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Humeurs - Page 79

  • "Je me nourris de vos déchets" (Nouvel Obs)

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    La révolution est au bout de la benne à ordures !

    Triskel, 25 ans, récupère les déchets non par nécessité mais par choix. Il est membre des Freegans, de la contraction de « free » (gratuit) et « vegan » (végétalien).

    Un mouvement lancé par des militants écologistes aux Etats-Unis pour dénoncer le gaspillage.

    Triskel, qui vit à Aix-en-Provence, en est le fer de lance en France. Il a monté le site Freegan.fr (http://freegan.fr/) qui prône « l'autoproduction alimentaire » et indique à l'apprenti « déchétarien » les « meilleurs plans poubelles ».

    Triskel connaît par coeur l'horaire de la sortie des poubelles des supermarchés du coin. « Faut se pointer à 4h 30 du mat, et là c'est bingo » -, mais il a fait une croix sur les grands hypermarchés de banlieue « qui passent tout à la broyeuse alimentaire ».

    Dans les déchetteries, il récupère piles, objets divers et surtout plein de métaux : « Un vrai filon, je me fais 200 à 300 euros par mois avec ça. » Il trouve son savon et son shampooing dans les poubelles des hôtels quatre étoiles.

    « Quand vous voyez tout ce qu'on jette, c'est dingue. Parfois je ramène tellement de marchandises qu'il faut que je les stocke chez des amis qui ont de grands congélos. »

    Triskel a fait des émules en France, à Tours, Paris, Le Havre... « Il y a des étudiants qui sont ric-rac sur leur budget. Mais aussi des salariés qui font ça par pur militantisme. »

    Grâce aux poubelles, Triskel assure en tout cas « ne manquer de rien ». La seule chose qu'il ait eu besoin de s'acheter récemment ? « Ma carte Wi-Fi, ultrapuissante. A vrai dire, j'en avais trouvé une à la déchetterie, mais elle n'était pas top... »

    Doan Bui

    http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2275/articles/a376943-.html?xtmc=vegan&xtcr=1

  • Festival de Cannes : entre vulgarité et zoo moderne

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    « Stars » et badauds : qui est le singe ? 

    Dieu est mort, les rois sont pendus,

    mais les hommes se prosternent toujours.

  • La chasse à l’éléphant en Afrique du Sud est de nouveau autorisée

    L'image “http://cache.20minutes.fr/img/photos/afp/2007-06/2007-06-06/article_SGE.KPO41.060607170803.photo00.photo.default-415x512.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.

    L’Afrique du Sud a décidé d’autoriser à nouveau l’abattage des éléphants, dont la population, passée de 8000 à 18000 en 13 ans, menace la biodiversité.

    « Notre ministère a reconnu la nécessité de conserver l’abattage comme option de gestion (de la population) mais a fait en sorte que cela reste une mesure en dernier recours qui ne puisse être acceptée que sous de strictes conditions », avait déclaré le ministre de l’Environnement, Marthinus van Schalkwyk en février.

    L’abattage ne pourra être retenu qu’en cas d’échec des tentatives de contraception ou de déplacement des populations.

    Les défenseurs des animaux se mobilisent

    Une telle prudence s’explique parce que la reprise possible de l’abattage a causé une forte émotion chez les défenseurs des animaux, particulièrement sensible à la méthode retenue pour tuer les pachydermes.

    « Dire que nous allons les tuer en masse est une chose terrible », s’est émue Michelle Pickover, de l’organisation Animal Rights Africa qui prévoit d’introduire un recours en justice pour empêcher l’abattage.

    Les éléphants seront en effet exécutés par un tireur d’élite qui, depuis un hélicoptère, tentera de les abattre avec une seule balle au cerveau, à l’écart d’autres groupes, pour éviter les traumatismes.

    Bardot écrit à Mbeki

    Son association entend également lancer une campagne internationale pour demander aux touristes de boycotter l’Afrique du Sud au moment de la prochaine Coupe du Monde de football.

    L’ancienne actrice française Brigitte Bardot, ardent défenseur de la cause animale, a également écrit au président Thabo Mbeki pour lui demander de renoncer à la mesure, en se disant « scandalisée par la reprise de cette tuerie ».

    La semaine dernière, des spécialistes venus du monde entier réunis en Afrique du Sud ont estimé que « l’abattage et le déplacement sont les seules options efficaces pour réduire la densité de population dans les endroits où il est urgent de le faire ».

    L’organisme SANParks qui gère les réserves nationales où vivent la grande majorité des éléphants, n’a pas encore décidé s’il allait se saisir de cette possibilité.

    « Nous trancherons au cours d’un processus de planification. Nous devons être très minutieux », a annoncé la porte-parole de SANParks.

    Alexander Joe

     

    http://www.20minutes.fr/article/228698/Monde-La-chasse-a-l-elephant-en-Afrique-du-Sud-est-de-nouveau-autorisee.php

  • Livre : "La Fin de l'exception humaine", Jean-Marie Schaeffer (Gallimard)

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    Jean-Marie Schaeffer La Fin de l'exception humaine
    Gallimard - NRF Essais 2007 / 21.50 € - 140.83 ffr.446 pages
    ISBN : 978-2-07-074999-7
    FORMAT : 14,0cm x 20,5cm

    L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

    Le livre de Jean-Marie Schaeffer, chercheur au CNRS, enseignant à l'EHESS, se veut ambitieux.

    Ses travaux s’inspirent des outils de l’analyse structurale, des sciences cognitives et de la philosophie analytique.

    Il s'en prend à ce qu'il appelle la Thèse de l'exception humaine.

    Que dit-elle ?

    Elle affirme que l'homme fait exception parmi les êtres de la terre.

    Cette exception serait due au fait que, dans son essence, l'homme possède une dimension ontologique qui transcende la réalité des autres formes de vie et sa propre « naturalité ».

    La thèse revêt trois formes majeures.

    Premièrement, elle refuse de rendre l'identité de l'homme à la vie biologique.

    L'homme serait un sujet autonome et fondateur de son propre être (philosophies du XXe siècle comme la phénoménologie, le néo-kantisme, l'existentialisme).

    La seconde situe le lieu de la transcendance dans le social : l'homme est « non naturel », ou « anti-naturel ».

    La troisième soutient que c'est la culture qui constitue l'identité de l'être humain, et que la transcendance culturelle s'oppose à la fois à la nature et au social.

    La thèse joue donc de l'opposition entre « nature » et « culture » et postule une rupture ontique à l'intérieur de l'ordre du vivant.

    Selon elle, le monde des êtres vivants est constitué de deux classes disjointes, les formes de vie animales d'un côté, l'homme de l'autre.

    Cette rupture ontique n'oppose pas seulement deux domaines du vivant, celui de l'humain et celui de l'animalité, mais redouble cette dualité à l'intérieur de la conception de l'homme lui-même : corps/âme, rationalité/affectivité, nécessité/liberté, nature/culture, instinct/moralité, etc.

