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Textes - Page 26

  • Suite du commentaire « animaux de compagnie » les chats non-végétaliens (Francione)

    http://i241.photobucket.com/albums/ff131/khloemi/VeganCat.jpg

    Chers collègues,

    Un certain nombre de personnes m’ont écrit en réponse au commentaire sur les “animaux de compagnie” au sujet des chats non-végétaliens.

    A ma connaissance, de nombreux chats peuvent vivre sainement avec une alimentation végétalienne, mais s’il y a des chats qui ont absolument besoin de consommer des produits animaux?

    Dans ce commentaire, je vous propose quelques idées qui, je l’espère, vont stimuler votre réflexion sur cette question.

    Gary L. Francione

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    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2009/08/17/suite-du-commentaire-%C2%AB-animaux-de-compagnie-%C2%BB-les-chats-non-vegetaliens/

  • Quelques commentaires sur le végétarisme en tant que "passerelle" vers le véganisme (Francione)

    http://rlv.zcache.com/veganism_food_philosophyof_the_future_tshirt-p2358960627710674843png_400.jpg

    Chers collègues,

    Suite à mes commentaires (ici, sur Facebook, et sur le commentaire du podcast), j’ai été inondé de messages privés qui avaient tous les mêmes thèmes :

    (1) "mais beaucoup de vegans ont commencé par être végétariens" ;

    et (2) "promouvoir le véganisme est élitiste".

    Quant à savoir si beaucoup de végans ont commencé par être végétariens, laissez-moi vous dire clairement : là n’est pas la question.

    Premièrement, la question pertinente est de savoir si le végétarisme est une position morale significative.

    Donc, pouvons-nous faire une distinction morale significative entre la chair et des autres produits animaux ?

    Si, comme je le maintiens, nous ne pouvons pas, alors  le végétarisme n’a pas plus  à être promu que la viande de veau rouge au détriment de la viande de veau blanche, que les oeufs de poules élevés en plein air au détriment des oeufs de poules de batterie. Si tous ces produits sont immoraux, nous devons être clairs et honnêtes et le dire.

    Les produits animaux autres que la chair impliquent souvent plus de souffrances et de morts que la chair elle-même.

    Par exemple, les animaux utilisés pour le lait sont gardés en vie plus longtemps, traités de façon pire (incluant, sans s’y limiter, le retrait des bébés et leur mort pour en faire de la viande de veau), et ces animaux finissent dans les mêmes abattoirs que les animaux utilisés pour la viande.

    Les végétariens qui continuent de consommer des produits laitiers sont toujours complices de la souffrance et de la mort des animaux.

    Quelle justification morale y a-t-il à promouvoir une complicité continue de la souffrance et de la mort ?

    En effet, si la personne végétarienne augmente sa consommation de produits laitiers, comme beaucoup de végétariens font, elle pourra être responsable de plus de souffrances et de morts qu’avant de devenir végétarienne.

    Deuxièmement, le fait que beaucoup de végans ont commencé par être végétariens, si cela est vrai, nous amènent à nous demander pourquoi cela a été le cas.

    Beaucoup de gens déclarent qu’ils n’ont pas été végans plus tôt précisément à cause de l’accent mis sur l’opportunité morale du végétarisme promu par de grandes associations animalistes.

    Promouvoir le végétarisme est finalement une entrave au véganisme.

    Cela est clair : si vous expliquez qu’il n’y a pas de distinction entre la chair et les autres produits animaux et pourquoi nous devrions être végans, et que la personne avec qui vous parlez s’intéresse au problème :

    1) soit elle deviendra végane immédiatement ;

    (2) soit elle deviendra végane progressivement ;

    (3) soit elle ne deviendra pas végane mais adoptera une version du végétarisme (ou une consommation de viande/produits animaux “heureux”).

    Mais au moins elle comprendra que le véganisme est l’aspiration vers laquelle il faut aller.

    Elle comprendra que la ligne entre chair et autres produits animaux est arbitraire.

    Si vous maintenez que devenir végétarien est moralement significatif et qu’il y a une distinction entre la chair et les autres produits animaux, alors vous augmentez les chances de ralentir ses progrès vers le véganisme.

    En d’autres mots, vous n’avez pas besoin de promouvoir le végétarisme.

    Cela est complètement inutile, moralement dénué de sens, et, en pratique, cela entrave la transition vers le véganisme.

    Concernant le supposé "élitisme" du véganisme, je continue de trouver ce commentaire déconcertant.

    Y a-t-il quelque chose de plus élitiste que de croire que les gens sont trop stupides pour comprendre l’argument contre l’exploitation animale et l’absence de toute distinction significative entre la chair et le lait ?

    Y a-t-il quelque chose de plus élitiste que de promouvoir l’idée qu’il est moralement plus acceptable de manger des laitages, des oeufs ou tout autre produit animal et de continuer d’exploiter les plus vulnérables ?

    Nous ne qualifierions jamais d’"élitiste" un plaidoyer contre une interdiction totale du viol (même si le viol est, a été, et continuera d’être un événement fréquent dans un monde patriarcal).

    Mais quand cela concerne les animaux, un plaidoyer pour une interdiction totale de la consommation et de l’utilisation est considéré comme élitiste.

    Qu’est-ce qui distingue les deux situations?

    C’est une question de rhétorique.

    La réponse est claire : les espèces.

    Je suis désolé mais je ne peux pas répondre à tous les emails et messages sur Facebook.

    Mais je l’ai dit aussi clairement que je peux.

    Je n’ai pas d’habileté artistique et je ne sais pas dessiner.

    Devenez végan.

    C’est facile ; c’est meilleur pour votre santé, c’est meilleur pour la planète ; et le plus important, c’est moralement la bonne chose à faire.

    Et, s’il vous plaît, rappelez-vous : la violence est le problème ; ce n’est pas une partie de la solution.

    Abolition, véganisme, et non-violence sont différents aspects du même concept.

    Gary L. Francione

    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2009/08/13/quelques-commentaires-sur-le-vegetarisme-en-tant-que-passerelle-vers-le-veganisme/

  • Les "animaux de compagnie" (Francione)

    http://www.magazine-avantages.fr/data/photos/F0/7d918b166_chien.jpg

    Chers collègues,

    La question des « animaux de compagnie » est un sujet sensible avec beaucoup de défenseurs.

    Voici ce que j’ai écrit dans l’appendice de mon livre : Introduction aux Droits des Animaux: Votre Enfant ou le Chien ? :

    Question 3 : l’institution de la possession d’animaux de compagnie viole-t-elle le droit basique des animaux à ne pas être considérés comme des objets ?

    Réponse : oui.

    Les animaux de compagnie sont notre propriété.

    Les chiens, chats, hamsters, lapins, et autres animaux sont produits en masse comme des boulons dans une usine ou, dans le cas des oiseaux ou animaux exotiques, capturés dans la nature, transportés sur de longues distances, pendant lesquelles beaucoup d’entre eux meurent.

    Les animaux de compagnie sont commercialisés exactement de la même façon que d’autres commodités.

    Bien que certains d’entre nous traitent bien leurs compagnons, la plupart d’entre nous les traite mal.

    En Amérique, la majorité des chiens passent moins de deux ans dans un foyer avant d’être jetés dans une fourrière ou sinon transférés à un nouveau propriétaire ; plus de 70% des gens qui adoptent des animaux les donnent, les emmènent dans des refuges ou les abandonnent.

    Nous sommes tous conscients d’histoires horribles de chiens du voisinage vivant à l’attache et passant la majorité de leur vie seuls.

    Nos villes sont pleines de chiens et chats errant qui vivent misérablement, qui sont affamés ou souffrent du froid, qui succombent de maladies, ou  qui sont torturés par des humains.

    Des gens qui disent aimer leurs compagnons animaux les mutilent absurdement en leur faisant  couper les oreilles, la queue, ou arracher les griffes de façon à ce qu’ils ne grattent pas les meubles.

    Vous pouvez traiter votre compagnon comme un membre de votre famille et effectivement lui accorder une valeur intrinsèque ou le droit basique de ne pas être traité comme votre ressource.

    Mais le traitement de votre animal signifie vraiment que vous considérez votre propriété animale comme ayant une valeur supérieure à celle du marché ; si vous changiez d’avis et que  vous administriez quotidiennement des sévices corporels graves à votre chien à des fins disciplinaires ou que vous arrêtiez de nourrir votre chat pour le motiver davantage à attraper les souris dans le sous-sol de votre magasin,  ou que vous tuiez votre animal pour ne plus l’assumer financièrement, votre décision serait protégée par la loi.

    Vous êtes libre de donner la valeur que bon vous semble à votre propriété.

    Vous pouvez décider de lustrer souvent votre voiture ou de laisser l’érosion se faire.

    Le choix vous appartient.

