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Textes - Page 25

  • Aujourd'hui, Brigitte Bardot a 75 ans

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    Brigitte Bardot : le courage et la grâce

    Aujourd'hui, Brigitte Bardot a 75 ans.

    L’ancienne actrice, parce qu’elle eut le mérite de délaisser, à quarante ans, le vain monde du spectacle pour embrasser la cause des animaux, mérite déjà, rien que pour cet acte de noblesse, un profond respect.

    Contrairement au reste du show-biz, bouffi de gloire à peu de frais, récoltant tous les suffrages grâce à son consensualisme veule et ses navrants silences (songeons seulement à la lâche et pathétique débâcle de Francis Cabrel, qui, auteur d’une belle chanson contre la tauromachie, n’osa pas affirmer davantage ses convictions, par soumission à sa maison de disques et par peur de perdre fans et millions), cette femme eut le courage de tourner le dos à son statut de star pour empoigner son bâton de pèlerin et parler, contre vents et marées, au nom des plus faibles d’entre les faibles : ses frères nonhumains lâchement exploités, torturés et massacrés par le seul animal au monde capable de commettre le mal pour l’amour du mal : l’homme.

    L’homme ou la femme capable de se détourner de lui-même pour se tourner vers les autres fait déjà preuve de supériorité.

    Lorsqu’en plus la cause qu’il embrasse est la plus décriée, autrement dit lorsqu’elle est la plus juste, s’ajoute à cela une autre qualité : le courage.

    Bardot a eu le courage de parler quand tout le monde se taisait, quitte à passer pour une emmerdeuse et une salope : on ne pardonne pas aux femmes d’être femmes.

    Lorsque sa jeunesse fut derrière elle, on se mit à la traiter de folle et de névrosée : on ne pardonne pas aux femmes de vieillir.

    Mais plus que tout, Bardot devint fasciste, cette insulte ultime brandie à tous vents, et qui ne dénonce plus rien sinon la bêtise de celui qui la prononce (sur le sens exact du mot, nous renvoyons aux dictionnaires et aux livres d’histoire, qui seuls savent de quoi il retourne).

    Ce que Bardot aura fait pour les animaux depuis un demi-siècle est immense, à commencer par le réveil des consciences qu’elle a provoqué dans l’hexagone.

    Un grand nombre de militants de la cause animale, aveuglés par un progressisme intransigeant qui n’est autre que la fameuse political correctness, se font un devoir de la renier hargneusement, la plupart du temps sans finesse, oubliant qu’elle est à la base de leur engagement : qui, né en France entre 1955 et 1985, a pu ne pas être imprégné, consciemment ou inconsciemment, par son aura militante ?

    Plus que tout, elle a préparé le terrain sur lequel ils se battent aujourd’hui avec intelligence, courage et détermination.

    Certes, Bardot n’est pas antispéciste. Bardot n’est pas végane.

    Elle n’est que végétarienne, ce qui n’est pas suffisant si l’on entend abolir l’esclavage animal.

    Mais elle est d’une génération pour laquelle le mot même de végétarisme était exotique, ce qui fait d’elle, qu’on le veuille ou non, une précurseuse, dans un monde alors parfaitement indifférent à la misère animale.

    Si Victor Hugo, Lamartine et d’autres grands esprits avaient, en leur temps, fermement élevé la voix contre l’ignominie, le cri de Bardot était puissant et la modernité lui permit de pénétrer profondément le tissu social : après elle, plus personne ne put ignorer, en France, le calvaire des animaux massacrés pour leur fourrure, leur chair, leurs tripes.

    Bardot, parce qu’elle a pris le parti des sans-voix, de ces milliards de consciences journellement massacrées par ses pareils, ne pouvait qu’être haïe par ceux-ci : l’homme n’aime guère apprendre qu’il est criminel.

    Bardot, parce qu’elle ose dénoncer ce que tout le monde passe honteusement sous silence, y compris et surtout dans le monde de la protection animale, qui préfère se taire plutôt que d’essuyer les foudres des censeurs, à savoir les atrocités de l’abattage rituel, ne pouvait qu’être taxée de racisme.

    Mais Bardot est-elle raciste ?

    La question se pose, et la réponse est clairement non.

    Bardot n’est pas raciste : elle s’oppose seulement aux tortionnaires, qu’ils soient blancs, noirs ou jaunes, qu’ils soient de confession chrétienne, juive ou musulmane.

    Contrairement aux lâches pléthoriques, elle refuse de plier devant les diktats d’une bien-pensance coupable, elle refuse de taire le meurtre des animaux sous prétexte que leurs bourreaux ne seraient ni blancs ni chrétiens.

    Du musulman qui renoncerait à sacrifier le mouton de l’Aïd, qui prendrait le parti de la vie contre la mort, de l’amour contre la haine, de la compassion contre la cruauté, Bardot ferait son allié.

    De celui qui préfère égorger cet animal sans défense, au nom d’un Dieu qui n’exige même pas cet holocauste (et quand bien même, dirait Isaac Bashevis Singer, quand bien même Dieu serait du côté des assassins, alors il faudrait être contre Dieu, de toutes ses forces), Bardot fait son ennemi, et n’aura de cesse de dénoncer sa cruauté et sa bêtise.

    A trop côtoyer l’horreur, essentiellement humaine, on court le risque de devenir misanthrope.

    Aux humanistes, aux démagogues, aux philanthropes impénitents, quel meilleur argument opposer sinon l’Histoire elle-même, cette fresque de démence et de sang parachevée de génération en génération ?

    Quelle plus belle preuve de l’iniquité du genre humain que sa propre chronique millénaire, ce tissu d’atrocités dépourvu de gloire et de sens ?

    Quel plus beau symbole enfin de son indignité fondamentale que l’abattoir, cette industrie de mort soigneusement élaborée, qui assassine sans répit, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois-cent-soixante-cinq jours pas an, des êtres sentients, des consciences, par centaines de milliards chaque année, à seule fin de flatter son palais ?

    Que vaut enfin une créature qui a réduit le vivant en esclavage et poussé le vice jusqu’à justifier sa tyrannie en en faisant un commandement de Dieu ?

    Car il n’est pas jusqu’au poète des sphères qu’elle n’a confisqué à son profit, façonné à son goût, décrété à son image, et de même que l’imbécile se reconnaît à sa conviction d’être grand, de même l’humanité, victime de sa mentaphobie, n’a eu de cesse de se proclamer supérieure, quand c’est elle qui, méthodiquement et malgré tout son génie dérisoire, est en train de conduire le monde à sa perte.

    Qui, œuvrant pour les droits des animaux, n’a pas vu l’enfer ?

    Qui, travaillant à abolir leur exploitation, n’a pas été confronté à la barbarie radicale ?

    Alors, oui, Bardot est misanthrope, non par nature, mais par fatalité.

    « On ne naît pas misanthrope, on le devient », pourrait-on dire, paraphrasant Simone de Beauvoir.

    Bardot est misanthrope, et nous n’aurons garde de lui reprocher ce que nous sommes nous-mêmes devenue.

    Contrairement à l’homme-Narcisse, Bardot est lucide et dénonce la cruelle nature humaine. Bardot est courageuse : elle n’est pas de ceux qui prennent lâchement le parti du silence pour éviter de s’exposer à la vindicte universelle.

    Cette femme affronte courageusement l’adversaire, et, à 75 ans, continue de monter bravement au créneau, harcelant les pitoyables individus qui nous dirigent et qui, parce qu’ils oublient l’essentiel : le droit à la vie des vivants, ne méritent pas la place qu’ils occupent, laquelle devrait être cédée à des êtres éclairés, sages et supérieurs.

    Mais fait-on de la politique lorsqu’on réunit de telles vertus cardinales ?...

    Nombreux sont ceux qui, usant de la reductio ad hitlerum, se font un devoir de traîner le nom de Bardot dans la boue.

    S’attaquer à une vieille dame est non seulement lâche, mais indigne. Et, dans le cas qui nous occupe, injustifié.

    A entendre ces faux preux, on devine qu’ils se sentent investis d’une mission « citoyenne », affichant un air de supériorité en soi-même tendancieux tant il respire la complaisance.

    Qu’il est facile de s’en prendre à une femme déjà si unanimement détestée… Qu’il est facile de hurler avec les hommes, contre la louve.

    Or qui sont-ils, ces prétendus défenseurs de la Justice, ces apôtres de la Fraternité, sinon des spécistes assassins, qui tuent ou font tuer chaque jour de leur vie des êtres sensibles qu’ils consomment sans remords, quand on sait pertinemment qu’Homo sapiens peut se passer de produits animaux pour vivre, puisqu’il n’est physiologiquement pas un carnivore ?