    La thèse implique une interprétation particulière du dualisme ontologique, c'est-à-dire de la croyance en l'existence de deux plans de l'être, un plan matériel et un plan dit spirituel.

    Elle implique aussi une conception gnoséocentrique de l'être humain, en affirmant que ce qu'il y a d'exclusivement humain dans l'homme, c'est la connaissance (connaissance épistémique ou connaissance éthique).

    Jean-Marie Schaeffer s'en prend à Descartes, à son opposition âme/corps : si l'homme seul est « esprit », c'est parce qu'il se définit comme être pensant.

    La pensée cartésienne accorde le privilège à la conscience autoréflexive sur toute autre modalité cognitive : le postulat de la rupture ontique adossé à une définition gnoséocentrique de l'homme va servir à légitimer le dualisme ontologique.

    Descartes n'est pas seulement mis en cause mais aussi Husserl même si la philosophe a critiqué le gnoséocentrisme scientiste du XIXe siècle.

    Si Descartes admettait l'unité de statut ontique, du corps humain et des animaux, il affirmait que l'essence de l'être humain ne résidait pas dans sa corporéité, mais dans sa pensée, et que les animaux n'étaient que pure corporéité.

    Cette rupture était fondée sur l'établissement d'une dichotomie ontologique donnée en amont de toute incarnation ontique c'est-à-dire que Descartes avait posé la détermination ontologique du cogito comme pure nécessité de pensée en amont de toute détermination ontique non seulement de la corporéité mais aussi de l'âme.

    Pour l'auteur, l’espèce humaine s’intègre dans la continuité du vivant et une approche externaliste de l’homme est fondatrice.

    Jean-Marie Schaeffer bat en brèche l’explication monocausale de la nature humaine.

    Pour lui, l'unique description sérieuse concernant la provenance et la nature de l'être humain est celle de la biologie de l'évolution.

    Celle-ci implique une naturalisation de l'identité humaine : l'homme n'apparaît pas simplement comme un être qui a un aspect biologique, elle implique une historisation de l'identité humaine.

    Elle rapatrie l'être humain dans l'histoire de la vie sur terre.

    La notion d'espèce humaine n'y fonctionne pas comme un type qui déterminerait l'évolution, mais comme la résultante de l'histoire reproductive des individus.

    Nous voilà dans une conception non finaliste : l'évolution n'est pas guidée par une téléologie transcendante ou immanente, mais s'explique en termes de causalité « ordinaire » et de téléonomie (de systèmes auto-organisationnels).

    L'essai est technique et érudit.

    Il nécessite du temps pour saisir l’argumentation et les concepts (philosophiques et biologiques).

    C'est un livre sérieux et exigeant, ardu dans sa démonstration mais tentant d'argumenter le plus rigoureusement possible.

    [...]

    Yannick Rolandeau

    http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=76&srid=0&ida=9294

  • Tibet libre !

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    Solidarité avec le peuple tibétain :
    signez la pétition

  • Environnement : la filière de l'or, opaque de la mine à la vitrine

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    Sur une moyenne de 2 500 tonnes de métal jaune extrait chaque année par des firmes transnationales polluantes, seuls quelques kilos issus de l’orpaillage en Colombie peuvent revendiquer à ce jour le label d’or « propre », respectueux de l’environnement.

    La filière de l’or reste opaque par excellence. Même en France, où les écologistes viennent pourtant de remporter une petite victoire.

    Exemple en Guyane

    Gilles Labarthe / DATAS

    Or propre : métal précieux qui a été extrait dans le respect des populations locales et de l’environnement, par opposition à « l’or du sang » (provenant de zones dévastées par des conflits armés) ou à « l’or sale » (extrait au moyen de procédés hautement toxiques, comme le mercure ou le cyanure)…

    Pour une enseigne de luxe qui voudrait miser sur une ligne de bijoux « éthiques et responsables », se procurer de « l’or propre » représente encore un défi hors du commun.

    D’abord, parce que si l’on tient compte de critères écologiques, il faudrait disqualifier d’office la plupart des grandes multinationales d’extraction, accusées de pollution sur quatre continents (lire encadré).

    Où trouver de l’or propre ?

    En France, qui applique des réglementations très contraignantes, après avoir fermé le site polluant de Salsigne (lire ci-dessous) ?

    « La France se positionne à la fois comme pays producteur (sites aurifères de Guyane) et pays consommateur (grandes enseignes de la joaillerie internationale basées à Paris) », rappelait en mars 2007 une action commune de mouvements écologistes[1], qui proposait de lancer une campagne intitulée « D’où vient l’or de la place Vendôme ? ».

    Problème : même le gouvernement français n’arrive pas à assurer une traçabilité de la filière.

    Sur environ 10 tonnes d’or officiellement exportées de Guyane, moins de 4 tonnes sont déclarées à la production.

    Et les propositions de créer une commission d’enquête sur ce sujet sensible n’ont jamais abouti devant l’Assemblée nationale.

    La même opacité règne autour des conditions réelles d’extraction.

    Les lois françaises sont pourtant très strictes.

    L’usage du mercure pour séparer les paillettes d’or du minerai est officiellement interdit.

    Mais les ravages causés par l’orpaillage clandestin sont toujours d’actualité : en visite en Guyane la semaine dernière, le président Nicolas Sarkozy l’a encore publiquement dénoncé, annonçant qu’une « opération exceptionnelle de sécurisation du territoire de la Guyane va débuter ».

    S’attaquer aux garimpeiros (orpailleurs illégaux brésiliens, responsables de pollution au mercure de la forêt tropicale guyanaise[2]) est une chose, mais peut-on citer aujourd’hui une seule multinationale aurifère sur place qui soit vraiment respectueuse de l’environnement ?

    Contacté par téléphone, Patrick Monier, président d’Attac-Guyane, n’en voit aucune.

    « Vaut mieux arrêter d’extraire de l’or », conclut en substance Patrick Monier, qui reste très dubitatif sur le concept d’ « or propre ».

    Quel que soit son mode de traitement, le métal jaune engendrerait de toute manière un cortège de nuisances.

    Sa valeur est arbitraire.

    Autant s’en passer, selon lui.

    Autre danger : celui que le concept d’or propre soit récupéré par des firmes transnationales, qui pointent du doigt les dégâts commis par l’orpaillage traditionnel et l’utilisation du mercure, pour se profiler comme seules garantes d’une extraction industrielle effectuée « dans les règles de l’art ».

    Le lobby industriel minier semble très actif dans ce domaine.

    « Nos entreprises s’engagent sur la voie de l’or propre », déclarait en 2004 Jean-Paul Le Pelletier, Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Guyane (CCIG).

    Pour savoir lesquelles, nous avons joint en France le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui fait autorité au niveau international en matière d’études géologiques et des répercussions du traitement des minerais sur l’environnement.