    Tant que vous apportez le minimum d’entretien à votre voiture pour qu’elle passe le contrôle technique, toutes autres décisions prises avec respect envers le véhicule, y compris le donner au ferrailleur sont vos affaires.

    Tant que vous apportez un minimum de nourriture, d’eau et d’abris à votre animal, toutes autres décisions, à part de le torturer sans raison, sont vos affaires, y compris votre décision de l’abandonner dans le refuge le plus proche (où beaucoup d’animaux sont soit tués soit vendus pour la recherche), ou de le faire tuer par un vétérinaire complaisant.

    Il y a de nombreuses années, j’ai adopté un hamster par l’intermédiaire d’un camarade de fac de droit.

    Une nuit le hamster a été malade, et j’ai appelé les urgences vétérinaires.

    Le vétérinaire a dit que la somme minimale pour une urgence était de 50$ et m’a demandé si je voulais dépenser cette somme alors que je pouvais avoir un “nouveau” hamster dans n’importe quelle animalerie pour 3$.

    J’ai de toute façon emmené le hamster chez le vétérinaire, mais cet événement a été l’un des premiers à réveiller ma conscience au sujet du statut de commodités économiques que sont les animaux.

    En tant que personne vivant avec sept compagnons canins sauvés que j’aime tendrement, je ne prends pas ce sujet à la légère.

    Bien que je considère mes compagnons comme des membres de la famille, ils restent ma propriété et je pourrais décider demain de les tuer.

    J’ai beau aimer vivre avec des chiens, s’il n’en restait plus que deux dans le monde, je ne serais pas d’avis de les élever pour qu’il y ait plus “d’animaux de compagnie” et donc de perpétuer leur statut de propriété.

    En effet, quiconque se soucie réellement des chiens devrait visiter une “usine à chiots” - un endroit où les chiens sont élevés par centaines ou par milliers et ne sont traités que comme des commodités.

    Les chiennes reproduisent jusqu’à épuisement et sont soit tuées soit vendues pour la recherche.

    Nous devrions bien sûr arrêter de donner la vie à des animaux pour pouvoir les posséder comme animaux de compagnie.

    Dans ce second Commentaire de l’Approche Abolitionniste, nous étudierons tous les aspects de la question des “animaux de compagnie”.

    Gary L. Francione

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    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2009/08/12/les-animaux-de-compagnie/

  • Une note sur la notion de "schizophrénie morale" (Francione)

    http://www.benjerry.fr/blog/wp-content/uploads//vache-chien.jpg

    Cher collègues,

    Dans mon livre Introduction aux Droits des Animaux : Votre Enfant ou le Chien ? publié par Temple University Press en 2000, j’introduisais la notion de "schizophrénie morale".

    J’ai reçu de nombreux commentaires par rapport à mon utilisation de ce terme, et ces commentaires se répartissent en deux groupes.

    Certaines personnes m’accusent de confondre la schizophrénie morale avec le dédoublement de personnalité.

    Lorsque je parle de schizophrénie morale, je cherche à décrire la manière délirante et confuse que nous avons de penser aux animaux d’un point de vue social / moral.

    Cette confusion peut, bien entendu, inclure des façons contradictoires ou incompatibles de percevoir les animaux (certains sont des membres de la famille, d’autres des repas) mais cela ne signifie pas que je décris un classique dédoublement de personnalité.

    Notre schizophrénie morale, qui implique que nous nous faisions des illusions à propos de la sensibilité des animaux et des similitudes entre les humains et les autres animaux, ainsi qu’une quantité énorme de confusions sur le statut moral des non-humains, est un phénomène qui est assez complexe et qui comporte de nombreux aspects différents.

    Certaines personnes pensent qu’en utilisant le terme, je stigmatise ceux qui souffrent de schizophrénie clinique car cela implique que ces personnes soient des personnes immorales.

    Je suis sincèrement désolé si quelqu’un a interprété le terme de cette manière, ce n’est certainement pas ce que je voulais dire.

    La schizophrénie est une maladie reconnue qui se caractérise pas des pensées confuses et délirantes.

    Dire que nous sommes délirants et confus lorsqu’il s’agit de questions morales ce n’est pas dire que ceux qui souffrent de schizophrénie clinique sont immoraux.

    Il s’agit seulement de dire que beaucoup d’entre nous réfléchissent aux questions morales importantes de manière complètement confuse, délirante et incohérente.

    Je ne dis certainement pas que ceux qui souffrent de schizophrénie clinique sont immoraux.

    Dire que la schizophrénie morale stigmatique les schizophrènes cliniques c’est comme dire que parler du fait que "les drogues se propagent comme un cancer" stigmatise les victimes de cancer.

    J’espère que cela clarifie ce que je veux dire lorsque je parle de notre schizophrénie morale quand il s’agit de l’éthique animale.

    J’espère également qu’il est clair que je n’utilise pas ce terme d’une manière qui fait ou est destinée à véhiculer l’idée que les schizophrènes cliniques sont immoraux.

    Gary L. Francione

    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2009/08/12/une-note-sur-la-schizophrenie-morale/

  • Gérard Condorcet (CVN) : "Antispécisme et écologie"

    medium_fca66642592d496e7037a7038b19877f.JPG

    [L'auteure de ce blog souscrit entièrement, et depuis toujours, aux propos "réunificateurs" ci-dessous.]

    Des penseurs occidentaux, souvent anglo-saxons, élaborèrent ces dernières décennies, d’une part, une éthique animaliste, d’autre part, une philosophie d’écologie fondamentale.

    Ces courants contemporains, en voie d’émergence et de fécondation de la société planétaire se sont durablement ignorés.

    Les premiers, antispécistes, considèrent que tout individu, par-delà sa race et son appartenance d’espèce, dispose du droit absolu à ne pas être maltraité dès lors qu’il possède la capacité discriminante d’éprouver le principe de plaisir déplaisir.

    La reconnaissance et le respect de l’autre tient au fait que nous savons qu’il ressent, à l’instar de nous-mêmes, l’effroi, la souffrance, la jouissance, l’apaisement des tensions internes.

    Nier aux autres animaux le droit à ne pas être maltraité relève d’unpur obscurantisme, tout aussi infondé et criminel que n’importe quel génocide dirigé contre un élément de l’espèce humaine.

    Le « propre de l’homme » » ne réside nullement dans sa supériorité intellectuelle (pas toujours établie et à tous les stades du développement de l’individu », mais uniquement dans sa capacité d’empathie.

    En cela, le darwinisme social, contrairement à ce qui virent les réactionnaires féroces, est éminemment compatible avec le solidarisme généreux : l’adaptation la plus favorable à la survie de l’espèce ne consiste pas à écraser et dominer le plus faible mais, inversement, à être solidaire et empathique.

    D’aucuns antispécistes peuvent alors énoncer, à notre différence sur ce point, que seul l’individu compte et que des espèces, entités abstraites dépourvues de sensibilité, peuvent bien disparaître sans que cela pose un défi éthique.

    Un individu seul souffre, espère, jouit, pas une espèce.

    En conséquence, leur combat intellectuel porte sur la défense de l’animal humain et non-humain en dehors de toute préoccupation de la biosphère.

    Les seconds, écologistes, considèrent, en revanche, la terre comme un vaste organisme dont les droits priment sur ceux de ses composantes cellulaires.

    Il convient, pour eux, de préserver la collection des formes de vies et leurs substrats physiques, (les milieux) sans se préoccuper du sort de tel ou tel individu.

    Pour ce courant de pensée la mort d’un aigle de bonnelli est une catastrophe, celle d’un étourneau, un fait banal.

    La rareté fait le prix de la vie et la Nature est une galerie d’art qu’il faut conserver pour sa valeur esthétique et scientifique, quand ce n’est pas « patrimoniale ».

    Nous ferons la synthèse de ces deux courants de pensées : tout individu est irremplaçable et en lui nous reconnaissons notre semblable et cet individu s’inscrit dans une biocénose utile à sa vie, à son équilibre, à la pérennité dela diversité.

    Nous devons sauver à la fois l’être et les espèces et notre éthique unit l’antispécisme et l’écologie.

    La mort d’un étourneau nous émeut, car il est être sensible, l’absence des ours dans les Pyrénées est un crime imputable aux arriérés.

    La défense des sites naturels s’impose car la Nature vaut par elle-même sans qu’elle ait à payer une « taxe » de vie à
    l’espèce « nuisible » qui prétend tout asservir.

    Notre éthique est celle qui dit « NON » à l’instinct de mort, à l’agressivité pathologique, à la cupidité, fondement politique actuel de la société marchande.
    Pas encore hominisé, l’humain contemporain instrumentalise le vivant, la biosphère et ses semblables, pour faire du profit, au besoin en torturant,, en empoisonnant, en compromettant la santé et le plaisir d’autrui.