    C’est ainsi que les fascistes sont ceux-là mêmes qui se complaisent à traiter Bardot de ce nom.

    Quant à Hitler, auquel on l’a si souvent comparée, qu’on apprenne qu’il n’était pas végétarien (nous renvoyons le lecteur qui ne serait pas encore convaincu, malgré la multiplicité des preuves, aux travaux de l’historienne Elisabeth Hardouin-Fugier[1]), qu’il a fait euthanasier les animaux des Juifs et n’aimait, parmi les chiens, que les bergers allemands, n’ayant eu par exemple que mépris pour les bichons d’Eva Braun.

    Et quand bien même Hitler eût-il été végétarien, cela ne prouverait rien. C’était aussi un homme : est-ce à dire que tous les hommes sont des nazis ?

    Avec les animaux, c’est certain : tous les hommes (et les femmes) le sont, et la non-vie qu’ils leur imposent est, pour reprendre le titre du bel essai de Charles Patterson, lui-même inspiré d’une phrase de I. B. Singer, un éternel Treblinka[2].

    Mais les uns pour les autres, les hommes ne le sont pas toujours, et Bardot, elle, ne l’est certainement pas.

    Cette stupidité ne pourra donc plus être dite sans que celui qui la profère passe lui-même pour un imbécile.

    Bon anniversaire, Brigitte Bardot : vous êtes une grande dame, et nous vous aimons.

    Méryl Pinque

    Militante végane, porte-parole de Vegan.fr[3]


    [1] Elisabeth Hardouin-Fugier, « La protection de l'animale sous le nazisme », in Luc Ferry ou le rétablissement de l'ordre, éditions Tahin Party, 2002, p. 129-151.

    [2] Charles Patterson, Un éternel Treblinka, éditions Calmann-Lévy, Paris, 2008.

    [3] Cet article n’engage que l’auteure et non l’association qu’elle représente.

  • Un désordre vaut mieux qu’une injustice (Gérard Condorcet)

    http://www.poemes-amour.fr/image/Victor-Hugo.jpg

    Par inclinaison, trop d’hommes suivent le cortège des vainqueurs, cachent dans leurs armoires des drapeaux de toutes les couleurs et pour tous les camps, composent avec les lobbies, les puissants du jour, les pouvoirs et émargent davantage à l’épuration d’après guerre  qu’à la résistance de la première heure.

    Sans doute, faut-il un minimum de courage pour braver les conformismes, combattre les intérêts établis, déranger les dormeurs assoupis qui s’accommodent  au présent de ce qui les révulsera demain.

    En 1832, le bon Victor HUGO, auteur entre autres de cette réflexion ("Le gai chasseur armant son fusil et son piège confine à l’assassin et touche au sacrilège") publiait le Dernier Jour d’un condamné à Mort pour dénoncer l’assassinat judiciaire.


    Il fallut 150 ans pour que cette conscience, servie par une forte plume, concrétise en loi une éthique ampathique.

    Rares sont ces hommes phares qui se lèvent dans le troupeau grégaire pour montrer une route nouvelle et déboulonner des préjugés hérités.

    Le pusillanime demeurera toujours attentiste, prudent, pondéré, consentant cinq minutes d’expression au génocideur et cinq minutes à sa victime.

    Le pusillanime aime le « juste milieu », là où l’on est sûr de se tromper mais de ne rien risquer.

    Même dans nos démocraties imparfaites, ces prudents veillent à ne pas s’exposer, à ne pas déplaire et à observer constamment une « obligation de réserve » qu’ils s’assignent comme  devoir de lâcheté.

    Ils savent que l’injustice, la cruauté, le mépris sévissent dans la société mais l’instinct de conservation de leurs petits intérêts les poussent inexorablement à la complicité silencieuse.

    Or, nous ne sommes  pas sortis de l’Histoire puisque la violence est faite quotidiennement à tant d’humains sur la planète et aux autres animaux, êtres sensibles qui doivent accéder à notre compassion.

    Cette violence est intolérable, qu’elle affecte le prisonnier français réduit à la promiscuité dégradante, le courageux blasphémateur des téhocraties, la femme insoumise des régimes médiévaux, le libertaire chinois ou l’ours pyrénéen.

    Ne pas crier sa révolte et son refus, admettre l’ordre établi en ce qu’il comporte d’inique et de criminel confinent à la complicité morale.

    Pour construire une société hédoniste altruiste, fondée sur la quête du plaisir pour soi-même à condition qu’il passe par le plaisir d’autrui, il faut adopter un comportement radicalement révolutionnaire, non pas  dans l’acception du 19ème siècle avec barricades de pavés glorieux, non pas en attendant que les masses anesthésiées et abruties par « leur télévision » se dressent en un grand soir lumineux, mais immédiatement, en vivant en hédoniste altruiste.

    Refusons sans délai, sans faiblesse, la société du mépris du vivant.

    Refusons toute complaisance envers ce qui tue, détruit, enlaidit, endolorit le monde.

    Refusons de voir l’écologie, éthique nouvelle du respect du vivant, s’avachir en un environnementalisme de pacotille, fioriture pour discours politicien.

    Refusons notre concours à la capitulation du cœur et de la raison au profit d’une ignorance confortable des crimes de notre temps.

    Gérard  CONDORCET
    CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE

    www.ecologie-radicale.org

  • "Commentaire : une discussion sur les Principes Abolitionnistes" (Gary Francione)

    http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/11/Gary_Francione.jpg

    Chers Collègues,

    Certains défenseurs des animaux prétendent être abolitionnistes mais soutiennent les réformes de bien-être ou la violence.

    Dans ce commentaire, j’explique pourquoi les réformes de bien-être et la violence ne peuvent pas faire partie de l’approche abolitionniste.

    Gary L. Francione

    Standard Podcast: Hide Player | Play in Popup | Download

    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2009/09/21/checkingcommentaire-une-discussion-sur-les-principes-abolitionnistes/

  • Elisabeth Hardouin-Fugier : "La protection de l'animal sous le nazisme : un recyclage français de la propagande nazie (autour des ouvrages de Luc Ferry)"

    http://www.ledevoir.com/2008/05/26/images/fer_af_260508.jpg

     

    Luc Ferry

     

    Les mânes de Goebbels exultent : au troisième millénaire, il se trouve encore des auteurs pour utiliser sa propagande et, mieux encore, pour la diffuser !

     

    S’engouffrant dans le vide laissé par les historiens du nazisme en matière de protection législative de l’animal, on peut en France, mais aussi en Suisse, en Italie, en Amérique ou en Allemagne, écrire et proclamer haut et fort d’aussi évidentes contrevérités que : « Hitler a supprimé la vivisection », affirmation tout droit venue d’une propagande nazie qu’il convient de démystifier.

     

    Le Nouvel Ordre écologique de Luc Ferry paraît en 1992 (1), l’année même du Sommet de la Terre de Rio, qui active les polémiques sur l’écologie.

     

    En Suisse, les propos de Luc Ferry sur l’animal arrivent à point nommé pour le referendum concernant « l’abolition de la vivisection, soumise en votation le 7 mars 1993 ».

     

    Le Corriere della Sera du 19 octobre 1992, très lu dans le canton italophone du Tessin, expose les conclusions du livre de Ferry, sur les liens supposés entre la protection de l’animal et le nazisme, argument largement repris dans la campagne de presse précédant le vote.

     

    C’est la proclamation d’un ensemble législatif de protection animale par le gouvernement de Hitler, et en particulier la loi du 24 novembre 1933 (Tierschutzgesetz, loi de protection de l’animal), qui incite Ferry à lier au nazisme la compassion envers l’animal.

     

    La très courte section I de cette loi (9 lignes en 2 alinéas), intitulée «Tierquälerei», (torture ou tourment infligé(e) à l’animal) apporte d’emblée un nouveau critère d’évaluation de la souffrance animale :

     

    « Il est interdit de tourmenter inutilement un animal ou de le maltraiter brutalement (2) » (souligné par nous).

     

    Le second alinéa définit « l’utilité » de la maltraitance.

     

    La section II (Prescriptions pour la protection de l’animal) est un catalogue de 14 mauvais traitements infligés aux animaux, par exemple le prélèvement des cuisses aux grenouilles vivantes (alinéa 12).

     

    La section la plus longue (III, Expérimentationsur animaux vivants), concerne l’une des plus importantes polémiques du XIXe siècle, portant sur la « vivisection ».

     

    Les sections IV et V, purement juridiques, précisent les modalités d’application de la loi, que nous désignerons désormais par « loi du 24 nov. 1933 ».

