Chères collègues et chers collègues,
Plusieurs défenseurs des animaux supposent que nous avons besoin d’une organisation - quelque organisation que ce soit - afin de défendre les animaux nonhumains ; que nous avons besoin d’un dirigeant - quelque dirigeant que ce soit - pour nous indiquer la voie à suivre.
À mon avis, c’est une mauvaise manière d’envisager les choses.
Malheureusement, dans un monde où tout est traité comme une marchandise, la justice sociale, c’est un peu surprenant, est elle-même devenue une commodité et elle est vendue, en plusieurs saveurs, par des corporations qui se partagent le marché de la compassion.
Ces compagnies ont fait un formidable travail pour nous convaincre que la participation à toutes les luttes morales, incluant particulièrement la lutte pour les animaux, signifie leur faire parvenir un chèque.
Dans un monde où nous acceptons des milliers de hiérarchies sans même le remarquer et sans même remettre en question le concept même de hiérarchie, nous présupposons que nous avons besoin de dirigeants pour nous montrer la voie.
Ces dirigeants sont généralement les cadres des compagnies de la compassion.
Et être simplement en désaccord avec leurs déclarations vaut d’être étiqueté de « puriste », d’« élitiste », de « réfractaire » de « condescendant » ou encore d’être considéré comme « une personne qui ne se soucie pas de la souffrance animale », etc., etc., etc..
Je crois que cette manière de penser fait obstacle à notre cheminement vers l’objectif qui nous anime.
Nous n’arriverons nulle part en bricolant une prétendue solution à la surface du problème.
Nous n’arriverons nulle part en faisant la promotion des œufs de poules élevées hors cage, de la « viande heureuse » ou du lait biologique.
Nous n’arriverons nulle part en nous assoyant nus dans des cages en prétendant que nous cédons au sexisme qui corrode insidieusement notre culture « pour la cause animale ».
Cette approche entière ne fait que renforcer l’idée que nous pouvons nous débarrasser des injustices en consommant ; que nous pouvons échanger un type d’exploitation pour un autre; que nous pouvons acheter la compassion.
Nous ne le pouvons pas.
Dans un monde où les femmes, les personnes de couleur, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées mentalement, les pauvres et d’autres êtres humains sont traités comme des citoyens de deuxième classe (au mieux) par le patriarcat privilégié qui dirige tout, les animaux nonhumains sont, de plusieurs façons, les plus vulnérables d’entre tous.
Nous pouvons non seulement les torturer et les tuer en toute impunité, mais on s’attend à ce que nous le fassions.
Bien que la violence contre un autre humain puisse entrainer une sorte de critique sociale ou même une sanction criminelle, la violence à l’encontre des nonhumains est généralement considérée comme une vertu, particulièrement lorsqu’elle est dite « humaine ».
Ceux qui refusent de participer au carnage sont perçus comme des anormaux, presque antisociaux par, et surtout par, les grandes organisations qui déclarent qu’éviter tous les produits animaux et promouvoir le véganisme comme principe moral de base est « extrême ».
Il est mal de traiter les fermiers, les chercheurs qui pratiquent la vivisection ou les producteurs de fourrure d’« ennemis ».
Ils ne font que répondre à la demande - la nôtre.
Ils ne font que ce que nous leur demandons de faire.
Ils ne sont pas le problème - nous le sommes.
L’abolition de l’exploitation animale exige un changement de paradigme.
Elle exige que nous rejetions la violence à sont niveau le plus fondamental.
Elle exige que nous reconnaissions que la violence est mauvaise, de manière inhérente.
L’abolition de l’exploitation animale exige une révolution non violente - une révolution du cœur.
Cette révolution ne sera pas le résultat du travail d’un dirigeant.
Elle ne peut qu’arriver en chacun de nous, autant que nous sommes.
Et elle le peut, si nous le voulons bien.
Nous n’avons pas besoin de dirigeants.
Nous devons admettre que chacun de nous peut - et doit - devenir le dirigeant si nous voulons avoir quelque espoir de nous sortir de cette catastrophe que nous appelons le monde.