    Au BRGM, Valérie Laperche s’interroge.

    A l’extraction, elle n’a connaissance d’aucun site dans le monde qui serait encadré par une coopération internationale pour améliorer ses standards environnementaux et produire de « l’or propre ».

    Et pour la transformation en lingots, elle ne peut signaler aucune société de raffinage française travaillant exclusivement, ou partiellement, à partir d’or propre.

    La spécialiste nous renvoie à Jean-François Thomassin, chargé de mission filière minière en Guyane, qui apporte une assistance technique aux entreprises et aux mineurs, au sein de la CICG : il connaîtrait une firme « qui travaille très bien ».

    Surprise : la seule firme « qui travaille très bien » que Jean-François Thomassin recommande est précisément CBJ Caïman, une filiale de la multinationale canadienne Iamgold, accusée de pollution mortelle au Mali[3].

    Joint à Cayenne, Jean-François Thomassin présente l’extraction par cyanuration comme l’un des procédés les plus modernes et les plus « corrects » qui soient.

    Il défend le projet de CBJ Caïman, qui entend exploiter au cyanure une mine à ciel ouvert à deux pas de la montagne de Kaw, importante réserve naturelle… un projet décrié depuis longtemps par les milieux écologistes, qui ont bataillé ferme pour informer et sensibiliser les élus locaux sur les risques encourus.

    Les défenseurs de ce sanctuaire de la biodiversité peuvent enfin respirer : le gouvernement français vient de dire « non » au projet d’extraction de CBJ Caïman fin janvier 2008, quelque mois après le « Grenelle de l’environnement ».

    Pour les écologistes guyanais, la vigilance reste de mise.

    Leur inquiétude se porte sur d’autres sociétés privées, comme la française Auplata, qui travaille avec un traitement du minerai par gravimétrie (table à secousses) et revendique une production d’or « responsable » [4].

    Les multinationales minières, principales productrices d’or dans le monde et soutenus par les puissants lobbies du milieu bancaire, ont appris à communiquer sur leur « responsabilité sociale et environnementale ».

    Mais ce qu’elles affirment sur le papier est vite contredit dans la pratique.

    « Auplata, la société minière cotée à la Bourse de Paris, est dans le collimateur de la DRIRE (Directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement) en Guyane et du MEDAD à Paris (Ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables).

    En Guyane, l’administration chargée du respect de l’environnement a relevé pas moins de vingt-sept infractions au code de l’Environnement », informait en octobre 2007 un service d’information économique des Antilles françaises.

    Affaires à suivre.

    Gilles Labarthe / DATAS

    [1] WWF, Kwata, Gepog, Sepanguy.
    [2] Lire à ce sujet le reportage d’Axel May, Guyane française, l’or de la honte, éditions Calmann-Lévy, Paris, 2007.
    [3] Sur les engagements d’Iamgold, voir leur site : http://www.iamgold.com/social.php
    [4] Idem pour Auplata : http://www.auplata.fr/engagements.php

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    Salsigne : visite de la dernière mine d’or en Europe

    C’était la dernière mine d’or en Europe.

    A une dizaine de kilomètres de Carcassonne, dans le sud-ouest de la France, le complexe minier avoisinant Salsigne (département de l’Aude) était il y a quelques années encore l’un des plus importants lieux d’exploitation aurifère du continent.

    Le minerai extrait était transporté par camion à La Combe du Saut, près d’une rivière (l’Orbiel), pour y être traité au cyanure et « rincé » à l’eau.

    Robert, un ancien responsable syndical CGT qui a travaillé vingt ans à la mine, propose une visite.

    Nous partons en voiture direction du nord, sur la départementale D111, qui serpente entre bruyères et châtaigniers.

    En dépassant le village de Salsigne, on atteint très vite un plateau gris et dénudé, avec au loin d’imposants remblais de roches stériles.

    Le site, avec son ancienne carrière à ciel ouvert, a été fermé en 2001.

    Robert, qui a participé à « l’assainissement », explique comment des milliers de tonnes de résidus toxiques - intransportables - ont été « confinés », enfouis sur plusieurs hectares de « stockage » recouverts de terre et « végétalisés ».

    En fait de verdure, sur ces larges collines artificielles, seules de rares brindilles sèches sortent de terre.

    Chemin faisant, Robert pointe du doigt des galeries, qui ont été bouchées, condamnées.

    En longeant ce paysage désolé, lunaire, il remet en place dans sa mémoire les bâtiments industriels qui ont été détruits.

    Disparues, les usines de La Caunette et de l’Artus.

    A la hauteur du puits Castan, les imposantes installations de concassage ont aussi été rasées.

    Seul le chevalement du puits a été préservé, « en témoignage des activités passées ».

    On sent bien que l’ancien mineur regrette la perte de son « outil de travail », comme il l’appelle.

    Dans la vallée de l'Orbiel, certains habitants hésitent encore à reconnaître les ravages causés par la pollution durable des eaux et des sols.

    L’or donnait du travail.

    Pour extraire les précieux 20 grammes ou plus d’or par tonne de minerai, il fallait concasser, finement broyer les minéraux aurifères, ce qui générait « 99,9% de déchets soufrés et riches en arsenic et métaux lourds appelés les stériles », rappelle une fiche pédagogique de l’Académie de Montpellier, qui énumère la longue liste des pollutions et maladies engendrées dans la région à la suite de ces activités industrielles extractives : empoisonnements à l’arsenic par contamination de l’eau potable, dermatoses, troubles gastro-intestinaux chez les habitants avoisinants ; mortalité par cancers (respiratoires chez les hommes, digestifs chez les femmes) largement supérieur à la moyenne nationale ; empoisonnement de vaches laitières…

    Après les inondations de novembre 1996, puis de 1999, des arrêtés ministériels interdisent même la vente des salades et de thym contaminés à l’arsenic par l’eau de l’Orbiel.

    Robert s’énerve encore en parlant des années qu’il a fallu pour que l’arsenic soit reconnu comme étant à l’origine du cancer bronchique, maladie professionnelle des mineurs.

    Le service de pneumologie de l’hôpital de Carcassonne, s’occupant des ouvriers de la mine, ne pouvait l’ignorer.

    Salsigne aimerait aujourd’hui se défaire de sa triste réputation : c'est l’un des plus grands chantiers de dépollution en France.

    « Plus de 10 0000 personnes vivant dans un rayon dépassant les 15 kilomètres autour du site sont touchées ; la contamination s’est propagée par l’air et l’eau », souligne une enquête épidémiologique.

    Un constat qui ne plaît pas à Robert : selon lui, les riverains auraient souvent « exagéré » l’étendue des dégâts.

    En attendant, le résultat est là : Salsigne, comme la plupart des petits villages avoisinants (de 100 à 400) habitants, se dépeuple, faute d’emploi.