     

    Comment le gouvernement de Hitler s’empare dès 1933 du thème de la protection législative de l’animal en même temps que de l’ensemble des institutions civiles, intellectuelles et culturelles allemandes pour se parer d’un prétendu humanisme, il est aisé de le démontrer (cf. ci-dessous, chapitre I – Notre Führer aime les animaux).

     

    Il ne s’agirait là que d’un artifice de propagande parmi beaucoup d’autres, s’il n’avait connu, aujourd’hui, une postérité inattendue.

     

    Bien des auteurs français, s’appuyant en particulier sur Des Animaux et des Hommes, publié par Luc Ferry en 1994 en collaboration avec Claudine Germé, prenant pour argent comptant le mythe d’une prétendue zoophilie nazie, se chargent d’amplifier ce dernier et d’en tirer des conclusions : c’est ce que nous verrons dans le chapitre II – Naissance et croissance d’un mythe.

     

    I- « NOTRE FÜHRER AIME LES ANIMAUX »

     

    1- De la théorie à la pratique

     

    Lors de la prise de pouvoir des nazis, l’heure est à la vertu rassurante.

     

    Dès le 2 février 1933, Hitler proclame : « puisse le Dieu tout puissant prendre notre travail dans sa grâce, orienter notre volonté, bénir notre intelligence et nous combler de la confiance du peuple, car nous voulons combattre, non pour nous, mais pour l’Allemagne (3)».

     

    Joseph Goebbels, ministre de la propagande, relate dans son Journal comment il entreprend, dès mars 1933, de donner une image positive de l’homme privé Adolf Hitler, jusque-là connu en tant que politicien.

     

    Hitler est un être « aussi simple que bon », « qui ne pense qu’à son travail et à ses devoirs », « amical, aimant les enfants. »

     

    L’amour de la nature d’une part, très répandu en Allemagne, en particulier auprès des anciens membres des Wandervögel (« Oiseaux migrateurs », mouvement de jeunesse très populaire), l’amour des animaux d’autre part, apparaissent alors comme les caractéristiques de tout homme bon.

     

    Dans ses Propos de table, Hitler se proclame « Tierliebhaber » (habituellement traduit par « ami des animaux ») (4), mais, à vrai dire, amateur de chien-loup (berger allemand) exclusivement.

     

    Un Führer dérogerait de se laisser photographier, fut-ce par Hofmann (devenu le photographe officiel de Hitler) en compagnie des bichons d’Eva Braun, tout juste bons pour une femme.

     

    Dans une série de cartes postales très populaire, le photographe « surprend » Hitler sortant furtivement d’une église, une croix se profilant au-dessus de sa tête découverte, caressant des enfants ou méditant dans la nature en compagnie de sa chienne Blondie.

     

    Les textes de Hitler sur l’animal sont peu nombreux.

     

    Dans Mein Kampf, quelques passages servent à justifier, par l’exemple de la nature, la thèse raciste, la sélection naturelle et la violence.

     

    Il existe aussi quelques histoires de chiens, au front, par exemple, parfois rapportées par Baldur von Schirach, dont le chien, offert par Hitler, sautait sur quiconque faisait le salut nazi !

     

    On sait aussi, en particulier par Albert Speer, que le Führer ennuyait les hôtes de son chalet d’Obersalzberg par ses interminables tirades sur les chiens-loup.

     

    Dans les Propos de table déjà mentionnés, minutieusement consignés pour 1941 et 1942 en près de 500 pages, le mot animal apparaît 18 fois ; outre de rudimentaires justifications du néodarwinisme (« les chats n’ayant pas pitié des souris »), deux passages plus longs (pp. 241-242, 431-432) exposent le végétarisme comme hygiène de vie, puis vient l’inévitable éloge de Blondie.

     

    « Dans le nouveau Reich, il ne doit plus y avoir de place pour la cruauté envers les animaux (5). »

     

    Si telle est la théorie, la réalité est tout autre : « bonheur pour Blondie Hitler, malheur pour “Minet” Klemperer, dont le maître est Juif ! »

     

    Victor Klemperer, cousin du célèbre chef d’orchestre, survivant en Allemagne comme époux d’une Aryenne, témoigne de ce fait trop peu connu :

     

    « Je n’avais plus le droit de verser à la SPA une cotisation pour les chats, parce que, à “l’Institution allemande des chats” (vraiment, c’est ainsi que se nommait désormais le bulletin de la société, devenu organe du Parti) il n’y avait plus de place pour les créatures “perdues pour l’espèce” (Artvergessen) qui vivaient chez les Juifs.


    Plus tard, on nous a d’ailleurs enlevé, puis tué nos animaux domestiques, chats, chiens et même canaris : loin d’être des cas isolés, des turpitudes sporadiques, il s’agissait d’une intervention officielle et systématique et c’est une des cruautés dont aucun procès de Nuremberg ne rend compte... » (6)

     

    2- La loi de protection animale

     

    Les lois et décrets successifs sur la protection de l’animal font partie de la mise au pas, l’« Indoktrinierung » (7), par le nazisme, de toutes les structures de la société civile, dont le plus célèbre épisode est le bûcher constitué par des livres interdits, dit autodafé.

     

    On peut s’étonner que la loi de protection de l’animal du 24 nov. 1933 n’ait jamais été citée par les historiens comme le parfait exemple d’embrigadement par une relative persuasion, du moins dans un premier temps, avant que, le 11 août 1938, les associations de protection animale ne soient unifiées dans une structure nazifiée, dont la branche féline est évoquée ci-dessus par Klemperer.

     

    La loi du 24 nov. 1933 s’insère dans un « torrent législatif », étendu à tous les domaines, qui déferle des administrations nazies dès 1933.

     

    Pour les onze mois d’activité du seul cabinet de Hitler, cinq tomes occupent 2839 pages.

     

    En avril 1933, le Journal Officiel du Reich, publie près de trente lois sur tous les sujets imaginables.

     

    Le juriste allemand Hubert Schorn  (8) démontre que la frénésie législative nazie n’est qu’un artifice de la prise du pouvoir politique : ces textes, souvent anodins, parfois valables (classes surchargées, protection maternelle), tiennent le devant d’une scène où il se passe bien autre chose.

     

    Schorn situe dès 1934 l’illégalité installée dont un juridisme exacerbé sauve les apparences : Ulrich Linse évoque ce phénomène à propos des lois protégeant une nature dont la destruction est en cours (9) .

     

    Dans le domaine de l’animal, les textes sur l’abattage du 21 avril 1933 (4 paragraphes) et la modification du vieux code pénal (16 mai 1933) précèdent (entre autres textes) la loi du 24 nov. 1933, que Luc Ferry présente avec insistance comme une création personnelle de Hitler.

     

    Il est certain qu’une déclaration de Hitler sur la protection de l’animal aurait été inlassablement citée par la cour de ses flatteurs et obligatoirement posée en référence par les juristes, à commencer par ceux de son cabinet.

     

    Ce n’est pas le cas. Le premier commentateur de la première édition de la loi du 24 nov. 1933, dans les Législations du cabinet de Hitler (10) , fournit comme unique « justification » (« Begründung ») la volonté du peuple de protéger l’animal.

     

    De même, les thèses juridiques sur la législation animale, écrites sous le nazisme, se bornent à mentionner, et rarement, quelques passages de Mein Kampf pour justifier leur conception du monde.

     

    Aucun texte de Hitler sur la protection animale n’y apparaît, en dépit de l’obligatoire et obséquieuse révérence due au Führer, pas plus que dans le très long Kommentar de Giese et Kahler sur la loi du 24 nov. 1933, conçu dans la tradition du droit allemand, épris de justifications.

     

    Les discours de Hitler, intégralement publiés, ne semblent pas contenir le mot animal (11).

     

    Le sujet de l’animal n’apparaît pas davantage dans les plus importants recueils de sentences et pensées du Führer, publiés par la propagande nazie, couvrant tous les domaines, éthiques, religieux et culturels.

     

    Aussi nous est-il permis d’imiter saint Thomas pour ne croire que les documents visibles, en attendant la révélation des invisibles.

     

    Il n’est pas impossible que Hitler ait approuvé de quelques mots la loi qu’il signe le 24 nov. 1933, mais notre enquête ne peut accorder aucun crédit aux affirmations répétitives de Luc Ferry, toujours dépourvues de références, sur le rôle personnel tenu par Hitler dans la protection de l’animal, telles que :


    « Hitler […] en faisait une affaire personnelle » ;

     

    «… éviter la cruauté envers les animaux. C’est au nom de cette volonté chère au coeur de Hitler lui-même [que sont édictées les lois de protection] » ;

     

    «… nul hasard, en ce sens, si c’est au régime nazi et à la volonté personnelle de Hitler que nous devons, aujourd’hui encore, les deux législations les plus élaborées que l’humanité ait connues en matière de protection de la nature et des animaux » ;

     

    « Hitler tiendra à suivre personnellement l’élaboration de cette gigantesque loi (plus de 180 pages !) » (12)

     

    Par ailleurs, on connaît, par de multiples témoignages, la célèbre horreur du Führer pour l’administration et le travail législatif, parfaitement documentée par Ian Kershaw :

     

    « Dans le cadre d’un processus aussi lourd qu’inefficace, il [Hitler] obligeait à faire aller et venir les projets entre les ministères jusqu’à trouver un accord.