    Aboutissement logique et cohérent de la pensée mercantile, certains vont jusqu’à commercialiser des produits hautement toxiques pour s’enrichir et d’autres exploitent la détresse et la crédulité pour vendre du vent.

    Cette société est inacceptable en ses fondements cupides, pour nous, écologistesantispé cistes qui proclamons : « le vivant d’abord » !

    Gérard CONDORCET

    CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE

    http://www.ecologie-radicale.org/actu/new_news.cgi?id_news=1049

  • "Pornographie : de la liberté à la servitude sexuelle", par Yves-Charles Zarca

    L'image “http://i366.photobucket.com/albums/oo110/bivouac-id/sexisme-1.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.

    La pornographie est l’exhibition et la mise en scène de corps ou de parties des corps dans l’exercice d’actes sexuels, principalement en vue de produire une excitation d’un tiers spectateur.

    La posture du tiers voyeur est évidemment essentielle.

    La pornographie se trouve ainsi prise entre un hyperréalisme des gestes et des actes exercés (pénétration, fellation, sodomie, zoophilie, etc.) et la représentation pour le tiers.

    Elle est une étrange hyperréalité qui n’existerait pas sans le voyant virtuel et réel.

    La scène pornographique des corps diversement saisis, agencés, superposés, pénétrés, c’est-à-dire marqués, ne relève nullement de la comédie.

    Elle ne connaît pas le paradoxe de l’être et du ne-pas-être qui fait le comédien, parce qu’il n’y a pas de comédien sur cette scène.

    Il y a certes de la simulation des gestes, des postures et des expressions du plaisir, mais cette simulation n’a rien à voir avec la comédie : elle est la transformation du réel en hyper-réel ou, plus exactement, la négation du réel dans l’hyper-réel [1].

    Simulation de l’excitation ; brutalité des postures, des gestes et des mouvements.

    Mais cette définition de la pornographie est insuffisante.

    On n’y a souligné que le marquage des corps, la simulation du plaisir et la posture du tiers. Il manque une dimension décisive : la domination.

    La pornographie est la sexualité réduite au sexe comme vecteur d’un rapport de domination/soumission.

    Précisons : la sexualité n’est pas uniquement le sexe [2].

    Elle est aussi une histoire consciente et inconsciente où se jouent des relations entre le désir et l’interdit, la rencontre et la perte, le plaisir et la loi, le rêve et la réalité, l’amour et la mort. Elle est encore une part d’imaginaire qui constitue une dimension de sa réalité.

    Elle est intimité et retrait.

    Elle est également langage : non seulement paroles qui la disent ou la font, mais aussi paroles qui traversent les paroles ordinaires d’information ou d’usage pour les surdéterminer érotiquement.

    Cela veut dire que la sexualité se fixe, s’éprouve et s’atteint dans le rapport à l’autre, même s’il s’agit d’un autre manquant : rencontre, attente, séduction, consentement ou refus, etc.

    En somme, la sexualité, c’est la subjectivité, où il y va d’un rapport à soi dans le désir ou l’aversion, le plaisir ou la peine, l’aveu ou le déni.

    Ce n’est pas un hasard si l’histoire de la sexualité de Michel Foucault s’est déployée en une réflexion sur l’usage des plaisirs et le souci de soi pour aboutir à une herméneutique du sujet.

    Le sexe, c’est autre chose.

    Partie des corps, déplacement des corps, imbrication des corps, excitation des corps... et, pourquoi pas, mutilation des corps.

    Le sexe n’est pas subjectif [3]. Il est essentiellement physique et, pour cette raison même, susceptible d’être exhibé, photographié, filmé dessus, dessous, dedans, à côté.

    Le sexe ne connaît pas l’altérité.

    Il ne connaît que le nombre : 1, 2, 3, 10, 20, 40, etc.

    Il s’excite par des gestes spécifiques ou des images et se dé-existe.

    Les limites du sexe sont des limites physiques : l’épuisement, la répugnance.

    Il y a des performances sexuelles comme il y a des performances sportives.

    Les premières peuvent être diversement représentées comme les secondes.

    La pornographie est directement liée à cette représentabilité du sexe.

    Elle veut donner à voir tout le visible, ce que l’on peut voir ordinairement, et surtout ce qui échappe à cette vision ordinaire.

    Ne rien manquer de l’acte sexuel, rendre sa transparence au sexe, serait sa devise.

    Le sexe sans rapport à soi, sans intimité, sans sujet, c’est cela l’objet de la pornographie.

    Mais les actes sexuels seraient tout à fait insuffisants, s’ils n’enveloppaient autre chose : une relation de domination et une jouissance du pouvoir.

    Ainsi la sexualité est-elle prise entre deux dispositifs : celui de la subjectivité et celui du pouvoir.

    La référence à Foucault au sujet de la subjectivité doit évidemment se doubler d’une seconde référence au même Foucault sur le pouvoir.

    La première phase de son histoire de la sexualité, La volonté de savoir, est un traité du pouvoir.

    Mais on ne saurait se contenter de dire que le pouvoir assujettit et que c’est dans cet assujettissement que le sujet se forme.

    Du reste, Foucault, qui s’était arrêté d’abord sur cette idée, l’a ensuite remise en question.

    Le sujet, la subjectivité ne sauraient être définis comme le produit de l’efficience du pouvoir, même lorsqu’on les considère non comme des formes permanentes mais dans leur histoire.

    L’herméneutique du sujet chez Foucault est une réflexion sur l’autoconstitution historique du sujet [4]. Pour ma part, je dirai que le lieu d’exercice du pouvoir est celui où la subjectivité s’absente ou se destitue (se résigne).

    Ce que montrait déjà Hobbes, le plus grand penseur du pouvoir : la subjectivité, c’est la résistance.

    Mais c’est une autre histoire.

    Les deux dispositifs de la sexualité : subjectivité et pouvoir, ne sont pas absolument distincts.

    On ne saurait définir, autrement que comme des cas limites, d’un côté une relation purement érotique et de l’autre une relation de domination.

    La relation amoureuse par exemple comporte les deux dimensions selon des proportions diverses : elle est pour une part effusion des subjectivités et pour une part affrontement.

    Or la pornographie représente précisément ce cas limite où la domination prévaut à l’exclusion de toute subjectivité.

    La jouissance pornographique est une jouissance du pouvoir dont le vecteur ou l’instrument est le sexe (masculin, ce qui ne veut pas dire nécessairement celui d’un homme) et dont le lieu d’application est également le sexe (féminin, ce qui ne veut pas dire nécessairement celui d’une femme).

    Le corps est en effet le lieu où le pouvoir peut se manifester ou s’exercer : attitudes de soumission, d’humiliation, d’entière disponibilité à la volonté d’un ou plusieurs maîtres, expressions d’acceptation de cette infériorité et du plaisir éprouvé à un tel ravalement.

    Le corps peut être l’objet d’une maîtrise dont ne sont aucunement susceptibles l’esprit, la pensée ou la croyance qui échappent à toute maîtrise externe : on peut obliger quelqu’un à obéir ou à se soumettre, mais non à croire ce que l’on veut qu’il croie.

    C’est le sexe qui est le lieu privilégié dans le corps-lieu où le pouvoir s’exerce : le lieu des marquages du corps.

    Comme la jouissance pornographique est une jouissance du pouvoir, il s’ensuit deux conséquences :

    1 / l’objet de cette domination peut être, en principe, indifféremment une femme, un enfant, un homme voire un animal.Mais c’est bien sûr le corps de la femme qui a été traditionnellement le lieu de marquage du pouvoir ;

    2 / Les lieux corporels de marquage sont multiples ; le sexe est, je l’ai dit, le lieu privilégié, mais il peut y en avoir d’autres : blessures, mutilations, infirmités diverses peuvent servir de substituts sexualisés [5].

    La pornographie s’étend ainsi, au-delà des actes sexuels proprement dits, à des tortures, des sévices de toutes sortes, jusqu’à... la mort en direct, comme dans les snuff movies. C’est en ce sens et en ce sens seulement que la sexualité est mortifère.

    Que reste-t-il des délires sur la libération pornographique qui aurait eu pour effet de nous arracher à deux mille ans d’hypocrisie morale et religieuse ?

    Que reste-t-il du mythe du libre consentement des « acteurs » porno ?

    Rien, ou plutôt rien d’autre que la servitude volontaire que l’on donne pour de la libre adhésion.

    Que reste-t-il du sentiment de liberté du moi dans l’usage et le maniement sexuel (par d’autres) de son corps entièrement maîtrisé ?

    Un sujet vide et un corps nu, qui n’est plus un corps propre (mon corps), mais un corps-objet, sans doute vivant, mais si peu.

    Il faudrait retracer le cheminement qui, dans le rapport occidental à la sexualité, a rendu possible cette réduction du corps à un lieu de marquage du pouvoir et qui, aujourd’hui, se diffuse à travers l’industrie pornographique partout dans le monde, et à travers toutes les générations.