    Les petits commerces de proximité ferment boutique…

    L’extraction de l’or, conjointe à d’autres minerais, a laissé place à un grand chantier de réhabilitation, dont les inspections de surveillance sont loin d’être terminées.

    Maître d'ouvrage : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), qui estime la masse totale des déchets inventoriés sur le site à 15 millions de tonnes.

    Coût des travaux, qui s’étaleront en définitive sur plus de 10 ans : environ 55 millions d’euros, payés par le gouvernement français.

    « C’est la plus coûteuse de toutes les opérations de réhabilitation des sites et sols pollués à la charge de l’Etat », explique un rapport de la Cour des comptes, en précisant que la facture pourrait s’allonger : on a déjà largement dépasse les 30 millions initialement prévus sur 5 ans, après la mission d’inspection menée en 1998.

    En un siècle, la mine de Salsigne aura produit quelques 120 tonnes d’or.

    Gilles Labarthe / DATAS

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    L’or propre : un concept encore trop nouveau ?

    Discrète par excellence, la filière commerciale de l’or reste opaque à tous les étages.

    On sait pourtant où l’or termine sa course : les chiffres du World Gold Council, principal lobby du monde de l’or, mentionnent qu’environ 80 % du métal jaune extrait dans le monde est utilisé pour la bijouterie et l’horlogerie de luxe ; 15 % environ finiraient en pièces ou en lingots, dans les coffres des banques et chez des privés ; le reste servant à des applications industrielles (circuits imprimés dans les téléphones portables ou les ordinateurs, etc.) ou dentaires.

    La Suisse, qui importe plus de 1000 tonnes d’or par an - plus du tiers de la production mondiale - est particulièrement concernée.

    Dans les boutiques de luxe à Genève-Aéroport, chez les grands bijoutiers de la place Vendôme à Paris, chez leurs collègues d’Aix-les-Bains ou dans les comptoirs d’achat d’or avoisinant la Bourse à Bruxelles, j’ai demandé s’il était possible d’acheter une bague en or propre.

    Partout, le même regard interloqué des vendeurs.

    « Ce que j’ai ici, ça vient d’Anvers. Mais l’origine de l’or, c’est une question que l’on ne pose pas », conclut un joaillier belge du boulevard Anspachlaan, avant de retourner derrière son guichet terminer son frites-kebab.

    La démarche semble incongrue.

    On apprendra tout au plus qu’à Genève, Cartier se procure des plaques d’or chez le raffineur suisse Metalor, qu’une autre enseigne achète puis fait fondre des lingots achetés à la Banque nationale suisse ; tel autre encore s’approvisionne depuis longtemps en lingots sur le marché de Londres, qui écoule la production sud-africaine.

    A la question de l’origine de l’or, UBS et Crédit Suisse nous renvoient à leurs fournisseurs, les multinationales d’affinage suisses.

    Et ces dernières, aux trois grandes sociétés transnationales d’extraction aurifère, qui produisent à elles seules le quart de l’or au niveau mondial, avec des méthodes présentant des risques de pollution considérables.

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    Un projet de filière à Genève

    Difficile de proposer une définition de « l’or propre » : pour des ONGs suisses travaillant dans coopération humanitaire, le concept semble « trop nouveau ».

    Rêve d’alchimiste, ou réalité qui ne demande qu’à être encouragée ?

    Depuis l’instauration du processus de Kimberley en 2003 pour la certification des diamants bruts, une enquête montrait que 15% au moins des diamantaires aux USA se souciaient de l’origine de leurs gemmes.

    Pour l’or, hormis de rarissimes exceptions, c’est 0 %.

    Depuis Genève, un projet de filière d'or propre se met pourtant en place, suscitant entre autres l'intérêt d’Amnesty International, déjà bien engagée contre les « diamants de la guerre ».

    Le mérite de cette initiative revient à Transparence SA, société récente basée à Dardagny, qui entend commercialiser des bijoux en « or équitable ».

    Pour sa directrice Veerle Van Wauve, qui travaillait auparavant pour l’un des plus grands diamantaires d’Anvers, le chemin est encore long.

    « En Europe, il n’y a que deux possibilités d’obtenir de l’or certifié « propre », à ma connaissance : EcoAndina et Oro Verde », nous explique-t-elle.

    La première est une fondation qui encourage des principes d’orpaillage écologiques en Argentine, avec une production écoulée notamment vers une association d’orfèvres en Allemagne.

    La coopérative Oro Verde (« or vert ») travaille à Choco (Colombie).

    Les quelques kilos extraits par année sont destinés à une enseigne de bijouterie de luxe à Londres : CRED, qui vend des bijoux « éthiques ».

    L’Angleterre aurait une longueur d’avance dans ce domaine.

    Elle pourrait faire école, tout comme les tentatives actuelles d’ARM (Association for responsible mining), qui mène des projets pilotes dans le domaine de l’or propre, avec un label équitable prévu pour l’horizon 2009. I

    l resterait à reproduire l’expérience, et à trouver des partenaires en Suisse.

    Un sacré « challenge » pour Veerle Van Wauve : il faudra sensibiliser le milieu de la bijouterie, de l’horlogerie de luxe, mais aussi des raffineries et des banques suisses.

    « J’aimerais bien que l’industrie progresse plus vite, avec plus d’engagement, sur ces points.

    La création de CRJP (Council for Responsible Jewellery Practices, organisation internationale sans but lucratif regroupant les principaux acteurs sur le marché de l’or et du diamant, encourageant depuis 2006 des pratiques « transparentes et responsables », ndlr) en est un exemple.

    Depuis plusieurs années ils souhaitent améliorer les conditions.

    Malheureusement, nous attendons encore des résultats concrets », regrette Veerle Van Wauve.

    Interrogé à ce sujet, un responsable d’UBS nous a dit être « très sceptique » sur l’avenir de « l’or propre », invoquant les contraintes du « business ».

    En attendant que le travail de prise de conscience porte ses fruits, Transparence SA distribue les bijoux de CRED.

    Gilles Labarthe / DATAS

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    Multinationales de l’or : la course en avant

    Depuis septembre 2001, l’empêtrement de l’armée US au Moyen-Orient, la baisse du dollar et la récente crise des sub-primes, l’envolée des cours de l’or accélère les méga-fusions de sociétés transnationales privées, sur un marché déjà très concentré.

    Dans le secteur de l’or, trois compagnies (AngloGold Ashanti, Newmont Mining et Barrick Gold, épaulées financièrement par des banques suisses) produisent presque 600 tonnes par an, soit le quart de la production mondiale.

    Toutes trois sont accusées par des ONGs et représentants de la société civile de pollution, sur quatre continents : le traitement massif du minerai au cyanure, pour détacher les particules d’or, demeure l’un des procédés les plus nocifs qui soient, surtout quand les rejets toxiques dans la nature sont mal maîtrisés.

    Il faut traiter plus de 30 tonnes de minerai au cyanure pour obtenir l’équivalent d’une seule bague en or ; plus de 300 tonnes pour un lingot d’un kilo.