    C’est uniquement à ce stade, et encore sous réserve qu’il en approuvât la teneur qu’on lui avait brièvement résumée, que Hitler signait le texte, généralement sans guère se donner la peine de le lire, et en faisait une loi. » (13)

     

    La loi du 24 nov. 1933 est en réalité le résultat d’une très longue concertation entre protecteurs de l’animal, aboutissant enfin à un texte commun, rédigé vers 1927 sous la direction du juriste Fritz Korn (14).

     

    Dès lors, cette proposition est à plusieurs reprises renvoyée en boomerang entre les assemblées régionales et le Parlement du Reich, chacun se déclarant incompétent.

     

    En 1933, une fois de plus et semble-t-il très tôt, le projet est envoyé au nouveau gouvernement.

     

    Il aboutit dans le cabinet de Hitler.

     

    Les commissions juridiques, surchargées d’ouvrage, trouvent le travail « tout prêt dans les tiroirs », selon un témoignage recueilli en 1970 auprès du professeur A. Ketz, qui avait pris part aux travaux préparatoires avant 1933 (15).

     

    Les juristes nazis utilisent visiblement ce travail législatif, considérable en dépit de sa brièveté, impossible à élaborer dans d’aussi courts délais.

     

    Dans la section II (catalogue des interdictions) apparaissent les demandes de nombreux auteurs bien antérieurs.

     

    Les nazis saisissent évidemment l’occasion pour centraliser sous leur coupe les associations protectrices de l’animal.

     

    Néanmoins, la loi du 24 nov. 1933 réalise enfin l’unification juridique nationale et le regroupement des données en un unique texte de référence, depuis longtemps espéré par les juges.

     

    La rédaction en est judicieuse et les sanctions aggravées.

     

    La liste des interdictions de la IIe section, désormais pénalisées, est perçue comme une victoire sans précédent.

     

    En fait, la jurisprudence des années nazies ne semble guère montrer de changements effectifs dans le traitement des animaux.

     

    Cependant, la loi du 24 nov. 1933, claironnée au-delà des frontières, reçoit un accueil favorable en France.

     

    Le ministère nazi de la Propagande récupère ce succès international.

     

    Certains hauts dignitaires, comme Heinrich Himmler, proclament que cette législation est une preuve du haut degré de civilisation de l’Allemagne nazie.

     

    Joseph Goebbels ne semble pas être intervenu personnellement dans la loi du 24 nov. 1933.

     

    Cependant, sa ligne de propagande explicitement tracée en 1933 – donner un visage humain au Führer – a été parfaitement suivie.

     

    Plus d’un demi-siècle plus tard, ce « visage humain » de Hitler s’enrichit encore, grâce à L. Ferry, « d’une volonté d’éviter la cruauté envers les animaux, chère au coeur de Hitler lui-même (16) ».

     

    Hermann Göring a fait mieux encore.

     

    Son scoop : « les nazis ont supprimé la vivisection », se retrouve dans la France de 1999, sous la plume de Paul Ariès : « Les nazis étaient, eux, antivivisectionnistes  (17). »

     

     

    II- NAISSANCE ET CROISSANCE D’UN MYTHE

     

    1- Les surprenants artifices de Luc Ferry

     

    Dans son ouvrage de 1994, Des animaux et des Hommes, Luc Ferry publie (p.513) un fragment de l’édition de 1939 du Kommentar (écrit, rappelons-le, par Giese et Kahler) sous forme de traduction des 9 premières lignes (et demi) de la page 19.

     

    Ferry intitule cet extrait : « Article 1 de la Loi du 24 novembre 1933 sur la protection des animaux : La cruauté envers les animaux, Berlin, le 24 novembre 1933 ».

     

    Luc Ferry appose sous ce fragment les signatures de Hitler, « du ministre de la Justice Dr Gürtner, du ministre de l’Intérieur et du ministre de Tutelle Göring ».

     

    Ces signatures ne figurent évidemment pas sous ce fragment du Kommentar écrit par Giese et Khaler.

     

    De plus, Göring n’a pas signé la loi du 24 nov. 1933, comme le montre le Journal Officiel allemand du 25 novembre 1933.

     

    Par son intitulé et ces signatures, Luc Ferry montre clairement qu’il fait passer le commentaire pour la loi elle-même.

     

    Un passage de son livre de 1992 (18) reflète la même imprécision, confusion ou artifice.

     

    En d’autres termes, L. Ferry confond le commentaire et la loi du 24 nov. 1933 dont il ne cite ni analyse aucun extrait.

     

    Certes, un Kommentar explique la loi plus longuement que nos Circulaires d’application, mais ne peut en aucun cas être substitué à la loi du 24 nov. 1933, publiée in extenso dans le Kommentar (pp. 262 à 268).

     

    De plus, sur la page 19, citée par L. Ferry, se trouve la référence de la loi au Journal Officiel allemand (RGBl. S. 987) que Ferry n’a pas consulté.

     

    Aussi peut-on s’étonner que de nombreuses références au Journal Officiel allemand soient extraites du texte du Kommentar et placées par Ferry en notes de bas de page (19).

     

    De prime abord, cette pseudo-érudition impressionne les lecteurs.

     

    Moi-même, j’ai été tellement intriguée que j’ai finalement été incitée à me reporter aux Reichsgesetzblatt (J.O. allemand) originaux, tous disponibles à Paris !

     

    On a vu que dès 1992, Ferry attribue à la loi de 1933, qu’il ne connaît pas, « une ampleur à nulle autre pareille » (20).

     

    En 1998 et dans une publication de l’UNESCO, il en précise la longueur : « Hitler tiendra à suivre personnellement l’élaboration de cette gigantesque loi (plus de 180 pages !) » (21).

     

    La criante invraisemblance de tels renseignements ne décourage pas les plumes des suiveurs (22).

     

    Jean-Pierre Digard (23), entre autres, conseille à ses lecteurs de se reporter « aux textes législatifs du IIIe Reich réunis par Ferry et Germé ».

     

    Plus théâtrale encore est la mise en vedette de la signature de Hitler auprès de la (prétendue) loi du 24 nov. 1933 (ou plutôt au lieu de la signature des auteurs du Kommentar !).

     

    La signature des lois par Hitler est une réalité juridique consécutive à la prise de pouvoir du 30 janvier 1933, donnant à Hitler un pouvoir législatif encore accru en avril 1933 ; c’est un fait purement politique, qui ne dénote en rien un intérêt particulier du Führer pour l’animal.

     

    Cette mise en scène d’une évidence juridique vise évidemment à souder un nom d’horrible mémoire à un texte.

     

    Il est à peine croyable que pareil artifice ait pu impressionner quiconque, mais c’est pourtant le cas de Djénane Kareh Tager qui, dans L’Actualité religieuse (15/7/1996, p. 24) écrit : « l’exergue de la loi est signé Adolf Hitler » ; le terme exergue, étranger au vocabulaire législatif, trahit le passage du domaine de la réalité juridique à celui de l’imaginaire.

     

    L'unique référence de Luc Ferry à la prétendue implication personnelle de Hitler en faveur de l’animal est constituée par le texte tardif (1938) ouvrant l’édition de 1939 du Kommentar.

     

    Krebs, directeur du regroupement nazi de toutes les associations protectrices de l’animal, le mentionne comme une « instruction de notre Führer » accompagnant la phrase : « dans le nouveau Reich, il ne doit (ou : devra, futur de proximité) plus y avoir la moindre place pour la cruauté envers les animaux ».

     

    Partant de cette référence, unique et issue de la propagande nazie, au moment de la confiscation de toutes les associations protectrices, Ferry la transforme en « formule d’Hitler (sic) qui inaugure la Tierschutzgesetz » (24).

     

    Selon Le Point (25), la phrase serait tirée d’un « discours d’Hitler (sic) » expression citée sans référence.

     

    Selon Ferry, Hitler fait de cette loi une « affaire personnelle » ou encore : « Hitler tiendra à suivre personnellement l’élaboration de cette gigantesque loi (180 pages) » (26).

     

    L’imagination de Luc Ferry n’est pas moindre lorsqu’il s’agit de la « vivisection ».