    Il ne m’est pas possible de le faire ici.

    Ce serait pourtant indispensable pour comprendre ce que d’autres excès et d’autres terreurs symétriques nous disent dans d’autres civilisations : la femme soumise au voile, interdite sous prétexte de pudeur.

    Les modes de marquage des corps sont susceptibles de nous apprendre beaucoup de choses sur l’histoire du pouvoir, en Occident comme ailleurs.

    Ici et maintenant, nous sommes loin de l’idéologie de la libération sexuelle des années 1970 : plutôt dans la servitude sexuelle ; pis, dans la destruction pornographique de la sexualité.

    NOTES

    [1] Cf. ci-dessous l’étude de Michela Marzano, « La pornographie et l’escalade des pratiques : corps, violence et réalité ».

    [2] Cf. Patrick Baudry, La pornographie et ses images, Paris, Armand Colin, 1997 ; Pocket, 2001, p. 13 sq.

    [3] Cf., ci-dessous, l’étude de Lubomira Radoilska, « La sexualité à mi-chemin entre l’intimité et le grand public », et celle de Pascale Molinier, « La pornographie “en situation” ».

    [4] Michel Foucault, L’herméneutique du sujet, (Cours au Collège de France, 1981-1982), Paris, Gallimard-Le Seuil, 2000.

    [5] Cf. ci-dessous l’article d’Alain Giami, « Pornographie et handicap ».

    http://www.cairn.info/revue-cites-2003-3-page-3.htm

    *****

    Yves Charles Zarka, Directeur de recherche au CNRS où il dirige le Centre d’histoire de la philosophie moderne et le Centre Thomas-Hobbes.

    Il enseigne également la philosophie politique moderne et contemporaine à l’Université de Paris I - Panthéon-Sorbonne.

    Il est notamment l’auteur de : La décision métaphysique de Hobbes. Conditions de la politique (Paris, Vrin, 1987 ; 2e éd., 1999) ; Hobbes et la pensée politique moderne (Paris, PUF, 1995 ; 2e éd., 2001) ; Philosophie et politique à l’âge classique (Paris, PUF, 1998) ; La questione del fondamento nelle dottrine moderne del diritto naturale (Naples, Editoriale Scientifica, 2000) ; L’autre voie de la subjectivité (Paris, Beauchesne, 2000) ; Figures du pouvoir : études de philosophie politique de Machiavel à Foucault (Paris, PUF, 2001 ; 3e éd., 2001) ; Quel avenir pour Israël ? (en collab. avec S. Ben-Ami et al., Paris, PUF, 2001, 2e éd. en poche, « Pluriel », 2002) ; Hobbes. The Amsterdam Debate (débat avec Q. Skinner), Olms, 2001. Il a, également, récemment publié : Raison et déraison d’État (Paris, PUF, 1994) ; Jean Bodin : nature, histoire, droit et politique (Paris, PUF, 1996) ; Aspects de la pensée médiévale dans la philosophie politique moderne (Paris, PUF, 1999) ; Comment écrire l’histoire de la philosophie ? (Paris, PUF, 2001) ; Machiavel, le Prince ou le nouvel art politique (Paris, PUF, 2001) ; Penser la souveraineté (2 vol.), Pise-Paris, Vrin, 2002, Les fondements philosophiques de la tolérance (3 vol.), Paris, PUF, 2002.

    http://www.sos-sexisme.org/hommes/liberteservitude.htm

  • " 'Vérité, amour et liberté' " (Gary Francione)

    http://i219.photobucket.com/albums/cc157/shayn_edge/vegan.jpg

    Chères collègues et chers collègues,

    Laissez-moi introduire les remarques suivantes en précisant que je ne doute aucunement de la sincérité des personnes impliquées dans l’évènement que je m’apprête à relater et à commenter.

    L’objectif de cet article est d’insister sur ce qui me semble être le message très confus et moralement problématique que véhicule un tel évènement.

    Mardi 21 juillet 2009, la Humane Society of the United States a tenu un évènement visant à encourager les grands chefs et les restaurants à appuyer le boycott de la HSUS à l’égard des fruits de mer canadiens, afin de presser le gouvernement canadien de cesser l’abattage commercial des phoques au Canada.

    Quelques détails :

    • L’évènement était tenu au (selon la HSUS) « nouveau, glamour et branché Policy ». Jetez un œil au menu de Policy. Y a-t-il même un seul produit animal qu’on n’y sert pas ? Ironiquement, le menu de Policy inclut des moules de l’Île-du-Prince-Édouard, qui, j’aurais cru, constituent des « fruits de mer canadiens ». Pourquoi est-ce que la HSUS ne pouvait pas tenir cet évènement dans un restaurant véganvéganisme éthique ? Voilà une opportunité manquée. Je dois noter que, selon la HSUS :

      Le thème de Policy, « Vérité, amour et liberté », est élégamment écrit sur ses murs et est parfaitement approprié pour la cause.

      Je me demande si les vaches, les veaux, les agneaux, les canards, les poulets, les poissons, etc. sont réconfortés de savoir que leurs cadavres sont servis dans un endroit où « Vérité, amour et liberté » est écrit sur le mur.

    • Il y a une certaine confusion quant au fait que de la nourriture était servie lors de l’évènement et que cette nourriture était végane. Selon la HSUS sur Twitter : « il n’y avait pas de nourriture et on pouvait entrer gratuitement ». Mais selon Pamela’s Punch:

      La nourriture était excellente et des bouchées étaient offertes telles que des tomates vertes frites accompagnées de salsa de maïs et de crème fraiche au romarin avec du tapioca.

      J’ai appelé la HSUS et j’ai pu parler avec la personne dont le nom était indiqué comme contact-médias pour l’évènement et lui ai demandé si de la nourriture était servie et si celle-ci était végane. On m’a affirmé que de la nourriture était servie, mais cette personne ne pouvait me dire si elle était végane. On m’a aussi dit que le choix des mets offerts était fait par les chefs qui participaient, et non pas par la HSUS.

    • L’évènement était coparrainé par plusieurs chefs qui, bien qu’ils servent de la viande, du poisson et à peu près tous les autres produits animaux, comptent :

      parmi les plus fervents promoteurs des fermes locales, des animaux élevés de manière humanitaire et de la communauté.

      En fait, un des coparrains a publié sur son menu :

      Les mets marqués d’un astérisque contiennent des produits d’animaux certifiés humanitaires. Ils rencontrent les standards du programme Humane Farm Animal Care, qui inclut une diète nutritive sans antibiotiques ou hormones; des animaux élevés dans un endroit où ils ont accès à un abri, à des zones de repos, à suffisamment d’espace et où ils peuvent s’adonner à leurs comportements naturels.

    • Pour en savoir plus sur les sceaux d’approbation du programme de la Humane Farm Animal Care, qui est coparrainé par la HSUS et d’autres groupes, voyez mon article sur les étiquettes de certification « humanitaire ».

    • Lors de l’évènement, des mannequins tout en jambe accueillaient les invités sous un soleil éclatant.
    • Mais l’aspect le plus troublant de cet évènement touche le concept de boycott lui-même, lorsqu’un nonhumain sensible est utilisé de manière instrumentale comme monnaie d’échange pour en sauver un autre.

      Il doit être remarqué que le boycott de la HSUS n’est pas une chose simple :

      Note : L’interdiction contient une exemption pour les produits issus de la chasse traditionnelle par les Inuits et les membres d’autres peuples indigènes.

      Il y a trois niveaux distincts à ce boycott.

      Les restaurants ont fait des promesses à différents niveaux : tous les fruits de mer canadiens ; les fruits de mer des provinces maritimes (Terre-Neuve, Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse et Québec) ; ou le crabe des neiges du Canada.

      Puisque la campagne de boycott ProtectSeals contre les fruits de mer a été lancée, plus de 600,000 individus et plus de 5,000 épiceries et restaurants ont promis d’éviter certains ou même tous les fruits de mer canadiens jusqu’à ce que la chasse aux phoques soit abandonnée pour de bon.

      (Puisque les moules servies chez Policy, où l’évènement était tenu, provenaient de l’Île-du-Prince-Édouard, je suppose que, l’exception concernant les Inuits ne s’appliquant pas, le restaurant s’était engagé à respecter le troisième boycott, soit celui qui porte sur le crabe des neiges.)

      Sans considérer les nombreux niveaux de boycott, les exemptions, etc., je suis très déçu que des défenseurs des animaux considèrent comme légitime d’utiliser un animal comme monnaie d’échange politique pour en sauver un autre.