Et cela commence par notre propre véganisme - pas à titre de « mode de vie flexible » - mais comme un engagement basique, fondamental et non négociable à la non violence.
Le véganisme éthique représente notre engagement envers l’idée que nous n’avons aucune justification morale d’utiliser des animaux - peu importe que ce soit de manière « humaine » ou non - pour nos propres fins.
Cela fait suite à nos efforts quotidiens pour éduquer les autres, de manière créative, positive et non violente à propos du véganisme - quelque chose que chacun de nous peut faire s’il le veut.
Chaque jour, nous avons l’opportunité d’éduquer notre famille, nos amis, nos collègues de travail et les gens que nous rencontrons dans les magasins ou les autobus.
Est-il plus facile de remettre un chèque à quelqu’un d’autre que de faire le travail soi-même ?
Bien sûr que ce l’est.
Mais ça ne fonctionnera pas.
Pour arriver à la justice, nous n’avons pas besoin de corporation.
En fait, plus nous nous appuyons sur elles, plus loin nous resterons de notre objectif.
Nous avons besoin d’un mouvement sur le terrain qui exige la paix, de manière pacifique.
Malheureusement, les organisations de défense des animaux sont devenues des vendeurs modernes d’indulgences, semblables à l’Église catholique médiévale.
Plusieurs personnes - peut-être la plupart - se préoccupent de la question de l’exploitation animale.
Plusieurs ressentent une culpabilité tenace à l’égard de la consommation de produits d’origine animale.
Plusieurs aiment leurs animaux de compagnie et les traitent comme des membres de la famille, mais ils plantent leur fourchette dans le corps d’autres animaux et, à un niveau ou un autre, perçoivent le paradoxe moral.
Mais il n’y a pas de souci à se faire.
Faites un don et ces groupes s’occuperont d’améliorer les choses.
Ils « minimiseront » la souffrance animale; ils « aboliront » les pires abus.
Je soutiens que, tout comme acheter une indulgence de l’Église ne nous garde pas loin de l’enfer (si l’enfer existe), acheter quelques parts de la compassion à l’origine des « œufs de poules élevées sans cage » que vendent certains organismes ne gardera pas les animaux à l’extérieur de l’enfer qui existe très certainement pour eux et dans lequel ils souffrent et meurent chaque jour.
Nous devons changer la manière dont les humains envisagent les nonhumains ; nous devons changer la manière dont les humains envisagent la violence.
Que ce soit la guerre pour atteindre la paix, ou le sexisme pour obtenir l’égalité des genres ou la torture plus « humaine » pour sensibiliser à propos des animaux, nous devons nous débarrasser de l’idée que la violence peut être utilisée comme un moyen d’atteindre de nobles fins.
S’il vous plait, notez que je ne suis pas en train de dire que ceux qui sont impliqués dans les groupes welfaristes et néo-welfaristes ne sont pas sincères.
Pendant si longtemps, on nous a dit que c’était la seule voie, que c’était les réformes welfaristes ou rien.
Je ne porte aucun jugement moral sur eux en tant qu’individus et j’espère qu’ils ne portent aucune jugement sur moi, même s’ils rejettent l’approche abolitionniste des droits des animaux que j’ai développée et défendue.
Je suis simplement en désaccord avec eux et je soutiens que l’état actuel des choses est une preuve accablante que leur interprétation du problème ne fonctionne tout simplement pas.
Si qui que ce soit considèrent ces remarques comme de la « diffamation » ou de la « diabolisation », sachez, je vous pris, que ce n’est pas mon intention.
Gary L. Francione
P.-S. : ceci est paru dans le Huffington Post aujourd’hui : « Quiconque pense aider les animaux est, je le soumets humblement, dans l’illusion. Nous n’arrêterons pas l’exploitation animale en faisant la promotion de l’exploitation des femmes. »
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Article pertinent :
- Une autre « révolution » welfariste qui n’en était pas une
http://www.abolitionistapproach.com/fr/2009/07/14/une-revolution-du-coeur/