     

    2- L’animal dans l’univers nazi

     

    Dès la fin août 1933, Hermann Göring lance le scoop d’une prétendue suppression de la vivisection, bientôt confirmée par la circulaire provisoire du 13 septembre 1933, valable quelques semaines, jusqu’à la promulgation de la loi du 24 nov. 1933, dont elle préfigure la IIIe section.

     

    On y supprime le mot, (vivisection) mais non la chose (expérimentation sur l’animal vivant).

     

    Le scoop « La vivisection est supprimée en Allemagne » est habilement présenté comme un texte législatif, ou du moins officiel, assorti de terribles peines pour les contrevenants, passibles du camp de concentration – sanction qui a sans doute permis la fermeture de certains laboratoires et la suppression des remuantes associations opposées à la vivisection et portant ce nom.

     

    La nouvelle fait aussitôt le tour du monde, relayée par le réseau radiophonique allemand très développé en Amérique, et par les associations protectrices.

     

    Dans les faits, la loi du 24 nov. 1933 reprend bien des dispositions antérieures : une habilitation pour les chercheurs surveillant étroitement l’expérimentation, l’emploi recommandé de l’anesthésie si possible, la mise à mort rapide des animaux expérimentés, la limitation des expériences à but pédagogique, la publication des résultats réservée aux seules revues scientifiques, etc.

     

    Luc Ferry juge la sollicitude nazie envers l’animal de laboratoire « en avance de cinquante ans (et même plus) sur son temps ».

     

    C’est « en retard de 57 ans » qu’il faut écrire, puisque la première réglementation, anglaise, date de 1876, suivie par deux actes prussiens des 22 fév. 1885 et 20 avr. 1930, et de bien d’autres législations de pays européens.

     

    Luc Ferry se montre plus prudemment allusif au sujet de l’accusation dénonçant les protecteurs de l’animal qui auraient prôné le remplacement des animaux de laboratoire par des hommes, en particulier dans les camps de concentration.

     

    Il se contente d’écrire : « l’alliance de la zoophilie la plus sincère n’en est pas restée aux paroles, mais s’est incarnée dans les faits (27)», et réserve à ses nombreux interviews la clef de cette ultime et terrifiante conséquence de la protection de l’animal.

     

    La lecture des Procès de Nuremberg, en particulier ceux des médecins, relatés par F. Bayle, ruine cette abominable allusion : on y repère au moins trois laboratoires d’animaux établis dans des camps de concentration et une cinquantaine de témoignages montrant que de multiples expériences sur l’animal, souvent publiées, ont précédé les affreuses expériences sur des « sujets humains » (28).

     

    Ferry croit voir dans la loi de 1933 la fin de l’anthropocentrisme : « Ce n’est pas l’intérêt de l’homme qui serait ici l’arrière-fond : il est reconnu que l’animal doit être protégé en tant que tel (wegen seiner selbst) ».

     

    Cette dernière formule est en effet utilisée par le Kommentar.

     

    Il est vrai que la loi de 1933 provient de protecteurs soucieux d’ouvrir une brèche dans l’ancienne conception, la seule acceptable et acceptée au début du XIXe siècle, qui vise seulement à limiter les répercussions de la maltraitance de l’animal sur la moralité humaine.

     

    Pourtant, et de façon contradictoire, le Kommentar met immédiatement (p. 15) en garde son lecteur : la loi du national-socialisme assurant une protection plus efficace de l’animal qu’auparavant « pose la question de savoir si l’animal pourrait être considéré comme susceptible d’avoir une personnalité juridique qui lui vaudrait une prétention subjective à la protection...

     

    À cette question, il faut répondre par non, le porteur de droit ne peut qu’être l’homme seul ou bien la communauté humaine, et non pas un animal (souligné par nous)...

     

    L’animal sera, juridiquement parlant, considéré comme une chose (als Sache gewertet) ».

     

    Le dommage atteignant un animal appartenant à un tiers ne peut être pris en compte qu’en considération du § 303 du code pénal, dans la mesure où l’acte ne constituerait pas aussi un acte de torture.

     

    C’est dire que l’animal continue à être considéré comme n’importe quel autre bien.

     

    Cette idée est développée ou exprimée ensuite par des juristes nazis, démontrant la soumission juridique de l’animal à l’homme (évidemment aryen !).

     

    Il suffit ici de citer la thèse d’Albert Lorz (29) devenu le spécialiste des manuels de la législation animale allemande jusqu’à nos jours.

     

    Lorz écrit que c’est un point tout à fait élémentaire de la morale, que l’homme puisse user et abuser de l’animal à ses propres fins.

     

    Pour une traduction plus exacte, il faudrait utiliser l’expression consacrée par le droit de la propriété : user et abuser, exprimée par deux paires de verbes allemands, benutzen und abnutzen, brauchen und verbrauchen, les second termes marquant une dégradation supplémentaire allant jusqu’à l’anéantissement de « l’objet », c’est-à-dire la mort de l’animal, mais paradoxalement en excluant « missbrauchen » (maltraiter).

     

    Cette conception de l’animal comme simple objet de propriété reste proche du droit romain ; elle inviterait, dans une plus longue discussion, à nuancer une trop simpliste opposition entre une tradition nordique prétendue favorable à l’animal et une zone aussi ensoleillée que prétendue cartésienne, exaltant l’homme.

     

    Quant à la prétention nazie de protéger tous les animaux, y compris les sauvages, dans laquelle Luc Ferry voit un danger pour l’humanisme et l’humanité, c’est une fanfaronnade de la loi du 24 nov. 1933, qui ne concerne, dans la pratique et même dans son expression, que les seuls animaux domestiques, à l’exception toutefois des poissons et des grenouilles.

     

    Un simple coup d’oeil sur la liste des « nuisibles » chassables en toutes circonstances ou sur les « plus basses espèces » à privilégier dans l’expérimentation animale, suffit à démentir la prétendue égalité nazie de tous les animaux.

     

    Dès le début du texte de 1933, on a vu que le critère de la souffrance acceptable par la loi est l’utilité.

     

    Cette subjectivité, autrement dit l’intérêt de l’homme, autorise de facto l’expérimentation sur l’animal qui, sans cette clause, n’aurait pu faire l’objet de la IIIe section de la loi du 24 nov. 1933.

     

    Ce critère de l’utilité achève de démoder et remplace le concept de « publicité » du vieux code pénal : une cruauté exercée sur un animal était répréhensible dans le seul cas où elle était perpétrée en public, car elle est alors censée blesser la sensibilité des témoins.

     

    Pour tourmenter un animal sans être sanctionné, il suffisait de se cacher.

     

    La suppression d’un tel critère reste une victoire pratique de la protection animale, mais non pas une victoire théorique.

     

    En effet, le critère d’utilité de la souffrance infligée est établi en fonction de l’homme et fort rarement de l’animal (par exemple un soin vétérinaire), et la loi du 24 nov. 1933 n’est en réalité qu’une facette nouvelle de l’anthropocentrisme.

     

    Au critère de la publicité, qui, du moins, reflétait une certaine sensibilité ainsi que le poids accordé à l’opinion publique, est substitué celui d’une évaluation tout aussi arbitraire : qui jugera si le bloc de pierre imposé au cheval de carrière est trop lourd ou si la corrida est indispensable à la santé mentale de ses spectateurs ?

     

    Quels sont les critères de l’utilité ?

     

    Loin d’être assassiné par les nazis, comme le proclame Ferry, l’anthropocentrisme tire une reconnaissance officielle de la législation du 24 nov. 1933 ; désormais, ce qui est utile pour l’homme prime tout.

     

    C’est d’ailleurs à ce parti juridique que se rattache pleinement Luc Ferry lui-même, à son insu, puisqu’il recommande, en 1998, d’éviter des « souffrances inutiles » (30) à l’animal !

     

    3. Les suiveurs de Luc Ferry

     

    Dès la publication du Nouvel Ordre écologique, de nombreux auteurs répercutent les affirmations de Ferry, en général sans citer leur source.

     

    François Reynaert renforce le vocabulaire de Ferry en écrivant dans le Nouvel Observateur que le Führer a « exigé » la loi de protection animale (31).

     

    Dans sa thèse juridique, soutenue à l’Université de Nantes, Martine Leguille-Balloy va jusqu’à écrire : « Ne faudrait-il pas se remémorer que Hitler fut le plus grand protagoniste de la protection animale dans notre siècle ? » (32).