    La majorité des projets aurifères en cours sur le contient noir concerne des « mines à ciel ouvert, cinquante fois plus dommageables pour la planète que des exploitations souterraines qui produiraient la même quantité d’or. », affirme un spécialiste de Greenpeace, Jed Greer.

    Nombre de mouvements écologistes militent pour un arrêt immédiat de ce type d’exploitation, d’autant que l’industrie extractive représente l’une des principales causes de pollution liée au changement climatique (gaz à effet de serre).

    Elle consomme aussi énormément d’énergie (pour les travaux de forage, pour concasser les roches renfermant de l’or, pour faire tourner les broyeuses) et d’eau (pour rincer le minerai) qu’elle restitue polluée.

    Dans les mines d’or des pays du Sud, l’extraction signifie souvent cadences éprouvantes imposés aux ouvriers, peu ou pas d’équipements de protection, une exposition constante à des produits toxiques et à des nuages de poussière.

    Pour les mineurs, l’extraction à échelle industrielle reste l’une des activités les plus dangereuses, les plus meurtrières qui soient.

    Les récents événements tragiques en Chine (qui vient de devenir le premier producteur mondial d'or, selon institut londonien GFMS, avec 276 tonnes du précieux métal en 2007) ou la catastrophe évitée de justesse en octobre 2007 en Afrique du Sud (environ 3 000 mineurs coincés sous terre dans une mine d'or près de Johannesburg) le rappellent.

    Dans les galeries sud-africaines, plus de 500 mineurs mourraient chaque année dans les années 1980, pendant le régime d’apartheid.

    199 mineurs ont encore succombé en 2006 dans des accidents ou à la suite de chutes de rochers, selon les chiffres publiés par le Conseil de sécurité et de santé des mines, qui dépend du gouvernement de Pretoria.

    Gilles Labarthe / DATAS

    http://www.datas.ch/article.php?id=513

  • La phrase du jour : Hannah Arendt

    L'image “http://www.uni-oldenburg.de/presse/mit/2002/fotos/arendt-hannah.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.

        « C'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal. »

                                              Hannah Arendt

  • Taguieff : Entre la « guerre juive » et le « complot américano-sioniste »

                           http://www.denistouret.net/textes/taguieff.bmp

    L'Arche, n° 543, mai 2003.

    © Pierre-André Taguieff/L'Arche - Reproduction interdite sauf pour usage personnel - No reproduction except for personal use only.

    Philosophe et historien des idées, Pierre-André Taguieff est directeur de recherche au CNRS (derniers ouvrages publiés, en 2002 : La Nouvelle judéophobie, Paris, Mille et une nuits ; L’Illusion populiste, Paris, Berg International). Cet article, publié ici en exclusivité, est extrait d’un livre qui paraîtra en septembre aux Éditions Fayard/Mille et une nuits.

    ***

    La guerre pour la bourgeoisie c’était déjà bien fumier, mais la guerre maintenant pour les Juifs! [...] On s’est étripé toujours sous l’impulsion des Juifs depuis des siècles et des siècles [...].
    Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, Paris, Denoël, 1937, p. 86-87.

    Depuis l’automne 2002, l’antiaméricanisme à la française1 s’est de plus en plus clairement teinté de judéophobie, à travers une intensification du discours « antisioniste » convenu, certes, mais aussi par la diffusion croissante d’une représentation antijuive bien connue des historiens des années 1930, celle de la « guerre juive »2.

    On sait que l’un des premiers usages idéologico-politiques des Protocoles des Sages de Sion, entre 1918 et le début des années 1930, a été de justifier la désignation des Juifs comme responsables de la guerre de 14-18. Dans la seconde moitié des années 1930, le recours au mythe du complot juif mondial, véhiculé par les Protocoles, a permis de dénoncer l’éventuelle guerre des démocraties contre le régime nazi commeune « guerre juive ».

    « Les bellicistes »

    La récurrence de ce type d’accusation mérite d’être prise au sérieux et interrogée. De la « guerre juive » à « l’agression américano-sioniste »: persistance et métamorphose d’un stéréotype accusatoire, à travers lequel s’opèrent la criminalisation et la diabolisalion des « Sages de Sion » sous les multiples noms dont on les affuble (le « lobby juif », le « lobby sioniste », « les sionistes et leurs alliés », le « lobby pro-israélien », le « sionisme mondial », le « pouvoir juif », etc.)3.

    Dans les deux cas, en 1936-1939 et en 2002-2003, l’opposition à la guerre contre une dictature reconnue comme telle prend la forme d’une puissante vague « pacifïste  ». Si l’ennemi est « belliciste », et à ce titre monopolise le statut d’agresseur (réel ou potentiel), les anti-bellicistes se définissent eux-mêmes comme partisans de la paix.

    Face au messianisme démocratique à l’américaine, les plus gauchistes d’entre les pacifistes américanophobes recourent volontiers aux arguments de base de la « rhétorique réactionnaire », telle que l’a magistralement analysée Albert Hirschman4. Toute tentative de modifier l’ordre international existant est récusée au nom de trois types d’arguments: le risque d’engendrer des effets contraires au but recherché (effet pervers); l’inutilité de l’action entreprise, supposée impuissante à modifier le statu quo (inanité); le risque de bouleverser une organisation fragile, représentant de précieux acquis (mise en péril). Si tout est inconditionnellement préférable à la guerre, alors la servitude est absolument légitimée. La prescription d’éviter la guerre à tout prix a conduit naguère nombre de bons esprits à célébrer les accords de Munich. Des socialistes pacifistes à l’extrême droite nationaliste.

    Le maurrassien Pierre Gaxotte écrivait dans Je suis partout daté du 30 septembre 1938: « Quant à nous, il n’y a plus, à nos yeux, que deux partis: ceux qui sont pour la France et ceux qui sont pour la guerre. » Quelques mois plus tard, Paul Ferdonnet, publiciste stipendié par l’Allemagne nazie, publiait La Guerre juive5, qui commençait par ces propos dénués d’ambiguïté, datés de « Noël 1938 »: « [...] Ces parasites, ces étrangers, ces ennemis intérieurs, ces Maîtres tyranniques et ces spéculateurs impudents, qui ont misé, en septembre 1938, sur la guerre, sur leur guerre de vengeance et de profit, sur la guerre d’enfer de leur rêve messianique, ces bellicistes furieux, il faut avoir l’audace de se dresser sur leur passage pour les démasquer; et, lorsqu’on les a enfin reconnus, il faut avoir le courage de les désigner par leurs noms : ce sont les Juifs. »6

    « Sionisme mondial »

    Considérons le discours « antiguerre » des premiers mois de 2003 à travers le matériel constitué par les appels aux manifestations, les tracts distribués, les banderoles et les pancartes brandies, les slogans proférés. Non seulement l’intervention militaire anglo-américaine contre le régime de terreur de Saddam Hussein a été assimilée aux réactions israéliennes contre les terroristes palestiniens, mais aussi et surtout les Israéliens, et plus largement les représentants du mythique « sionisme mondial », ont été accusés d’être à l’origine de la nouvelle « guerre d’Irak ».