      Le boycotte de la HSUS implique que :

      (1) les poissons et les autres nonhumains aquatiques n’ont pas de valeur inhérente et ne sont que des choses que nous pouvons utiliser, de manière instrumentale, pour sauver des animaux auxquels nous accordons de la valeur ;

      (2) il est permis de continuer à manger des animaux de la mer qui ne proviennent pas du Canada; 

      (3) il serait permis de manger des animaux de mer canadiens si ce n’était de la chasse aux phoques ;

      et (4) lorsque la chasse aux phoques (autre que celle perpétrée par les Inuits) sera abolie (ou règlementée afin que les défenseurs des animaux puissent déclarer victoire), le boycott sera abandonné et il sera de nouveau moralement permis de manger des animaux de mer canadiens.

      Les poissons ne sont peut-être pas aussi « charmants » que les phoques, mais ils accordent de la valeur à leur propre vie tout autant que les phoques en accordent à la leur.

      De plus, les chefs qui ont co-organisé cet évènement avec la HSUS servent de la viande et d’autre produits animaux dans leurs restaurants.

      Quelle est la différence entre les vaches ou les agneaux ou les poulets servis dans leurs restaurants et les phoques dont l’abattage leur semble inacceptable ?

      Il n’y a, bien entendu, aucune différence.

      Absolument aucune.

      La HSUS a rendu disponible un vidéo de l’évènement; un véritable chef-d’œuvre de confusion morale.

      Plusieurs chefs y sont interviewés et condamnent « l’abattage barbare d’animaux sans défense » et la « mise à mort inhumaine de tout animal ».

      Ces paroles, bien sûr, s’appliquent aux phoques, pas aux animaux qu’ils aprêtent et servent dans leurs restaurants.

      Si ce n’était pas aussi tragique, ce degré de déconnexion morale serait amusant.

      Je souhaite sincèrement que ces chefs, qui sont si préoccupés par les phoques du Canada, en viennent à percevoir l’égale importance morale des animaux dont le corps et les produits sont servis dans leurs restaurants de D.C..

      Je trouve que cette manière d’approcher l’éthique animale est des plus troublantes.

      En plus de créer un problème moral évident, je pense que le message qui est envoyé est, au plan purement pratique, très confus et confondant.

      Nous devrions boycotter la consommation de certains poissons afin de mettre un terme à la chasse « non inuite » des phoques alors que, au même moment, nous continuons tous à encourager l’abattage d’autres animaux, qui ne sont aucunement différents des phoques que nous voulons sauver - mis à part le fait que l’exploitation des premiers est économiquement intéressante alors que l’abattage des phoques n’est profitable qu’à des gens qui ne sont pas impliqués dans les organisations américaines de défense du bien-être animal.

      Gary L. Francione

      http://www.abolitionistapproach.com/fr/2009/07/23/verite-amour-et-liberte/

  • "Expérimentation animale : un mal nécessaire ?" (Florence Burgat)

    http://41.img.v4.skyrock.net/41d/stop-vivisection/pics/161567969_small.jpg

    Le numéro 1 de la Revue semestrielle de droit animalier vient de paraître.

    Ce numéro compte 230 pages.

    Cette revue est à conseiller tant à ceux qui travaillent sur des campagnes/thèmes dans des associations animalistes qu'à ceux qui s'intéressent à la question animale dans le cadre de travaux universitaires ou d'un travail d'édition, ou qui sont simplement désireux de s'informer.

    Cette revue est éditée par l'université de Limoges (faculté de droit et des sciences économiques), dirigée par le professeur Jean-Pierre Marguénaud.

    Elle peut être téléchargée à cette adresse : http://www.unilim.fr/omij/rubriques/index.php?rubrique=42

    Ce numéro contient un gros dossier thématique (pages 161 à 230) sur l'expérimentation animale, dirigé par Florence Burgat (par ailleurs auteur d'un des articles).

    Dossier qui aborde le sujet sous l'angle éthique, scientifique, juridique, historique.

    http://florianelia.over-blog.com/article-33901736.html

    ***

    Parmi les formes d’utilisation des animaux, l’expérimentation semble occuper une place à part.

    En effet, lorsqu’il s’agit de soupeser la légitimité morale de chacune d’elles, on apprécie les avantages qui en sont retirés à l’aune d’un calcul qui met en balance les coûts pour l’animal et les bénéfices pour l’homme ; les fins ne sont donc pas toutes jugées systématiquement bonnes.

    Au regard de cette évaluation utilitariste, la fin justifie les moyens et les intérêts individuels sont subordonnés à ceux du plus grand nombre.

    De cette mise à l’épreuve, la chasse, la corrida, le port de fourrure ou la consommation de foie gras, notamment, devraient sortir vaincus puisqu’ils n’ont que le plaisir comme critère, au contraire de l’expérimentation animale qui relèverait d’un plus noble dessein : produire de la connaissance, dont une partie peut être utile à la santé humaine, voire animale dans certains cas.

    Mais un tiers de son domaine à peine pourrait tirer parti d’un tel calcul, car l’expérimentation est loin de se cantonner à la recherche médicale ; le recours aux animaux n’est pas une exception, il constitue au contraire la règle généralisée et systématique, comme l’énumération des domaines où ils sont convoqués en convainc.

    Quoique déséquilibrée et viciée dans son principe, puisque celui qui souffre subit en pure perte pour lui maux et plaies dont il ne réchappera pas, cette balance conduit à qualifier l’expérimentation de « mal nécessaire ».

    On élimine ainsi la question portant sur la légitimité de l’expérimentation et on l’élève dans le même temps au rang d’une pratique désormais « éthique ».

    Toute interrogation sur les fondements est donc d’avance tranchée et l’« éthique » cantonnée à la déontologie des bonnes pratiques : tu ne feras point souffrir inutilement les animaux de laboratoire.

    Du reste, prendre vraiment au sérieux l’injonction du « respect » dû aux animaux de laboratoire ne laisserait pas indemne leur statut, et un tel risque ne saurait être pris.

    On tente donc (c’est ce que je voudrais montrer), de manière très contrôlée et à des fins dilatoires, de mobiliser l’attention en direction de la seule procédure : un vocabulaire outrancièrement éthique est mis en place, tandis que la notion de « modèle animal » constitue le moment culminant et le piège profond de l’abstraction.

    Continuité et discontinuité : le paradoxe expérimental

    L’expérimentation sur les animaux est un mal nécessaire, dit-on.

    Est ainsi admis le double principe selon lequel les animaux sont au service des fins de l’homme et selon lequel on ne peut se passer d’eux pour faire progresser la recherche.

    Tout se passe par ailleurs comme si la reconnaissance du mal pardonnait la faute à demi.

    On présente comme une nécessité ce qui relève en réalité d’une décision métaphysique, morale et politique, sinon d’un pur pragmatisme cynique : puisque la continuité psycho-biologique entre les animaux et l’homme est établie, profitons-en !

    Il est à plusieurs égards sophistique de caractériser l’expérimentation animale comme un « mal nécessaire » : entreprise planifiée et routinière, elle est fondée sur le choix délibéré qu’une partie des organismes servira à la compréhension d’autres organismes, les premiers ne valant que biologiquement, les seconds valant moralement, et métaphysiquement aux yeux de certains.

    Aussi une continuité forte, voire une identité, entre l’animal et l’homme est-elle requise, et affirmée, pour valider l’expérimentation sur le plan scientifique, tandis qu’une discontinuité, d’un tout autre ordre et jamais clairement définie, intervient à pour permettre l’exploitation sereine de la continuité biologique préalablement posée.

    Un dualisme interne à l’homme vient prêter main-forte à cette logique : le corps humain est qualifié d’« animalité organique », de sorte que cette part vile peut être réparée par du vil (substances ou organes animaux ou, sur un plan plus abstrait, connaissances provenant de l’expérimentation animale) sans que son porteur en soit lui même avili.

    Mais qu’en est-il de la vie mentale, qu’il va donc falloir naturaliser à l’extrême et distinguer de toute « intériorité », qu’on réservera à l’homme ?

    C’est là, dans le cas de la modélisation des psychopathologies, que les limites du fondement analogique sur lequel repose l’expérimentation sont les plus manifestes.

    C’est aussi là qu’apparaît avec le plus de force le paradoxe de l’expérimentation : l’animal de laboratoire ne présente pas seulement l’avantage d’être un « organisme entier » : il a une vie psychique que l’on peut détraquer à loisir.

    On soumet des rats à une lumière intense, au bruit, à des chocs, à des traumatismes en tout genre qui sont censés reproduire le « stress de la vie moderne », et l’on teste leur résistance à tout ceci grâce aux antidépresseurs, anxiolytiques, etc.

    On évoquera le « test de la nage forcée » : lorsque les animaux comprennent qu’il n’ont aucune possibilité de cesser de nager, on regarde si le groupe auquel l’antidépresseur a été administré résiste mieux que l’autre à une situation sans issue.

    Ne doit-on pas, par parenthèse, s’interroger sur la psychologie de ceux qui ont conçu ces tests ?