     

    En 1993, Janine Chanteur reprend l’argument de Ferry pour nourrir sa défense de l’anthropocentrisme :

     

    « L’inclinaison [du national-socialisme] à reconnaître un droit aux animaux plutôt qu’aux hommes» (souligné par nous) exprime un renversement de situation menaçant. »

     

    L’auteur ne pose même pas la question de la vraisemblance de son affirmation ; elle l’admet comme une évidence que Jean-Pierre Digard formule, plus nettement encore, en ces termes :

     

    « Avec Hitler, souvent photographié en compagnie de ses bergers allemands favoris, et la législation du IIIe Reich, qui fut plus favorable qu’aucune autre aux animaux, nous quittons la fiction pour l’histoire » (souligné par nous).

     

    D’autres auteurs, en particulier catholiques (33), mettent en garde contre une législation protectrice de l’animal, au nom de la même contrevérité ; pas plus que Luc Ferry, ils ne sont conscients que le Catéchisme de l’Église catholique (§ 2418) reprend à son compte le critère de la loi du 24 nov. 1933 de l’« utilité » de la souffrance infligée à l’animal, et lui donne une large extension.

     

    La boursouflure typique du mythe, présente chez Ferry (une loi de 180 pages, une bibliographie sur l’animal de 600 pages (34) !) s’amplifie diversement chez ses imitateurs.

     

    Janine Chanteur (35) l’étend à la mémoire collective par la formule : « on se rappelle » signifiant que le fait cité (« l’inclinaison... du national-socialisme à reconnaître un droit aux animaux plutôt qu’aux hommes ») est inscrit dans une mémoire collective, qu’il est une partie intégrante d’un lot de connaissances reconnu par tous, admis comme une évidence sans démonstration, donc devenu un axiome.

     

    L’amplification des arguments avancés peut atteindre l’absurde.

     

    On lit, par exemple :

     

    « Les législations de 1933 et 1934 en Allemagne nazie étaient les premières dispositions légales de défense du droit des animaux et de la protection de la nature ».

     

    Mieux encore :

     

    « Le national-socialisme – le premier régime au monde à avoir codifié la protection des animaux et de la nature » (souligné par nous).

     

    On pourrait croire ces affirmations sorties du ministère de Goebbels, mais, en réalité, ces lignes proviennent d’articles donnés pour informatifs, publiés en 1999 dans la presse française de grande diffusion, par une journaliste et par l’un des généticiens français censé faire autorité en matière d’éthique (36).

     

    Dans ce trop court essai, nous avons tenté de jalonner les étapes d’un tortueux périple de désinformation.

     

    Parti d’une base factice, la propagande nazie, appuyée sur des confusions fondamentales et sur des affirmations sans fondement, l’argumentation, au fil des répétitions, accueille avec empressement des enflures mythiques, des données « plus grosses que nature ».

     

    Le discours devient un stéréotype, expulsé du domaine rationnel en tant qu’axiome, dont il est, par définition, inutile de vérifier la validité.

     

    Il reste à s’interroger sur les motifs qui incitent à diaboliser la démarche protectrice de l’animal, par contamination avec un personnage hors norme, Hitler.

     

    Il nous suffit aujourd’hui de constater que la majorité de ces auteurs, universitaires de haut rang, juristes, philosophes, religieux catholiques, scientifiques, journalistes d’importants quotidiens, professionnels de la réflexion et de l’information, emboîtent, sans la moindre hésitation, le pas cadencé d’une désinformation qui pourrait devenir un cas d’école.

     

    ***

     

    Notes


    (1) Luc Ferry, Le Nouvel Ordre écologique, l’arbre, l’animal et l’homme, Paris, Bernard Grasset, 1992 (désormais abrégé en : Ferry 1992).

    (2) Texte officiel dans le Reichsgesetzblatt, Journal Officiel du Reich, n°132, du 25 novembre 1933, pp. 987-988, une colonne p. 989. Traduction du Bulletin juridique du Comité International, BJCI, 1933, pp. 33-37. La traduction de Tierquälerei peut paraître faible, l’usage le plus répandu, y compris dans les dictionnaires réputés, étant de traduire Quälerei par torture.

    (3) Discours radiodiffusé de Hitler, 1/2/1933, cité par Alfred Grosser, Hitler, la presse et la naissance d’une dictature, Paris, Armand Colin, 1959, p. 134.

    (4) Henry Picker, Hitlers Tischgespräche in Führerhauptquartier, 1941-1942 (Propos de table dans le Quartier général du Führer, 1941-1942), Stuttgart, Seewald Verlag, 1976, 3e édition, annotée, p. 92. La traduction : « amateur d’animal » est aussi proposée.

    (5) « Avant-propos » in Cl. Giese et W. Kahler, Das deutsche Tierschutzrecht, Berlin, Freiburg, Otto Walter, 1939 (désormais abrégé par nous en Kommentar), cité par Luc Ferry et Claudine Germé, Des Animaux et des Hommes, Paris, Librairie Générale Française, 1994, en particulier pp. 506, 507, 513, 514 (désormais abrégé en : Ferry 1994). Autre écrit de Luc Ferry qui sera désormais cité en abrégé : « L’Europe des nations face aux droits des animaux », dans L’Éthique du vivant, Denis Noble et Jean-Didier Vincent (dir.), UNESCO, 1998, abrégé en : Ferry 1998.

    (6) Victor Klemperer, La Langue du IIIe Reich, Paris, Albin Michel, 1996, Leipzig, 1975, p. 140.

    (7) On trouve plus souvent : « Gleichschaltung ».

    (8) Hubert Schorn, Die Gesetzgebung des National Sozialismus als Mittel des Machtpolitik, Frankfurt aM., Vittorio Klostermann, 1963, p. 19.

    (8)

    (9) Ulrich Linse, Ökopax und Anarchie, Deutsche Taschenbuch Verlag, 1986, p. 50.

    (10) Werner Hoche, Die Gesetzgebung..., op. cit., Heft I, p. 702, 712 ; commentaires reproduits dans le Deutscher Reichsanzeiger und Preussischer Staatsanzeiger n° 281, 1/12/1933, puis dans les introductions successives de Giese, Reichsgesetzblatt, Teil I, 25/11/1933, n°132, p. 989.

    (11) Max Domarus, Hitler Reden und Proklamationen, 1932-1945, Neustadt Schmid, 1962.

    (12) Ferry 1992, p. 182 ; 1992, p. 206 et 1994, p. 514 ; 1992, p. 29 ; 1998, p. 73, dans l’ordre des citations. Ce type de déclaration est souvent repris, avec des variantes, par exemple dans Le Point, « Les animaux ont-ils des droits », 1/4/1995, pp. 85-90.

    (13) Ian Kershaw, Hitler, essai sur le charisme en politique, Paris, Gallimard essais, 1995, p. 753.

    (14) Fritz Korn, Die strafrechtliche Behandlung der Tierquälerei, Meissen, Bohlmann, 1928, et « Die Tierquälerei in der Rechtsprechung », in Archiv für Rechtspflege in Sachsen, VI, 1929, pp. 331-340 ; également F. Korn, Kommentar zum Reichs-Tierschutzgesetz vom 24 November 1933, Meissen, Matthaüs Hohlmann, sans date (semble dater des premiers mois de 1934).

    (15) Barbara Schröder, Das Tierschutzgesetz vom 24.11.1933 zur Dokumentation der Vorgeschichte und der Änderungsvorschläge, Inaugural Dissertation zur Erlangung des Grades eines Doktors der Veterinärmedizin an der Freien Universität Berlin, 1970. pp. 9 à 11.

    (16) 1992, p. 206.

    (17) Golias, nov.-déc. 1996, « Les amis des bêtes », p. 36.

    (18) Ferry, 1992 : « On y trouve rassemblées, en quelque trois cents pages serrées, toutes les dispositions juridiques relatives à la nouvelle législation, ainsi qu’une introduction exposant les motifs “philosophiques” et politiques d’un projet dont l’ampleur, en effet, n’est alors à nulle autre pareille » (p. 181). « [Les trois lois] portent, hors celle du Chancelier, les signatures des principaux ministres concernés : Goring, Gürtner, Darré, Frick et Rust » (p. 182).

    (19) Ferry 1994, 6 références page 512.

    (20) 1992, pp. 181-182.

    (21) 1998, p. 73. Rappelons qu’elle tient sur 2 pages 1/3 au J.O. allemand.

    (22) Jean-François Six, « Existe-t-il un droit de l’animal ? », dans Pour une éthique du transport et de l’abattage des animaux de boucherie, 24/10/1995, Paris, INRA, Interbev, pp. 3-44 ; « L’animal est-il un sujet de droit ? », dans L’Homme et l’animal, un débat de société, Paris, INRA éditions, 1999, pp. 41-59.