    Des listes de conseillers du président américain, « juifs », « sionistes » ou « proches du Likoud », ont circulé sur Internet, et la presse, même la plus « respectable », a relayé ces accusations ou ces soupçons, visant un Bush manipulé par « les Israéliens » ou des « conseillers juif ». A l’amalgame polémique « Bush = Sharon » (également et semblablement « assassins ») s’est ajoutée une vision conspirationniste, que traduisent diverses images schématisantes: du « complot américano-sioniste » (où les « sionistes » sont censés rester dans l’ombre, ou agir de façon occulte) à « Bush valet de Sharon ».

    Les Juifs, une fois de plus, sont ainsi désignés comme les vrais responsables d’une guerre, et d’une guerre qui, dans le contexte géopolitique contemporain, affecte le système mondial des États. Une nouvelle guerre sinon mondiale, du moins mondialisée à bien des égards.

    La croyance à l’action des démons, censée expliquer l’origine des malheurs des humains, donne son assise à la judéophobie « antisioniste »7. La fixation de la haine « antisioniste » sur un Sharon nazifié (et, entant que tel, devenu synecdoque de l’État « raciste » et « fasciste » d’Israël) permet de formuler un slogan de ce type: « Hitler en a oublié un: Sharon »8, slogan justifiant le génocide nazi des Juifs qu’ont osé crier des milliers de manifestants lors d’une manifestation en faveur de la Palestine, à Amsterdam, en avril 2002. La dénonciation néo-gauchiste de la « Busherie » peut ainsi glisser vers les « antisionistes » de l’autre bord, les néo-fascistes de l’hebdomadaire Rivarol, jubilant de pouvoir enfin dénoncer, en phase avec une importante partie de « l’opinion mondiale », la « Busherie kasher ».

    Paris VIII

    De multiples incidents antijuifs se sont produits depuis la fin des années 1990 dans les universités françaises, où des groupes gauchistes et pro-palestiniens font régner un terrorisme intellectuel qui rappelle l’époque de la guerre froide, quand les staliniens exerçaient leur dictature idéologique dans certains établissements universitaires. Après des années d’une intense propagande « antisioniste » fondée sur la nazification des « Juifs-Israéliens-sionistes », l’Union générale des Étudiants tunisiens (UGET)9 a organisé du 25 au 27 mars 2003, dans le hall d’entrée de l’université Paris VIII (Seine-SaintDenis), en guise de célébration de la nationale-palestinienne « journée de la Terre » (30 mars), une exposition provisoire dont la dimension antijuive était à ce point évidente (caricature de Sharon doté d’un nez proéminent, dessins de Juifs an nez crochu, citations « antisionistes » de Roger Garaudy, etc.) que même des enseignants gauchistes, palestinophiles par définition, s’en sont aperçus. Le thème de la manipulation « sioniste » de la politique américaine ne manquait pas à l’appel, comme le montre cette citation de Roger Garaudy: « Le Premier ministre d’Israël a beaucoup plus d’influence sur la politique étrangère des États-Unis au Proche-Orient que dans son propre pays. »10 Au milieu des drapeaux palestiniens tapissant le hall, le visiteur tombait sur une série de photos choisies pour provoquer l’indignation, sur le thème « Massacre à Jénine », pièce maîtresse de la propagande palestinienne depuis le printemps 200211.

    Serge Thion

    Deux journalistes de Marianne décrivent et racontent ce qu’elles ont vu et entendu dans cette exposition : « Des corps mutilés, des crânes explosés, et des explications “historiques ” sur la naissance de l’État d’Israël, construit sur les ruines des villes palestiniennes. Des pancartes résument: “sionisme =impérialisme = fascisme ”. [...] Un étudiant juif tente — en vain — d’expliquer la définition du sionisme à un public plus que réfractaire. Le ton est donné. Pendant ce temps, un “étudiant” (d’une bonne quarantaine d’années) crie dans un micro: “Tout le monde sait qu’Israël est derrière la guerre en Irak.” L’auditoire applaudit. Les propos sont sans appel: “Sionistes et Juifs, ça revient au même.”12 »

    Le négationniste Serge Thion, ravi de la nouvelle conjoncture « antiguerre » où l’antisionisme de propagande fusionne avec un antiaméricanisme mystique, écrit dans le numéro 16, paru en janvier 2003, de sa revue La Gazette du Golfe et des banlieues13, à propos de la « composition » de « l’équipe Bush »: « [...] On peut se demander légitimement, si ce ne sont pas des Juifs israéliens ou pro-israéliens qui dirigent le gouvernement américain. » Le 10 avril 2003 paraît le numéro 20 de ce périodique caricaturalement haineux, « antisioniste » autant qu’américanophobe. On y lit en guise d’avertissement au lecteur: « Née en 1991 de la révolte contre la guerre imposée par les pétroliers américains, elle [La Gazette...] avait paru sans périodicité fixe. Ranimée par l’éclatant retour de l’impérialisme américain dévoilé par la divine surprise du 11 septembre, elle avait adopté un rythme mensuel sans en faire un dogme. Le dernier numéro, 19, paru après le déclenchement de la guerre par le quarteron des néo-cons sionistes qui agitent la marionnette boucharde, a été submergé et distendu par le flot de l’actualité.14 »

    D’abréviation usuelle pour « neo-conservatives », l’expression « neocons », en langue française, se transforme subrepticement en terme insultant. Un certain Christophe Deroubaix, dans le quotidiencommuniste L’Humanité, après avoir affirmé que « Bush applique, les unes après les autres, les idées des“neocons ” » présente ainsi Paul Wolfowitz, « l’éminence grise »: « Le véritable chef de la bande des “neocons”, c’est lui [...] »15. Voilà qui doit faire beaucoup ricaner, dans les troupes clairsemées des néostaliniens.

    Israël Shamir

    Le 20 mars 2003, dans la lettre d’information (diffusée sur Internet) de l’Association médicale franco-palestinienne (AMFP, Marseille), Point d’information Palestine16, on pouvait lire un texte judéophobe et conspirationniste signé Israël Shamir, « Les oreilles de Midas », dénonçant violemment les « magnats juifs des médias » et la « juiverie organisée » (Organised Jewry), celle-ci étant par lui accusée d’être aujourd’hui responsable de la « guerre en Irak » comme elle aurait d’une façon occulte, naguère, après avoir « acheté secrètement et subverti les médias français durant de nombreuses années », précipité les Français « dans l’horrible et totalement inutile Seconde Guerre mondiale ».