    Plaques chauffantes ou réfrigérantes, piscines destinées à la nage forcée, et différents modèles de guillotines, pour en finir !

    La vue de ces équipements déniaise le candide, qui appréciera aussi l’humour du fabriquant : sur la plaque réfrigérante, un rat à la Walt Disney est déguisé en skieur, mais il a à proximité sa « bouée canard », car la neige fond à haute température !

    La similitude psychophysiologique entre les espèces, requise par l’extrapolation et sans laquelle l’expérimentation perd toute pertinence scientifique, rend du même coup vaine l’invocation de différences propres à tracer entre l’homme et les animaux une ligne de partage bien nette.

    Il faut trouver une différence ineffable.

    Le recours explicite à « l’éminente dignité métaphysique de l’homme » pour rendre raison des maux infligés aux animaux dans les laboratoires n’est plus guère de mise.

    On reconnaît de plus en plus volontiers que l’expérimentation animale constitue un mal que seule la recherche de remèdes aux « terribles maladies » qui accablent l’homme peut justifier.

    Mais l’argument se ne détruit-il pas de lui-même puisqu’il s’agit d’infliger à des animaux ces mêmes terribles maladies — identité sans laquelle la recherche d’un remède pour l’homme serait nulle et non avenue ?

    S’il n’est en effet pas moral d’introduire dans un œil humain des substances corrosives pour évaluer les dégâts qu’elles y causent, on voit mal — œil pour œil — pour quelles raisons il est moral de faire subir la même chose à un animal.

    Les tenants de l’expérimentation animale la déclare morale au motif que ce qui ne l’est pas, c’est ne de pas tout tester sur les animaux, aussi longtemps et sur autant d’espèces qu’il le faudra.

    L’argument de la maladie et de la souffrance humaines ne vaut pourtant que si les souffrances dont on afflige les animaux ne sont, elles, ni terribles ni réelles.

    Par quel tour de passe-passe le cancer de la souris, dont le développement doit permettre d’élaborer un traitement sur l’homme, est-il moins terrible et moins douloureux pour elle que pour « nous », la terreur induite d’un animal rendu fou de peur moins pénible pour lui que pour « nous » ?

    « Qui, nous ? ».

    Il faudrait prolonger cette remarque par une réflexion sur la solitude radicale de l’animal de laboratoire qui, dépourvu des armes de la compréhension et de la distanciation, ne peut prendre aucun recul à l’égard d’un mal qui l’accapare tout entier, sans espoir ni consolation d’aucune sorte.

    L’animal est encore, selon le constat (non pas désolé mais au contraire rassuré) de François Dagognet, « un vivant qui ne peut pas s’opposer ».

    Alors que la notion de consentement éclairé est au cœur de la bioéthique, l’animal de laboratoire est ce double de l’homme d’autant plus parfait qu’il est à tous égards impuissant à s’opposer aux traitements qu’on lui fait subir.

    Au fondement du consentement se tient le caractère indisponible du corps, en tant qu’il se confond avec l’individu selon une adhérence primitive, de sorte qu’il est impossible d’avoir un corps sans être en même temps ce corps.

    C’est ce qu’un dualisme persistant, et si utile ici, ne veut pas voir.

    On pourrait ajouter à ces premières raisons qui mettent en question l’évidence de l’expérimentation sur les animaux, le fait qu’elle cultive l’insensibilité.

    Songe-t-on en effet suffisamment à ce dont se nourrit le geste expérimental : nuire ?

    La notion de « modèle animal » ou le moment culminant de l’abstraction

    Toute une série d’opérations contribuent à déréaliser les animaux : ils ont été mis au monde, élevés, parfois « préparés », pour servir la recherche ; ils deviennent des « animaux d’expérience », et une fois entrés dans cette catégorie, ils ne sont plus regardés autrement ; aussi apparaissent-ils dans la rubrique « matériel et méthode » des articles scientifiques.

    Ce sont des modèles biologiques, et c’est peut-être ici que l’opération d’abstraction atteint son point culminant.

    Car le modèle n’est qu’un outil explicatif ; c’est là sa seule valeur.

    Le « modèle animal » se réduit à ce qu’il doit exprimer, mettre en évidence ; il se confond avec la maladie, le symptôme ou le comportement qu’il doit développer.

    Le paradoxe interne à l’expérimentation tient en ceci : ce qui la rend possible en fait sur un plan l’invalide en droit sur un autre plan.

    En effet, on affirme une nécessaire proximité psychophysiologique entre l’homme et les animaux, de sorte que l’un vaut pour l’autre, mais il faut la nier dans le même temps pour fonder une relation sans réciprocité.

    La notion de modèle constitue la résolution, si l’on peut dire, de cette difficulté, dans la mesure où le modèle dit à la fois la proximité avec les objets dont il permet l’explicitation, le caractère interchangeable de ses représentants (l’animal de laboratoire est un spécimen) et de ce fait sa pauvreté ontologique : il permet en effet l’intelligibilité de ce qui importe sans importer lui-même.

    Avec le modèle biologique, d’artificiel (maquette) le modèle devient naturel (un individu vaut pour un autre).

    Notons encore que l’analogie est au fondement de l’activité de modélisation : continuités analogiques, mais discontinuités ontologiques.

    L’animal va au laboratoire comme spécimen, mais aussi suppléant de l’homme : sa singularité est doublement niée.

    De chaque affection humaine, on cherche le meilleur modèle animal (le singe modèle de ceci, le chien modèle de cela, tandis que sur les rongeurs, comme l’écrit élégamment François Lachapelle, « on fait le gros du travail »).

    Le « bon modèle » est celui qui développe bien la maladie.

    La notion de modèle animal contient, au deux sens du terme, le paradoxe de l’expérimentation : le révèle et le retient.

    Le révèle puisqu’il pose une identité sur un plan (psychophysiologique) entre l’homme et les animaux, le retient par le sous-entendu d’une différence radicale (métaphysique ?) sur un autre plan.

    N’y a-t-il pas alors quelque chose d’insupportable dans cette manière d’opposer les souffrances, de juger certaines dignes d’être prises en considération, tandis que d’autres sont ravalées au rang de moyens ?

    Depuis quel sommet parle-t-on pour déclarer la souffrance animale moralement nulle et non avenue, quand elle n’est pas mise en doute dans sa réalité même ?

    Souffrance aux hommes, nociception aux animaux.

    Notons que la validité scientifique de l’extrapolation est de plus en plus contestée.

    « Aucune espèce animale n’est le modèle d’une autre », assènent certains scientifiques.

    Le caractère minoritaire, et courageux, de leur prise de position les ont amenés à s’associer.

    Ce doute jeté sur la validité de l’extrapolation, et par conséquent sur la fiabilité des résultats qui en sont issus, se fait jour dans les revues scientifiques, y compris de vulgarisation.

    Les objections à l’expérimentation proviennent donc pour une part de scientifiques qui discréditent la pertinence de l’extrapolation de l’animal à l’homme.

    Puisque les animaux vont au laboratoire comme suppléants de l’homme, expérimenter sur eux n’est jamais qu’un pis-aller, et c’est la raison pour laquelle le chercheur est, au cas par cas, en quête du meilleur modèle.

    Cette méthode, qui répond à une compréhension réductionniste des organismes vivants, bloque l’avancée de connaissances fondées sur d’autres conceptions de la maladie et de ses causes, néglige une véritable réflexion sur les modes de vie, dédaigne la prévention, est, enfin, prête à tout puisque tout est testé et méprise la mise au point de méthodes substitutives à l’expérimentation animale offertes par les méthodes d’investigation les plus avancées.

    La réponse déontologique : encadrement et bonnes pratiques

    Une fois engloutie la possibilité d’un jugement sur le fond, la place peut être entièrement occupée par l’injonction des « bonnes pratiques de laboratoire », parfois appelées, pour leur donner un peu de relief, les « devoirs de l’homme à l’égard des animaux de laboratoire », incluant des considérations sur leur « bien-être », leur « dignité », le « respect qui leur est dû ».

    Partout, il fait état d’« éthique de l’expérimentation », et celle-ci s’honore désormais d’une charte, dont l’article 1 est intitulé Respect de l’animal et dans lequel il est déclaré :

    « L’éthique de l’expérimentation animale est fondée sur le devoir qu’a l’Homme de respecter les animaux en tant qu’êtres vivants et sensibles ».

    On notera le traitement typographique différentiel : grand H pour l’homme, petit a pour les animaux !

    Cet article ne saurait fournir meilleur exemple du procédé qui vise à mobiliser l’attention du côté de ce qui n’est en réalité qu’un rappel élémentaire de la déontologie.

    Par la remarquable inflation de ce vocabulaire, par la création de comités d’éthique (en très large majorité composés de personnes favorables à l’expérimentation), on veut convaincre tout un chacun de la conscience aiguë, douloureuse nous dira-t-on bientôt, que le chercheur a de faire le mal — mais pour un bien — et de la responsabilité qui pèse sur ses épaules.