    (23) Jean-Pierre Digard, Les Français et leurs animaux, Paris, Fayard, note 73, p. 247. « Le national-socialisme allemand, qui eut la législation la plus favorable aux animaux », affirme-t-il également dans « La compagnie de l’animal », dans Boris Cyrulnik (dir.), Si les lions pouvaient parler, Paris, Gallimard Folio, p. 1054.

    (24) 1992, p. 183.

    (25) Le Point, 1/4/1995, p. 89.

    (26) Respectivement : 1992, p. 182 et 1998, p. 73.

    (27) 1992, p. 184.

    (28) Élisabeth Hardouin-Fugier, « L’Animal de laboratoire sous le nazisme », C.D. rom, Recueil Dalloz 19/2002 et site internet Dalloz ; François Bayle, Croix gammée contre caducée, les expériences humaines en Allemagne pendant la Deuxième guerre mondiale, L’auteur, 1950

    (29) Albert Lorz, Die Tiermisshandlung in Reichstierschutzgesetz, Günsburg, Karl Mayer 1936, p. 39.

    (30)1998, p. 75.

    (31) Le Nouvel Observateur, n° 1460, 1992, p. 18.

    (32) Évolution de la réglementation de protection des animaux dans les élevages en Europe, 2 avril 1999.

    (33) Parmi les auteurs soulignant le prétendu lien entre nazisme et protection de l’animal : Jean-François Six, op. cit., 1995, pp. 3-44 ; L’homme et l’animal, un débat de société, 1999, pp. 41-59 ; Jean-Pierre Digard, op. cit., 1999, p. 215 ; René Coste, Dieu et l’écologie, éditions ouvrières, Paris, 1994, p. 33.

    (34) 1992, p. 80, note 9.

    (35) Janine Chanteur, Du Droit des bêtes à disposer d’elles-mêmes, Paris, le Seuil, 1993, p. 11.

    (36) Sophie Gherardi, « La Deep Ecology comme anti-humanisme », Le Monde des Débats, mai 1999, p. 15 ; Axel Kahn, « Haro sur l’humanisme », L’Humanité, jeudi 30 déc. 1999, pp. 12-13.

     

    Elisabeth Hardouin-Fugier, "La protection de l'animal sous le nazisme", Luc Ferry ou le rétablissement de l'ordre, éditions Tahin Party, 2002, p.129-151.

     

    http://bibliodroitsanimaux.site.voila.fr/hardouinfugierloinazie.html

  • Sexisme et misogynie dans le Mouvement (Gary Francione)

    Chers collègues,

    Depuis maintenant 20 ans, je soutiens qu’utiliser le sexisme et la misogynie soi-disant pour promouvoir les Droits des Animaux est une très mauvaise idée.

    Perpétuer la marchandisation des femmes est non seulement intrinsèquement immoral, mais ne fera rien pour changer les mentalités sociales relatives à la marchandisation des non-humains.

    Depuis des années PETA a fait différentes versions de la campagne “Je préfère être nue plutôt qu’en fourrure”.

    Et quel résultat cela a t-il donné ?

    L’industrie de la fourrure est plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été.

    Même ceux qui jadis allaient nus pour PETA se mettent à porter à nouveau de la fourrure.

    Je viens de voir une petite vidéo produite par Wakker Dier, qui signifie « Animal Awake », une association néerlandaise décrite comme une “copie de PETA Europe”.

    Wakker Dier a embauché la playmate néerlandaise et modèle fétiche Ancilla Tilia à jouer le rôle d’une strip-teaseuse qui se fait matraquer et dépouiller comme un animal.

    PETA a poussé ses campagnes sexistes plus loin avec des vidéos de nudité.

    Et maintenant nous voyons de la violence graphique pure et simple.

    Si vous pensez que tout cela va aider les gens à prendre conscience de l’exploitation animale, je suis respectueusement mais fermement en désaccord.

    Ces pitreries sont conçues comme rien de plus qu’un divertissement pour le mouvement, elles ne font rien pour convaincre le public de l’importance de la question de l’exploitation animale.

    Depuis le temps que je travaille sur le sujet des droits des animaux, personne n’est venu vers moi pour dire qu’il allait se pencher sur la question parce qu’il avait vu une femme nue dans une cage.

    En effet, c’est précisément le genre de choses qui fait que des personnes progressistes pensent que le mouvement des Droits des Animaux est une plaisanterie pathétique qu’il faut rejeter et ignorer.

    La marchandisation des non-humains est très similaire à la marchandisation des femmes.

    Mais la société n’a aucun problème avec la marchandisation des femmes.

    Au lieu de s’opposer au sexisme et la misogynie, une grande partie du mouvement en fait activement la promotion.

    Tant que nous continuerons à voir les femmes comme de la viande, nous ne verrons jamais  où est le problème d’utiliser les animaux comme de la viande.

    Je vous demande de réfléchir à cette question et d’envisager une opposition active au sexisme et la misogynie dans le mouvement.

    C’est intrinsèquement mauvais et ca ne fait rien, absolument rien pour aider les animaux.

    Gary L. Francione

    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2009/09/15/sexisme-et-misogynie-dans-le-mouvement/

  • Commentaire : une rencontre personnelle et intime avec la schizophrénie morale (Francione)

    http://fr.toonpool.com/user/651/files/schizophrenia_258785.jpg

    Chers collègues,

    Je fais référence à la manière délirante et confuse que nous avons de penser aux animaux en terme de question sociale/morale comme constituant une « schizophrénie morale ».

    J’ai récemment rencontré un cas de schizophrénie morale face à un chevreuil qui avait été touché par une voiture et des chasseurs qui se sont arrêtés pour l’aider.

    Dans ce commentaire, je vais vous décrire et discuter de ce qui s’est passé.

    Gary L. Francione

    Standard Podcast: Hide Player | Play in Popup | Download

    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2009/09/08/commentaire-an-up-close-and-personal-encounter-with-moral-schizophrenia/

  • Charal: la cruauté, c’est son métier (Charlie Hebdo)

    http://a7.idata.over-blog.com/300x459/0/04/64/73/affiche-vg.jpg

    Vendredi 28 août : l’enquête menée à Metz en caméra cachée par L214 dans un abattoir Charal est rendue publique.

    L’association porte plainte pour cruauté envers les animaux contre Charal et dénonce la tromperie de l’entreprise envers les consommateurs.

    Sébastien Arsac, porte-parole de L214 :

    « Hier, Charal communiquait en se vantant d’avoir donné un nom à la viande, eh bien, aujourd’hui, nous lui donnons un visage, le vrai visage de la viande.

    Si nous avons cherché à filmer des images de l’intérieur d’un abattoir Charal, ce n’est pas pour le plaisir sadique de voir mourir des animaux, mais c’est pour témoigner de ce que vivent vraiment les animaux dans les abattoirs.

    En France, chaque jour, plus de 3 millions d’animaux sont tués pour la consommation.

    Il faut arrêter de penser que les animaux sont câlinés dans leurs derniers instants.

    Les images sont perturbantes, mais il ne faut pas se voiler la face: avant le steak, il y avait un animal, et soyez assurés qu’on souffre dans les abattoirs.

    À chacun maintenant de faire son propre travail sur sa responsabilité dans ce massacre. »

    La réglementation n’y étant pas respectée, la souffrance des bovins, suspendus à la chaîne d’abattage en pleine conscience, dure de longues minutes.

    Quant à l’abattage rituel, l’immobilisation, obligatoire, n’est pas maintenue pendant la saignée : infractions répétées et quotidiennes. Les services vétérinaires sont mis en cause.

    www.l214.com

    Rebondissement.

    Vendredi 4 septembre, Charal nous met en demeure par courrier de retirer la vidéo de notre site, arguments juridiques et menace de procès à l’appui.

    Nous n’entendons pas céder à la pression.

    Ce n’est pas notre genre.

    Il nous semble légitime de permettre à nos lecteurs de continuer à pouvoir visionner cette vidéo.

    Pour autant, nous publions également, ci-dessous, la lettre reçue faisant état des arguments de la société Charal.

    Voici la lettre et la vidéo:

    cliquez sur les images pour les agrandir...

    • La résistance s'organise! Ensemble, on est plus forts : déjà, de nombreux blogs diffusent la vidéo, ça circule, ça circule, ça se multiplie, et Charal n’y pourra rien: c’est la magie d’Internet !

    Luce Lapin
    5 septembre 2009
    lucelapin@charliehebdo.fr

    http://www.charliehebdo.fr/index.php?id=370

  • Annonce Facebook (Gary Francione)

    http://lecolporteur.files.wordpress.com/2009/10/colombe-sortir-du-nucleaire.jpg

    Chers collègues,

    Je suppose que la plupart d’entre vous choisiront de ne pas passer du temps avec des gens qui se montrent sur la place publique proposant une guerre civile ou parlant de plan de santé digne des « nazis », ou avec des gens qui pensent que ce genre de comportements et discours est acceptable, et qui les appuient.