    Ainsi parle Israël Shamir, l’un de ces Juifs antijuifs17 qui, s’affirmant « antisionistes », sont devenus des intellectuels organiques de la « cause palestinienne » et se sont rapprochés des milieux négationnistes (« notre ami Israël Shamir »: c’est ainsi que Serge Thion, l’ex-bras droit de Robert Faurisson, le présente sur son site, avant de diffuser l’un de ses articles)18. Shamir affirme que « les Juifs », qu’il oppose aux « gens normaux », « règnent en maîtres en Amérique », et précise son accusation: « La juiverie organisée ne cesse de pousser à la guerre tout en déniant toute prise de position et tout engagement en la matière ».

    Cet « antisioniste » militant enchaîne en posant la question rhétorique suivante: « Est-il totalement impensable que les Juifs américains aient pris secrètement le contrôle de leurs médias nationaux et soient aujourd’hui en train de précipiter les États-Unis dans une horrible et totalement inutile Troisième Guerre mondiale ? » La prescription s’impose: « Faisons en sorte que les conseillers juifs du président Bush soient virés. Ces comploteurs sont incapables de tenir ce qu’ils ont promis [...]. Ils ont poussé le bouchon trop loin. »

    Les articles « antisionistes » de Shamir sont disponibles sur des sites négationnistes19, islamistes et pro- palestiniens. Un des articles disponible sur le site www.solidarite-palestine.org se termine par cette prophétie fondée sur la christification des Palestiniens: « Même si l’on crucifie tous les Palestiniens jusqu’au dernier sur le Golgotha, l’Etat juif d’Israël n’a d’autre réalité que virtuelle et ne verra jamais le jour. »

    Dans un autre article daté de septembre 2002, diffusé sur le site du Parti des Musulmans de France (PMF) au début de février 2003, Shamir écrit : « [...] Les élites juives américaines poussent à l’Armageddon [...] afin de placer l’État juif au sommet de la hiérarchie mondiale. C’est le plan d’un mégalomane, mais ce sont des mégalomanes qui sont aux manettes de la superpuissance mondiale unique [...] » On comprend dès lors pourquoi Shamir, récusant le projet politique fondé sur la cœxistence des deux États, l’un juif, et l’autre palestinien, est un ferme partisan du démantèlement de l’État d’Israël20, en vue de créer un nouvel État, déjudaïsé, incluant Juifs et Palestiniens. Sur ce même site, où le président du PMF, Mohamed Ennacer Latrèche, dénonce inlassablement « le plan américano-sioniste », on lit à la fin d’un communiqué de presse du PMF, daté du 20 octobre 2002: « Le PMF adresse au peuple irakien et à son président ses meilleurs vœux de bonheur et de prospérité, tout en lui assurant son entier soutien dans sa résistance aux projets dévastateurs américano-sionistes. »

    Diabolisation

    La propagande pro-palestinienne aveugle et vindicative ne fait nullement avancer la cause palestinienne, elle ne contribue en aucune manière à la création d’un État palestinien, elle a pour seul résultat de nourrir l’imaginaire antijuif, en radicalisant la haine anti-israélienne21. Ceux qui, comme moi, sont convaincus de la nécessité de créer un État palestinien souverain se heurtent aujourd’hui à la dure réalité du total refus, par la majorité des défenseurs de la cause palestinienne, de l’existence même de l’État d’Israël.

    La diabolisation d’Israël et de l’Occident, pour les « gouvernements à la fois autoritaires et inopérants qui règnent sur presque tout le Moyen-Orient »22, est une condition de survie. Comme l’a montré Bernard Lewis, la désignation de responsables imaginaires et de coupables fictifs présente pour ces gouvernements plusieurs avantages essentiels: « Expliquer la pauvreté qu’ils sont incapables de réduire, légitimer un pouvoir despotique qui ne cesse de s’alourdir, détourner le mécontentement croissant de la population vers d’autres cibles23 ».

    Notes

    1. Voir l’indispensable ouvrage de Philippe Roger, L’Ennemi américain. Généalogie de l’antiaméricanisme français, Paris, LeSeuil, 2002.

    2. Voir notamment Ralph Schor, L’Antisémitisme en France pendant les années trente. Prélude à Vichy, Bruxelles, Éditions Complexe, 1992; Richard Millman, La Question juive entre les deux guerres. Ligues de droite et antisémitisme en France, Paris, Armand Colin, 1992.

    3. Le site de Radio Islam, fondé et animé par l’islamiste Ahmed Rami (qui diffuse les Protocoles des Sages de Sion et toutes les formes de littérature négationniste), fait circuler des listes de Juifs (parfois imaginaires) qui dirigeraient en secret la politique américaine. Dans l’administration Clinton, Rami avait repéré, en 1998, un nombre impressionnant de Juifs, de Madeleine Albright à Janet Yellen. Au début de 2002, Rami fait circuler une nouvelle liste, Jews in the Bush Administration, comprenant notamment Elliott Abrams, Josh Bolten, Ari Fleischer, Jay Lefkowitz, Richard Perle, Paul Wollowitz. Dans la littérature anti-américaine récente se sont multipliées les attaques contre l’administration Bush fondées sur ces listes de patronymes, censées prouver que le pouvoir politique, aux États-Unis, est « gouverné par les Juifs ». Variations sur le thème: « Le lobby sioniste dirige l’Amérique ». En France, l’un des principaux périodiques de la mouvance lepéniste, National Hebdo, a consacré une série d’articles à la dénonciation des inspirateurs ou des leaders juifs des faucons américains qui viseraient, à travers la « destruction de l’Irak », l’établissement du « Grand Israël ». Voir Michel Limier, « Paul Wolfowitz, pousse-au-crime de George W. Bush », National Hebdo,n° 968, 6-12 février 2003, p. 7; Id., « Les faucons de George W. Bush(2) », National Hebdo, n° 969, 13-19 février 2003, p. 7. « Michel Limier » est le pseudonyme d’un disciple d’Henry Coston, qui pourrait être Emmanuel Ratier, journaliste spécialisé dans la littérature de dénonciation conspirationniste. Voir E. Ratier, Mystères et secrets du B'nai'B'rith, Paris, Facta, 1993; Id., Les Guerriers d’Israël. Enquête sur les milices sionistes, Paris, Facta, 1995.

    4. Voir Albert O. Hirschman, Deux siècles de rhétorique réactionnaire, tr. fr. Pierre Andler, Paris, Fayard, 1991.

    5. Paris, Éditions Baudinière, 1939 [début]. Dans ce libelle besogneux, Ferdonnet cite notamment le premier des pamphlets antijuifs de Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre (op. cit.) — mis en vente le 28 décembre 1937 —, dont le thème central est précisément la dénonciation du « bellicisme juif » et de la préparation d’une « guerre juive ».