    Est aussitôt évoqué le spectre des maux humains, brandi pour convaincre, c’est-à-dire emporter l’adhésion par la peur (dont on connaît la puissance de tout faire admettre) et pour donner à croire que c’est en tuant les uns que l’on sauvera les autres, selon un principe qui n’est peut-être pas dépourvu d’une certaine dimension sacrificielle.

    Comme si ce sombre calcul nous rassurait.

    Comme si on se trouvait toujours face à la fameuse alternative – votre chien ou votre bébé – et qu’il fallait forcément se résoudre à choisir l’un contre l’autre.

    Si les défenseurs de l’expérimentation reprochent aux défenseurs des animaux de « jouer sur les émotions », ceux-ci n’ont rien à envier à ceux-là, mais les premiers font appel à l’égoïsme de chacun d’entre nous, tandis que les autres font appel à la compassion en chacun d’entre nous, voire au sentiment de justice.

    La rhétorique lénifiante du « bien-être animal », émanant de chercheurs soucieux de pérenniser une pratique de plus en plus controversée, emboîte le pas à l’effort du législateur pour encadrer l’expérimentation, tandis que Claude Bernard se contentait de dire qu’il faisait des vivisections pour voir.

    Ils promettent que tout est mis en œuvre pour « limiter les souffrances inutiles » et s’en tenir « aux cas de stricte nécessité », selon les termes de la loi.

    On prendra la mesure de cette stricte nécessité en considérant les finalités de l'expérimentation sur les animaux, fixées par le L’article R214-87 :

    « Sont licites les expériences ou recherches pratiquées sur des animaux vivants à condition, d'une part, qu'elles revêtent un caractère de nécessité et que ne puissent utilement y être substituées d'autres méthodes expérimentales et, d'autre part, qu'elles soient poursuivies aux fins ci-après :

    1° Le diagnostic, la prévention et le traitement des maladies ou d'autres anomalies de l'homme, des animaux ou des plantes ;

    2° Les essais d'activité, d'efficacité et de toxicité des médicaments et des autres substances biologiques et chimiques et de leurs compositions, y compris les radioéléments, ainsi que les essais des matériels à usage thérapeutique pour l'homme et les animaux ;

    3° Le contrôle et l'évaluation des paramètres physiologiques chez l'homme et les animaux ;

    4° Le contrôle de la qualité des denrées alimentaires ;

    5° La recherche fondamentale et la recherche appliquée ;

    6° L'enseignement supérieur ;

    7° L'enseignement technique et la formation professionnelle conduisant à des métiers qui comportent la réalisation d'expériences sur des animaux ou le traitement et l'entretien des animaux ;

    8° La protection de l'environnement ».

    Parvient-on à cette lecture à se représenter la quantité et le type d’expériences effectuées, dont le champ est véritablement infini ?

    Rien de ce que nous touchons, inhalons, mangeons, nos maladies et leurs remèdes, nos armes (nucléaires, chimiques, bactériologiques), jadis nos voitures (singes occupant la place du conducteur pour tester les chocs violents) n’échappe au contrôle par l’animal.

    On peut douter de l’impact de cette orientation réformiste pour deux types de raisons.

    Le premier porte sur les limites effectives de la réponse déontologique.

    Limites de l’encadrement juridique : les domaines d’application sont sans bornes ; une liberté totale est laissée au chercheur dans l’évaluation de la « nécessité » de l’expérience et dans sa conduite ; l’éventuel contrôle par les services vétérinaires ne porte que sur l’animalerie et les conditions d’hébergement des animaux ; l’évaluation des protocoles ne peut guère rencontrer d’obstacles, tant il a été veillé à ce que les comités d’éthique ne comportassent pas d’opposants à l’expérimentation ; notons enfin l’immobilisme de la structure européenne de validation des méthodes alternatives (ECVAM) qui entretient un cercle vicieux, car le législateur recommande de ne recourir aux animaux que si aucune autre méthode n’est disponible, or tout semble mis en œuvre pour que ces alternatives ne voient pas le jour.

    Quant à la formation, j’ai appris par une communication personnelle que les techniciens ne savaient tout simplement pas quels étaient les anesthésiants et les analgésiques adaptés à une chèvre ou un cochon, l’enseignement ne portant que sur les rongeurs !

    Tout est fait dans les discours et dans les textes pour conforter le credo du « oui, mais sans souffrance » ; il ne résiste pas à l’examen le plus élémentaire.

    Le second type de raisons tient dans l’injonction contradictoire qui consiste à conserver aux animaux leur statut d’animal de laboratoire tout en invoquant le « respect qui leur est dû » : à quoi, exactement doit-on du respect, dès lors que l’animal que l’on a sous la main va souffrir délibérément sous sa puissance ?

    S’il était vraiment « respectable », serait-il sur la paillasse ?

    On voit mal comment, dans le cadre réglementaire que nous avons décrit, une activité pourrait changer de statut tout en conservant son caractère routinier.

    Comme le souligne Jean-Pierre Marguénaud, on ne peut espérer voir appliqués les textes actuellement en vigueur dans le Code pénal, où se fait jour le souci de l’animal pour lui-même, dans un contexte où ce dernier possède le statut de bien dans le Code civil.

    Le problème est ici exactement le même : comment, dans un contexte où l’animal est – de fait – un matériel expérimental espérer qu’il se dote tout à coup, sous la main des mêmes personnes, dans les mêmes laboratoires et en étant destinés aux mêmes fins, d’un statut tout autre ?

    On sait bien que l’expérimentation animale n’est possible que si l’animal est vu comme du matériel, certes précieux, certes vivant, ce qui nécessite de prendre des précautions pour qu’il ne meure pas avant d’avoir répondu à la question qui lui est posée ou pour que ses souffrances, qu’il faut alors alléger, ne brouillent ni le déroulement ni les résultats attendus de l’expérience.

    Dès lors que l’animal de laboratoire deviendrait ce fameux « être sensible auquel on doit le respect », c’en sera fini de l’expérimentation, car le déni sur lequel elle s’appuie sera déjoué.

    Nous ne sommes pas en train de minimiser l’importance qu’il y a à observer les règles les plus strictes ni de décourager les propositions destinées à encadrer cette pratique ; nous nous employons à dissocier clairement deux choses : la réponse déontologique à une pratique dont le principe est toujours déjà admis et la discussion portant sur ce principe lui-même.

    Au terme de ce bref examen, ne doit-on pas admettre que c’est un pur pragmatisme, que l’on tente d’habiller pour le rendre moins cynique, qui motive l’expérimentation animale ?

    Mais à pragmatisme, pragmatisme et demi : n’est-ce pas alors sur l’homme lui-même qu’il faudrait expérimenter et non sur des modèles approximatifs qui font perdre du temps à la science et la font parfois gravement errer ?

    Où mène en effet l’idée que la fin justifie les moyens ?

    Que l’on songe combien tout peut être défendable par ce biais, et combien le critère de l’utilité peut tout cautionner, dès lors que l’on a décidé de prendre le point de vue du bénéficiaire.

    Florence Burgat, INRA-RITME, Université de Paris I, EXeCO

  • Une révolution du coeur (Francione)

    http://3.bp.blogspot.com/_nGtw0-cHs0k/SjvrqBXhXYI/AAAAAAAABYg/7C4thfV--aA/s400/StopViolence.jpg

    Chères collègues et chers collègues,

    Plusieurs défenseurs des animaux supposent que nous avons besoin d’une organisation - quelque organisation que ce soit - afin de défendre les animaux nonhumains ; que nous avons besoin d’un dirigeant - quelque dirigeant que ce soit - pour nous indiquer la voie à suivre.

    À mon avis, c’est une mauvaise manière d’envisager les choses.

    Malheureusement, dans un monde où tout est traité comme une marchandise, la justice sociale, c’est un peu surprenant, est elle-même devenue une commodité et elle est vendue, en plusieurs saveurs, par des corporations qui se partagent le marché de la compassion.

    Ces compagnies ont fait un formidable travail pour nous convaincre que la participation à toutes les luttes morales, incluant particulièrement la lutte pour les animaux, signifie leur faire parvenir un chèque.

    Dans un monde où nous acceptons des milliers de hiérarchies sans même le remarquer et sans même remettre en question le concept même de hiérarchie, nous présupposons que nous avons besoin de dirigeants pour nous montrer la voie.

    Ces dirigeants sont généralement les cadres des compagnies de la compassion.

    Et être simplement en désaccord avec leurs déclarations vaut d’être étiqueté de « puriste », d’« élitiste », de « réfractaire » de « condescendant » ou encore d’être considéré comme « une personne qui ne se soucie pas de la souffrance animale », etc., etc., etc..

