Quand on devrait se réjouir de l’organisation des rencontres « Animal et Société » dont l’objectif avoué est d’agir pour le bien-être des animaux en France, la seule observation de leur contenu ne laisse place à aucun espoir…
Des rencontres organisées…
Le Grenelle des animaux est organisé du 14 mars à la fin juin 2008.3 groupes de travail doivent se partager la tâche. Le premier doit débattre des statuts de l’animal, le second de la problématique de l’animal en ville et le troisième de l’utilisation de l’animal dans les activités économiques. Chaque groupe est présidé par une personnalité assistée d’un vice-président. Au sein de chaque groupe, des représentants de l’ensemble des acteurs impliqués : des représentants des pouvoirs publics, des ONG intéressées, et des secteurs professionnels concernés. Un tableau parfait… si ce n’est le détail du dossier de presse !
Un premier paragraphe qui donne le ton
Dès l’introduction, nul doute n’est permis : il faut défendre le bien-être animal mais : « en conciliant la préservation de notre patrimoine culturel et religieux et la protection animale » et en tenant compte « des réalités d’un développement économique durable ». Lu rapidement, ça sonne plutôt bien. Mais après réflexion : « préserver des pratiques » cela signifie qu’il va y avoir des exceptions.
On comprend déjà que des compromis vont être fait. Évidemment, qu’est-ce que le bien-être animal face à la religion, la gastronomie ou les loisirs ? En une phrase, abatages rituels, foie gras, chasse, tauromachie et tant d’autres sont disculpés d’office. Oui, le bien-être animal doit être âprement défendu… sauf quand on a d’autres habitudes (sic) !
Seconde restriction au bien-être : une économie durable. A priori cela
ne semble pas contradictoire. Mais une économie durable ainsi exprimée n’est pas du tout synonyme d’une exploitation raisonnée et rentable des ressources. Elle ne signifie qu’une chose : faire des profits en vendant au plus grand nombre la plus grande quantité possible. La qualité du produit ? La santé du consommateur ? L’impact environnemental ? Rien d’économiquement intéressant… D’emblée, on sait donc que la qualité de vie des animaux de rente ne sera pas repensée en profondeur comme il le devrait. Du bien-être oui, sauf s’il n’est pas rentable…
Revoir les statuts de l’animal?
L’objectif du premier groupe de réflexion est rondement amené : il faut préciser les statuts de l’animal pour qu’il soit respecté et mieux protégé contre la maltraitance. Puis l’auteur précise qu’il s’agit bien de tous les animaux, c’est-à-dire : de compagnie, domestiques, sauvages et… utilisés en expérimentation !
Déjà, considérant que les animaux de compagnie sont des animaux domestiques, on comprend que par le terme domestique, l’auteur a soigneusement choisi d’éviter le terme d’animaux de rente, engageant là « innocemment » le débat sur la terminologie de la domesticité. Car pour préciser de la sorte les statuts de l’animal, il va falloir redéfinir des catégories qui jusqu’ici n’ont jamais obtenu le consensus de la communauté scientifique… Par ailleurs, une catégorie totalement artificielle est créée, sans doute parce que son existence n’est aucunement justifiée, mais est nécessaire au vu d’un objectif non avoué : les animaux d’expérimentation.
Cette catégorie, qui devrait être un thème de débat – il ne devrait pas y avoir d’animaux d’expérimentation ! – révèle en effet une intention douteuse : faire deux poids deux mesures. Il y aurait ainsi les chiens de compagnie et ceux de laboratoire. Les premiers protégés, les seconds torturés en toute impunité… Pourtant ce sont les mêmes animaux dans et hors des laboratoires. Seule l’étiquette qui leur a été collée dessus diffère ! On comprend mieux le flou terminologique. Cette catégorie est donc là pour éviter le débat.
Plus loin, d’ailleurs, l’auteur explicite : « l’animal est un être sensible qui ne doit pas être utilisé de manière abusive. » La lecture rapide apporte encore satisfaction. Pourtant un terme est gênant : abusive. Ce terme vide la phrase de son sens. Un être sensible ne doit pas être utilisé. Voilà qui nous aurait suffi. Par un petit mot, une expression qui révèle la volonté de ne fixer qu’une limite totalement arbitraire, on comprend encore : il faut protéger tous les animaux… sauf… C’est ce que l’on appelle un leurre.
Débattre de l’utilisation de l’animal dans des activités économiques
Le troisième groupe de réflexion doit se pencher sur l’utilisation qui
est faite des animaux, de l’élevage aux spectacles. Le cœur du problème.
Les questions épineuses devraient y être abordées : cultes religieux, cirques, delphinariums, tauromachie, courses de chiens, combats de coq, chasse, élevages en batterie… Premier écueil : la présentation de la thématique est claire. La réglementation est déjà très développée (sic) et l’objectif de ce groupe est de trouver le moyen de la mettre en œuvre (sic). Oui, vous lisez bien, en France des spécialistes se réunissent aux frais du contribuable pour trouver comment appliquer une réglementation déjà existante !
Mieux, la question est tellement problématique qu’en quelques lignes, on trouve un exemple de langue de bois digne de figurer dans les manuels scolaires : son rôle est de « mettre en lumière des actions à envisager ». En d’autres termes, la conclusion de ce groupe sera certainement : il faudrait projeter de peut-être appliquer la réglementation existante. Bien. On avance… !? Mais attention, le summum de l’absurde est atteint quand on découvre l’identité du président de ce groupe ! Il s’agit du président du groupe chasse au parlement ! Au moins on sait à quoi s’attendre. Le débat sera certainement très riche (sic)…
L’animal en ville
Seul le deuxième groupe semble tirer son épingle du jeu. Sa thématique ne laisse rien à redire. Améliorer la cohabitation homme/animal en zone urbaine est un objectif qui aurait dû depuis longtemps être prioritaire, de même que la commercialisation des animaux de compagnie. Reste à savoir les méthodes de régulation qui vont être envisagées. Espérons que ce groupe, au moins, aura l’ambition de changer les choses de manière radicale, comme l’exige la situation. La loi inepte bientôt adoptée sur les chiens dangereux laisse malheureusement planer un doute sérieux.
One Voice a refusé d’être associée à cette manifestation. Forte de son expérience, elle sait que le bien-être animal ne sera pas changé par quelques tables rondes organisées autour de personnalités médiatiques. Seule la mobilisation citoyenne peut faire changer les choses pour que la condition animale en France soit repensée en profondeur.
Ne légitimons pas la souffrance, supprimons-la.