    6. Paul Ferdonnet, La Guerre juive, op. cit., avant-propos, p. 9-10.

    7. Voir Léon Poliakov, « Causalité, démonologie et racisme. Retour à Lévy-Bruhl ? » [1980], in Pierre-André Taguieff (dir.), Les Protocoles des Sages de Sion, tome II: Études et documents, Paris, Berg International, 1992, p. 419-456.

    8. Slogan cité par Eric Krebbers et Jan Tas, « Comment éviter quelques pièges antisémites », De Fabel van de illegaal, n° 52-53, été 2002 (traduit du hollandais par Yves Coleman).

    9. L’UGET prétend que l’autorisation administrative d’organiser cette exposition a été donnée au Comité de soutien à la Palestine.

    10. Extrait de Roger Garaudy, Palestine, terre des messages divins, Paris, Albatros, 1986 (traduit en arabe); rééd., Éd. AI-Fihrist, 1998 (en vente sur des sites Internet islamistes et négationnistes). Dans un autre extrait de ce livre, la loi israélienne du retour était mise en parallèle avec les lois racistes de Nuremberg. Selon le communiqué de l’UEJF du 28 mars 2003, 32 pages du livre de Garaudy auraient été reproduites sur les panneaux de cette exposition.

    11. Des photos des victimes palestiniennes des affrontements qui eurent lieu à Jénine sont ainsi légendées : « ça s’est réellement passé à Jénine contrairement à ce que le Lobby juif vous a fait croire ».

    12. Natacha Polony et Sarah Weisz, « Manifs des jeunes. Chansons pacifiques contre appels à la haine », Marianne, n° 310, 31 mars - 6 avril 2003.

    13. Serge Thion a fondé La Gazette du Golfe et des banlieues en 1991. En octobre 2001 paraît le premier numéro de la nouvelle série de ladite Gazette, sur Internet.

    14. Serge Thion, in La Gazette du Golfe et des banlieues, n° 20, 10 avril 2003, p. 3-4.

    15. Christophe Deroubaix, « Cette idéologie ultra qui domine Washington », L’Humanité, 19-20 avril 2003, p. 4, 6.

    16. Cette lettre d’information francophone (6800 destinataires), se présentant comme une revue de presse hebdomadaire, a été créée en 1999 par deux militants pro-palestiniens qui se disent « franchement de gauche »: Pierre-Alexandre Orsoni et Marcel Charbonnier (traducteur de Shamir et d’autres auteurs « antisionistes »). L’Association médicale franco-palestinienne de Marseille est coiffée par l’Association France-Palestine Solidarité (créée en mai 2001 à partir de l’AMFP et de l’Association France-Palestine). L’AFPS participe aux activités de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine qui regroupe 34 associations.Voir Michel Henry, « Charge antisémite d’une association propalestinienne. La branche marseillaise de l’AMFP a diffusé un texte ordurier », Libération, 3 avril 2003, p. 24; Ariane Chemin, « Un bulletin Internet pro-palestinien publie un texte antisémite.L’association France- Palestine Solidarité a condamné son contenu et sa diffusion », Le Monde, 5 avril 2003, p. 15. Bernard Ravenel président de l’AFPS, a condamné le « contenu explicitement antisémite » de l’article de Shamir et rompu avec le groupemarseillais. Le traducteur Marcel Charbonnier a démissionné de l’AMFP-Marseille, mais celle-ci n’a pas pour autant présenté ses excuses, et continue de diffuser des articles de Shamir.

    17. Certains milieux palestiniens (par exemple Hussein Ibish et Ali Abunimah) mettent cependant en doute la judéité de Shamir et le considèrent comme un des nombreux olim russes orthodoxes installés en Israël.

    18. Dans La Gazette du Golté et des banlieues, dès le premier numéro de la nouvelle série (octobre 2001), on peut lire un article d’Israël Shamir, « Comment saper les bases de l’édifice de la violence », repris de Point d’information Palestine, n° 165, 28 août 2001. Dans le n° 15 (décembre 2002) de la Gazette négationniste, on peut lire un autre article de Shamir (« La pluie verte de Yassouf », hymne aux Palestiniens qu’on trouve publié dans de nombreux autres périodiques), ainsi qu’une étude de Maria Poumier (« Les Juifs à Cuba »). On retrouve la prose de Shamir dans le numéro 16 (janvier 2003), où l’on peut lire notamment un article « antisioniste » de Ginette Hess-Skandrani, présidente de « La Pierre et l’Olivier » et membre fondatrice des Verts: « Décolonisation de la Palestine ». L’association « La Pierre et l’Olivier », créée à Paris en 1990, se présente comme un « réseau de solidarité avec le peuple de Palestine ».

    19. Par exemple, outre la revue de Serge Thion, La Gazette du Golfe et des banlieues, les publications de Ernst Zündel et de Michael A. Hoffman II. Précisons que le journaliste et publiciste Hoffman dirige le périodique Revisionist History (devenu Revisionist History Newsletter), et qu’il est l’auteur de plusieurs pamphlets ou libelles antijuifs, dont Secret Societies and Psychological Warfare (nouvelle édition revue et augmentée, 2001), où il dénonce notamment la prétendue pratique du crime rituel chez les Juifs. Mais on trouve également des articles du communiste Shamir, ancien journaliste (encore dans les années 1990) à la Pravda, dans le journal antijuif russe de la mouvance communiste, Zavtra, où il signe « Robert David ». Sa spécialité est de voir partout la main cachée du Mossad. Zavtra (« Demain ») a pour rédacteur en chef l’extrémiste Alexandre Prokhanov, incarnant la synthèse communiste-nationaliste des « rouges-bruns »). Voir Vadim Rossman, Russian Intellectual Antisemitism in the Post Communist Era, Lincoln et Londres, The University of Nebraska Press, et Jérusalem, SICSA, 2002, p. 24, 98 (note 73),110- 111, 131, 136 (note 37), 142 (note 118). Sur Prokhanov, voir Walter Laqueur, Histoire des droites en Russie. Des centuriesnoires aux nouveaux extrémistes [1993], tr. fr. Dominique Péju (avec la coll. de Serge Zolotoukhine), Paris, Michalon, 1996, p. 161-162, 198-199, 281-282, 326. Hoffman a, par exemple, publié en traduction américaine un article de Shamir paru dans Zavtra, le 31 octobre 2000: « The Jews of Russia and Palestine : A Comparison » (« Campaign for Radical Truth in History », archives).

    20. Shamir s’affirme, selon une formule routinisée, « pour la déconstruction de l’État juif raciste ».

    21. Voir le remarquable dossier « Vérité sur deux ans d’Intifada » sous la direction de Meïr Waintrater, dans le mensuel L’Arche, n° 536-537, octobre-novembre 2002, p. 42-87.

    22. Bernard Lewis, Que s’est-il passé ? L’lslam, l’Occident et la modernité, tr. fr. Jacqueline Camaud, Paris, Gallimard,2002, p.221.

    23. Ibid.

    http://www.phdn.org/antisem/antision/taguieff2003.html#note1