    Je crois que cette manière de penser fait obstacle à notre cheminement vers l’objectif qui nous anime.

    Nous n’arriverons nulle part en bricolant une prétendue solution à la surface du problème.

    Nous n’arriverons nulle part en faisant la promotion des œufs de poules élevées hors cage, de la « viande heureuse » ou du lait biologique.

    Nous n’arriverons nulle part en nous assoyant nus dans des cages en prétendant que nous cédons au sexisme qui corrode insidieusement notre culture « pour la cause animale ».

    Cette approche entière ne fait que renforcer l’idée que nous pouvons nous débarrasser des injustices en consommant ; que nous pouvons échanger un type d’exploitation pour un autre; que nous pouvons acheter la compassion.

    Nous ne le pouvons pas.

    Dans un monde où les femmes, les personnes de couleur, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées mentalement, les pauvres et d’autres êtres humains sont traités comme des citoyens de deuxième classe (au mieux) par le patriarcat privilégié qui dirige tout, les animaux nonhumains sont, de plusieurs façons, les plus vulnérables d’entre tous.

    Nous pouvons non seulement les torturer et les tuer en toute impunité, mais on s’attend à ce que nous le fassions.

    Bien que la violence contre un autre humain puisse entrainer une sorte de critique sociale ou même une sanction criminelle, la violence à l’encontre des nonhumains est généralement considérée comme une vertu, particulièrement lorsqu’elle est dite « humaine ».

    Ceux qui refusent de participer au carnage sont perçus comme des anormaux, presque antisociaux par, et surtout par, les grandes organisations qui déclarent qu’éviter tous les produits animaux et promouvoir le véganisme comme principe moral de base est « extrême ».

    Il est mal de traiter les fermiers, les chercheurs qui pratiquent la vivisection ou les producteurs de fourrure d’« ennemis ».

    Ils ne font que répondre à la demande - la nôtre.

    Ils ne font que ce que nous leur demandons de faire.

    Ils ne sont pas le problème - nous le sommes.

    L’abolition de l’exploitation animale exige un changement de paradigme.

    Elle exige que nous rejetions la violence à sont niveau le plus fondamental.

    Elle exige que nous reconnaissions que la violence est mauvaise, de manière inhérente.

    L’abolition de l’exploitation animale exige une révolution non violente - une révolution du cœur.

    Cette révolution ne sera pas le résultat du travail d’un dirigeant.

    Elle ne peut qu’arriver en chacun de nous, autant que nous sommes.

    Et elle le peut, si nous le voulons bien.

    Nous n’avons pas besoin de dirigeants.

    Nous devons admettre que chacun de nous peut - et doit - devenir le dirigeant si nous voulons avoir quelque espoir de nous sortir de cette catastrophe que nous appelons le monde.

    Et cela commence par notre propre véganisme - pas à titre de « mode de vie flexible » - mais comme un engagement basique, fondamental et non négociable à la non violence.

    Le véganisme éthique représente notre engagement envers l’idée que nous n’avons aucune justification morale d’utiliser des animaux - peu importe que ce soit de manière « humaine » ou non - pour nos propres fins.

    Cela fait suite à nos efforts quotidiens pour éduquer les autres, de manière créative, positive et non violente à propos du véganisme - quelque chose que chacun de nous peut faire s’il le veut.

    Chaque jour, nous avons l’opportunité d’éduquer notre famille, nos amis, nos collègues de travail et les gens que nous rencontrons dans les magasins ou les autobus.

    Est-il plus facile de remettre un chèque à quelqu’un d’autre que de faire le travail soi-même ?

    Bien sûr que ce l’est.

    Mais ça ne fonctionnera pas.

    Pour arriver à la justice, nous n’avons pas besoin de corporation.

    En fait, plus nous nous appuyons sur elles, plus loin nous resterons de notre objectif.

    Nous avons besoin d’un mouvement sur le terrain qui exige la paix, de manière pacifique.

    Malheureusement, les organisations de défense des animaux sont devenues des vendeurs modernes d’indulgences, semblables à l’Église catholique médiévale.

    Plusieurs personnes - peut-être la plupart - se préoccupent de la question de l’exploitation animale.

    Plusieurs ressentent une culpabilité tenace à l’égard de la consommation de produits d’origine animale.

    Plusieurs aiment leurs animaux de compagnie et les traitent comme des membres de la famille, mais ils plantent leur fourchette dans le corps d’autres animaux et, à un niveau ou un autre, perçoivent le paradoxe moral.

    Mais il n’y a pas de souci à se faire.

    Faites un don et ces groupes s’occuperont d’améliorer les choses.

    Ils « minimiseront » la souffrance animale; ils « aboliront » les pires abus.

    Je soutiens que, tout comme acheter une indulgence de l’Église ne nous garde pas loin de l’enfer (si l’enfer existe), acheter quelques parts de la compassion à l’origine des « œufs de poules élevées sans cage » que vendent certains organismes ne gardera pas les animaux à l’extérieur de l’enfer qui existe très certainement pour eux et dans lequel ils souffrent et meurent chaque jour.

    Nous devons changer la manière dont les humains envisagent les nonhumains ; nous devons changer la manière dont les humains envisagent la violence.

    Que ce soit la guerre pour atteindre la paix, ou le sexisme pour obtenir l’égalité des genres ou la torture plus « humaine » pour sensibiliser à propos des animaux, nous devons nous débarrasser de l’idée que la violence peut être utilisée comme un moyen d’atteindre de nobles fins.

    S’il vous plait, notez que je ne suis pas en train de dire que ceux qui sont impliqués dans les groupes welfaristes et néo-welfaristes ne sont pas sincères.

    Pendant si longtemps, on nous a dit que c’était la seule voie, que c’était les réformes welfaristes ou rien.

    Je ne porte aucun jugement moral sur eux en tant qu’individus et j’espère qu’ils ne portent aucune jugement sur moi, même s’ils rejettent l’approche abolitionniste des droits des animaux que j’ai développée et défendue.

    Je suis simplement en désaccord avec eux et je soutiens que l’état actuel des choses est une preuve accablante que leur interprétation du problème ne fonctionne tout simplement pas.

    Si qui que ce soit considèrent ces remarques comme de la « diffamation » ou de la « diabolisation », sachez, je vous pris, que ce n’est pas mon intention.

    Gary L. Francione

    P.-S. : ceci est paru dans le Huffington Post aujourd’hui : « Quiconque pense aider les animaux est, je le soumets humblement, dans l’illusion. Nous n’arrêterons pas l’exploitation animale en faisant la promotion de l’exploitation des femmes. »

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    Article pertinent :

    1. Une autre « révolution » welfariste qui n’en était pas une

    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2009/07/14/une-revolution-du-coeur/

  • Elisabeth Badinter : "Adresse à celles qui portent volontairement la burqa" (Nouvel Obs)

    http://www.palmbeachpost.com/localnews/content/shared-blogs/palmbeach/cerabino/media/burqa%20centerfold.jpg

    Après que les plus hautes autorités religieuses musulmanes ont déclaré que les vêtements qui couvrent la totalité du corps et du visage ne relèvent pas du commandement religieux mais de la tradition, wahhabite (Arabie Saoudite) pour l'un, pachtoune (Afghanistan/Pakistan) pour l'autre, allez-vous continuer à cacher l'intégralité de votre visage ?

    Ainsi dissimulée au regard d'autrui, vous devez bien vous rendre compte que vous suscitez la défiance et la peur, des enfants comme des adultes.

    Sommes-nous à ce point méprisables et impurs à vos yeux pour que vous nous refusiez tout contact, toute relation, et jusqu'à la connivence d'un sourire ?

    Dans une démocratie moderne, où l'on tente d'instaurer transparence et égalité des sexes, vous nous signifiez brutalement que tout ceci n'est pas votre affaire, que les relations avec les autres ne vous concernent pas et que nos combats ne sont pas les vôtres.

    Alors je m'interroge : pourquoi ne pas gagner les terres saoudiennes ou afghanes où nul ne vous de mandera de montrer votre visage, où vos filles seront voilées à leur tour, où votre époux pourra être polygame et vous répudier quand bon lui semble, ce qui fait tant souffrir nombre de femmes là- bas ?

    En vérité, vous utilisez les libertés démocratiques pour les retourner contre la démocratie.

    Subversion, provocation ou ignorance, le scandale est moins l'offense de votre rejet que la gifle que vous adressez à toutes vos soeurs opprimées qui, elles, risquent la mort pour jouir enfin des libertés que vous méprisez.

    C'est aujourd'hui votre choix, mais qui sait si demain vous ne serez pas heureuses de pouvoir en changer.

    Elles ne le peuvent pas...

    Pensez-y.

    Elisabeth Badinter

    Le Nouvel Observateur

    http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2331/articles/a405327-.html?xtmc=adresseacellesquiportentlaburqa&xtcr=1