    Je ne veux pas passer mon temps à parler avec des gens qui pensent qu’il est approprié d’encourager la violence ou qui considèrent comme approprié d’appeler les gens des “cons”, “nazis” ou “collaborateurs de l’État” parce qu’ils rejettent la violence et les menaces de violence.

    Quand j’ai commencé mon compte Facebook, j’ai demandé à ceux qui soutiennent la violence de ne pas participer à ma page.

    J’ai clairement fait savoir que le but de la page était de discuter des questions relatives aux animaux à partir d’une perspective non-violente.

    Malheureusement, il est un certain nombre de personnes qui pensent avoir le droit d’entrer dans n’importe quel forum et d’y promouvoir leur vision pro-violence.

    C'est d'autant plus curieux que ces mêmes personnes ne tolèrent aucune critique de leurs positions sur leurs propres sites, ou modifient et altèrent parfois même des commentaires critiques qui ont été postés.

    En tout état de cause, j’ai décidé de mettre en pause mon compte FB.

    Je continuerai à promouvoir la non-violence ici et vais peut-être démarrer un groupe de discussion FB sur “Ahimsa” et “Animal Rights” qui se fera sur invitation seulement.

    Je ne suis pas sûr.

    Sachez que j’ai pris un immense plaisir à rencontrer beaucoup de personnes qui ont rejoint le site.

    Il y a eu des discussions merveilleuses et de nombreuses contributions réfléchies.

    Malheureusement, un nombre relativement restreint de personnes en ont fait leur projet pour essayer d’infecter tous les articles avec leur rhétorique pro-violence malgré mes demandes répétées comme quoi la page FB met uniquement l’accent sur la discussion sur les droits des animaux dans une perspective de non-violence.

    S’il vous plaît, continuez de visiter ce site.

    Il y aura beaucoup plus d’articles et de podcasts à venir.

    Et j’ai un nouveau livre, Le Débat sur les Droits des Animaux : abolition ou réglementation ?, co-écrit avec le Dr Robert Garner et publiée par Columbia University Press, qui paraîtra cet automne.

    J’espère que ce livre aidera les défenseurs des animaux à avoir une réflexion critique sur des problématiques pertinentes.

    Devenez végan.

    C’est facile ; c’est meilleur pour vous et pour la planète et, le plus important, c’est d’un point de vue moral le juste choix à faire.

    L’éducation végane et non-violente est la plus importante forme d’activisme dans laquelle nous pouvons nous engager.

    Selon moi, notre mouvement doit être celui de la paix et de la non-violence.

    C’est l’unique façon que nous avons d’atteindre, un jour, des changements significatifs et durables.

    Gary L. Francione

    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2009/09/03/annonce-facebook/

  • Un commentaire sur la violence (Francione)

    http://3.bp.blogspot.com/_Hfi9xg1VS7k/Sbg1bHeUhEI/AAAAAAAABXE/NQ3oxXV3WEw/s400/peace-love_mandala.jpg

    Chers collègues,

    Je suis opposé à la violence.

    Je considère la violence comme intrinsèquement immorale.

    J’ai souvent écrit et débattu à ce sujet, y compris dans les essais (1,2) sur ce site.

    Je reconnais que beaucoup d’entre vous êtes en désaccord avec mon opposition à la violence.

    Mais ce n’est pas pertinent.

    Même si vous croyez que la violence peut être justifiée, il y a encore des raisons d’affirmer que la violence n’a absolument aucun sens dans le cadre de la lutte pour les droits des animaux.

    Je maintiens que la seule chose qui a un sens pratique est l’éducation créative, non-violente au véganisme.

    Cette stratégie est loin d’être passive, il s’agit de notre travail actif et constant à changer un paradigme fondamental : la notion que les animaux sont des choses, des ressources, des biens, qu’ils sont uniquement des moyens destinés à des fins humaines.

    Tant que nous ne construirons pas une masse importante de personnes qui refuse ce paradigme, rien ne changera.

    Dans ce commentaire, je débats au sujet de la violence.

    Gary L. Francione

    Standard Podcast: Hide Player | Play in Popup | Download

    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2009/08/22/un-commentaire-sur-la-violence/

  • Michel Onfray à propos de l'antispécisme ("Siné Hebdo" n° 56, août 2009)

    http://www.bookine.net/Onfray002.jpg

    (Michel Onfray, dans ce beau texte, oublie de citer Gary Francione, philosophe et théoricien du véganisme abolitionniste, dont un des principes intangibles est précisément la non-violence). MP

    *

    Aujourd’hui, contre le féroce anthropocentrisme régnant, des gens se lèvent enfin, oh très peu, comme certains s’étaient élevés contre l’esclavage à une certaine époque. On aurait dit : qu’est-ce qu’ils ont ceux-là ? Ils s’appellent antispécistes.

    Michel Onfray nous a tout expliqué la semaine dernière. Il les approuve mais s’insurge contre les plus extrémistes qui finiront par se faire leur George Besse, leur Aldo Moro et contre un de leurs leaders qui fait de l’abattoir d’animaux le strict équivalent de la solution finale. Ce qui fait la différence c’est la haine.

    Mais la relation avec les animaux est une grande question de notre temps, dis-je pompeusement.

    Jackie Berroyer

    *

    Les antispécistes mènent un combat qui les honore : ils luttent contre cette idée chrétienne qui consiste à dire que l’homme a été créé par Dieu comme preuve du couronnement de Son génie, que, de ce fait, il domine la nature et qu’il a donc le droit d’user des animaux comme il l’entend pour son loisir, son travail, sa nourriture et son bon plaisir.

    Que des militants de cette cause existent est une bonne chose.

    Que le philosophe Peter Singer mène ce combat dans La Libération animale (Grasset) avec des arguments qui ébranlent toute conscience formatée au rationalisme occidental, dont moi, est également intellectuellement salutaire.

    Depuis sept ans que j’enseigne une histoire alternative de la philosophie à l’université populaire de Caen en mettant en avant les penseurs atomistes, les épicuriens, les athées, les hédonistes, les sensualistes, les matérialistes, les anarchistes, j’ai découvert que la plupart de ces philosophes oubliés, négligés, écartés, défendaient cette thèse radicale : il n’y a pas une différence de nature entre les hommes et les animaux (ce qu’affirment les judéo-chrétiens) mais une différence de degrés (ce que disent les antispécistes). Ce qui change tout…

    Le combat antispéciste est légitime quand il nous invite à réfléchir sur la souffrance animale, la légitimité de l’expérimentation scientifique avec les bêtes, le bien-fondé du végétarisme (auquel toute conscience qui s’exerce un tant soit peu à la réflexion ne peut que consentir intellectuellement…), les conditions indignes de l’élevage industriel, la tragédie que représente philosophiquement l’abattage programmé d’êtres vivants, la sauvagerie de toute spectacularisation de la mort comme dans le cas de la corrida ou des combats de coqs, la honte associée à toute entreprise carcérale de type zoo, et la nécessité de penser autrement notre rapport aux animaux.

    Sur ce terrain, notre humanité patine, elle retarde, elle périclite.

    Je ne peux voir un chargement de veaux, de porcs ou de moutons dans un camion qui se dirige vers l’abattoir sans une immense empathie, une véritable souffrance physiologiquement expérimentée, une honte d’être un homme dont la tribu s’arroge le droit de ces odieux charrois.

    Mais je ne puis accepter que des militants antispécistes, dont parfois Peter Singer, assimilent ces convois aux trains de la mort qui conduisaient des déportés vers les chambres à gaz ou fassent de l’abattoir le strict équivalent de la solution finale…

    J’ai le cœur retourné devant les images de taureaux sacrifiés dans des arènes, d’animaux torturés dans des laboratoires, de phoques massacrés sur la banquise, de compagnons domestiques suppliciés par des crétins qui ne les valent pas.

    Mais je m’insurge que des commandos déterrent l’urne funéraire de la mère du patron de Novartis (le laboratoire qui expérimente sur des animaux), profanent sa tombe avec des inscriptions insultantes, incendient des domiciles, menacent de mort, promettent d’enlever les enfants des responsables de cette entreprise, fassent courir de fausses réputations de pédophilie sur ces gens-là, car… les bêtes ne manifestent pas cette inhumanité-là !

    Et pour cause…

    Ces personnes montrent qu’il existe tout de même une différence entre les hommes et les animaux : seuls les premiers jouissent de mal qu’ils font. J’invite ces « humains » à prendre des leçons auprès des animaux…

    Michel Onfray

    Siné Hebdo n° 56, août 2009