chien soit présent au procès.
Imaginez : ils l'ont aspergé d'essence et lui ont mis le feu.
Pour s'amuser !
Comment peut-on ?
Je n'aurais pas d'excuses, mais si je voyais ça devant moi je crois que je passerais le reste de ma vie en tôle.
Je le tue, celui qui fait ça.
Les animaux s'attaquent entre eux pour manger.
Pas pour s'amuser!
Derrière votre engagement, il y a votre immense amour des chiens.
Des animaux en général, et des chiens en particulier.
Ils sont comme les hommes, les défauts en moins.
L'homme peut être sadique. Sadique et au-delà même.
Les animaux n'ont pas de défauts, à part de pisser un jour sur les fleurs.
Et les chiens montrent une fidélité et un amour absolus pour leur maître, que ce soit un clochard, le président Mitterrand ou Alain Delon.
C'est magnifique.
D'où vous vient cet amour des chiens ?
J'ai été élevé avec des chiens, j'ai passé toute ma vie avec des chiens.
« Gala », une doberman, a été l'un des premiers chiens de ma vie.
Un jour je l'avais engueulée, je lui avais donné une tape sur les fesses.
Elle s'est assise.
Elle m'a regardé.
Et je l'ai vue pleurer.
De la même façon, j'ai maintenant un chien qui sourit.
Elle fait une connerie, elle me regarde, elle sourit.
C'est la première fois que vous vous mêlez d'une votation. Par contre votre engagement pour les animaux, lui, n'a rien de nouveau.
Je cotise à la SPA, je soutiens 30 millions d'amis et, évidemment, Brigitte Bardot.
J'ai aujourd'hui huit chiens dans ma propriété de Douchy (Loiret).
Où j'ai un cimetière avec la plupart des chiens de ma vie : il y en a 35.
J'y ai aussi maintenant un lapin à trois pattes et un chat à trois pattes.
Je vis avec ce que je peux et j'adopte ce que je peux.
Un chat à trois pattes ?
J'étais chez le vétérinaire avec mes enfants pour un chien.
Arrive un chat grièvement blessé à deux pattes.
On téléphone à la propriétaire et elle dit :
« Piquez-le ! »
C'est ahurissant !
J'ai fait venir un hélicoptère à Douchy.
Il l'a emmené à Boulogne voire un grand vétérinaire.
Qui l'a sauvé.
Avez-vous parlé de votre soutien aux avocats pour animaux avec votre amie Brigitte Bardot ?
Pas encore.
Mais je lui ai parlé il y a quelques semaines.
Brigitte vit pour et grâce aux animaux.
Sinon, comme beaucoup d'autres, elle aurait dit au revoir à la vie.
Brigitte venait de perdre un chat.
Elle m'expliquait que dans un ou deux ans il n'y aurait plus d'ours blancs.
Elle pleurait.
C'est aussi ça, les hommes.
Je ne veux pas les accabler, mais ils courent à leur perte.
Au moins, le jour où nous ne serons plus là, il restera des bêtes.
Elles seront plus tranquilles qu'avec nous.
***
« Kelly », star d’un jour
L’interview d’Alain Delon a duré une demi-heure, hier après-midi, dans une suite du Lausanne-Palace.
Une trentaine de minutes que la légende du cinéma a surtout passées avec la chienne « Kelly » dans ses bras.
Entre les deux, le courant est passé : Alain Delon n’a cessé de cajoler l’animal tout en l’utilisant pour sa plaidoirie en faveur des animaux : « Regardez-la. Vous pourriez lui mettre le feu ? »
« Kelly », pourtant, n’est pas le chien de la star.
Nous avons croisé cet animal, sauvé d’un accident, dans le hall de l’hôtel.
Et nous avons demandé à sa maîtresse (qui tient à rester anonyme) si nous pouvions le présenter au grand défenseur des animaux.
Elle a accepté.
Après l’interview, Alain Delon a tenu à ramener lui-même la chienne à sa propriétaire.
« Ma chienne « Kelly» a 4 ans et vient de la SPA, lui a-t-elle expliqué.
Elle était passée sous une voiture à Crans-Montana.
Depuis, elle ne voit plus que d’un œil et n’entend plus que d’une oreille.
C’est une handicapée.»
Alain Delon a écouté, il a remercié. Il était très ému.
Renaud Michiels avec Didier Dana (Le Matin)
http://www.lematin.ch/actu/suisse/alain-delon-torture-chien-torturer-homme-234389